Les malentendues
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Les malentendues

Foi et féminisme: des droits réconcilliables

  1. 122 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Les malentendues

Foi et féminisme: des droits réconcilliables

À propos de ce livre

FĂ©minisme et religion sont-ils mutuellement exclusifs, voire irrĂ©conciliables? Devons-nous absolument vivre des dĂ©chirements autour de ces enjeux fondamentaux? À l'heure des tensions que l'on connaĂźt en Occident et de la hausse des discriminations liĂ©es aux signes religieux, tout porte Ă  croire que oui. Dania Suleman pense plutĂŽt le contraire. Avec cet essai bref et brillant, Ă©crit dans un souci de vulgarisation, elle saute dans l'arĂšne dans le but avouĂ© d'amorcer une rĂ©conciliation.La coexistence de la libertĂ© de religion et de l'Ă©galitĂ© des sexes est une question sensible qui n'est pas sans comporter de piĂšges. Dania Suleman sait les Ă©viter pour nous mener ailleurs. LĂ  oĂč il est possible de reconnaĂźtre la dimension patriarcale des religions Ă  travers l'histoire, mais du mĂȘme souffle, le rĂŽle qu'elles jouent dans l'intĂ©gration sociale de la population immigrante. Possible de constater que les tribunaux canadiens savent faire la part des choses pour protĂ©ger les femmes, sans hiĂ©rarchiser ces droits constitutionnels. Possible d'explorer le travail des thĂ©ologiennes fĂ©ministes postcoloniales qui revisitent les textes sacrĂ©s. Une rĂ©flexion salutaire puisant Ă  la sociologie, au droit et au fĂ©minisme, qui vient revaloriser l'autonomie et la libertĂ© des femmes tout en offrant un point de vue incarnĂ© sur l'identitĂ© religieuse. Et surtout, qui peut contribuer Ă  apaiser les fractures sociales.

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Informations

RĂ©concilier «l’irrĂ©conciliable»

