Risque et vulnérabilité

Ferréol Gilles

• Éditeur: EME Editions
• Année: 2014
• ISBN de l'eBook: 9782806610645
• Sujet: Social Sciences
• Sujet: Sociology

Cet ouvrage, fruit d'une étroite collaboration entre enseignants-chercheurs appartenant à diverses institutions, porte sur la problématique du risque et de la vulnérabilité. Les contributions retenues, présentées pour la plupart lors d'un colloque interdisciplinaire qui s'est tenu à Besançon les 21 et 22 mars 2013, proposent tout d'abord des éléments de cadrage, de nature historique et philosophique. De nombreuses études de cas servent ensuite de support à la réflexion et ont trait à la santé et à la dépendance...

INTRODUCTION

Gilles FERRÉOL1

Les 21 et 22 mars 2013, dans les locaux de l’UPFR Sports de l’Université de Franche-Comté, le laboratoire C3S accueillait près d’une trentaine d’enseignants-chercheurs dont les projets de communication avaient été retenus dans le cadre du colloque international, pluridisciplinaire, ayant pour thème : risque et vulnérabilité.

Toutes ces interventions, retravaillées par leurs auteurs, forment l’ossature de cet ouvrage et peuvent être regroupées en cinq grandes parties. La première propose des éléments de cadrage et de problématisation. Bernard Jolibert, tout d’abord, privilégie une double approche : étymologique et philosophique. Au-delà des usages habituels dans le domaine médical ou financier, un tel questionnement nous éclaire utilement sur notre condition d’êtres humains soumis aux aléas de l’existence, le « déferlement sécuritaire » qui prévaut de nos jours étant davantage créateur d’angoisses que rassurant. Gilles Ferréol, s’interrogeant sur la fragilisation du milieu aquatique dans les pays en voie de développement, prolonge la réflexion par une discussion critique des principes de précaution, de responsabilité et de réciprocité. Michel Cucchi, de même, attire l’attention sur les impasses du « réductionnisme scientifique » et sur les menaces que fait peser l’ « empire des gènes ». Le rapport à l’autre, poursuit Jean-Yves Causer, ne se conçoit que dans une perspective « transactionnelle » où la visée « associationniste » va de pair avec une « activation des solidarités ».

Après cette entrée en matière, place alors à des études de cas ayant trait à la santé et à la dépendance, au handicap et aux pathologies invalidantes, qu’il s’agisse de lombalgies chroniques (Michel Aptel), de polyarthrite rhumatoïde (Laurent Mourot), de vieillissement musculaire (Gilles ravier) ou de grossesses à problèmes (Tossou Atchrimi). L’accent est mis sur l’ « urgence d’une prise en charge globale », à la fois « intégrative » et « coordonnée », sur la nécessité d’une « pratique régulière d’exercices physiques adaptés » (durée, intensité, modalité et fréquence de réalisation), sur des protocoles de « reconditionnementprogressif » ou sur la promotion de « référents sociocognitifs » associant tradition et modernité.

Autre champ d’investigation : la jeunesse, les mécanismes de socialisation et le système éducatif. C’est ainsi qu’Éric Dugas, Thibaut Hébert et Colette Comble – prenant appui sur les enseignements de la théorie des jeux – s’intéressent aux violences et aux incivilités scolaires, au profil de victimes potentielles confrontées à un sentiment de « mal-être » et aux dispositifs de prévention et de protection susceptibles d’être mis en œuvre. Alexandre Mairot, de son côté, entend nous sensibiliser aux limites et aux imperfections des procédures de recueil et de traitement des données, songeons en particulier à la « base-élèves » – utilisée dans chaque rectorat pour dénombrer les effectifs du secondaire – et aux sources d’erreurs qu’elle engendre. Dans une optique similaire, Marc Camiolo entreprend une déconstruction des logiques et des représentations sous-tendant les apprentissages de la conduite routière. Jean-François Huraut, pour sa part, se penche sur les phénomènes d’addiction et sur les comportements à risques propres à l’adolescence et aux adeptes de free-running. Bruno Laffort, enfin, reconstitue le parcours du combattant des étudiants étrangers souhaitant s’inscrire dans nos universités, les obstacles rencontrés pour l’obtention d’un « ticket d’entrée » ou la reconduction d’un titre de séjour étant ici très pénalisants.

La quatrième partie est consacrée aux trajectoires et aux biographies, aux destinées et aux ancrages. Sébastien Haissat et Éric Monnin examinent, sous cet angle, la thématique du respect de l’autonomie décisionnelle des personnes vulnérables en EPHAD et ses répercussions sur les conditions de travail des infirmières et des aides-soignantes en proie à des dissonances ou à des injonctions paradoxales. Anne-Marie Mamontoff, quant à elle, pointe les transformations de l’identité tsigane et de son rapport à la toxicomanie et à la délinquance. La figure ou, plutôt, la voix d’Edith Piaf – Joëlle-Andrée Deniot a raison d’y insister – incarne, à sa façon, une tension fondatrice entre « quête de dépassement » et « fascination de la perte ». Face à la modernité, ajoute Jean-Luc Roques, les petites villes – autre illustration – oscillent entre attirance et répulsion, hypertrophie et rétraction, submersion et crispation.

Le dernier volet se focalise sur les contextes professionnels, migratoires et socioculturels. Alain Bihr dénonce ainsi l’ « essentielle précarité du salariat », conséquence inéluctable du « cours chaotique de la reproduction du capital ». Feirouz Boudokhane-Lima, dans un autre registre, préfère évoquer les mésusages du mail ou de la « blogsphère » et les dérives communicationnelles qui en découlent : « infobésité », vide social… Sont aussi pris en compte les accidents du travail auxquels est exposée la main-d’œuvre immigrée dans le secteur du BTP (Abdel-Halim Berretima), les stratégies d’adaptation aux situations de famine ou de malnutrition dans l’espace saharo-sahélien (Stéphane Callens), l’imaginaire arabo-musulman tel qu’il est décliné dans les contes des Mille et une nuits, aux antipodes de la rationalité calculatrice (Ahmed Moro), ou bien encore le processus de démocratisation en cours en Tunisie et ses vicissitudes (Ali Elloumi).

Un volume, on le voit, bien charpenté, solidement étayé et qui ouvre des pistes fécondes nous invitant, par un « retour salutaire sur nous-mêmes », à « prendre conscience, de manière toujours plus aiguë, de la souffrance et de la mort qui reste notre ultime lot »2.

CHAPITRE 1
Convient-il de prendre des risques ?

Bernard JOLIBERT3

Vu l’abus de ces deux termes dans la langue courante, il semble utile de commencer par préciser leur signification générale afin de saisir d’emblée le motif de leur rapprochement, motif qui n’est pas si évident qu’il pourrait sembler à première vue. On verra ensuite combien le fait de les penser ensemble, au-delà de l’usage technique courant dans le domaine médical ou financier, peut nous éclairer sur notre condition morale d’êtres humains soumis aux aléas de l’existence.

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I. Un point de vocabulaire

Risque : du bas latin riscus (ou risicus) par l’italien risco , le terme viendrait soit du verbe latin resecare (rocher découpé, écueil), soit du grec rhizikon de rhiza (racine, sans doute sur laquelle on trébuche). Pris dans l’usage courant, comme synonyme de danger, de hasard, de péril, d’inconvénient, d’aléa, le terme a, dans le domaine des assurances, un sens plus précis : il désigne l’éventualité d’un événement ne dépendant pas exc...

Table des matières

• INTRODUCTION