Polarisation et enjeux des mouvements migratoires entre les deux rives de la Méditerranée
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Polarisation et enjeux des mouvements migratoires entre les deux rives de la Méditerranée

  1. 234 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Polarisation et enjeux des mouvements migratoires entre les deux rives de la Méditerranée

À propos de ce livre

Du 17 au 19 avril 2012, s'est tenu à Béjaïa un colloque internationnal consacré à la polarisation et aux enjeux des mouvements migratoires entre les deux rives de la Méditerranée. Quatorze communications ont été ici retenues et regroupées en deux grandes parties. La première se propose d'apporter des éléments de cadrage et de problématisation. Sont notamment privilégiés des aspects méthodologiques (à travers une discussion critique des opérateurs de classement ou de catégorisation des...

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Informations

Éditeur
EME Editions
Année
2013
ISBN de l'eBook
9782806611048

CHAPITRE 1
CLASSER, DÉSIGNER ET DÉNOMMER. DE L’ÉTRANGER ILLÉGITIME À L’IMMIGRÉ

Smaïn LAACHER3
Pourquoi l’immigration est-elle toujours un domaine réservé de l’État, un enjeu si fondamental pour la souveraineté nationale ? Pourquoi l’inclination naturelle des institutions est-elle de réduire le plus souvent cette immigration à une simple affaire de gestion policière ? Sans aucun doute la force, l’efficacité et la crédibilité de ces deux pouvoirs de régulation que sont la police et l’État se construisent-elles en partie dans la conjugaison de leur capacité respective à discipliner les flux et à réguler les stocks migratoires. Mais le pouvoir de l’État en matière d’immigration ne s’illustre pas seulement statistiquement, en faisant du « chiffre » pour parler comme les policiers (nombre élevé d’expulsions, de détentions pour séjour irrégulier, etc.). Il réside surtout dans la manifestation d’une volonté symbolique faite au nom du Peuple : se préserver du dehors, sélectionner les entrants et contrôler les présents. Ce sont là autant de conditions nécessaires pour persévérer dans son être national et ainsi maintenir l’opposition (en droit et dans les faits) entre le national et le non-national comme principe de discrimination positive pour les nationaux (Laacher, 2002).
Le pouvoir d’État est un pouvoir d’effet de théorie et un pouvoir de nomination sans égal. Des mots comme « immigrés », « clandestins », « sans-papiers », « migrants économiques » « faux réfugiés », etc., ne sont pas seulement des mots du langage ordinaire ; ce sont avant tout des catégories d’État au travers desquelles celui-ci pense et définit les non-nationaux, les classe en ayants droit ou sans droits, les inclue ou les exclue de la protection, les intègre ou les écarte de la citoyenneté. Mais c’est aussi à l’aide de ces catégories qu’il se pense et se définit lui-même ; on pourrait ajouter : au travers desquelles il réaffirme chaque jour sa puissance politique et son monopole de la violence légitime. Les différences structurales entre le monde des sans-papiers et le monde des « clandestins » sont en grande partie dues à la contribution spécifique de l’État dans son travail de construction et de différenciation des critères et des identités sociales et juridiques : les sans-papiers sont un problème politique, digne d’intérêt politique ; les autres (les clandestins en transit, les déboutés du droit d’asile atteints d’une grave maladie, et tous ceux qu’on refuse d’accueillir mais qu’on n’expulse pas) relèvent de l’urgence humanitaire. Pour éviter toute approximation conceptuelle, je voudrais préciser brièvement les principes distinctifs entre
ces deux groupes d’étrangers : le sans-papiers et le clandestin.
***

