Les Nouvelles Récréations & Joyeux Devis
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Les Nouvelles Récréations & Joyeux Devis

  1. 188 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Les Nouvelles Récréations & Joyeux Devis

À propos de ce livre

Libre à vous de choisir des fac-similés de piètre qualité; le présent ouvrage a été entièrement recomposé, revu, corrigé et annoté au besoin, l'orthographe modernisée, car déchiffrer et interpréter ralentit et gâche le plaisir de lire; bref, tout a été fait pour rendre votre lecture plus accessible et agréable.En français moderne - non inclusif - pour une lecture plus facile et agréable. Edité à Lyon en 1588, les Nouvelles Récréations et Joyeux Devis est un recueil de nouvelles et historiettes, voire de facéties, dans le goût de l'époque. Dans la lignée de Boccace, des Facéties du Pogge, ou de celles du Curé d'Arlotto.Nota: le texte originel a été traduit en français moderne, tout en conservant le croustillant des tournures idiomatiques d'époque - et la verve de l'auteur.

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Informations

Année
2021
Imprimer l'ISBN
9782322402113
ISBN de l'eBook
9782322389513
LES CONTES
ou
LES NOUVELLES RÉCRÉATIONS ET JOYEUX DEVIS9
DE BONAVENTURE DES PERIERS
VALET DE CHAMBRE DE LA REINE DE NAVARRE,
avec un choix des anciennes notes
DE BERNARD DE LA MONNOYE ET DE SAINT-HYACINTHE, enrichies et complétées
Traduits en Français Moderne
par Christophe NOËL

SONNET

Hommes pensifs, je ne vous donne à lire
Ces miens devis, si vous ne contraignez
Le fier maintien de vos fronts rechignés :
Ici n’y a seulement que pour rire.
Laissez à part votre chagrin, votre ire,
Et vos discours de trop loin desseignés10:
Une autre fois vous serez enseignés.
Je me suis bien contraint pour les écrire.
J’ai oublié mes tristes passions ;
J’ai intermis11 mes occupations.
Donnons, donnons quelque lieu à Folie :
Que maugré nous ne nous vienne saisir,
Et en un jour plein de mélancolie,
Mêlons au moins une heure de plaisir.

AU LECTEUR12

Le temps, glouton dévorateur de l’humaine excellence, se rend souventefois coutumier (tant nous est-il ennemi) de suffoquer la gloire naissante de plusieurs gentils esprits, ou ensevelir d’une ingrate oubliance les œuvres exquises d’iceux : desquelles si la connoissance nous étoit permise, ô Dieu tout bon, quel avancement aux bonnes lettres ! De cette injure, les siècles anciens, et nos jours mêmes, nous rendent épreuve plus que suffisante.
Et vous ose bien persuader, ami lecteur, que le semblable fût advenu de ce présent volume, duquel demourions privés sans la diligence de quelque vertueux personnage, qui n’a voulu souffrir ce tort être fait, et la mémoire de feu BONAVENTURE DES PERIERS, excellent orateur et poète, rester frustrée du los13 qu’elle mérite. Or, l’ayant arraché de l’avare main de ce faucheur importun, je vous le présente avec telle éloquence que chacun connoît ses autres labeurs être donés. D’une chose je m’assure, que l’ennuyeux pourra abbayer14 à l’encontre tant qu’il voudra, mais y mordre, non. Davantage15, le front tétrique16 ici trouvera de quoi dérider sa sérénité, et rire une bonne fois : tant est gentille la grâce de notre auteur à traiter ces facéties. Les personnes tristes et angoissées s’y pourront aussi heureusement récréer et tuer aisément leurs ennuis. Quant à ceux qui sont exempts de regrets et s’y voudront ébattre, ils sentiront croître leur plaisir en telle force, que le rude chagrin n’osera entreprendre sur leur félicité ; se servant de ce discours comme d’un rempart contre toute sinistre fâcherie. De faire à notre âge offre de chose tant gentille, je l’ai estimé convenable, mêmement en ces jours tant calomnieux17 et troublés. Votre office sera, débonnaire lecteur, de le recevoir d’une main affable, et nous savoir gré de notre travail : lequel sentant bien reçu, serons excités à continuer en si louable exercice, pour vous faire jouir de choses plus ardues et sérieuses. Adieu.
De Lyon, ce 25 de janvier 1558.

