Un héritage sans testament
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Un héritage sans testament

  1. 68 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Un héritage sans testament

À propos de ce livre

Françoise Collin a fait entrer le féminisme dans la philosophie, et la philosophie dans le féminisme. Figure marquante des lettres francophones, originale, radicalement plurielle, sa pensée nous rappelle que le féminisme n'est pas qu'une théorie ou une action politique. Il est une façon d'être au monde. Dans ces textes, elle explore les notions d'héritage, de filiation et de transmission entre les générations de féministes. Un puissant antidote à la division et à la démission.« Françoise Collin était une féministe in-comparable et une philosophe du politique. L'une n'allait pas sans l'autre. Toujours à l'affût dans le présent de ce qui interpelle, interroge, bégaye, balbutie. Avec le culot de l'interpréter, avec rigueur mais sans prétention, pour l'ouvrir à ce qui innove. »— Marie-Blanche Tahon

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Histoire et mémoire
ou la marque et la trace*

Longtemps la transmission par les femmes, et entre femmes, a semblé fonctionner sur le mode de la répétition plutôt que sur celui de la novation: transmission de la vie, transmission de ce qui entoure et entretient la vie – et que Hannah Arendt désigne comme l’ordre naturel des besoins par opposition à l’ordre de l’agir. Les femmes n’étaient pas considérées comme des acteurs sociaux et culturels mais plutôt comme les gardiennes d’un monde qu’elles ne constituaient pas et qu’elles ne modifiaient pas. Aussi a-t-on pu conclure à leur caractère conservateur plutôt qu’à leur caractère novateur.
Le féminisme d’hier et d’aujourd’hui, en faisant accéder les femmes au statut d’actrices de leur propre existence et de l’existence collective, a modifié les conditions et le sens de la transmission qu’elles assument, et plus particulièrement de la transmission entre femmes. Celle-ci devient alors une interpellation par laquelle une femme appelle l’autre à advenir et à intervenir, par laquelle une liberté en éveille une autre. En s’autorisant à parler, elle prend autorité et autorise. En étant elle-même, elle fait être. Elle fait être le monde d’une manière jusque-là inouïe. Et elle fait être les autres. En extériorisant son expérience, en l’inscrivant dans des objets symboliques – et pour commencer dans son discours –, elle médiatise son apport, l’objective, et le livre en héritage à l’interprétation. L’objet symbolique, en effet, est d’une part détachable du sujet qui le produit, d’autre part empreint d’une dimension d’ouverture, d’illimitation, qui en fait non seulement une fin mais une origine.
Ainsi la maternité, qui était jusqu’ici une catégorie purement privée, et que l’on a voulu réduire à sa part biologique, par opposition à la paternité créditée du symbolique, s’est-elle de nos jours métamorphosée et élargie aux dimensions d’une filiation au sens propre1. Tout ce qui a été justement dénoncé dans la formation traditionnelle des filles par rapport aux fils est en voie de transformation: l’éducation est désormais pour les unes comme pour les autres remise du capital culturel et social, mais aussi et en même temps appel à le prendre en charge, à l’enrichir ou à le transformer selon des modes inédits.
On peut même penser qu’aujourd’hui les filles sont appelées à innover plus radicalement que les fils. Elles sont en effet héritières tout à la fois de ce qui avait fait le propre de la vie et des valeurs dites féminines et en même temps de ce qui était jusqu’ici réservé aux hommes: héritières du privé et du public qu’elles ont à articuler de manière nouvelle, alors que les fils restent encore enfermés dans leur tradition propre. Plus que ces derniers, elles ont à inventer véritablement leur destin, à négocier la place qu’elles occupent et occuperont dans le monde commun et le sens qu’elles lui conféreront. Pour elles, plus rien ne va «de soi»: les principes qui avaient régi la vie des générations antérieures sont remis en question. Les modèles maternels, s’ils ne sont pas reniés, ne suffisent cependant plus à inspirer les nouvelles identités. Car si, selon les termes d’Arendt, «la tradition est rompue», c’est exemplairement pour les femmes, elles qui ont aujourd’hui à «juger» et à «décider» hors de tout modèle et de toute norme, leur héritage étant désormais sans «testament», pour reprendre l’expression qu’elle-même emprunte à René Char.
On peut donc comprendre qu’un certain trouble affecte les femmes dans cette conjoncture. La difficulté de concilier les deux héritages n’est pas uniquement ni essentiellement la difficulté de concilier les tâches qu’imposent l’une et l’autre: c’est aussi et plus profondément la difficulté de définir une identité qui ne soit pas soumise à l’alternative du «ou bien ou bien». La voie, individuellement et collectivement, n’est pas aisée.

