L'amour singe
eBook - ePub

L'amour singe

  1. 254 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

À propos de ce livre

Les amours des singes et des humains, aussi choquantes qu'elles puissent paraßtre, ont profondément fasciné lŽOccident. DŽemblée, elles questionnent la rupture abyssale qui fonde notre rapport à lŽanimal, nous invitant à une plongée ambiguuë dans notre propre bestialité. Nous suivrons donc la trace de cet Amour Singe qui a progressivement acquis la prégnance d'un mythe sexuel. Des cynocéphales antiques aux amours simiesques de notre postmodernité, cŽest un continent enfoui qui peu à peu émerge.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramÚtres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptĂ©s aux mobiles peuvent ĂȘtre tĂ©lĂ©chargĂ©s via l'application. La plupart de nos PDF sont Ă©galement disponibles en tĂ©lĂ©chargement et les autres seront tĂ©lĂ©chargeables trĂšs prochainement. DĂ©couvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idĂ©al pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large Ă©ventail de sujets. AccĂ©dez Ă  la BibliothĂšque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, dĂ©veloppement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimitĂ© et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • IntĂ©gral: Parfait pour les apprenants avancĂ©s et les chercheurs qui ont besoin d’un accĂšs complet et sans restriction. DĂ©bloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres acadĂ©miques et spĂ©cialisĂ©s. Le forfait IntĂ©gral inclut Ă©galement des fonctionnalitĂ©s avancĂ©es comme la fonctionnalitĂ© Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement Ă  des ouvrages universitaires en ligne, oĂč vous pouvez accĂ©der Ă  toute une bibliothĂšque pour un prix infĂ©rieur Ă  celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! DĂ©couvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'Ă©couter. L'outil Écouter lit le texte Ă  haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accĂ©lĂ©rer ou le ralentir. DĂ©couvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire Ă  tout moment, n’importe oĂč — mĂȘme hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous ĂȘtes en dĂ©placement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antĂ©rieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à L'amour singe par Antonio Dominguez Leiva en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Ciencias sociales et Historia del mundo. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

Des cynocéphales aux nymphomanes bestiales

On sait que les babouins « Ă  tĂȘte de chien » (Papio cynocephalus), nommĂ©s ùùni par les anciens Égyptiens, Ă©taient des animaux sacrĂ©s reprĂ©sentĂ©s Ă  profusion sur divers temples et tombeaux dĂšs la pĂ©riode Protodynastique, et dont on exhume encore aujourd’hui les restes momifiĂ©s. Polyvalents, ils tĂ©moignent dĂ©jĂ  de toute la complexitĂ© symbolique qui va ĂȘtre associĂ©e Ă  la gent simiesque : en tant qu’animaux rituels ils sont associĂ©s aux ancĂȘtres royaux lors des festivitĂ©s du rajeunissement du monarque mais, Ă©galement diffĂ©rentes divinitĂ©s (HĂąpi, le dieu Ă  tĂȘte de babouin protecteur des poumons du dĂ©funt dans les vases canopes, Iouf et les singes armĂ©s gardant les tombes royales, Hedjour, Hehet, Qefedenou voire le dieu solaire RĂȘ lui-mĂȘme ou encore, exploitant le versant agressif de l’animal, les ennemis des dieux que sont Apophis ou Seth). C’est tout spĂ©cialement Ă  Thot, dieu de l’écriture, de l’équitĂ© et de la magie, que le babouin sacrĂ© est vouĂ©, l’assistant dans ses diverses tĂąches comme l’expose longuement McDarmott20.
