Chapitre 1. La grande transformation industrielle d’OCP
La grande transformation d’OCP commence avec le changement de dirigeants à la tête de l’entreprise, en 2006. À la suite de la nomination de Monsieur Mostafa Terrab comme Directeur Général du Groupe OCP, une nouvelle vision de l’entreprise va s’imposer, des axes stratégiques vont être définis, des objectifs vont être fixés, des plans d’actions vont être mis en œuvre. Au-delà de leur énumération, soit chronologique soit descriptive, ce qui va nous intéresser ici c’est la compréhension d’ensemble des réformes engagées, la cohérence de leur implémentation, la logique de leur séquençage, la dynamique de leurs interactions.
Pour cela, nous allons proposer une synthèse d’ensemble de notre représentation de la « grande transformation industrielle » d’OCP (1.) puis nous montrerons la congruence des enchaînements qui a organisé et continue de structurer les grandes orientations stratégiques d’OCP depuis six ans. Nous le ferons à travers l’examen des sept composantes de ce système à savoir les stratégies industrielle (2.), financière (3.), juridique (4.), organisationnelle (5.), sociale (6.), de développement durable (7.) et commerciale (8.) de l’entreprise.
1. Notre représentation de la grande transformation industrielle d’OCP
À partir de 2006, sous l’impulsion de M.Terrab, une nouvelle vision d’OCP s’affirme. Elle s’exprime de la façon suivante : « Assurer dans le temps la meilleure valorisation des ressources en phosphates du Royaume en respectant les responsabilités sociétales et environnementales de l’Office ». Cette vision déclarée a exigé de nouvelles orientations stratégiques, définies dans le souci d’une cohérence intrinsèque, nécessaire à la réussite d’ensemble du projet de transformation.
Nous tentons de présenter de façon synthétique cette cohérence systémique.
La nouvelle vision d’OCP impliquait de réhabiliter la vocation industrielle du Groupe. Le premier axe stratégique est industriel : OCP va assumer son statut de leader industriel dans le domaine des phosphates et des produits dérivés. Un objectif est fixé : d’ici 2020 doubler la production minière et tripler la production d’engrais pour parvenir au « triple 40 % » : 40 % de part de marché mondial des phosphates (contre 35,6 % actuellement), 40 % de part de marché mondial de l’acide phosphorique (51,3 % actuellement), 40 % de part de marché mondial des engrais (contre 14,3 % actuellement).
Pour soutenir cette ambition industrielle, OCP devait engager des investissements de capacité et de modernisation d’une ampleur inégalée. Mais ces investissements demandaient des moyens financiers très importants.
Le deuxième axe est financier : OCP va chercher à diversifier et à garantir ses sources de financement pour soutenir son ambitieux programme d’investissement industriel. Mais cette diversification financière n’était pas possible avec le statut d’établissement public.
Le troisième axe est juridique : OCP doit changer son statut en société anonyme pour se doter d’une nouvelle gouvernance qui inspire confiance aux investisseurs et qui permet ainsi à au Groupe de lever des fonds au service de sa stratégie industrielle.
Le changement de modèle de gouvernance n’est pas suffisant si des transformations organisationnelles n’accompagnent pas cette évolution. Le quatrième axe est organisationnel : OCP va engager une profonde restructuration et développer une nouvelle culture du travail en phase avec ses ambitions industrielles.
Le capital technique et la restructuration ne sont pas tout, les ressources humaines sont une composante essentielle pour atteindre les objectifs industriels d’OCP. Le cinquième axe est social et humain. OCP doit valoriser ses ressources humaines et favoriser l’intelligence collective pour relever son défi industriel.
Il est impossible d’augmenter le volume de la production industrielle sans prendre en compte les conséquences de cette nouvelle volumétrie sur l’équilibre des écosystèmes et sur l’équité sociale et territoriale. Le sixième axe est dédié au développement durable. OCP doit assumer sa responsabilité environnementale et sociétale pour légitimer ses ambitions industrielles.
Si l’offre industrielle d’OCP augmente, il faut que ses parts de marché international progressent. Le septième axe est commercial. OCP doit devenir un « cost leader » et développer son agilité commerciale. Ainsi cherchera-t-il à maximiser ses marges commerciales, pour se doter des moyens financiers nécessaires au développement industriel du Groupe, et à nouer de nouveaux partenariats commerciaux pour sécuriser ses débouchés.
Notre représentation de la cohérence et du séquençage de la transformation industrielle d’OCP peut être illustrée de la manière suivante (Graphique 1) :
Graphique 1 : Les sept composantes de la stratégie globale d’OCP
Nous proposons d’examiner la cohérence de ce système à partir de chacune des composantes qui le constitue.
2. La stratégie industrielle : priorité donnée à la production
La grande transformation, qui marque une rupture avec les choix stratégiques qui ont prévalu avant l’arrivée de M.Terrab à la tête d’OCP, et qui vont engager durablement l’avenir du Groupe, renoue avec le passé de l’entreprise. OCP a été une grande organisation industrielle. Elle doit le redevenir après avoir vu son leadership industriel s’étioler. Cela passe par :
•L’affirmation d’une priorité : la production minière et chimique ;
•La définition d’un plan d’action : réhabiliter l’outil de production par des investissements massifs et des programmes de transformation industrielle ;
•La fixation d’objectifs : d’ici 2020, doubler la production minière (passer de 30 à 55 millions de tonnes/an) et tripler la production d’engrais (passer de 3,6 millions à 10 millions de tonnes/an).
Pour atteindre ces objectifs, les managers d’OCP vont procéder à une « accumulation de capital » de nature extensive et intensive. Ils vont décider d’investir massivement dans des biens d’équipement de « capacité », visant à augmenter la production, ou dans des investissements de « modernisation », à des fins d’augmentation de la productivité du travail et du capital. Cet effort concernera aussi bien la mine que la chimie (Graphique 2). Les montants engagés sont très élevés. Le programme de développement industriel défini en 2007 implique un niveau d’investissement annuel plus de trois fois supérieur à ce qu’il était en 2006. Ce programme est réévalué à la hausse dans le cadre d’un plan de développement global sur 2010-2020, le montant total est de 115 milliards de dirhams (environ 10 milliards d’euros) dont 75 milliards de dirhams engagés dans les quatre dernières années. Dans cette enveloppe, les projets de la « mine » représentent environ 30 % et ceux de la « chimie » 46 %.
Concernant les investissements de capacité, dans le secteur de la mine, ils se déclinent en quatre types d’équipements :
•La mise en exploitation de quatre nouvelles mines, dont trois sur le plateau de Khouribga et une à Gantour (Benguerir Sud) permettant d’atteindre l’objectif de doublement de la production minière ;
•La mise en service de quatre nouvelles ...