L’affaire du Watergate et la démission de Richard Nixon
« La chose qui est extraordinaire, c’est que le président Nixon n’avait pas besoin de tous ces trucs-là. »
Ben Bradlee, rédacteur en chef du Washington Post, 1974.
Vice-président de Dwight D. Eisenhower de 1952 à 1960 puis candidat républicain défait par John F. Kennedy lors de l’élection présidentielle de 1960, Richard Milhous Nixon (1913-1994) est finalement élu à la présidence des États-Unis en novembre 1968. Ses principaux thèmes de campagne, sortir du Vietnam et ramener la loi et l’ordre aux États-Unis, ont séduit l’électorat inquiet après plusieurs mois de manifestations souvent violentes et d’émeutes raciales.
Pour bien comprendre le Watergate et, surtout, la façon dont Nixon a agi et réagi durant les deux ans qu’a duré cette crise, il faut d’abord savoir que le président, bien qu’il soit connu des Américains, n’a pas très bonne réputation à son arrivée à la Maison-Blanche. En 1952, en tant que candidat à la vice-présidence, il a dû défendre son intégrité et présenter ses déclarations de revenus à la télévision, alors que des accusations de fraudes pesaient sur lui. Cette humiliation définira à la fois la perception que les Américains auront de lui pendant toute sa vie – c’est-à-dire un homme qui a des choses à cacher –, mais aussi la relation qu’il entretiendra avec les journalistes et les médias, en tous points désastreuse. Il exprime son antipathie à leur égard à plusieurs reprises durant sa carrière politique, mais jamais aussi clairement que lors de sa campagne infructueuse pour le poste de gouverneur de la Californie, en 1962. Très amer, Nixon rend les journalistes responsables de sa défaite et leur dit, lors de son discours de concession : « Vous n’aurez plus Nixon à boulotter parce que, messieurs, ceci est ma dernière conférence de presse. »
Le président républicain Dwight D. Eisenhower et son vice-président, Richard Nixon, lors de l’inauguration de janvier 1957 marquant le début de leur deuxième mandat à la Maison-Blanche. Eisenhower est accompagné de ses deux petits-enfants, Anne et David, alors que Nixon est avec ses filles, Julie et Tricia. David et Julie se marieront en 1968. Crédit photo : Richard Nixon Presidential Library and Museum, Yorba Linda, Californie.
Ensuite, il faut se rappeler sa réaction démesurée à la suite de la publication des Pentagon Papers, en juin 1971, qui constitue sans nul doute l’origine du Watergate puisque Nixon va alors mettre sur pied une équipe de « plombiers » pour colmater les « fuites » qui minent son autorité. Il va surtout autoriser, de manière explicite, le cambriolage du bureau du psychiatre de Daniel Ellsberg, qui est à l’origine de la fuite des documents au New York Times.
Finalement, il faut ajouter que l’administration Nixon est fortement ébranlée par la démission forcée du vice-président Spiro Agnew, le 10 octobre 1973, pour avoir accepté des pots-de-vin alors qu’il était gouverneur du Maryland, mais également alors qu’il était à la Maison-Blanche.
Il y a donc là tous les ingrédients pour préparer le plus grand scandale politique des États-Unis, qui débutera en pleine campagne présidentielle, en 1972, et se terminera deux ans plus tard, en août 1974, par la démission du président Nixon. Ce scandale marquera l’imaginaire américain – et mondial – à tel point qu’il servira de suffixe à tous les scandales politiques qui suivront.
Le cambriolage des bureaux du Democratic National Committee au Watergate
Le 17 juin 1972, à 2 h 30 du matin, Frank Willis, un gardien de sécurité du complexe hôtelier du Watergate, à Washington D.C., aperçoit la lumière d’une lampe de poche dans les bureaux du Democratic National Committee (DNC).
La police, appelée sur les lieux, arrêtera cinq hommes cagoulés, soupçonnés d’avoir voulu installer des micros et dérober des documents. Dans les jours qui suivent, la population américaine apprend que l’un des hommes arrêtés, James McCord, était un ancien agent de la CIA et qu’il était accompagné, au Watergate, d’exilés cubains.
Malgré ces détails troublants, ce « cambriolage de troisième ordre », comme l’a décrit le secrétaire de presse Ron Ziegler, passe plutôt inaperçu à ce moment en raison de la campagne présidentielle, d’autant plus que le directeur de campagne de Nixon, John Mitchell (aussi ancien procureur général des États-Unis) a rapidement nié tout lien entre le Comité pour la réélection du président et les cambrioleurs. Nixon remportera d’ailleurs l’élection de 1972 haut la main : il obtiendra plus de 60 % du vote populaire et 520 votes du collège électoral (sur une possibilité de 535) devant son adversaire démocrate George McGovern : c’est l’une des victoires les plus décisives de l’histoire moderne américaine.
Composé de six bâtiments, le complexe du Watergate, qui comprend un hôtel, des appartements et des bureaux, a été nommé ainsi en raison de ses formes rappelant l’eau de la rivière Potomac, qui le borde. Il est situé dans Foggy Bottom, un quartier huppé de Washington, D.C., et sa construction s’est étalée de 1964 à 1971. La propriétaire du terrain, la firme immobilière italienne SGI (dans laquelle le Vatican avait des parts) a embauché l’architecte Luigi Moretti pour construire le Watergate. Emprisonné à la fin de la Deuxième Guerre mondiale en raison de ses liens avec Mussolini, Moretti est également l’architecte qui a dessiné la tour de la Bourse de Montréal (construite en 1964). Crédit photo : Wikipédia (janvier 2006).
L’enquête du Washington Post et la chronologie des événements
Ce sont deux jeunes journalistes du Washington Post, Carl Bernstein et Bob Woodward, qui s’intéressent d’abord à l’affaire du Watergate et qui en révéleront progressivement tous les rouages, sou...