Agir et pouvoir

La transformation effective du rôle des femmes et de leur identité amène à interroger de manière critique la représentation qui en a été donnée en ce qui concerne le passé. C’est ainsi que s’imposent de nouvelles études qui remodèlent le relief historique. Cette historicisation fait alors apparaître sous l’image des femmes gardiennes de l’immuable celle de femmes innovatrices. Et si ces dernières constituent une minorité, il en va de même pour les hommes, à cette différence près que la majorité d’entre eux s’identifie à sa minorité innovatrice dont les qualités se trouvent ainsi généralisées, tandis que la majorité des femmes ne s’identifie jusqu’à présent ni à la minorité innovatrice des hommes, ni même – ou faiblement – à celle des femmes. Mozart ou Einstein sont des représentants de l’ensemble des hommes, qui s’en créditent, tandis que Madame de la Fayette ou Marie Curie sont des exceptions pour l’ensemble des femmes.
Il est vrai que la structure de domination d’un sexe sur l’autre à travers les âges et les cultures a freiné l’agir des femmes. Mais il est vrai aussi que leur agir, même quand il était réel, a été sous-évalué dans la mesure où il se traduit peu en termes de pouvoirs. Que ce soit dans le domaine de la création littéraire ou scientifique, ou dans le domaine politique, l’apport généralement anonyme des femmes est nommé et approprié par les hommes – ou du moins par la structure masculine – qui en recueillent les bénéfices et paraissent en être ainsi les seuls facteurs. Sur le plan social et culturel, comme sur le plan économique, la production des femmes est annexée et capitalisée par eux. La dominance masculine est donc tout à la fois inscrite dans le processus de la réalité elle-même, et renforcée tant par son autoprésentation que par la lecture du savoir historique traditionnel. La part innovatrice des femmes dans la constitution du monde commun leur est ainsi doublement dérobée. Ce qu’une histoire «féministe», c’est-à-dire libérée de préjugés concernant le rapport des sexes, peut faire apparaître, ce sont tout à la fois les mécanismes par lesquels les femmes ont été traditionnellement, et dans chaque conjoncture particulière, «minorisées», mais aussi et en même temps leurs apports constitutifs oblitérés à la chose commune. Car l’absence des femmes dans l’histoire signifie leur éviction du pouvoir plutôt que leur manque d’activité: ce qu’elles produisent et agissent, dans le cadre général de la domination, n’est pas porté à leur crédit.
Ce fait est rendu particulièrement évident dans les conjonctures révolutionnaires: les femmes participent activement au changement mais sont chaque fois évincées de la nouvelle structure de pouvoir qui en résulte. On a pu l’analyser dans la conjoncture de la Révolution française, mais aussi dans les luttes émancipatoires anticolonialistes comme celle menée par l’Algérie, ou encore dans les bouleversements actuels des pays de l’Est: résistantes, combattantes, agitatrices, les femmes sont toujours écartées des instances décisionnelles du nouveau régime, même – on dirait volontiers surtout – quand il se prétend démocratique. Elles sont perdantes de ce qu’elles ont contribué à gagner.
Aussi n’est-il pas contradictoire de soutenir tout à la fois que les femmes ont toujours été dominées et en même temps qu’elles ont été infiniment plus agissantes qu’il n’y paraît: c’est qu’agir et pouvoir ne s’identifient pas l’un à l’autre. Cette distinction est d’ailleurs ...

Table des matières

  1. Un héritage sans testament
  2. Histoire et mémoire ou la marque et la trace
  3. Une arpenteuse de la pensée féministe