
- 254 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
L'amour singe
Ă propos de ce livre
Les amours des singes et des humains, aussi choquantes qu'elles puissent paraßtre, ont profondément fasciné lŽOccident. DŽemblée, elles questionnent la rupture abyssale qui fonde notre rapport à lŽanimal, nous invitant à une plongée ambiguuë dans notre propre bestialité. Nous suivrons donc la trace de cet Amour Singe qui a progressivement acquis la prégnance d'un mythe sexuel. Des cynocéphales antiques aux amours simiesques de notre postmodernité, cŽest un continent enfoui qui peu à peu émerge.
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Sujet
Ciencias socialesSujet
Historia del mundoDes cynocéphales aux nymphomanes bestiales
On sait que les babouins « Ă tĂȘte de chien » (Papio cynocephalus), nommĂ©s ùùni par les anciens Ăgyptiens, Ă©taient des animaux sacrĂ©s reprĂ©sentĂ©s Ă profusion sur divers temples et tombeaux dĂšs la pĂ©riode Protodynastique, et dont on exhume encore aujourdâhui les restes momifiĂ©s. Polyvalents, ils tĂ©moignent dĂ©jĂ de toute la complexitĂ© symbolique qui va ĂȘtre associĂ©e Ă la gent simiesque : en tant quâanimaux rituels ils sont associĂ©s aux ancĂȘtres royaux lors des festivitĂ©s du rajeunissement du monarque mais, Ă©galement diffĂ©rentes divinitĂ©s (HĂąpi, le dieu Ă tĂȘte de babouin protecteur des poumons du dĂ©funt dans les vases canopes, Iouf et les singes armĂ©s gardant les tombes royales, Hedjour, Hehet, Qefedenou voire le dieu solaire RĂȘ lui-mĂȘme ou encore, exploitant le versant agressif de lâanimal, les ennemis des dieux que sont Apophis ou Seth). Câest tout spĂ©cialement Ă Thot, dieu de lâĂ©criture, de lâĂ©quitĂ© et de la magie, que le babouin sacrĂ© est vouĂ©, lâassistant dans ses diverses tĂąches comme lâexpose longuement McDarmott20.
Mais, pour ce qui relĂšve du symbolisme sexuel de la bĂȘte, câest une divinitĂ© mineure assez mĂ©connue qui va lâincarner avec vĂ©hĂ©mence, lâimposant babouin ithyphallique Babi (littĂ©ralement le « taureau des babouins », affichant une double dominance gĂ©nĂ©siaque). Hyperbolique et polyvalent, son phallus est le verrou de la « porte du Paradis » qui ouvre au sanctuaire des dieux mais aussi le mĂąt du bateau qui mĂšne aux Ăźles fortunĂ©es de Aaru dans le Duat ou rĂšgne souterrain des morts. Illustration suprĂȘme de lâĂ©rotisme « en tant quâaffirmation de la vie jusque dans la mort » selon la cĂ©lĂšbre dĂ©finition de G. Bataille, il prĂ©side Ă la sexualitĂ© du dĂ©funt dans lâAu-delĂ et câest en vue de conjurer lâimpotence posthume et de jouir dâune vie future pleinement rĂ©ussie que ses fidĂšles lui adressent des priĂšres et des sorts. CorrĂ©lativement, lâaspect fĂ©roce de cette sur-virilitĂ©, marquĂ©e par la violence des babouins omnivores, le fait consommer les entrailles des morts et dĂ©vorer avec Ammout les Ăąmes des reprouvĂ©s par la loi de MaĂąt, lors de la cĂ©rĂ©monie de la pesĂ©e du cĆur dans la Salle des deux vĂ©ritĂ©s21.