I. Les figures de l’étranger hors la loi

Le premier est doté d’une identité collective construite dans la lutte avec d’autres groupes sociaux et politiques. Surtout, le sans-papiers sollicite le droit de résider temporairement ou en permanence dans son nouveau pays d’accueil. Cette sollicitation ne se déroule pas dans un face-à-face singulier entre l’État et la personne, elle s’inscrit et trouve sa légitimité politique dans un cadre collectif construit dans la seule perspective d’établir un rapport de force favorable à la demande de régularisation. Cet étranger, dépourvu d’identité légale mais non d’existence publique, est une sorte de nouvel exclu qui prétend perturber l’ordre naturel de la domination et de la frontière entre nationaux et non-nationaux en s’invitant dans le politique. Avec les sans-papiers, l’institution d’une « communauté close et proportionnée » (Tassin, 2003, p. 277) devient à la fois fragile, aléatoire, non définitive ; en tout cas, nullement en dehors du politique et de l’action politique. Cette figure se sépare résolument de la figure du clandestin. Je devrais dire, pour être plus précis, des deux autres figures du clandestin. Examinons tout d’abord la première, celle qui est perçue négativement. Celui qui s’y rattache a partie liée, pendant un temps plus ou moins long, au secret et aux pratiques subreptices (au sens d’obtenir par surprise, à l’insu de la volonté d’autrui). Il est condamnable et ne cesse d’être condamné. Il est celui qui cause du tort à tous et à tout : au droit, à la législation nationale et aux conventions internationales, à la nation dont il viole les principes de l’hospitalité d’État, aux autres immigrés depuis longtemps installés. Surtout, il devient un être mauvais et imprévisible dès lors que ses propos, ses gestes et ses déplacements échappent à l’enregistrement et aux contrôles des pouvoirs d’État. Sa présence n’est ni perçue ni posée en termes d’intégration mais en termes de sécurité nationale et de soucis humanitaires. Il constitue ces populations flottantes qui, par définition, sont de partout et de nulle part.
Mais, par un effet de redéfinition esthétique, cet être flottant devient l’autre clandestin, le clandestin de l’écriture cinématographique et théâtrale. Celui-là est montré et décrit comme un héros des temps modernes, une sorte d’esquisse avant l’heure du paria cosmopolite, notre condition ontologique future dans un monde « mondialisé ». Il est celui qui brave l’absurdité des frontières, de toutes les frontières (symboliques et matérielles) qui séparent et opposent entre eux les peuples, les États et les nations. Depuis quelques années, en France et en Europe, on assiste à un véritable engouement esthétique pour le thème de l’asile, des réfugiés et des proscrits. Il me semble que l’appropriation artistique des conditions d’existence de ces populations et de leur statut national et international, au moins dans sa forme la plus contemporaine, est relativement nouvelle.
Je ne mentionnerai ici, très brièvement, que quelques exemples particulièrement connus de cette mise en scène esthétique du paria.

II. Esthétisation de la souffrance

En novembre 2002, Peter Sellars, qui était directeur du théâtre de Washington en 1985, met en scène au théâtre de Bobigny The Children of Herakles, d’Euripide. Dans les Héraclides qui datent maintenant d’au moins vingt-cinq siècles, Euripide expose les éléments constitutifs de ce qui sera, plus tard, le droit d’asile présenté non seulement comme un impératif moral mais aussi comme un principe fondateur de la démocratie. Sellars dit du texte d’Euripide qu’ « il a décrit il y a 25 siècles ce qui se passe aujourd’hui. Quand j’ai parlé de sa pièce à des professionnels du théâtre, ils m’ont dit que c’était un texte faible. Quand je l’ai fait lire à ceux qui s’occupent des droits de l’homme, ils m’ont dit que c’est une description scientifique de ce qui se passe avec les réfugiés : l’expulsion ou la fuite, la peur, la libération quand ils ont trouvé une terre d’asile – mais aussi la question de la revanche ou de la vengeance, qui se pose toujours, que ce soit au Rwanda ou en Serbie » (Salino, 2002, p. 33).
Restons dans l’univers théâtral. La troupe d’Ariane Mnouchkine a présenté en 2003 et 2004 Le Dernier Caravansérail à la Cartoucherie de Vincennes, une pièce en deux volets : Le Fleuve cruel en 2003, Origines et destins en 2004. C’est en véritables ethnologues qu’Ariane Mnouchkine et sa troupe essaient de comprendre les motifs, les gestes, les situations et les itinéraires de ces milliers de personnes qui cherchent à accéder à un pays riche. Shaghayegh Beheshti, jeune comédienne iranienne, explique ce qu’il a fallu mobiliser pour comprendre « ces souffrances venues d’ailleurs » : « On a regardé des films, des documentaires, des photos. On a écouté des chercheurs. » Mais, aussi et surtout, la troupe a recueilli des récits et des témoignages en Australie et à Sangatte (dans le Nord de la France).
Quittons maintenant le théâtre pour aller vers le cinéma. En octobre 2003, paraît sur les écrans un film de l’anglais Michael Winterbottom intitulé In this World. Avec beaucoup de tact, le réalisateur retrace le voyage clandestin de deux jeunes Afghans qui partent d’un camp de réfugiés au Pakistan jusqu’à l’Europe en passant par Sangatte. Le réalisateur, qui mêle plusieurs conventions narratives (la carte de géographie animée et les cartons qui précisent la date et le lieu), précise que son film « n’est pas une pure fiction » : « Les personnages sont des héros de fiction, mais leur parcours est fondé, jusque dans ses détails, sur des expériences et des récits d’immigrants clandestins. J’ai laissé, d’autre part, mes acteurs agir dans ce récit comme ils auraient été amenés à le faire dans la réalité. Jamal [le personnage principal du film] a d’ailleurs refait le voyage pour son propre compte une fois retourné en Afghanistan, et a demandé l’asile politique en Angleterre, qu’on lui a refusé. Ça m’intéresse que le spectateur se demande ce qui relève de la fiction et ce qui relève de la réalité » (Mandelbaum, 2003, p. 28.)
Je voudrais simplement souligner très brièvement un point qui mériterait de plus amples développements : celui de la difficile question des « passeurs ». L’existence de ces guides spéciaux n’est pas sans lien structural avec une forme de sélection sociale des candidats qui souhaitent se rendre clandestinement dans les pays riches. La clandestinité est le seul moyen d’arriver à bon port. Ainsi, un mode efficace de sélection de ces populations dans le pays d’origine réside dans la convergence d’un double mécanisme : celui, d’une part, d’un effort constant des pouvoirs d’État de « verrouiller » les frontières aux candidats à l’immigration clandestine et celui, d’autre part, du travail non moins constant des organisations de « passeurs » à faire payer au prix fort des voyages devenant de plus en plus aléatoires et risqués. C’est cette configuration inédite, et qui tend à se généraliser, qui m’autorise à penser qu’il existe une complicité objective (mais dénuée de toute idée de complot ou de manigances secrètes) entre les États nationaux, qui s...

