Désobéir et grandir
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Désobéir et grandir

Vers une société de décroissance

  1. 240 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Désobéir et grandir

Vers une société de décroissance

À propos de ce livre

Et si nous désobéissions, si nous cessions d'être de sages consommateurs? Paul Ariès nous invite à suivre les réflexions des objecteurs de croissance, de l'alimentation à la désobéissance civile, en passant par la publicité, le rationnement et la gratuité. Quand 20% des humains s'approprient 86% des ressources disponibles sur Terre, parler de décroissance devient une nécessité. Égratignant à la fois spéculateurs environnementaux et vendeurs de développement durable, il appelle à la «croissance» de l'imaginaire et des liens sociaux, pour s'offrir collectivement une vie plus libre, plus signifiante et, finalement, plus humaine. Il revient sur 10 ans de combats de la décroissance qu'il aime décrire comme un «chemin de crête», dont pourraient découler le pire et le meilleur.

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1 Qu’est-ce que la décroissance?

La décroissance: naissance d’un nouveau projet politique2?

L’objection de croissance est fondée sur la faillite des grandes idéologies productivistes (de droite comme de gauche) et sur la perception de la globalisation des enjeux. Les objecteurs de croissance ne se veulent pas de doux rêveurs nostalgiques d’un âge d’or ni des professeurs foldingues se complaisant dans l’annonce imminente de la fin du monde: ils invitent à cesser de nier ce que nous savons mais que notre imaginaire oblige à refouler.
Premier constat: 20% des humains (dont nous sommes) s’approprient 86% des ressources disponibles sur la Terre. Cette situation n’est certes pas conforme à nos valeurs comme l’égalité ou la fraternité, mais elle ne serait pas si grave si nous pouvions encore croire en un rattrapage possible, c’est-à-dire à une augmentation sans fin du PIB et cela au niveau planétaire. On sait cependant que notre mode de vie occidental n’est tout simplement pas généralisable. Second constat: si 6 milliards d’humains vivaient comme nous, une planète Terre ne suffirait pas; il en faudrait trois avec les standards de vie français et six avec ceux des Étatsuniens.
Comment pourrions-nous préserver ce mode de vie que Bush qualifie de non négociable, à l’heure où un milliard et demi de jeunes communient, pour la première fois de l’histoire de l’humanité, dans les mêmes marques, les mêmes publicités, les mêmes désirs et les mêmes produits? Comment les gouvernements et les agences internationales sauront-ils inventer des alternatives alors que désormais le temps de la nature va beaucoup plus vite que le temps du politique?
Les scientifiques s’accordent pour dire que la Terre ne peut absorber chaque année plus de 3 milliards de tonnes d’équivalent carbone, or nous en émettons environ 6,7 milliards. Le calcul est simple: 3 milliards de TEC pour 6 milliards d’humains, cela donne 500 kg par personne et par an (soit l’équivalent d’un vol en avion aller/retour Paris/New York ou 5 000 kilomètres en voiture ou le tiers de la construction d’une petite voiture). Si nous dépassons ces 500 kg, nous prélevons sur la part des plus faibles (et notamment de ceux qui n’ont pas encore droit de parole, c’est-à-dire les générations futures).
Face à l’ampleur du changement nécessaire, la solution ne peut être de faire la même chose en moins. Ce qui est à l’ordre du jour est l’invention d’une façon totalement inédite de «faire société». La décroissance est une pensée qui peut déboucher sur le meilleur comme sur le pire: elle recycle, incontestablement, une part de l’imaginaire humaniste, républicain et socialiste mais aussi des thèmes plus spécifiques aux idéologies de la décadence.

