Déjouer le silence
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Déjouer le silence

Contre-discours sur les femmes haïtiennes

  1. 314 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Déjouer le silence

Contre-discours sur les femmes haïtiennes

À propos de ce livre

Le mouvement féministe haïtien vient de célébrer ses 100 ans: occasion idéale pour réfléchir à la réalité des Haïtiennes, tout en y intégrant des courants de pensée européens, américains et panafricains. Ce livre est construit sur le constat qu'Haïti et la Caraïbe ne peuvent faire l'économie de nouvelles pistes de réflexion dans un contexte où la situation des femmes ne cesse de se dégrader et où les acquis féministes sont constamment remis en question ou disqualifiés.Les recherches sur le genre et la pensée féministe produiront ainsi de meilleures analyses sur la situation de celles qui, dans l'imaginaire collectif, sont encore perçues à la fois comme garantes du bien-être des autres et citoyennes de seconde zone. Il en résulte un récit articulé sur une variété de sujets qui élabore un discours endogène remplaçant, nous l'espérons, les récits étrangers trop souvent stéréotypés.Avec des textes de Darline Alexis, Rébecca S. Cadeau, Ketleine Charles, Frédéric Gérald Chéry, Ryoa Chung, Natacha Clergé, Denyse Côté, Francine Descarries, Joëlle Kabile, Nathalie Lamaute-Brisson, Sabine Lamour, Diane Lamoureux, Pauline Lecarpentier, Marie-Nadine Lefaucheur, Danièle Magloire, José Nzengou-Tayo, Gail Pheterson, Daniel Pierre Philippe, Célia Romulus et Rose Esther Sincimat Fleurant.En coédition avec PressuniQ et Mémoire d'encrier[En couverture] Dessin d'après Ayizan, fresque métallique de l'artiste haïtien Marc-Antoine Joseph dit ZAKA

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VII

Droits des femmes

La violence conjugale est-elle une métaphore
du système totalitaire et une atteinte
à la citoyenneté des femmes victimes?