Mais, pour ce qui relĂšve du symbolisme sexuel de la bĂȘte, c’est une divinitĂ© mineure assez mĂ©connue qui va l’incarner avec vĂ©hĂ©mence, l’imposant babouin ithyphallique Babi (littĂ©ralement le « taureau des babouins », affichant une double dominance gĂ©nĂ©siaque). Hyperbolique et polyvalent, son phallus est le verrou de la « porte du Paradis » qui ouvre au sanctuaire des dieux mais aussi le mĂąt du bateau qui mĂšne aux Ăźles fortunĂ©es de Aaru dans le Duat ou rĂšgne souterrain des morts. Illustration suprĂȘme de l’érotisme « en tant qu’affirmation de la vie jusque dans la mort » selon la cĂ©lĂšbre dĂ©finition de G. Bataille, il prĂ©side Ă  la sexualitĂ© du dĂ©funt dans l’Au-delĂ  et c’est en vue de conjurer l’impotence posthume et de jouir d’une vie future pleinement rĂ©ussie que ses fidĂšles lui adressent des priĂšres et des sorts. CorrĂ©lativement, l’aspect fĂ©roce de cette sur-virilitĂ©, marquĂ©e par la violence des babouins omnivores, le fait consommer les entrailles des morts et dĂ©vorer avec Ammout les Ăąmes des reprouvĂ©s par la loi de MaĂąt, lors de la cĂ©rĂ©monie de la pesĂ©e du cƓur dans la Salle des deux vĂ©ritĂ©s21.
L’impudicitĂ© du dieu s’approprie, en l’hypertrophiant, l’aspect physique des mĂąles hamadryas dont le pelage forme une pĂšlerine fournie s’arrĂȘtant aux hanches, exhibant Ă  tout moment leur sexe alors que le corps humain semble le cacher. Par ailleurs, ces babouins organisent les unitĂ©s sociales en harems oĂč un mĂąle adulte, trĂšs possessif, rĂšgne sur un groupe de femelles et il est frĂ©quent que des singes subalternes, fussent-ils mĂąles, prĂ©sentent leur croupe au mĂąle dominant en signe de soumission. Tout ceci dote Babi, totem ultime, d’un pouvoir phallique insurpassable.
C’est donc cette divinitĂ© mineure, babouin au pĂ©nis dressĂ© orchestrant les prouesses sexuelles des morts, qui inaugure le long cortĂšge des singes lubriques qui nous mĂšnera, du haut de son mĂąt en Ă©rection, jusqu’à Kong. Et c’est son ombre, ainsi que celle de ses congĂ©nĂšres sacrĂ©s qui s’étend sur la reprĂ©sentation du cynocĂ©phale lubrique (l’animal, par opposition au peuple monstrueux du mĂȘme nom auquel on l’assimilera parfois par la suite, dans les compilations mĂ©diĂ©vales) dont hĂ©rite l’AntiquitĂ© classique Ă  travers diffĂ©rents artefacts culturels Ă©gyptiens et les nombreux rĂ©cits de voyage de cette premiĂšre « globalisation » que fut l’hellĂ©nisme. Ainsi, Elien, qui raconte que « les Égyptiens avaient, sous les PtolĂ©mĂ©es, dressĂ© des cynocĂ©phales Ă  connaĂźtre les lettres, Ă  danser, Ă  jouer de la flĂ»te et Ă  toucher de la cithare », affirme que « les cynocĂ©phales et les boucs sont des animaux dissolus. Les poĂštes disent mĂȘme qu’ils ont commerce avec des femmes, ce qui semble Ă©merveiller Pindare ». À quoi il ajoute : « Et j’ai aussi entendu dire qu’ils avaient Ă©prouvĂ© un violent dĂ©sir pour des jeunes filles et mĂȘme leur avaient fait violence, surpassant ainsi en luxure les jeunes gens que MĂ©nandre a reprĂ©sentĂ©s dans sa comĂ©die des fĂȘtes de nuit22. »
Le fantasme du singe ravisseur Ă©merge ainsi dans la conscience occidentale comme spĂ©culation autour des reprĂ©sentations Ă©nigmatiques venues de la lointaine Égypte (tutrice en cela, comme en tant d’autres domaines, de la GrĂšce). L’aspect comique et satirique, introduit par la rĂ©fĂ©rence Ă  MĂ©nandre, renvoie Ă  la fois Ă  la condamnation morale d’un excĂšs de lubricitĂ© et Ă  la rĂ©appropriation grotesque de celle-ci, axes qui seront fortement exploitĂ©s lors du dĂ©veloppement des mythĂšmes de l’Amour Singe. Enfin, on pourra Ă©galement y voir la naturalisation, Ă  l’enseigne de l’exotisme, des vieilles hiĂ©rogamies divines dont les mythes grĂ©co-romains regorgent.