Une crise de civilisation

Les objecteurs de croissance ne sont pas des écologistes plus «durs» ni même d’abord des écologistes: ils tentent plutôt de penser la simultanéité des crises qui affectent l’humanité (crises environnementale, sociale, politique, de la symbolique, institutionnelle, humaine, etc.). La crise écologique se caractérise autant par l’érosion de la biodiversité, la pollution de l’eau, de l’air et des sols, la disparition programmée de l’énergie et des ressources bon marché (nous avons consommé en un siècle 900 milliards de barils sur les 2000 à 3000 que la Terre a générés) et la difficulté d’accès à l’eau potable (diminution d’un tiers par habitant d’ici 20 ans) que par les risques d’emballement climatique. La crise sociale est autant la fracture des identités collectives puis individuelles (avec la mort du sujet kantien et freudien) que l’explosion des inégalités sociales (les trois familles les plus riches du monde ont un revenu supérieur au PIB des 48 pays les plus pauvres tandis que 4% de la richesse des 225 plus fortunés permettraient de couvrir l’ensemble des besoins vitaux de toute l’humanité). La crise politique se voit d’abord dans la disparition des grands idéaux, le recul de la citoyenneté, le décalage entre les élites et le peuple dont témoignent les rejets des référendums européens mais aussi par le risque pour la démocratie que fait peser la crise écologique mondiale car, comme le redoute Hubert Védrine, on peut craindre que les peuples s’en remettent à des pouvoirs forts dans l’espoir totalement vain de sauver leur mode de vie (façons de produire et de consommer). La crise de la personne humaine expliquerait autant l’explosion de l’obésité considérée comme emblématique d’une société qui fonctionne sur la logique de la dévoration du monde (avec des marques commerciales fonctionnant comme des béquilles identitaires pour des individus en souffrance) que le développement des pathologies mentales (un jeune sur sept). Les limites à la croissance ne seraient pas d’abord physiques mais humaines: jusqu’où aller sans péter les plombs, c’est-à-dire sans sombrer dans un «enfer climatisé» (Henry Miller).

Renouer avec le sens des limites

Les objecteurs de croissance ne se veulent donc pas partisans d’une décroissance économique faute de mieux: ce n’est pas parce qu’il y a urgence environnementale qu’ils souhaitent en finir avec le productivisme. Selon eux, même si une croissance économique infinie était physiquement possible, la volonté de rester tout simplement des humains serait une raison suffisante de la refuser. Notre société a totalement sombré dans la démesure, considérée comme la faute suprême par les Grecs anciens. Nous avons perdu la capacité de nous donner des limites car la dictature économique (l’idée que plus serait égal à mieux) a réveillé en chacun les fantasmes les plus archaïques (culte de la toute-puissance, idée d’un monde sans limites, etc.). Les individus incapables de se donner des limites vont nécessairement les chercher dans le réel: développement des conduites à risque, toxicomanie, suicides des plus faibles, etc. Une société incapable de se donner des limites va aussi les chercher dans le réel: épuisement des ressources, réchauffement planétaire, explosion des inégalités sociales…
La seule alternative à la violence économique consiste donc à renouer, collectivement et individuellement, avec notre finitude, avec la lenteur et avec le sens des limites. Cela ne peut se faire que par la primauté du culturel sur l’économique, mais aussi par un retour au politique et à la loi. Les objecteurs de croissance revendiquent donc parallèlement décroissance économique et croissance institutionnelle, ce qu’ils condensent dans leur slogan «moins de biens, plus de liens». Alors que toutes les autres sociétés consacrent une part essentielle de leur temps et de leurs ressources à créer du lien social (rituels collectifs), nous sommes la première société à envisager la «fabrique de l’humain» comme un sous-produit de la production des richesses: nous pensons résoudre les problèmes d’éducation par la généralisation de l’informatique et ceux de communication dans les familles par l’explosion des téléphones portables et autres technologies.