Joëlle Kabile
La réflexion que je propose ci-après s’appuie essentiellement sur les résultats de l’enquête ENVEF-Martinique, menée par l’équipe Genre et société aux Antilles (GESA/CRPLC-CNRS) et publiée sous l’intitulé «Genre et violences interpersonnelles» (2012). Coordonnée par Nadine Lefaucheur (CRPLC-CNRS) et Elisabeth Brown (CRIDUP-Paris I), cette enquête comporte un volet statistique interrogeant 1152 femmes et 954 hommes sur les violences subies dans les différentes sphères de la vie, ainsi qu’un volet qualitatif interrogeant une vingtaine de femmes en situation de violence conjugale, et une vingtaine d’hommes à titre exploratoire (il ne s’agissait pas a priori d’hommes violents). À titre complémentaire, je m’appuierai également sur des observations relevées lors de ma recherche doctorale en cours45, où j’ai pu rencontrer trois femmes victimes de violences conjugales, sans toutefois savoir au départ qu’elles l’étaient et sans, pour l’une d’entre elles, qu’elle-même sache qu’elle l’avait été.
Mon propos ici est d’envisager, à titre exploratoire, de considérer la situation de violence comme une véritable métaphore du système totalitaire et comme une atteinte à la citoyenneté des femmes victimes. En effet, lors de l’enquête ENVEF-Martinique, je me suis penchée plus spécifiquement sur les raisons pour lesquelles les femmes victimes pouvaient difficilement quitter la situation de violence, et sur le «déclic» (Kabile, 2012) qui provoquait finalement ce départ. Sur le moment, cela m’a paru très compliqué à analyser. Comme la plupart des individus qui n’ont jamais été confrontés – ou qui croient n’avoir jamais été confrontés (on revoit, en effet, son jugement sur sa propre histoire quand on travaille sur cette question) à ces situations complexes –, je ne comprenais pas pourquoi il est si difficile de partir et de se soustraire au danger. Cependant, l’analyse au cas par cas m’a permis de comprendre la complexité de la position des femmes victimes et la pluralité de facteurs objectifs et subjectifs qui retardent le déclic. Il m’est alors apparu qu’expliquer pourquoi elles ne partent pas concrètement (pour des raisons matérielles, psychologiques, la peur, etc.) ne suffisait pas à faire comprendre les difficultés spécifiques des victimes à ceux qui se posent les questions que je me posais au départ. En effet, en dépit des explications que nous pouvons apporter, nous continuons d’entendre des propos relativement stigmatisants et incrédules: «oui mais quand même...», «elle aurait pu partir plus tôt», «comment quelqu’un peut supporter autant sans réagir», «si c’était moi, ça ne me serait jamais arrivé», etc. Pour mieux comprendre, à mon sens, il faut donc penser la situation de violence conjugale différemment: elle prive les femmes victimes de leur citoyenneté, de leur recours au droit, et les place même parfois dans un véritable système totalitaire, tel que l’a conceptualisé Arendt dans son ouvrage Le système totalitaire (Arendt, 2005).
Il est vrai qu’une telle approche demeure risquée du point de vue épistémologique: il y a un véritable paradoxe à analyser la violence conjugale comme une forme de régime politique. Cela peut paraître surprenant mais en réalité, la notion de régime politique se prête plus qu’on ne le pense à l’analyse de situations privées, à condition d’en poser une définition pragmatique. Le régime politique se définit, en effet, simplement comme l’ensemble des règles relatives au pouvoir dans un espace ou une société donnée (Braud, 2011). Le couple ou la famille, la sphère domestique, sont indéniablement des espaces, certes privés, où s’affrontent plusieurs sources de pouvoir, tel par exemple le pouvoir étatique (droit de la famille, etc.), celui exercé par les individus en fonction de leur socialisation, de leur statut, de leur personnalité (De Singly, 1976; 1996). Or, aucune situation privée ne renverse mieux les règles de pouvoir dans le couple au profit du conjoint violent que la violence conjugale. Il s’agit d’une situation qui peut même, dans une certaine mesure, paralyser le pouvoir de l’État en privant par exemple les femmes victimes du recours à celui-ci. En effet, la violence conjugale établit une domination instantanée et elle reconfigure la citoyenneté des femmes victimes.
De quelle citoyenneté parle-t-on? Nous ne nous pencherons pas ici sur la citoyenneté sociale (Castel, 2003) à laquelle pourtant la violence conjugale porte souvent sévèrement atteinte, mais sur la citoyenneté politique. La tradition francophone définit la citoyenneté non seulement comme «la reconnaissance du citoyen comme un sujet de droits civils et politiques», mais également comme une source du lien social (Schnapper, 2000). Aussi ce lien suppose-t-il un sentiment d’appartenance à un corps social composé d’individus titulaires, notamment, de droits subjectifs, pouvant alors solliciter les institutions publiques protectrices de ces droits. Pour autant, la seule appartenance ne suffit pas à constituer la citoyenneté: la faculté subjective d’agir (Sen, 2000), soit la liberté positive, est déterminante, tout comme les capacités matérielles, économiques d’action altèrent ou favorisent celle-ci. Ces dernières dépendent néanmoins du contexte politique. Je propose donc de considérer la situation de violence conjugale comme un contexte politique en soi. Certes, choisir la théorie politique d’Hannah Arendt à l’appui d’une réflexion sur la violence conjugale peut également sembler problématique, cette auteure n’étant pas particulièrement connue pour son féminisme (Kristeva, 2003). Pour autant, son modèle du totalitarisme semble très utile pour expliciter les mécanismes de transformation de la victime dans une situation de violence. En choisissant de voir celle-ci comme une métaphore46 du système totalitaire prenant place dans la sphère privée, affectant l’exercice de la citoyenneté dans la sphère publique, on peut mieux comprendre la difficulté de s’affranchir du conjoint violent et c’est ici ce qui nous importe. Partons du principe que nous parlons ici de la société martiniquaise qui a priori, en sa qualité de collectivité d’outre-mer française, est supposée appartenir à un État démocratique.
Si Montesquieu explique que chaque régime politique trouve son fondement dans un principe d’action – la vertu dans la République, la crainte dans la tyrannie, l’honneur dans la monarchie (Casabianca, 2003) –, pour Arendt, les principes d’action du système totalitaire sont les suivants: la désolation, l’idéologie et la terreur. Ceux-ci s’illustrent également dans la situation de violence conjugale.

