Pierre Juneau
eBook - ePub

Pierre Juneau

  1. 206 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Pierre Juneau

À propos de ce livre

Le milieu des communications doit tout à Pierre Juneau. Après des études universitaires en philosophie, ilest recruté par l'Office national du film où il travaille pendant 17 ans, occupant plusieurs postes de cadres pour accéder finalement au poste de directeur de la production française. Dès lors, il se bat pour que la culture canadienne-française occupe sa juste part dans cet organisme fédéral dominé par les anglophones.Premier président du Conseil de la radio-télévision canadienne en 1968, il réussit, en moins de deux ans, à imposer la propriété canadienne des médias et des quotas de contenus canadiens dans toutes les radios et télévisions du Canada. Cela lui vaut une reconnaissance sans limite de tous les artistes et communicateurs canadiens. Président de Radio-Canada dans les années 1980, il se fait alors le plus ardent défenseur de la télévision publique, laquelle doit demeurer indépendante de tous les pouvoirs politiques. Retraité actif, il poursuit, jusqu'à son décès en 2012, les mêmes batailles à travers divers engagements à l'université, dans des organismes sociaux et des commissions d'enquête.Yves Lever, spécialiste du cinéma, est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Histoire générale du cinéma au Québec et Anastasie ou la censure du cinéma au Québec, et a collaboré, entre autres, au Dictionnaire du cinéma québécois. Il participe à la production de documentaires et de sites Web.

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Informations

ISBN de l'eBook
9782896647200
CHAPITRE 1
Enfance
Au sud-ouest de l’île de Montréal, entre la ville de Montréal et Lachine, un petit village de 200 habitants, nommé Rivière-Saint-Pierre, est incorporé en 1874. Il prend le nom de Verdun en 1876, puis il obtient sa charte de ville en 1912. La municipalité s’est rapidement développée : entre 1901 et 1912, la population est passée de 1 600 à 18 000 habitants ; elle sera de 30 000 en 1922 et de 64 000 en 1939. Verdun est alors la troisième ville au Québec pour sa population.
On y trouve surtout des habitations et des commerces, peu d’industries. La rue Wellington, qui la traverse de part en part de l’est vers l’ouest, est devenue une des plus importantes artères commerciales de l’île de Montréal. Sa population se compose d’ouvriers, la majorité travaillant à Montréal, où un tramway moderne les transporte, de travailleurs des usines concentrées le long du canal de Lachine, un peu au nord. Une classe moyenne s’y développe rapidement. Quelques notables y ont de riches domaines le long du fleuve, comme sir Alexander Tulloch Galt, un des pères de la Confédération canadienne. Dans les années 1900-1950, les anglophones forment une légère majorité, de sorte qu’une grande partie des Canadiens français doivent être bilingues. La municipalité est bien pourvue en services de toutes sortes. Dans les années 1930, on y trouve treize écoles catholiques et huit protestantes, deux hôpitaux, dix-huit églises, trois cinémas, des terrains de tennis, deux piscines, etc.
Verdun possède plusieurs kilomètres de berges luxuriantes le long du Saint-Laurent, dont une bonne partie est aménagée en un long parc linéaire sur la digue d’environ 6 mètres de hauteur qu’il a fallu construire au tournant du XXe siècle pour empêcher les inondations printanières qui transportaient les glaces du fleuve jusque sur la rue Wellington. Aucune autre municipalité de l’île n’a su préserver autant d’espaces naturels liant la terre et l’eau ; on n’y trouve cependant pas de plages, seulement quelques marinas. Les familles viennent y piqueniquer ou marcher sur une promenade en bois de trois kilomètres qui longe la rive ; construite en 1926, elle est remplacée par un sentier en asphalte à la fin des années 1930, mais le charme est disparu.