LâimpudicitĂ© du dieu sâapproprie, en lâhypertrophiant, lâaspect physique des mĂąles hamadryas dont le pelage forme une pĂšlerine fournie sâarrĂȘtant aux hanches, exhibant Ă tout moment leur sexe alors que le corps humain semble le cacher. Par ailleurs, ces babouins organisent les unitĂ©s sociales en harems oĂč un mĂąle adulte, trĂšs possessif, rĂšgne sur un groupe de femelles et il est frĂ©quent que des singes subalternes, fussent-ils mĂąles, prĂ©sentent leur croupe au mĂąle dominant en signe de soumission. Tout ceci dote Babi, totem ultime, dâun pouvoir phallique insurpassable.
Câest donc cette divinitĂ© mineure, babouin au pĂ©nis dressĂ© orchestrant les prouesses sexuelles des morts, qui inaugure le long cortĂšge des singes lubriques qui nous mĂšnera, du haut de son mĂąt en Ă©rection, jusquâĂ Kong. Et câest son ombre, ainsi que celle de ses congĂ©nĂšres sacrĂ©s qui sâĂ©tend sur la reprĂ©sentation du cynocĂ©phale lubrique (lâanimal, par opposition au peuple monstrueux du mĂȘme nom auquel on lâassimilera parfois par la suite, dans les compilations mĂ©diĂ©vales) dont hĂ©rite lâAntiquitĂ© classique Ă travers diffĂ©rents artefacts culturels Ă©gyptiens et les nombreux rĂ©cits de voyage de cette premiĂšre « globalisation » que fut lâhellĂ©nisme. Ainsi, Elien, qui raconte que « les Ăgyptiens avaient, sous les PtolĂ©mĂ©es, dressĂ© des cynocĂ©phales Ă connaĂźtre les lettres, Ă danser, Ă jouer de la flĂ»te et Ă toucher de la cithare », affirme que « les cynocĂ©phales et les boucs sont des animaux dissolus. Les poĂštes disent mĂȘme quâils ont commerce avec des femmes, ce qui semble Ă©merveiller Pindare ». Ă quoi il ajoute : « Et jâai aussi entendu dire quâils avaient Ă©prouvĂ© un violent dĂ©sir pour des jeunes filles et mĂȘme leur avaient fait violence, surpassant ainsi en luxure les jeunes gens que MĂ©nandre a reprĂ©sentĂ©s dans sa comĂ©die des fĂȘtes de nuit22. »
Le fantasme du singe ravisseur Ă©merge ainsi dans la conscience occidentale comme spĂ©culation autour des reprĂ©sentations Ă©nigmatiques venues de la lointaine Ăgypte (tutrice en cela, comme en tant dâautres domaines, de la GrĂšce). Lâaspect comique et satirique, introduit par la rĂ©fĂ©rence Ă MĂ©nandre, renvoie Ă la fois Ă la condamnation morale dâun excĂšs de lubricitĂ© et Ă la rĂ©appropriation grotesque de celle-ci, axes qui seront fortement exploitĂ©s lors du dĂ©veloppement des mythĂšmes de lâAmour Singe. Enfin, on pourra Ă©galement y voir la naturalisation, Ă lâenseigne de lâexotisme, des vieilles hiĂ©rogamies divines dont les mythes grĂ©co-romains regorgent.
On sait comment celles-ci troublent, Ă lâenseigne de lâĂ©rotisme sacrĂ©, la distinction entre lâhomme et lâanimal. Car si, selon la dĂ©claration des Larmes dâĂros, « lâanimal, dont parfois la sensualitĂ© sâexaspĂšre, ignore lâĂ©rotisme », lâhomme, lui, se dĂ©finit prĂ©cisĂ©ment par « la violence exaspĂ©rĂ©e, la violence dĂ©sespĂ©rĂ©e de lâĂ©rotisme », vivant « dans la sombre perspective de la mort23 ». Il nây a donc que les dieux qui puissent lĂ©gitimement sâunir Ă leur envers symĂ©trique quâest lâanimalitĂ©, ces deux extrĂȘmes dont lâhomme est radicalement coupĂ©, comme le prouve toute la tradition des amours bestiales des dieux (GanymĂšde, LĂ©da, PasiphaĂ«, etc.) dont la pornoféérie occidentale se dĂ©lectera au fil des siĂšcles. On oubliera vite la base rituelle qui, dans lâenlĂšvement et lâaccouplement de figures mythiques par les dieux du panthĂ©on grec sous des formes mĂ©tamorphosĂ©es, affirmait la souverainetĂ© indiscutable de ceux-ci sur dâautres divinitĂ©s prĂ©-hellĂ©nistiques quâils assimilaient Ă leur « sphĂšre dâinfluence », voire dont ils phagocytaient les pouvoirs.