La désolation

La désolation, qui est en réalité plus un substitut de principe d’action, est le fondement du totalitarisme en ce sens qu’elle désigne une perte d’appartenance au monde, une sorte de déracinement qui va bien au-delà du repli sur la sphère privée, car la vie privée même se trouve détruite. Aussi, dans la désolation, le moi est-il même privé de la solitude car la solitude présuppose la possibilité de l’amitié. De ce point de vue, la situation de violence conjugale repose aussi sur la désolation. En effet, tout d’abord, elle délite le lien social, en enfermant la femme dans un isolement affectif et social, contribuant à l’y maintenir. Dans notre enquête qualitative, nous avions repéré une multiplicité de facteurs d’isolement: celui-ci peut être, par exemple, le produit d’une distanciation avec la famille, hostile au conjoint dès le début de la relation. La honte de la relation, parfois déconseillée par l’entourage, conduit à verrouiller la parole et certaines femmes ne s’autorisent pas à évoquer leur situation, de peur d’être rejetées. De même, l’impossibilité de parler à des amis, ou de partager ses difficultés dans la sphère professionnelle renforce cet isolement. Par ailleurs, même si la victime réussit à surmonter la pénible verbalisation, la peur d’être incomprise, ou confrontée à l’incrédulité d’autrui constitue un frein puissant. La dissimulation de la situation dans les sphères publiques (comme la sphère professionnelle, par exemple) contribue aussi à terme à la disparition même de la possibilité de parler. En outre, certaines femmes pourraient parler à leur famille ou aux amis proches, mais s’autocensurent car elles ne veulent pas «déranger» («tout le monde a ses problèmes», «je vais pas embêter les gens»). Une des enquêtées, interrogée sur les personnes qui pourraient l’aider à sortir de la situation, explique:
C’était la famille, mais j’ai l’impression que quand ça va pas, on vous ferme la porte, ça déclenche un truc, il y a des choses qu’on ne voulait pas dire à la personne, directement, qu’on était fragile, à un membre de la famille, pour se soulager, après ça fait... Moi je garde que pour moi-même.
Jeanne, par exemple, séparée depuis peu au moment de l’enquête, après deux décennies de vie commune, a connu un épisode de dépression en revenant vivre en Martinique avec son conjoint; elle se heurte alors à l’incompréhension et au rejet de sa famille, qui dès lors ne peut plus constituer un soutien et l’enferme dans le déracinement, caractéristique de la désolation:
Et j’ai une sœur, particulièrement, on s’adore, on est très fusionnelles, eh ben elle m’a abandonnée. Elle n’est pas venue me voir à l’hôpital, elle n’est pas venue. Elle m’a dit «je refuse de cautionner le fait que tu tombes si bas, pas toi, tu es assez forte pour t’en sortir, je ne vais pas te soutenir».
En effet, les mécanismes d’isolement affectif, familial, social mis en place par le conjoint violent (par exemple, discrédit de la femme victime auprès de la famille afin que celle-ci se détourne d’elle) ont pour but de limiter les rencontres susceptibles d’offrir une échappatoire, car «toute neutralité, toute amitié même, dès lors qu’elle est spontanément offerte, est, du point de vue de la domination totalitaire, aussi dangereuse que l’hostilité déclarée» (Arendt, 2005). L’amitié en particulier est spécialement discréditée, comme je l’ai observé lors de mon terrain de thèse, ce conjoint expliquant méthodiquement à sa compagne cohabitante que si elle relate les faits, essentiellement des humiliations ou des insultes, «c’est de toi que tes amis vont se moquer, c’est toi qui va passer pour une imbécile pour avoir accepté tout ça, c’est pas moi». Ces contraintes entravent non seulement le maintien des liens sociaux préexistants à la relation, mais en limitent également la création, plaçant donc la victime dans un confinement social. En cela, la situation est peu propice à l’expression de sa citoyenneté, notamment en ce qu’elle comporte de lien social, mais conduit la victime à une expérience proche de la désolation où son individualité et sa souffrance peuvent être niées.
À mon sens, l’expérience de la désolation complique également le recours aux institutions légales de protection, soit parce qu’on n’a plus confiance dans ces institutions, soit parce que la croyance dans le pouvoir et l’influence du conjoint violent, du chef totalitaire, donc, sur ces institutions est telle qu’elle annihile le recours à celles-ci. Cela est particulièrement vrai dans une petite société d’interconnaissance telle que la Martinique, où le contrôle social est très pesant. Les femmes victimes, déjà isolées, subissent une violence supplémentaire du fait de cette interconnaissance: ainsi dans notre enquête avions-nous noté plusieurs tentatives de sortie de la violence avortées à la suite d’une rencontre désastreuse avec un travailleur social lié – ou soupçonné de l’être – à la famille du conjoint. De plus, généralement privée d’amis, ne pouvant pas ou n’osant pas parler à sa famille, repliée sur ses enfants, la victime s’abîme progressivement dans le silence. Il lui devient alors de plus en plus difficile d’exprimer sa souffrance face aux interlocuteurs sociaux et judiciaires, notamment devant les forces de l’ordre. Il peut aussi arriver que les femmes ne se dirigent pas vers les institutions (telle la gendarmerie) parce qu’elles estiment que leur parole, mise en balance avec celle de l’homme, sera écartée. Ainsi Sophie se méfie-t-elle: «Il est très manipulateur, il va faire croire aux autres que j’avais un autre homme. Je suis la seule à voir ce truc-là». Dans le même esprit, les propos de Fanny, 42 ans, rencontrée lors de mon récent terrain de thèse, le confirment. Mariée à une figure publique locale et appartenant à la bourgeoise noire de la capitale, Fanny, 43 ans aujourd’hui, à l’époque journaliste stagiaire et victime de violences conjugales et sexuelles, est refoulée par une association de protection des femmes victimes bien connue dans l’île, qui lui déconseille même de porter plainte en raison de la position influente de son époux. Elle finira bien par quitter celui-ci au prix d’un divorce particulièrement difficile et de plusieurs tentatives de suicide. Cela relève aussi de l’expérience de la désolation et s’articule avec le deuxième principe d’action du totalitarisme: l’idéologie.