Pierre-Léon Juneau naît à Verdun le 17 octobre 1922 et il est baptisé le 22 suivant à l’église Notre-Dame-des-Sept-Douleurs de Verdun. Ses parrain et marraine sont ses grands-parents maternels, Jean-Baptiste Angrignon, fabricant de charrettes, et son épouse Éva Marleau. Son père, Laurent Juneau (1890-1975), a trente-deux ans et il est employé comme vendeur dans une compagnie de matériaux de construction. Il est né Verdunois, mais son propre père était venu de Repentigny. Son épouse, Marguerite Angrignon, est née en 1900 dans le Mile End, quartier de Montréal, au 5295, rue Saint-Urbain ; elle vivra jusqu’en 1989. Les deux époux se sont rencontrés lors d’affaires que Laurent a faites avec le père de Marguerite. Ils forment un couple uni, sans histoires particulières. Ils demeurent au 411, avenue Galt, locataires dans un logement modeste d’une série en rangée. Au début des années 1940, ils déménageront au 5547, rue Bannantyne. Au moment où il fonde sa famille, Laurent a un revenu tout juste suffisant pour les faire vivre tous, mais ils ne manquent rien d’essentiel. Avec le temps, ils auront une vieillesse confortable.
Au moment où Laurent et Marguerite se marient, les parents de Laurent sont déjà décédés, mais ils entretiennent d’excellentes relations avec les parents de Marguerite, surtout la mère, chez qui ils se retrouvent pour différentes fêtes, dont une grande célébration à Noël. C’est l’occasion de faire connaissance avec les cousins et cousines. Le couple est aussi en relations constantes avec Alphonse Piché, l’oncle de Laurent qui a été presque un père pour lui. Piché est un architecte reconnu et enrichi. Entre autres réalisations, il a fait les plans de l’Académie Richard où Pierre va faire une partie de son primaire, plusieurs édifices commerciaux du Vieux-Montréal et divers autres édifices liés à des communautés religieuses, dont ceux du collège Brébeuf et du collège Saint-Ignace pour les Jésuites, certains pour les Sœurs Grises, dont il est le frère de la supérieure générale.
Au moment de la crise économique de 1929, Laurent perd son travail. Il occupe différents postes à temps partiel, et son oncle Alphonse l’engage aussi comme chauffeur et secrétaire particulier, de sorte que la famille ne souffrira pas de la disette. Piché a ses bureaux au centre-ville de Montréal, pas très loin du collège Sainte-Marie où Pierre va faire son cours classique, ce qui donnera à l’étudiant l’occasion de bons repas avec son grand-oncle. À son décès, en 1938, Piché laissera deux maisons à Laurent.
Côté religion, ils sont catholiques, des pratiquants ordinaires, c’est-à-dire qu’ils vont à la messe tous les dimanches et qu’ils y amènent leurs enfants. Comme il arrive souvent en ces temps, la mère parle davantage de religion que le père. Ils fréquentent surtout la paroisse Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, rue Wellington, tout près de la résidence familiale. Bien entendu, Pierre les accompagne toujours, sans déplaisir. Mais on ne lui demande jamais de devenir « enfant de chœur » pour le service aux offices.
Chez les Juneau, on est résolument du Parti libéral. Laurent participe à l’organisation des campagnes électorales tant au provincial qu’au fédéral. Lors des élections, la maison se remplit de militants, de sorte que Pierre entend parler de politique très jeune. Même s’il ne se sent pas concerné par les propos des adultes, l’empreinte libérale restera gravée pour toujours dans ses choix politiques. L’allégeance politique de son père vaudra à Pierre qu’un représentant de l’Union nationale dans le comté, en 1947, refusera de l’aider pour la demande d’une bourse d’études. De son côté, Marguerite a trop à faire pour s’intéresser à la politique ; elle ne participe pas aux activités de son mari ; elle se contente d’aller voter.
Pierre est l’aîné de cinq enfants. Suivent Rolande (1924), qui va devenir travailleuse sociale, Denis (1925), Gabrielle (1927-2009) qui deviendra rédactrice et auteure pour la télévision, et Michelle (1934-2000) qui sera journaliste et fonctionnaire. À dix-huit mois, Denis fait une méningite qui le rend totalement sourd et handicapé moteur. Il va passer huit ans à l’Institut des sourds-muets, où il va apprendre à parler ; il va ensuite à l’École des beaux-arts de Montréal où il a comme professeurs, entre autres, Alfred Laliberté et Alfred Pellan. Il va ensuite étudier aussi en Italie. Sa carrière de peintre plasticien, bien qu’il adopte divers styles par la suite, va culminer avec l’obtention du prix Borduas en 2008.