Table des matières

  1. INTRODUCTION
  2. CHAPITRE 1 CLASSER, DÉSIGNER ET DÉNOMMER. DE L’ÉTRANGER ILLÉGITIME À L’IMMIGRÉ
  3. CHAPITRE 2 EXPÉRIENCES MIGRATOIRES ET ÉPISTÉMOLOGIES SÉDENTAIRES
  4. CHAPITRE 3 EXIL ET CRÉATIVITÉ, Ou la subjectivitÉ en question chez Jean Amrouche
  5. CHAPITRE 4 ABDELMALEK SAYADD’UNE RIVE À L’AUTRE : À PROPOS DE L’ŒUVRE D’UN SOCIOLOGUE
  6. CHAPITRE 5 L’IMPACT DE LA CRISE ÉCONOMIQUE SUR LES FLUX MIGRATOIRES DES PAYS DU SUD VERS LES PAYS DU NORD
  7. CHAPITRE 6 MIGRATIONS ET MIGRANTS DANS L’ESPACE MÉDITERRANÉEN
  8. CHAPITRE 7 DE LA MATRICE COLONIALE À LA MATRICE GLOBALISÉE : LE CAS DE L’ÉMIGRATION ALGÉRIENNE
  9. CHAPITRE 8 CANDIDATURE À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE ET VIOLENCES SYMBOLIQUES
  10. CHAPITRE 9 DIVERSIFICATION DES DESTINATIONS ET NOUVELLES STRATÉGIES DE DÉPART EN MÉDITERRANÉE OCCIDENTALE
  11. CHAPITRE 10 L’IMMIGRATION ALGÉRIENNE EN FRANCE. À PROPOS DE QUELQUES ENJEUX
  12. CHAPITRE 11 L’IMMIGRATION ALGÉRIENNE : RÉTROSPECTIVE ET PERSPECTIVES
  13. CHAPITRE 12 LES INTELLECTUELS ALGÉRIENS :ENTRE EXIL ET PRÉCARITÉ
  14. CHAPITRE 13 LA MIGRATION AFRICAINE EN ALGÉRIE : UNE ÉVENTUELLE INTÉGRATION OU UN PASSAGE À L’AUTRE RIVE DE LA MÉDITERRANÉE ?
  15. CHAPITRE 14 L’ÉMIGRATION IRRÉGULIÈRE DANS L’ALGÉRIE DU XXIe SIÈCLE.La production sociopolitique de l’exil à domicile
  16. Dans la collection « Mondes méditerranéens » :