Les visages de la décroissance

Le succès médiatique et militant du terme de décroissance atteste que le monde est à la recherche de nouveaux signifiants; pour oser se révolter, penser ou rêver, il faut des mots. Ceux des grands combats passés ont été dénaturés par les tragédies du vingtième siècle.
La décroissance tente aujourd’hui d’articuler trois niveaux de résistance:
La simplicité volontaire: elle peut être définie comme la volonté de vivre en conformité avec ses valeurs sans nuire aux plus pauvres et aux générations futures. Ce choix ne va pas de soi, car le peuple de gauche a longtemps reporté aux lendemains du grand soir les changements de mode de vie; or, comme, même après les victoires de la gauche, ces lendemains se sont révélés être des «petits matins» blêmes, le mode de vie capitaliste a continué à se généraliser dans la société. Pour les adeptes de la simplicité volontaire, cela passe par le refus de tel objet ou par le choix de travailler beaucoup moins. Les objecteurs de croissance dénoncent cependant le risque qu’il y aurait à jouer à «plus décroissant que moi tu meurs» et à se vouloir les nouveaux «parfaits» en passant d’une posture politique à une posture moralisatrice ou religieuse.
Les expérimentations collectives: les objecteurs de croissance invitent à développer dans les franges, les marges ou même au cœur de la cité d’autres façons de «faire société» (coopératives de production, de distribution, de consommation, pédagogies alternatives, etc.). Ce niveau est considéré comme vital mais cependant insuffisant car le capitalisme a déjà fait la preuve de sa capacité à digérer diverses formes de résistance (les coopératives, le commerce équitable, etc.).
L’ébauche d’un projet politique: une fraction des objecteurs de croissance se reconnaît dans un nouveau paradigme, celui de la gratuité de l’usage et du renchérissement du mésusage.

Gauche et droite responsables3!