L’attention et les soins que Marguerite doit porter à Denis font que Pierre se retrouve dans un pensionnat des Sœurs Grises, sur le boulevard Décarie, pour les trois premières années du cours élémentaire. Pour la même raison, sa sœur Rolande ira aussi dans une institution semblable à Vaudreuil. Pierre entre au pensionnat à six ans, en 1928. Il n’en sort que pour les vacances de Noël et d’été, comme c’est la coutume à l’époque. Il a toutefois régulièrement la visite de la famille. Il se plie avec facilité à la discipline de la maison et il apprécie la bonté des religieuses. Mais il s’ennuie de son frère et de ses sœurs, des jeux dans la ruelle avec les copains. « Ce n’était pas rigolo pour un garçon de huit ou neuf ans », dit-il. Il lui est même arrivé de vouloir s’enfuir certains soirs. Mais où aller ? Il sait bien qu’il ne peut rentrer à la maison. Dans l’ensemble, il est un enfant sans histoires, donnant le bon exemple à ses benjamins.
À l’époque, le cours élémentaire dure sept ans. Pour les quatre années restantes, Pierre se rend à l’Académie Richard, tout près de la maison familiale, une école primaire publique dirigée par les frères des Écoles chrétiennes et fréquentée par tous les garçons du quartier, au 200-202, rue Galt. Sociable, il est souvent élu président de la classe. Studieux, il se retrouve souvent premier de classe. Il aime beaucoup la lecture ; si son père ne lit que son journal, sa mère possède plusieurs livres, dont une encyclopédie dans laquelle Pierre passe beaucoup de temps. Il emprunte aussi tout ce qu’il peut à l’école et il se passionne pour les biographies de personnages célèbres.
L’amour des livres ne l’empêche pas de pratiquer régulièrement les sports accessibles dans son milieu. Avec les petits voisins, il invente toutes sortes de jeux dans la cour arrière de la maison et dans la ruelle voisine. Tout près, il y a un grand terrain vague où ils se retrouvent souvent pour jouer au softball l’été et où ils se font une patinoire l’hiver pour jouer au hockey. Un peu plus tard, Pierre va pratiquer surtout le tennis, sport qu’il n’abandonnera que dans ses 80 ans. Presque chaque année, la famille va passer l’été dans une maison louée à Saint-Benoît, près d’Oka. Quelques fois, elle a été invitée au chalet de l’oncle Piché. Pierre apprécie beaucoup ces moments dans la nature, tout comme il aime aller pêcher dans un petit ruisseau à proximité.
L’amour du cinéma ? Il débute dès les années de pensionnat quand un bienfaiteur de la communauté vient projeter des courts métrages de Chaplin et des autres comiques des années 1920. De temps en temps, son père l’amène voir un film d’aventures dans une des salles de Verdun, probablement au Park, sur la rue de l’Église, tout près de la maison, cela jusqu’à ses six ans, car à la suite de l’incendie du Laurier Palace (9 janvier 1927) la loi de la censure va changer en 1928 et interdire en tout temps l’entrée des moins de 16 ans dans toutes les salles commerciales. Heureusement, il peut assister fréquemment à des projections que l’école présente aux enfants.
Dans les années 1920-1940, Verdun comprend une majorité d’anglophones et rares sont ceux qui apprennent le français. Le bilinguisme incombe aux francophones. Dans son enfance, Pierre entend souvent son père parler anglais, surtout dans le cadre de son travail, mais parfois avec un oncle qui a vécu longtemps aux États-Unis et qui est plus à l’aise dans cette langue. Il se dit qu’il aimerait pouvoir faire comme lui. À l’Académie Richard, il commence à apprendre l’anglais. Dans la rue, il y a aussi les gentilles petites filles qui parlent cette langue. Pendant des heures, il écoute les postes de radio anglophones pour mieux apprivoiser l’accent. Dès l’adolescence, il le parle couramment. Il a une certaine facilité pour les langues. Quand il sera représentant de l’ONF en Angleterre, il apprendra l’italien pour pouvoir correspondre avec ses clients d’Italie.