NOUVELLE 1ère – EN FORME DE PRÉAMBULE

Je vous gardais ces joyeux Propos pour quand la paix serait faite18, afin que vous eussiez de quoi vous réjouir publiquement et en privé, et en toutes manières. Mais quand j’ai vu qu’il s’en fallait le manche, et qu’on ne savait par où la prendre19, j’ai mieux aimé m’avancer pour vous donner moyen de tromper le temps, mêlant des réjouissances parmi vos fâcheries, en attendant qu’elle se fasse de par Dieu. Et puis, je me suis avisé que c’était ici le vrai temps de vous les donner ; car c’est aux malades qu’il faut médecine. Et vous assurer que je ne fais pas peu de chose pour vous, en vous donnant de quoi vous réjouir, ce qui est la meilleure chose que puisse faire l’homme. Le plus gentil enseignement pour la vie, c’est bene vivere et lœtari20. L’un vous baillera21 pour un grand axiome qu’il faut réprimer son courroux ; l’autre, peu parler ; l’autre, croire conseil ; l’autre, être sobre ; l’autre, faire des amis. Et bien, tout cela est bon ; mais vous avez beau étudier, vous n’en trouverez point de tel qu’est : Bien vivre et se réjouir. Une trop grande patience vous consume ; un silence vous tient tourmenté ; un conseil vous trompe ; une diète vous dessèche ; un ami vous abandonne. Et pour cela, vous faut-il désespérer ? Ne vaut-il pas mieux se réjouir, en attendant mieux, que se fâcher d’une chose qui n’est pas en votre puissance ? Voire, comment me réjouirai-je, si les occasions n’y sont pas, direz-vous ? Mon ami, accoutumez-vous-y. Prenez le temps comme il vient ; laissez passer les plus chargés ; ne vous chagrinez point d’une chose irrémédiable. Cela ne fait que donner mal sur mal ; croyez-moi, et vous vous en trouverez bien ; car j’ai bien éprouvé que, pour cent francs de mélancolie, nous n’acquitterons pas pour cent sols de dette. Mais laissons là ces beaux enseignements, ventre d’un petit poisson ! Rions. Et de quoi ? de la bouche, du nez, du menton, de la gorge, et de tous nos cinq sens de nature. Mais ce n’est rien, qui ne rit du cœur.
Et pour vous aider, je vous donne ces plaisants Contes. Et puis, nous vous en songerons bien d’assez sérieux quand il sera temps. Mais savezvous quels je vous les baille ? Je vous promets que je n’y songe ni mal ni malice. Il n’y a point de sens allégorique, mystique, fantastique. Vous n’aurez point de peine de demander : « Comment s’entend ceci ? comment s’entend cela ? » Il n’y faut ni vocabulaire ni commentaire. Tels (que vous) les voyez, tels (vous) les prenez22. Ouvrez le livre : si un conte ne vous plaît pas, allez à l’autre. Il y en a de tous bois, de toutes tailles, de tous estocs23, à tous prix et à toutes mesures, hormis pour pleurer. Et ne me venez point demander quelle ordonnance j’ai tenue ; car quel ordre faut-il garder quand il est question de rire ? Qu’on ne me vienne pas non plus faire des difficultés. « Oh ! ce ne fut pas celui-ci qui fit cela. — Oh ! ceci ne fut pas fait en ce quartier-là. — Je l’avais déjà ouï conter. — Cela fut fait en notre pays. » Riez seulement, et peu vous importe, si ce fut Gautier ou si ce fut Garguille. Ne vous souciez point si ce fut à Tours en Berry ou à Bourges en Touraine24 : vous vous tourmenteriez pour néant ; car comme les ans ne sont que pour payer les rentes, aussi les noms ne sont que pour faire débattre les hommes. Je les laisse aux faiseurs de contrats et aux intenteurs de procès. S’ils y prennent l’un pour l’autre, à leur dam25 ! Quant à moi, je ne suis point si scrupuleux. Et puis, j’ai voulu feindre quelques noms tout exprès, pour vous montrer qu’il ne faut point pleurer de tout ceci que je vous conte ; car peut-être que cela n’est pas vrai.