On sait comment celles-ci troublent, Ă  l’enseigne de l’érotisme sacrĂ©, la distinction entre l’homme et l’animal. Car si, selon la dĂ©claration des Larmes d’Éros, « l’animal, dont parfois la sensualitĂ© s’exaspĂšre, ignore l’érotisme », l’homme, lui, se dĂ©finit prĂ©cisĂ©ment par « la violence exaspĂ©rĂ©e, la violence dĂ©sespĂ©rĂ©e de l’érotisme », vivant « dans la sombre perspective de la mort23 ». Il n’y a donc que les dieux qui puissent lĂ©gitimement s’unir Ă  leur envers symĂ©trique qu’est l’animalitĂ©, ces deux extrĂȘmes dont l’homme est radicalement coupĂ©, comme le prouve toute la tradition des amours bestiales des dieux (GanymĂšde, LĂ©da, PasiphaĂ«, etc.) dont la pornoféérie occidentale se dĂ©lectera au fil des siĂšcles. On oubliera vite la base rituelle qui, dans l’enlĂšvement et l’accouplement de figures mythiques par les dieux du panthĂ©on grec sous des formes mĂ©tamorphosĂ©es, affirmait la souverainetĂ© indiscutable de ceux-ci sur d’autres divinitĂ©s prĂ©-hellĂ©nistiques qu’ils assimilaient Ă  leur « sphĂšre d’influence », voire dont ils phagocytaient les pouvoirs.
Mais il restera toujours, de ces amours bestiales de plus en plus coupĂ©es de tout rituel et esthĂ©tisĂ©es par les divers arts, la nostalgie d’un Ă©rotisme sacrĂ©, condensĂ© et promesse de l’orgie universelle oĂč tous les ĂȘtres de la Nature, et de la Sur-Nature, copulent incessamment en une magique harmonie. Si l’on suit l’analyse bataillienne, il s’agit alors, « libĂ©rant la ruĂ©e de l’exubĂ©rance, [d’accĂ©der] Ă  la fusion illimitĂ©e des ĂȘtres dans l’orgie », « effusion religieuse » et « dĂ©sordre de l’ĂȘtre qui se perd et n’oppose plus rien Ă  la prolifĂ©ration Ă©perdue de la vie », « fuite dans l’indistinction, oĂč les Ă©lĂ©ments stables de l’activitĂ© humaine se dĂ©robaient, oĂč il n’était plus rien qui ne perdĂźt pied ». « Cet immense dĂ©chaĂźnement parut divin, tant il Ă©levait l’homme au-dessus de la condition Ă  laquelle il s’était lui-mĂȘme condamnĂ©24 », conclut le philosophe de l’érotisme.
Or, force est de constater que, contrairement Ă  la splendeur du dieu Ă©gyptien, le singe entre dans la conscience occidentale comme un modeste parvenu, Ă©tranger et exotique, dont nulle hiĂ©rogamie divine ne se rĂ©clamera (contrairement aux taureaux, aigles et autres animaux totĂ©miques du panthĂ©on sexuel grĂ©co-romain). Nul mythe des origines, nul rite de fertilitĂ© n’y sera associĂ©, l’excluant du royaume de l’érotisme sacrĂ© et le cantonnant dans la sphĂšre la plus avilissante de la sexualitĂ© profane (celle-lĂ  mĂȘme oĂč se retrouvent liĂ©s barbares et animaux). Mais cet ostracisme se rĂ©vĂ©lera, Ă  la longue, une force, car le singe pourra ainsi, ironiquement, survivre aux totems sacrĂ©s des classiques qui, tels les satyres auxquels on n’aura de cesse de l’associer, disparaĂźtront sous les coups du scepticisme moderne. IrrĂ©mĂ©diablement soumis au regard anthropologique qui prĂ©side aux rĂ©cits de voyage, c’est dans les discours que celui-ci organise au fil du temps qu’il prospĂ©rera, jusqu’à devenir un vĂ©ritable mythe sexuel de la modernitĂ© sous la figure hyperbolique de King Kong, retrouvant l’écho perdu de la sacralitĂ© Ă©rotique propre aux hiĂ©rogamies primordiales.