CHAPITRE 2
Études classiques et universitaires
Collège Sainte-Marie
Laurent Juneau en a rêvé, mais il n’a pas eu la chance de faire le cours classique, voie obligatoire pour une profession libérale. Il entend bien que son aîné réalise ce rêve ; en 1936, il inscrit donc Pierre au collège Sainte-Marie (CSM), rue De Bleury, au sud de Sainte-Catherine. Pourquoi ce collège des Jésuites ? Le paternel a étudié deux ans au collège de Montréal chez les Sulpiciens et il n’a pas aimé l’atmosphère, qu’il trouvait trop stricte, trop sévère, pas assez ouverte à la société ambiante. Il se fie à la réputation d’éducateurs des Jésuites, dont la réputation de certains dépasse les limites du collège, par exemple le père Joseph-Papin Archambault, fondateur des Semaines sociales du Canada dès 1921. Il aime le fait que l’institution accueille des gens de différentes classes sociales, aussi bien de quartiers ouvriers de l’est de Montréal que de la petite bourgeoisie. Les frais de scolarité coûtent peu : 10 $ par mois. Aussi, Sainte-Marie est accessible facilement à partir de Verdun par le tramway. Avant les années 1960, il n’y a pas de mixité de la clientèle dans les collèges classiques ; ceux-ci accueillent soit des garçons, soit des filles. Le CSM n’admet donc que des garçons, environ cinq cents ; c’est un collège relativement petit, où les activités parascolaires ne manquent pas. Selon la coutume de l’époque, les étudiants doivent tous porter le complet-veston et la cravate. L’autre collège des Jésuites, Brébeuf, qui reçoit des pensionnaires, a déjà une réputation plutôt bourgeoise et il coûte beaucoup plus cher. Autre bonne raison pour fréquenter le CSM, l’oncle Alphonse Piché a ses bureaux tout près et Pierre pourra aller s’y reposer et partager des repas.
Le cours classique dure huit ans. Pierre y entre à treize ans et il le termine en 1944, à 21 ans. Étudier au centre-ville de Montréal n’est pas un choc culturel pour lui, car il y vient souvent avec ses parents et il connaît bien la rue Sainte-Catherine, où ses parents aiment magasiner chez Eaton et chez Morgan. Il est souvent passé tout près du collège en se rendant chez ses grands-parents maternels.
C’est une période heureuse de sa vie, bien que, les dernières années, il a parfois de la difficulté à supporter l’esprit autoritaire de certains jésuites. Il apprécie la façon dont on y adapte au temps moderne le ratio studiorum, le célèbre système éducatif des Jésuites : « L’idéal des disciples d’Ignace de Loyola était celui de l’éducation hellénistique, qui consiste à former l’homme adulte, l’homme entier corps et âme, sensibilité et raison, caractère et esprit, l’artiste et le sage, le lettré et le penseur, où le primat est accordé à la formation morale, qui est la recherche d’un style de vie conforme à l’idéal chrétien pour les éducateurs du XVIe siècle » (C. Galarneau). Aux étudiants des collèges classiques, les autorités se plaisent à dire qu’ils seront « l’élite de demain ». Toute la formation est orientée en ce sens. C’est une incitation à tous les étudiants pour se rendre à la fin des huit ans du cours afin d’entrer à l’université. Fernande Martin, qui épousera Pierre Juneau, se rappelle que, lors de ses études secondaires, on disait aux jeunes filles que si elles fréquentaient des élèves des cours classiques, elles auraient la chance de marier les élites de demain…
Dans le collège, la religion occupe une place importante, mais, sauf pour des fêtes importantes et lors de la Semaine sainte, les élèves ne sont pas tenus à participer à des liturgies. Pierre, qui a toujours vécu dans un milieu où la présence religieuse se fait beaucoup sentir, notamment avec la grand-tante Piché, supérieure des sœurs grises, qui les visite souvent, ne se contente pas du minimum obligatoire. Même qu’au lieu de réduire la pratique à l’essentiel, comme le font la majorité des camarades, en avançant dans le cours classique, il va assister à une ou deux messes chaque semaine, en plus de celle du dimanche. Il apprécie ces moments de recueillement au petit matin dans l’église paroissiale. Par ailleurs, il n’est pas tenté de faire partie d’associations religieuses comme la Congrégation mariale, rassemblement des élèves les plus pieux. Comme tous les élèves, il doit rencontrer régulièrement un « directeur spirituel », mais celui qu’on lui attribue, année après année, n’est pas très exigeant et les rencontres sont généralement brèves ; il ne conserve le souvenir que de « braves hommes » avec qui il a pu causer de tout et de rien et qui ne cherchaient en rien à l’influencer dans sa vie religieuse.