Que me chaut-il, pourvu qu’il soit vrai que vous y prenez plaisir ? Et puis, je ne suis point allé chercher mes contes à Constantinople, à Florence, ni à Venise, ni aussi loin que cela ; car s’ils sont tels que je veux vous les donner, c’est-à-dire pour vous récréer, n’ai-je pas mieux fait d’en prendre les faits que nous avons à notre porte, plutôt qu’aller les emprunter si loin ? Et comme disait le bon compagnon, quand la chambrière, qui était belle et galante, venait lui faire les messages de sa maîtresse : « Pourquoi faire irai-je à Rome ? les pardons sont par-deçà26. » Les nouvelles qui viennent de si lointain pays avant qu’elles soient rendues sur le lieu, ou elles s’éventent comme le safran, ou s’enchérissent comme les draps de soie, ou il s’en perd la moitié, comme des épiceries, ou s’altèrent comme les vins, ou sont falsifiées comme les pierreries, ou sont adultérées comme tout ; bref, elles sont sujettes à mille inconvénients, à moins que vous me veuillez dire que les nouvelles ne sont pas comme les marchandises, et qu’on les donne pour le prix qu’elles coûtent. Et vraiment, je le veux bien. Et pour cela, j’aime mieux les prendre près, puisqu’il n’y a rien à gagner27. Ha ! ha ! c’est trop argumenté. Riez, si vous voulez ; autrement, vous me faites un mauvais tour.
Lisez hardiment, dames et damoiselles ; il n’y a rien qui ne soit honnête ; mais si, d’aventure, il y en a quelques-unes d’entre vous qui soient trop tendrettes, et qui aient peur de tomber en quelques passages trop gaillards, je leur conseille qu’elles se les fassent échansonner28 par leurs frères, ou par leurs cousins, afin qu’elles mangent peu de ce qui est trop appétissant. « Mon frère, marquez-moi ceux qui ne sont pas bons, et y faites une croix. — Mon cousin, celui-ci est-il bon ? — Oui. ---- Et celui-ci ? — Oui. » Ah ! mes fillettes, ne vous y fiez pas, ils vous tromperont, ils vous feront lire un quid pro quod29. Voulez-vous me croire ? lisez tout, lisez, lisez. Vous faites bien les étroites ! Ne les lisez donc pas. À cette heure, on verra si vous faites bien ce qu’on vous défend. Ô quantités de dames auront bien l’eau à la bouche quand elles entendront les bons tours que leurs compagnes auront faits ! et qu’elles diront bien qu’il n’y en a pas à demi ! Mais je suis content que, devant les gens, elles fassent semblant de coudre ou de filer, pourvu qu’en détournant les yeux elles ouvrent les oreilles, et qu’elles se réservent à rire quand elles seront à part elles. Eh ! mon Dieu ! que vous en contez de bonnes, quand vous n’êtes qu’entre vous autres, femmes, ou qu’entre vous, fillettes ! Grand dommage ! Ne faut-il pas rire ? Je vous dis que je ne crois point ce qu’on dit de Socrate, qu’il fut ainsi sans passions. Il n’y a ni Platon ni Xénophon, qui me le fît accroire. Et quand bien même cela serait vrai, pensezvous que je loue cette grande sévérité, rusticité, tétricité30, gravité ? Je louerais beaucoup plus celui-ci, de notre temps, qui a été si plaisant en sa vie, que, par une antonomase, on l’a appelé le Plaisantin ; chose qui lui était si naturelle et si propre, qu’à l’heure même de sa mort, combien que tous ceux qui y étaient le regrettassent, ne purent-ils jamais se fâcher… tant il mourut plaisamment !
On lui avait mis son lit au long du feu, sur le plâtre du foyer, pour être plus chaudement ; et quand on lui demandait : « Or çà, mon ami, où vous tient-il ? » il répondait tout faiblement, n’ayant plus que le cœur et la langue : « Il me tient, dit-il, entre le banc et le feu », ce qui revenait à dire, qu’il se portait mal de toute sa personne. Quand ce fut le moment de lui administrer l’extrême-onction, il avait retiré ses pieds à quartier, tout en un monceau ; et le prêtre disait : « Je ne sais où sont ses pieds. — Eh ! regardez, dit-il, au bout de mes jambes, vous les trouverez. — Eh ! mon ami, ne vous amusez point à railler, lui disait-on ; recommandezvous à Dieu. — Et qui y va ? dit-il. — Mon ami, vous irez aujourd’hui, si Dieu veut. — Je voudrais bien être assuré, disait-il, d’y pouvoir être demain pour tout le jour. — Recommandez-vous à lui, et vous y serez en hui31. — Et bien, disait-il, mais que j’y sois, je ferai mes recommandations moi-même. » Que voulez-vous de plus naïf que cela ? Quelle plus grande félicité ? certes, d’autant plus grande, qu’elle est octroyée à si peu d’hommes !