Mais il restera toujours, de ces amours bestiales de plus en plus coupĂ©es de tout rituel et esthĂ©tisĂ©es par les divers arts, la nostalgie dâun Ă©rotisme sacrĂ©, condensĂ© et promesse de lâorgie universelle oĂč tous les ĂȘtres de la Nature, et de la Sur-Nature, copulent incessamment en une magique harmonie. Si lâon suit lâanalyse bataillienne, il sâagit alors, « libĂ©rant la ruĂ©e de lâexubĂ©rance, [dâaccĂ©der] Ă la fusion illimitĂ©e des ĂȘtres dans lâorgie », « effusion religieuse » et « dĂ©sordre de lâĂȘtre qui se perd et nâoppose plus rien Ă la prolifĂ©ration Ă©perdue de la vie », « fuite dans lâindistinction, oĂč les Ă©lĂ©ments stables de lâactivitĂ© humaine se dĂ©robaient, oĂč il nâĂ©tait plus rien qui ne perdĂźt pied ». « Cet immense dĂ©chaĂźnement parut divin, tant il Ă©levait lâhomme au-dessus de la condition Ă laquelle il sâĂ©tait lui-mĂȘme condamnĂ©24 », conclut le philosophe de lâĂ©rotisme.
Or, force est de constater que, contrairement Ă la splendeur du dieu Ă©gyptien, le singe entre dans la conscience occidentale comme un modeste parvenu, Ă©tranger et exotique, dont nulle hiĂ©rogamie divine ne se rĂ©clamera (contrairement aux taureaux, aigles et autres animaux totĂ©miques du panthĂ©on sexuel grĂ©co-romain). Nul mythe des origines, nul rite de fertilitĂ© nây sera associĂ©, lâexcluant du royaume de lâĂ©rotisme sacrĂ© et le cantonnant dans la sphĂšre la plus avilissante de la sexualitĂ© profane (celle-lĂ mĂȘme oĂč se retrouvent liĂ©s barbares et animaux). Mais cet ostracisme se rĂ©vĂ©lera, Ă la longue, une force, car le singe pourra ainsi, ironiquement, survivre aux totems sacrĂ©s des classiques qui, tels les satyres auxquels on nâaura de cesse de lâassocier, disparaĂźtront sous les coups du scepticisme moderne. IrrĂ©mĂ©diablement soumis au regard anthropologique qui prĂ©side aux rĂ©cits de voyage, câest dans les discours que celui-ci organise au fil du temps quâil prospĂ©rera, jusquâĂ devenir un vĂ©ritable mythe sexuel de la modernitĂ© sous la figure hyperbolique de King Kong, retrouvant lâĂ©cho perdu de la sacralitĂ© Ă©rotique propre aux hiĂ©rogamies primordiales.
ĂrigĂ© au rang dâauctoritas Ăšs zoologie, Ălien sera sans cesse citĂ© tout au long du Moyen Ăge, encourageant un processus dâamplificatio fantasmatique dans le cadre du paradigme chrĂ©tien hostile Ă toute forme de luxure. ParallĂšlement, la diffusion du modĂšle iconographique du cynocĂ©phale ithyphallique contribue au succĂšs du thĂšme, que ce soit dans des figurines de terre cuite (30, 109, 164, 165 selon la classification proposĂ©e par McDermott dans son ouvrage pionnier sur la question simiesque25) ou de bronze (195), ainsi que les vases de verre (464), les mosaĂŻques (487, 493), les reliefs (501) et les gemmes (594, 591, 592 â cette derniĂšre image prĂ©sentant de façon assez crue une masturbation simiesque).