La gauche et la droite partagent le même bilan effroyable en matière environnementale car ces deux idéologies ont, par-delà leurs différences, conduit au pillage de la nature pour nourrir leur machine productiviste rouge ou bleue. Ces deux idéologies se trouvent aujourd’hui dans une impasse car tous les indicateurs sont passés au rouge: épuisement des ressources naturelles (en premier de l’eau potable avant même le pétrole), réchauffement planétaire, réduction de la biodiversité, notamment.
La gauche est aphone car elle ne sait pas comment concilier les contraintes environnementales avec ce qui reste de son souci de justice sociale. Son impasse politique souffre d’un retard théorique considérable. Rien ne sera possible de son côté tant qu’elle ne saura pas marier le «rouge» et le «vert».
La droite et les milieux d’affaires entendent profiter d’un nouveau rapport de force qui leur est favorable pour imposer, avec le soutien des milieux technoscientistes, une gestion de la crise écologique qui soit profitable aux nantis et fasse payer la facture aux plus pauvres (peuples ou individus). Ce «capitalisme vert» que vantent les médias est un jeu de dupes, car s’il cessait d’accumuler toujours plus de profits, il se casserait tout simplement la figure… Cette économie-casino fonctionne au mensonge comme toute partie de poker. Sauf que là les perdants seront le climat, la planète et donc les humains.
Ce qui fait problème, ce n’est pas tant la croissance que son idéologie, c’est-à-dire l’idée dominante hier comme aujourd’hui que «plus» serait nécessairement égal à «mieux». Cette idée n’est pourtant pas en soi naturelle: elle a une histoire simple. L’idéologie du développement fut tout d’abord propulsée dès le lendemain de la Seconde Guerre mondiale dans le point IV du programme du président américain Truman afin d’offrir une alternative au tiers-monde face à la menace de basculement dans le camp communiste. L’idéologie du «développement durable» est apparue ensuite dans le contexte de la contre-révolution conservatrice mondiale et a permis aux dominants de reprendre la main. Face à l’urgence environnementale, les milieux d’affaires et la droite peuvent rebondir en profitant d’un rapport de force défavorable aux peuples pour faire de la pauvreté la variable d’ajustement. Cette possibilité reste encore fermée à la gauche qui se retrouve donc aphone. La communauté scientifique est pourtant aujourd’hui quasi unanime pour dire que la notion de «développement durable» ne constitue pas un concept scientifique mais idéologique.
Un consensus mou s’est donc établi autour de la pensée et des intérêts des dominants. Les choses ont commencé à mal se passer pour la gauche lorsque sa pensée théorique s’est affaiblie et qu’elle a épousé, peu à peu, les mots poisons de ses adversaires. Les milieux de la décroissance doivent donc prendre aujourd’hui très au sérieux tout ce qui se trame dans les cercles de pensée économiques et technoscientistes. Les colloques internationaux sur le thème de l’après-développement durable se multiplient sans que le grand public en connaisse les enjeux. Le Grenelle de l’environnement organisé par le pouvoir français a opposé les tenants des deux thèses: d’un côté ceux qui prêchent, avec Nicolas Hulot, le développement durable à la sauce moraliste, bref les tenants, selon leurs adversaires, d’une écologie culpabilisatrice; d’un autre côté ceux qui n’ont foi que dans les perspectives radieuses d’un développement durable à la sauce Allègre (du nom de l’ex-ministre socialiste), c’est-à-dire d’une «écologie réparatrice» vouée corps et âme à la technoscience. Autant nous avions raison de nous gausser des fumisteries autour du thème du «développement durable» à la Hulot, autant, cette fois, l’adversaire est sérieux.
La première idée de «développement durable» a en effet du plomb dans l’aile faute de satisfaire pleinement lobbies économiques et technoscientistes… Les tenants du système étaient bien obligés d’avouer en partie leurs méfaits, ils ont bousillé la planète, mais, promis-juré, ils s’engageaient à faire désormais attention. Bref, la farce du «développement durable» pouvait se résumer dans la formule «comment polluer un peu moins pour polluer plus longtemps»… Mais les milieux économiques et technoscientistes n’avaient enfourché ce cheval que faute de mieux; ils avaient besoin de cette bouée trouée pour permettre au petit peuple de croire encore dans les vertus de leur système. Les mises en garde ne manquaient cependant pas du côté des puissants: on se souvient des États-Unis qui ont refusé de signer le protocole de Kyoto parce qu’ils préféraient investir l’argent qui aurait pu servir à réduire les émissions de CO2 dans la recherche afin de trouver une réponse technique au problème.
Le «développement durable» était certes un oxymore, mais il donnait à penser que le monde économique était au moins partiellement responsable de la situation, qu’il fallait donc encadrer ses initiatives et pourquoi pas les limiter. Les grandes entreprises et ceux qui les servent (économistes, politiques et technoscientistes) ont donc suivi Hulot et consorts mais à contrecœur. Impossible en effet pour eux de laisser dire que la croissance ne serait pas la solution. Impossible de laisser penser que les acteurs de l’économie seraient fautifs et qu’il faudrait les soumettre au contrôle des citoyens et aux usagers.
La seule façon donc pour eux de reprendre totalement la main est d’abandonner progressivement cette vision «culpabilisatrice» de l’écologie pour une nouvelle vision plus positive, bref pour un autre terme plus «économiquement correct». Exit donc le développement durable à la Hulot. Bienvenue dans l’écologie réparatrice, dans la croissance durable à la Claude Allègre et à la Laurence Parizot (présidente de l’association des chefs d’entreprise). Pas question cette fois de laisser sous-entendre que la croissance économique serait en soi responsable des «dysfonctionnements» écologiques actuels. Pas question non plus de mettre en accusation les puissances économiques. Pour cela, il faut dépasser la conception qui oppose encore une bonne croissance (une croissance dite verte) et une mauvaise croissance (cause de pollutions). Cette façon duale de se représenter le monde économique serait (nous dit-on) absurde: la croissance propre étant la suite logique de la croissance sale. Pas seulement parce que la pollution commencerait à baisser sitôt un certain niveau de PIB atteint (puisque la demande en environnements propres progresserait et que les investissements nécessaires à cette technologie deviendraient rentables) mais parce que la pollution elle-même créerait le besoin de dépollution… La nouvelle maxime ne serait donc plus de «polluer moins pour polluer plus longtemps» mais de «polluer au maximum pour pouvoir dépolluer davantage»… Là où le mot d’ordre de «développement durable» avait provoqué l’éclosion d’un discours moraliste (sur l’éthique des entreprises et leur sens des responsabilités), la nouvelle écologie réparatrice a besoin, elle, du mythe technoscientiste. Après l’époque des «grands patrons» généreux et responsables à la Bill Gates, voici venir celle des «savants fous» aux solutions puisées dans la science-fiction.
Cette écologie réparatrice a finalement besoin de trois choses. Tout d’abord de choses à réparer, ce qui suppose qu’elles furent d’abord détruites… La destruction de la planète n’est donc plus un mal mais une condition de nouveaux succès. Détruisons, polluons, saccageons, l’économie verte ne s’en portera finalement que mieux! Ensuite cette écologie réparatrice a besoin de réparateurs mais également de réparations. Du côté des réparateurs, nous avons la collection complète des technoscientistes et des économistes à la botte. Plus question de se méfier de nos savants fous, de mettre en accusation nos génies de la finance: les voilà de nouveau élevés au rang de sauveurs suprêmes de l’humanité. Du côté des réparations, l’imagination sera au pouvoir. On nous promet, pour demain matin, la généralisation des techniques de manipulation artificielle du climat et la création d’un immense bouclier autour de la Terre pour la protéger des rayons solaires, devant couvrir 3% du globe pour contrebalancer le doublement des émissions de CO2. On nous propose de répandre un million de tonnes de poussière d’aluminium et de soufre dans l’atmosphère afin de faire baisser la température terrestre de un degré, de généraliser des arbres OGM mangeurs de CO2 et des avions sales (polluants) laissant derrière eux des quantités énormes de fines particules en suspension afin de filtrer les rayons du soleil, ou encore d’injecter des couches importantes d’aérosol sulfaté dans la haute atmosphère, de couvrir les océans avec des boules de tennis de couleur blanche, de recouvrir les glaciers avec de la mousse de PVC, de développer des puits de carbone pour réinjecter du CO2 dans le sous-sol, et ce n’est qu’un début.
Tout est prêt: les capitaux, les savoirs, les fantasmes… Tout sera tenté plutôt que de remettre en cause la logique mortifère de notre système économique. Tout sera fait plutôt que d’en finir avec la furie de la croissance et le mythe du développement.