NOUVELLE 2
Des trois fous, Caillette, Triboulet et Polite32

Les pages avaient attaché l’oreille de Caillette avec un clou contre un poteau, et le pauvre Caillette demeurait et ne disait mot ; car il n’avait point d’autre idée, sinon qu’il pensait être confiné là pour toute sa vie. Il passe un des seigneurs de la cour, qui le voit ainsi en conseil avec ce pilier, qui le fait incontinent dégager de là, s’enquérant bien expressément qui avait fait cela, et qui l’a mis là. « Que voulez-vous ? un sot l’a mis là, un sot là l’a mis33. » Quand on disait : « Ç’ont été les pages ? » Caillette répondait bien en son idiotisme :
— Oui, oui, ç’ont été les pages.
— Saurais-tu reconnaître lequel ç’a été ?
— Oui, oui, disait Caillette, je sais bien qui ç’a été.
L’écuyer, par commandement du seigneur, fait venir tous ces gens de bien de pages en la présence de ce sage homme Caillette, leur demandant à tous l’un après l’autre :
— Venez çà ! a-ce été vous ?
Et mon page de nier, hardi comme un saint Pierre 34.
— Nenni, monsieur, ce n’a pas été moi.
— Et vous ?
— Ni moi.
— Et vous ?
— Ni moi aussi.
Mais allez faire dire oui à un page, quand il y va du fouet ! Caillette était là devant, qui disait en cailletois35 : « Ce n’a pas été moi aussi. » Et voyant qu’ils disaient tous nenni, quand on lui demandait :
— A-ce point été celui-ci ?
— Nenni, disait Caillette.
— Et celui-ci ?
— Nenni.
Et à mesure qu’ils répondaient nenni, l’écuyer les faisait passer à côté, si bien qu’il n’en resta plus qu’un ; lequel n’avait garde de dire oui, après tant d’honnêtes jeunes gens, qui avaient tous dit nenni ; mais il dit comme les autres : « Nenni, monsieur, je n’y étais pas. » Caillette était toujours là, pensant qu’on dût aussi l’interroger, si ç’avait été lui ; car il ne lui souvenait plus qu’on parlât de son oreille : de sorte que, quand il vit qu’il n’y avait plus que lui, il va dire : « Je n’y étais pas aussi. » Et s’en va se mettre avec les pages, pour se faire coudre l’autre oreille au premier pilier qui se trouverait.
À l’entrée de Rouen (je ne dis pas que Rouen entrât, mais l’entrée se faisait à Rouen), Triboulet fut envoyé devant pour dire : « Vois-les ci venir36» ; qui était le plus fier du monde d’être monté sur un beau cheval caparaçonné de ses couleurs, tenant sa marotte des bonnes fêtes. Il piquait, il courait, il n’allait que trop. Il avait un maître avec lui pour le gouverner. Eh ! pauvre maître, tu n’avais pas besogne faite ! Il y avait belle matière pour le faire devenir Triboulet lui-même. Ce maître lui disait : « Vous n’arrêterez pas, vilain ? Si je vous prends !… Arrêterezvous ? » Triboulet, qui craignait les coups (car quelquefois son maître lui en donnait), voulait arrêter son cheval ; mais le cheval se sentait de ce qu’il portait ; car Triboulet le piquait à grands coups d’éperon : il lui haussait la bride, il la lui secouait ; et le cheval d’aller.
« Méchant, vous n’arrêterez pas ! disait son maître.
— Par le sang-Dieu ! disait Triboulet (car il jurait comme un homme), ce méchant cheval, je le pique tant que je le puis, encore ne veut-il pas s’arrêter ! » Que direz-vous là ? sinon que Nature a envie de s’ébattre, quand elle se met à faire ces belles pièces d’hommes, lesquels seraient heureux, mais ils sont trop ignoramment plaisants, et ne savent pas reconnaître qu’ils sont heureux, ce qui est le plus grand malheur du monde.
Il y avait un autre fou, nommé Polite37, qui était à un abbé de Bourgueil. Un jour, un matin, un soir, je ne saurais dire l’heure, M. l’abbé avait une belle garce toute vive couchée auprès de lui, et Polite vint le trouver au lit, et mit le bras entre les draps par les pieds du lit ; là il trouve premièrement un pied de créature humaine : il va demander à l’abbé :
— Moine, à qui est ce pied ?
— Il est à moi, dit l’abbé.
— Et celui-ci ?
— Il est encore à moi.
Et au fur et à mesure qu’il prenait ces pieds, il les mettait à part, et les tenait d’une main ; et de l’autre main, il en prit encore un, en demandant :
— Celui-ci, à qui est-il ?
— À moi, lui dit l’abbé.
— Ouais, dit Polite ; et celui-ci ?
— Va, va, tu n’es qu’un fol, dit l’abbé ; il est aussi à moi.
— À tous les diables soit le moine ! dit Polite ; il a quatre pieds comme un cheval.
Et bien pour cela, encore n’est-il fou que de bonne so...

Table des matières

  1. Sommaire
  2. Mais qui est donc Bonaventure des Périers ?
  3. Sonnet
  4. Nouvelle 45 : De la jeune fille qui ne voulait point d’un mari parce qu’il avait mangé le dos de sa première femme
  5. Page de copyright