Hybride Ă©trange qui semble parodier de façon grotesque lâhomme selon le cĂ©lĂšbre dictum de Ennius citĂ© par CicĂ©ron « Simia quam similis turpissima bestia nobis » (De Natura Deorum, I, XXXV) et inlassablement repris par la suite, le singe Ă©tait promis Ă rejoindre le royaume des crĂ©atures demi-humaines qui alimentaient lâimaginaire exotique grĂ©co-romain. Qui plus est, ses perpĂ©tuelles Ă©rections le menaient tout droit vers la collusion avec un ĂȘtre omniprĂ©sent dans lâiconographie classique, vĂ©ritable vecteur du pansexualisme antique : le satyre. Unis par leur commune phallophorie (dont dĂ©riverait, selon Macrobe, le terme mĂȘme de satyre26), ils vont devenir dâĂ©tranges compagnons de route, le singe permettant une lecture Ă©vhĂ©mĂ©riste de son prĂ©dĂ©cesseur lĂ©gendaire, tout en en devenant en quelque sorte lâavatar abĂątardi.
DĂ©jĂ , chez Pline, le satyre devient une sorte de singe27, mais câest chez Pausanias que lâamalgame dĂ©bouche sur un script fantasmatique qui ne cessera de hanter lâOccident : « Voulant savoir plus positivement Ă quoi mâen tenir sur lâexistence des Satyres, jâai questionnĂ© beaucoup de monde, et voici ce que jâai appris dâEuphĂ©mus Carien. SâĂ©tant embarquĂ© pour aller en Italie, il fut Ă©cartĂ© de sa route par les vents, et emportĂ© dans la mer extĂ©rieure (lâOcĂ©an), oĂč les vaisseaux ne vont jamais. Ils y virent beaucoup dâĂźles, les unes dĂ©sertes, les autres peuplĂ©es dâhommes sauvages. (âŠ) Les matelots donnaient Ă ces Ăźles le nom de Satyrides, leurs habitants sont roux et ont des queues presque aussi longues que celles des chevaux. Ils accoururent vers le vaisseau dĂšs quâils lâaperçurent, ils ne parlaient point, mais ils se jetĂšrent sur les femmes pour les violer. Ă la fin, les matelots Ă©pouvantĂ©s leur abandonnĂšrent une femme barbare quâils jetĂšrent dans lâĂźle, et les Satyres peu satisfaits des jouissances naturelles, assouvirent leur brutalitĂ© sur toutes les parties de son corps28. »
LâesthĂ©tique du rĂ©cit de voyages, articulĂ© autour dâun pacte de lecture dâauthentification des donnĂ©es (fruit dâune vĂ©ritable enquĂȘte par le narrateur-auteur auprĂšs dâinformateurs lĂ©gitimes) installe la scĂšne du fantasme (il sâagit dâun gang-bang bestial) dans la vraisemblance exotique. LocalisĂ©s dans la gĂ©ographie insulaire grecque, les satyres deviennent des crĂ©atures dĂ©senchantĂ©es, simple peuplade monstrueuse au milieu des mille autres prodiges de la gĂ©nĂ©sie luxuriante de Physis.