Les arguments des «croissantistes»

Nos adversaires croissantistes prouvent chaque jour davantage que penser est un sport de combat et pas seulement en sociologie, comme le disait Pierre Bourdieu. Leur pensée? Une série d’exocets pour mieux détruire toute envie de se révolter.
Premier missile de la pensée croissantiste: le fameux modèle de Hotteling, du nom de cet économiste américain bien connu pour ses travaux sur les systèmes de prix adaptés aux marchés dans lesquels la ressource finie et non renouvelable s’épuise progressivement. Cela tombe bien puisque la Terre est justement finie et ses ressources en voie d’épuisement. Mais selon les disciples de Hotteling, il suffirait d’attribuer des valeurs monétaires aux diverses nuisances nées de nos activités économiques pour régler définitivement le problème de la pollution. Imaginons (imaginons seulement) qu’un produit bousille la planète (si, si, ça peut exister). Pour régler ce petit problème, ce ne serait pas sorcier: il suffirait d’augmenter son prix de vente… Si les gens continuent à l’acheter c’est donc qu’ils préfèrent ce produit à la planète. On connaît la musique: pourquoi vouloir faire le bonheur du peuple à sa place? Écoutons plutôt les gentils consommateurs car eux savent bien où se trouve leur vrai intérêt.
Certes le modèle de Hotteling ne dit pas comment déterminer le prix par exemple de la destruction de la biodiversité ni même celui de la perte des vies humaines due à la voiture. Comment calculer le prix des pollutions sonores, visuelles, chimiques ou même par des OGM? Comment chi...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Désobéir et grandir
  3. Crédits
  4. Préface
  5. Introduction
  6. 1 – Qu’est-ce que la décroissance?
  7. 2 – La décroissance en France
  8. 3 – Agir dans son quotidien
  9. 4 – Faire des éclats?
  10. 5 – Les pièges du système
  11. 6 – Faut-il avoir peur du rationnement?
  12. 7 –Les survivalistes, de faux amis de la décroissance
  13. 8 – Le combat des objecteurs de croissance contre l’extrême droite
  14. 9 – La décroissance, un projet politique
  15. 10 – Des propositions pour hâter la rupture
  16. Conclusion – De la décroissance à la révolution par la gratuité
  17. Postface à la nouvelle édition – Dix ans de débats et de combats
  18. Notes