Il a toujours aimé apprendre et, au CSM, il trouve un milieu stimulant à plus d’un point de vue. Ses notes le placent dans les premiers de classe. Il réussit très bien dans les lettres, le latin et le grec, mais il est faible en mathématiques. Plus tard, quand les postes qu’il va occuper vont le forcer à examiner des budgets, il apprendra à affronter sérieusement les colonnes de chiffres. L’histoire compte parmi ses matières préférées, mais il doute de la pertinence de la vision « notre maître le passé » du chanoine Lionel Groulx, qui domine dans l’enseignement de l’histoire. Il aime beaucoup la philosophie, matière qu’il va choisir d’aller étudier à l’université, bien qu’il ne sache pas trop où cela va le mener, car il a déjà décidé qu’il ne voulait pas l’enseigner. La philosophie, c’est surtout le thomisme, courant philosophico-théologique élaboré par Thomas d’Aquin au XIIIe siècle, qui a peu évolué et qui est enseigné dans toute la chrétienté. Les professeurs n’abordent que de biais – et pour les réfuter – les penseurs des Lumières, Descartes et Kant, dont les élèves ne peuvent lire que des morceaux choisis. Pour Pierre, les lectures que l’engagement dans la JEC l’amène à faire paraissent plus nourrissantes.
Avec les confrères, me raconte Pierre Camu, qui a fait tout le cours dans la même classe, il est sociable, mais il reste discret parce qu’il est surtout concentré sur les études. Il n’est pas du genre volubile, ni du genre « animateur de party », préférant les rôles effacés, tout en ne s’isolant pas. Il a des amies, avec qui il va parfois au cinéma, mais il reste discret à leur sujet. Camu sera étonné de le voir choisir la philosophie, car il le voyait plutôt dans une profession libérale plus utilitaire, comme le droit. Il ne doute toutefois pas de ses chances de succès dans la vie, car la formation générale du cours classique prédispose à s’adapter à bien des contextes. Déjà, Pierre paraît sûr de lui ; il sait imposer ses vues ; quand il est convaincu d’un point de vue, il défend tenacement ses idées et réussit à convaincre. Qu’il soit devenu administrateur dans des institutions culturelles ne surprendra pas son confrère.
Si les professeurs exigent beaucoup pour le travail scolaire, ils encouragent le développement des autres talents des élèves. Les sports organisés, notamment la crosse, prennent une bonne place. Pierre aime plutôt jouer au hockey, mais il ne fait pas partie d’équipes importantes ; les exercices individuels l’attirent davantage, comme le tennis, qu...

Table des matières

  1. Pierre Juneau. Maître des communications au Canada
  2. LIMINAIRE
  3. INTRODUCTION
  4. CHAPITRE 1 • Enfance
  5. CHAPITRE 2 • Études classiques et universitaires
  6. CHAPITRE 3 • Vers la section française à l’Office national du film
  7. CAHIER-PHOTOS
  8. CHAPITRE 4 • Le CRTC et le contenu canadien
  9. CHAPITRE 5 • 1975-1982 : mandarin à Ottawa
  10. CHAPITRE 6 • Radio-Canada: une présidence houleuse
  11. CHAPITRE 7 • Un retraité actif
  12. ÉPILOGUE
  13. CHRONOLOGIE
  14. BIBLIOGRAPHIE
  15. SIGLES
  16. CRÉDIT