Ă la croisĂ©e dâĂlien et de Pausanias, le singe est ainsi vouĂ©, dĂšs son entrĂ©e en Occident, Ă la figure Ă©rotique du ravissement. Or, « depuis les rapts des Sabines, dâEurope et dâHĂ©lĂšne, le motif de lâenlĂšvement, intense et violent est au cĆur des arts Ă©rotiques », Ă©crit S. Hubier. « Sa force tient dâabord Ă ce quâil joint des Ă©lĂ©ments dynamiques, dramatiques et voyeuristes Ă une rĂ©flexion sur les potentialitĂ©s du pathos et, au-delĂ , sur le prix de la transgression, de la sensibilitĂ© et de lâaffectivitĂ©29. » Manifestation de la puissance masculine sur une captive « soumise, violentĂ©e, humiliĂ©e, sans dĂ©fense, enlevĂ©e Ă son existence, arrachĂ©e Ă tout ce qui assurait jusquâalors la cohĂ©rence de sa personnalitĂ© », cette structure sera « singuliĂšrement rĂ©currente dans lâimaginaire sexuel occidental oĂč lâamour et le dĂ©sir sont souvent prĂ©sentĂ©s sur le modĂšle de la dĂ©vastation ou de la prĂ©dation30 ».
Ce « violisme » (« rapism ») Ă©rigĂ© par lâAntiquitĂ© classique en norme Ă©rotique dont, la promotion artistique des satyres marque lâapothĂ©ose, a pu ĂȘtre lu Ă juste titre par les fĂ©ministes comme lâinstauration du « rĂšgne du phallus », Ă la fois sur les diffĂ©rentes divinitĂ©s fĂ©minines agricoles (on connaĂźt Ă ce sujet les thĂ©ories parfois fantaisistes mais toujours stimulantes de R. Graves) et sur les auditrices et spectatrices de ces fables. Les singes se retrouvent alors « embrigadĂ©s » dans cette vĂ©ritable guerre des sexes qui oppose les satyres et leurs proies, les nymphes, expression dâune fĂ©minitĂ© dĂ©chue de ses pouvoirs ancestraux et qui nâa dĂ©sormais quâĂ Ă©luder ou satisfaire les besoins de plus en plus pressants de ses lubriques dĂ©prĂ©dateurs. Et alors que ce combat Ă©rotisĂ© devient un des principaux prototypes des arts plastiques, enchantĂ©s par ce rĂȘve dâune pornotopie primordiale qui hantera lâimaginaire culturel de lâOccident, une place, encore toute prĂ©caire et discrĂšte, est donc assignĂ©e Ă notre singulier animal dans le camp des ravisseurs.
Lâamalgame entre les deux crĂ©atures, singe et satyre, sera cautionnĂ© par le grand compilateur chrĂ©tien du savoir zoologique antique, Isidore de SĂ©ville, qui distingue, parmi les cinq espĂšces de singes connues de son temps, les simia, sfingia, cynocĂ©phalus, satyrus et callithrix. Mais cette classification ne vise plus Ă une rationalisation de la lĂ©gende, juxtaposant des crĂ©atures tout aussi fabuleuses les unes que les autres, car le singe anthropoĂŻde, qui restera inconnu de lâEurope chrĂ©tienne jusquâau XVIIe siĂšcle, relĂšve du prodige tout autant que les peuplades cynocĂ©phales auxquelles son nom mĂȘme lâassocie ou que les satyres lubriques et hommes sauvages dont il partage maint traits. Câest ainsi quâil trouve sa place Ă leur cĂŽtĂ© dans lâexplosion des monstruositĂ©s qui accompagne la Renaissance du XIIe siĂšcle et qui va durer jusquâĂ lâautre Renaissance du Quattrocento.
Ainsi, dans le manuscrit des PropriĂ©tĂ©s des bestes publiĂ© par M. de Xivrey et qui a Ă©tĂ© composĂ© en 1512 dâa...
Table des matiĂšres
- Couverture
- 4e de couverture
- Copyright
- Comparaisons
- Titre
- Déjà parus
- Citation
- Du mĂȘme auteur
- Remerciements
- « King Kong girl »
- Préface de Frédérique Toudoire-Surlapierre
- Des cynocéphales aux nymphomanes bestiales
- La Révolution Sexuelle des Amours Simiesques
- Ăpilogue : ces femmes qui prĂ©fĂšrent (encore) les singes
- Table des matiĂšres