ÉrigĂ© au rang d’auctoritas Ăšs zoologie, Élien sera sans cesse citĂ© tout au long du Moyen Âge, encourageant un processus d’amplificatio fantasmatique dans le cadre du paradigme chrĂ©tien hostile Ă  toute forme de luxure. ParallĂšlement, la diffusion du modĂšle iconographique du cynocĂ©phale ithyphallique contribue au succĂšs du thĂšme, que ce soit dans des figurines de terre cuite (30, 109, 164, 165 selon la classification proposĂ©e par McDermott dans son ouvrage pionnier sur la question simiesque25) ou de bronze (195), ainsi que les vases de verre (464), les mosaĂŻques (487, 493), les reliefs (501) et les gemmes (594, 591, 592 — cette derniĂšre image prĂ©sentant de façon assez crue une masturbation simiesque).
Hybride Ă©trange qui semble parodier de façon grotesque l’homme selon le cĂ©lĂšbre dictum de Ennius citĂ© par CicĂ©ron « Simia quam similis turpissima bestia nobis » (De Natura Deorum, I, XXXV) et inlassablement repris par la suite, le singe Ă©tait promis Ă  rejoindre le royaume des crĂ©atures demi-humaines qui alimentaient l’imaginaire exotique grĂ©co-romain. Qui plus est, ses perpĂ©tuelles Ă©rections le menaient tout droit vers la collusion avec un ĂȘtre omniprĂ©sent dans l’iconographie classique, vĂ©ritable vecteur du pansexualisme antique : le satyre. Unis par leur commune phallophorie (dont dĂ©riverait, selon Macrobe, le terme mĂȘme de satyre26), ils vont devenir d’étranges compagnons de route, le singe permettant une lecture Ă©vhĂ©mĂ©riste de son prĂ©dĂ©cesseur lĂ©gendaire, tout en en devenant en quelque sorte l’avatar abĂątardi.
DĂ©jĂ , chez Pline, le satyre devient une sorte de singe27, mais c’est chez Pausanias que l’amalgame dĂ©bouche sur un script fantasmatique qui ne cessera de hanter l’Occident : « Voulant savoir plus positivement Ă  quoi m’en tenir sur l’existence des Satyres, j’ai questionnĂ© beaucoup de monde, et voici ce que j’ai appris d’EuphĂ©mus Carien. S’étant embarquĂ© pour aller en Italie, il fut Ă©cartĂ© de sa route par les vents, et emportĂ© dans la mer extĂ©rieure (l’OcĂ©an), oĂč les vaisseaux ne vont jamais. Ils y virent beaucoup d’üles, les unes dĂ©sertes, les autres peuplĂ©es d’hommes sauvages. (
) Les matelots donnaient Ă  ces Ăźles le nom de Satyrides, leurs habitants sont roux et ont des queues presque aussi longues que celles des chevaux. Ils accoururent vers le vaisseau dĂšs qu’ils l’aperçurent, ils ne parlaient point, mais ils se jetĂšrent sur les femmes pour les violer. À la fin, les matelots Ă©pouvantĂ©s leur abandonnĂšrent une femme barbare qu’ils jetĂšrent dans l’üle, et les Satyres peu satisfaits des jouissances naturelles, assouvirent leur brutalitĂ© sur toutes les parties de son corps28. »
L’esthĂ©tique du rĂ©cit de voyages, articulĂ© autour d’un pacte de lecture d’authentification des donnĂ©es (fruit d’une vĂ©ritable enquĂȘte par le narrateur-auteur auprĂšs d’informateurs lĂ©gitimes) installe la scĂšne du fantasme (il s’agit d’un gang-bang bestial) dans la vraisemblance exotique. LocalisĂ©s dans la gĂ©ographie insulaire grecque, les satyres deviennent des crĂ©atures dĂ©senchantĂ©es, simple peuplade monstrueuse au milieu des mille autres prodiges de la gĂ©nĂ©sie luxuriante de Physis.