Les jugements que j’ai prĂ©sentĂ©s montrent que les femmes formulent des requĂȘtes diffĂ©rentes, qu’elles ne luttent pas pour une Ă©mancipation identique, mais bien pour leur libertĂ© individuelle. Pour une libertĂ© qui soit Ă  l’image de leurs valeurs, de leurs croyances, de leur propre conception de l’égalitĂ© entre les hommes et les femmes. Elles revendiquent l’égalitĂ©, mais aussi le droit de parler pour elles-mĂȘmes. Elles ne prĂ©tendent pas que leur point de vue rejoint celui de toutes les femmes. Pour certaines, il s’agit de revendiquer le droit au divorce religieux, pour d’autres, de tĂ©moigner Ă  visage couvert. Ces femmes ont en commun de parler au «je», de parler de leur rĂ©cit, de faits uniques Ă  leur parcours. À ce sujet, les Ă©crits de Chandra Talpade Mohanty, autrice de Feminism Without Borders: Decolonizing Theory, Practicing Solidarity154, m’interpellent dans la mesure oĂč ils parlent des luttes pour l’égalitĂ© des sexes Ă  travers la pluralitĂ© des rĂ©alitĂ©s.
Discuter des «femmes» au lieu des «Femmes» permet de saisir cette multiplicitĂ©. Le groupe «femmes» reconnaĂźt la pluralitĂ© des rĂ©alitĂ©s de la vie de celles qui subissent les effets diffĂ©renciĂ©s du patriarcat, alors que le groupe «Femmes» suppose un vĂ©cu homogĂšne. La dĂ©signation «femmes» ne prĂ©tend pas Ă  une lutte fĂ©ministe commune, universelle et singuliĂšre. Elle reconnaĂźt l’ancrage culturel, social, politique, Ă©conomique, religieux et historique des rĂ©cits155.
Cette perspective, portĂ©e par le fĂ©minisme postcolonial, permet de se dĂ©faire d’un fĂ©minisme blanc universaliste, d’un fĂ©minisme qui a tendance Ă  trancher de maniĂšre catĂ©gorique et nĂ©faste pour l’émancipation des femmes religieuses156. Le fĂ©minisme postcolonial vise au contraire Ă  permettre aux femmes de se rĂ©approprier les termes de leurs propres luttes contre le patriarcat. Il cherche Ă  redonner la parole aux femmes qui ont Ă©tĂ© aliĂ©nĂ©es par les discours fĂ©ministes majoritaires, Ă  exposer et Ă  donner une tribune, un espace de narration, aux femmes qui ont jusqu’ici Ă©tĂ© des objets d’études. En cela, le fĂ©minisme postcolonial reconnaĂźt le caractĂšre multiple, complexe et parfois contradictoire des rĂ©cits des femmes et celui de leurs luttes pour l’émancipation.
Ce cadre permet de lĂ©gitimer et rendre visible le discours des femmes religieuses et pratiquantes qui revendiquent leur droit Ă  la libertĂ© de religion, simultanĂ©ment avec leur droit Ă  l’égalitĂ©. Pour cela, il faut apprendre Ă  rendre justice aux diffĂ©rents regards, vĂ©cus et positionnements des femmes157. Les reconnaĂźtre comme des voix lĂ©gitimes qui tiennent Ă  changer, Ă  rĂ©former et Ă  critiquer les espaces qui leur sont attribuĂ©s au sein de la religion. ReconnaĂźtre leur rĂ©cit, leur capacitĂ© de choisir, leur agentivitĂ©, notamment derriĂšre le port du voile ou tout autre symbole religieux.
Pour MichĂšle Vatz Laaroussi, docteure en psychologie interculturelle et professeure titulaire Ă  l’École de travail social de l’UniversitĂ© de Sherbrooke, il existe chez les femmes occidentales une croyance implicite selon laquelle les femmes racialisĂ©es, migrantes, ont les mĂȘmes besoins d’émancipation que les leurs.
Les femmes occidentales des sociĂ©tĂ©s dites dĂ©mocratiques et Ă©voluĂ©es auraient, par leurs luttes et au travers du mouvement fĂ©ministe, atteint une indĂ©pendance et une Ă©mancipation non encore acquises par les femmes d’autres contextes socio-politiques. [
] De ce fait, la tendance serait d’amener les femmes d’autres cultures Ă  suivre les mĂȘmes voies que les femmes des pays riches occidentaux pour acquĂ©rir leur Ă©mancipation158.
Pour la journaliste Francine Pelletier, il s’agit de l’opposition fĂ©ministes c. fĂ©ministes159. Les premiĂšres revendiquent un blueprint Ă©mancipateur pour toutes femmes, alors que les secondes demandent Ă  personnaliser leur lutte contre le patriarcat. Pour la juriste Pascale Fournier, le fĂ©minisme colonialiste des premiĂšres se traduit par une structure de gouvernance qui rĂ©unit des fĂ©ministes blanches, des nĂ©oconservateurs et des laĂŻcistes cherchant Ă  s’opposer au «barbarisme» des secondes160. C’est un fĂ©minisme universel qui juge les expĂ©riences des femmes en fonction des valeurs et des objectifs qui lui sont propres. Pour Lyne DeschĂątelets, cette opposition, en plus d’essentialiser les «opprimĂ©es» en fonction de leur sexe, fait abstraction de toute autre forme de discrimination fondĂ©e sur la race, l’appartenance sociale, religieuse, notamment161.
On doute gĂ©nĂ©ralement de l’apport rĂ©el des femmes, et des fĂ©ministes non blanches, au sein des religions. On suppose que leur action a peu d’incidence sur les institutions et les structures religieuses patriarcales162. Or, cette lecture rĂ©ductrice de l’implication des femmes au sein de la religion est une lecture patriarcale et paternaliste. La thĂ©ologienne fĂ©ministe juive Judith Plaskow souligne que le soupçon de nombreux intellectuels dans notre sociĂ©tĂ© laĂŻque selon lequel quiconque s’intĂ©resse Ă  la religion est rĂ©actionnaire a servi Ă  marginaliser et Ă  dĂ©lĂ©gitimer le travail des fĂ©ministes au sein des religions163. La confiance accordĂ©e aux fĂ©ministes qui travaillent des espaces, des Ă©crits, des institutions, des traditions historiquement patriarcales, autres que religieuses, ne s’étend pas aux femmes religieuses. C’est prĂ©cisĂ©ment notre rapport Ă  l’agentivitĂ© de la femme qu’il est important de dĂ©construire. Dans cet esprit, je propose trois avenues de rĂ©conciliation, tirĂ©es de l’expĂ©rience portĂ©e par les femmes religieuses et pratiquantes.