L’idéologie

Le deuxième principe d’action du totalitarisme est l’idéologie. La violence conjugale se rapproche clairement du totalitarisme en particulier dans la substitution idéologique opérée par l’homme violent qui, par un long travail de dévalorisation, conduit la victime à intérioriser des mécanismes de domination et d’autocontrôle. Plus que l’emprise, dans le totalitarisme, il s’agit de transformer les individus en véritables «marionnettes ne présentant pas la moindre trace de spontanéité» (Arendt, 2005), et en cela la violence conjugale est efficace. Ina (connaissance personnelle hors enquête), à l’époque cadre supérieure dans une banque, âgée de 25 ans au moment des faits, relate comment il lui était devenu impossible de s’écarter du planning prévu par son conjoint cohabitant, âgé de 28 ans, agent de sécurité:
Je ne pouvais rien faire. Il savait que je finissais à 17 heures et il avait calculé qu’il me fallait 20 minutes – 30 minutes s’il y avait des embouteillages – pour rentrer à la maison. Si je rentrais quelques minutes plus tard, c’était des cris et des crises à n’en plus finir, et au bout d’un moment, j’avais peur de ça et puis, on n’a plus envie de quoi que ce soit. Je me dépêchais de rentrer, quand je passais voir à la maison [la maison familiale était à cinq minutes de son lieu de travail], je ne pouvais pas rester plus de cinq minutes car il fallait que je sois à la maison pour une heure précise. J’ai fini par le faire mécaniquement. Ma sœur m’a fait la réflexion, mais je ne me rendais plus compte, j’étais conditionnée.
Mais si l’idéologie supprime la «liberté du penser», elle constitue aussi, selon Arendt, une nouvelle mise en ordre du monde pour les victimes du régime totalitaire et en ce sens, pour être efficace, elle prend appui sur des mécanismes politiques ou historiques antérieurs. Et ici, dans le cas de la violence conjugale, des mécanismes de culpabilisation et de dévalorisation présents dans l’histoire affective des victimes constituent le terrain parfait pour opérer une substitution idéologique permettant l’assise définitive du pouvoir du conjoint violent. En effet, notre enquête ENVEF, dans son volet statistique, relève qu’avoir été victime de violences dans son enfance accroît la probabilité d’en être victime à l’âge adulte (Lefaucheur et Brown, 2012). De plus, une victime ayant déjà parfois connu des faits de violences ou des carences affectives dans l’enfance peut ainsi refuser l’entrée dans le processus judiciaire, soit parce qu’elle ne la perçoit pas comme une garantie de ses droits subjectifs, voire de ses droits naturels, soit parce qu’elle ne sait pas que la violence est une atteinte à ses droits naturels. Il peut arriver en effet que les personnes ayant connu des violences dans leur vie affective antérieure ou ayant évolué dans un contexte de violence dans l’enfance ne sachent pas que cette situation est anormale, et ne parv...

Table des matières

  1. Remerciements
  2. Contre-récits sur le genre et la pensée féministe en Haïti
  3. I
  4. Recherches féministes: questionner les fondements, questionner les méthodes
  5. II
  6. Les femmes haïtiennes dans l’espace littéraire
  7. III
  8. Réalités caribéennes
  9. IV
  10. La science économique a-t-elle un genre?
  11. V
  12. Politique et administration publique: articulations genrées
  13. VI
  14. Féminisme et antiféminisme en Haïti et ailleurs
  15. VII
  16. Droits des femmes