À la croisĂ©e d’Élien et de Pausanias, le singe est ainsi vouĂ©, dĂšs son entrĂ©e en Occident, Ă  la figure Ă©rotique du ravissement. Or, « depuis les rapts des Sabines, d’Europe et d’HĂ©lĂšne, le motif de l’enlĂšvement, intense et violent est au cƓur des arts Ă©rotiques », Ă©crit S. Hubier. « Sa force tient d’abord Ă  ce qu’il joint des Ă©lĂ©ments dynamiques, dramatiques et voyeuristes Ă  une rĂ©flexion sur les potentialitĂ©s du pathos et, au-delĂ , sur le prix de la transgression, de la sensibilitĂ© et de l’affectivitĂ©29. » Manifestation de la puissance masculine sur une captive « soumise, violentĂ©e, humiliĂ©e, sans dĂ©fense, enlevĂ©e Ă  son existence, arrachĂ©e Ă  tout ce qui assurait jusqu’alors la cohĂ©rence de sa personnalitĂ© », cette structure sera « singuliĂšrement rĂ©currente dans l’imaginaire sexuel occidental oĂč l’amour et le dĂ©sir sont souvent prĂ©sentĂ©s sur le modĂšle de la dĂ©vastation ou de la prĂ©dation30 ».
Ce « violisme » (« rapism ») Ă©rigĂ© par l’AntiquitĂ© classique en norme Ă©rotique dont, la promotion artistique des satyres marque l’apothĂ©ose, a pu ĂȘtre lu Ă  juste titre par les fĂ©ministes comme l’instauration du « rĂšgne du phallus », Ă  la fois sur les diffĂ©rentes divinitĂ©s fĂ©minines agricoles (on connaĂźt Ă  ce sujet les thĂ©ories parfois fantaisistes mais toujours stimulantes de R. Graves) et sur les auditrices et spectatrices de ces fables. Les singes se retrouvent alors « embrigadĂ©s » dans cette vĂ©ritable guerre des sexes qui oppose les satyres et leurs proies, les nymphes, expression d’une fĂ©minitĂ© dĂ©chue de ses pouvoirs ancestraux et qui n’a dĂ©sormais qu’à Ă©luder ou satisfaire les besoins de plus en plus pressants de ses lubriques dĂ©prĂ©dateurs. Et alors que ce combat Ă©rotisĂ© devient un des principaux prototypes des arts plastiques, enchantĂ©s par ce rĂȘve d’une pornotopie primordiale qui hantera l’imaginaire culturel de l’Occident, une place, encore toute prĂ©caire et discrĂšte, est donc assignĂ©e Ă  notre singulier animal dans le camp des ravisseurs.
L’amalgame entre les deux crĂ©atures, singe et satyre, sera cautionnĂ© par le grand compilateur chrĂ©tien du savoir zoologique antique, Isidore de SĂ©ville, qui distingue, parmi les cinq espĂšces de singes connues de son temps, les simia, sfingia, cynocĂ©phalus, satyrus et callithrix. Mais cette classification ne vise plus Ă  une rationalisation de la lĂ©gende, juxtaposant des crĂ©atures tout aussi fabuleuses les unes que les autres, car le singe anthropoĂŻde, qui restera inconnu de l’Europe chrĂ©tienne jusqu’au XVIIe siĂšcle, relĂšve du prodige tout autant que les peuplades cynocĂ©phales auxquelles son nom mĂȘme l’associe ou que les satyres lubriques et hommes sauvages dont il partage maint traits. C’est ainsi qu’il trouve sa place Ă  leur cĂŽtĂ© dans l’explosion des monstruositĂ©s qui accompagne la Renaissance du XIIe siĂšcle et qui va durer jusqu’à l’autre Renaissance du Quattrocento.
Ainsi, dans le manuscrit des PropriĂ©tĂ©s des bestes publiĂ© par M. de Xivrey et qui a Ă©tĂ© composĂ© en 1512 d’a...

Table des matiĂšres

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Comparaisons
  5. Titre
  6. Déjà parus
  7. Citation
  8. Du mĂȘme auteur
  9. Remerciements
  10. « King Kong girl »
  11. Préface de Frédérique Toudoire-Surlapierre
  12. Des cynocéphales aux nymphomanes bestiales
  13. La Révolution Sexuelle des Amours Simiesques
  14. Épilogue : ces femmes qui prĂ©fĂšrent (encore) les singes
  15. Table des matiĂšres