Des rĂ©cits d’empowerment

L’affaire R. v. N.S.164, dont il a Ă©tĂ© question au chapitre prĂ©cĂ©dent, illustre bien l’importance que cet enjeu peut revĂȘtir pour une femme religieuse. En effet, cette affaire illustre moins un conflit entre la libertĂ© de religion et le droit Ă  un procĂšs Ă©quitable que le droit d’une femme Ă  tĂ©moigner d’un traumatisme dans des conditions qui facilitent sa prise de parole et qui renforcent sa confiance. Étant donnĂ© les difficultĂ©s qu’implique la dĂ©nonciation d’une agression sexuelle, une femme devrait avoir accĂšs Ă  un espace alternatif, dans lequel dĂ©noncer et tĂ©moigner contre son agresseur sans ĂȘtre contrainte par l’ensemble des rĂšgles propres au processus judiciaire normatif, et ce, qu’elle soit religieuse ou non.
La religion peut manifestement constituer une composante positive dans la vie d’une femme, notamment en facilitant l’expression de ses droits civiques165. Elle peut ĂȘtre synonyme de bien-ĂȘtre, de confiance et d’autonomie individuelle. Selon une Ă©tude menĂ©e par Saba Rasheed Ali et collaboratrices Ă  propos des femmes chrĂ©tiennes et musulmanes, omettre de considĂ©rer les aspects positifs que la religion peut avoir dans la vie des femmes revient Ă  nier leur empowerment, leur pouvoir intĂ©rieur, leur conscience critique, leur confiance166.
Plusieurs victimes d’actes sexuels ne sentent pas que le systĂšme de justice pĂ©nal leur offre l’espace dont elles ont besoin pour dĂ©noncer. Pour N.S., le niqab lui permettait de dĂ©noncer la violence qu’elle avait vĂ©cue – une des pires formes de violence commises envers les femmes. N.S. a mentionnĂ© Ă  la Cour suprĂȘme que le fait de porter son niqab lui permettait en effet de trouver la confiance nĂ©cessaire pour tĂ©moigner et rendait plus confortable sa prĂ©sence Ă  la Cour. Sans lui, l’idĂ©e de dĂ©noncer ses agresseurs Ă©tait trop «vulnĂ©rabilisante». Si la Cour suprĂȘme avait vu les choses ainsi, cela aurait peut-ĂȘtre menĂ© Ă  un rĂ©sultat diffĂ©rent quant au jugement de la majoritĂ©167. À la place, N.S. a dĂ©cidĂ© d’abandonner sa poursuite, et ses agresseurs sont restĂ©s Ă  l’abri de toute poursuite judiciaire au criminel.
Le Ontario Women’s Justice Network a Ă©mis ...

Table des matiĂšres

  1. Introduction
  2. La liberté religieuse au Canada: de quoi parle-t-on?
  3. Des «accommodements raisonnables» au «droit Ă  l’égalité»
  4. Des femmes, des religions, des tribunaux
  5. RĂ©concilier «l’irrĂ©conciliable»
  6. Des déconstructions nécessaires pour une réconciliation possible
  7. Bibliographie