Jeunes trans et non binaires
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Jeunes trans et non binaires

De l'accompagnement à l'affirmation

  1. 386 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Jeunes trans et non binaires

De l'accompagnement à l'affirmation

À propos de ce livre

La question des jeunes trans gagnerait à être mieux connue du grand public. Longtemps, les identités trans et non binaires chez les enfants et les jeunes ont été comprises comme des pathologies du développement à mettre en veilleuse, voire à corriger. Or, la littérature scientifique actuelle et l'expérience du terrain nous montrent que les identités de genre non conformes sont une expression parmi d'autres de la diversité humaine. Défendant une approche dite «transaffirmative», qui repose sur une vision non binaire du genre, non pathologisante, respectant l'autodétermination et l'expertise des personnes sur leur vie, cet ouvrage pluridisciplinaire entend fournir des fondements théoriques et pratiques sur le sujet, dans le but d'accompagner et d'améliorer la qualité de vie de ces jeunes.Avec des textes de Éli Abdellahi, Florence Ashley, Alexandre Baril, Greta Bauer, Gabrielle Bouchard, Lucile Crémier, Aaron Devor, Karine Espineira, Maxime Faddoul, Annie Fontaine, Andrée-Ann Frappier, Gabriel Galantino, Shuvo Ghosh, Gabriel Girard, Andreea Gorgos, matthew heinz, Valeria Kirichenko, Zack Marshall, Denise Medico, Annie Pullen Sansfaçon, Jake Pyne, Marjorie Rabiau, Muriel Reboh Serero, Marie-Joëlle Robichaud, Jean-Sébastien Sauvé, Françoise Susset, Charles-Antoine Thibeault, Jacques Thonney, Raphaël Wahlen et Adèle Zufferey.

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I

SOCIÉTÉ, DROIT
ET INSTITUTIONS

Chapitre 1

Savoir dire et savoir faire:
mieux communiquer pour favoriser
l’inclusion des jeunes trans

Loïs Crémier
Ce chapitre aborde la dimension linguistique des interventions transaffirmatives et propose quelques outils issus des communautés de la diversité de genre et des recommandations institutionnelles québécoises pour promouvoir des pratiques inclusives.

En quoi les mesures d’ouverture impliquent-elles
des changements au niveau de la langue?

Si la mise en place de mesures et d’un climat transaffirmatifs passe tout d’abord par l’adaptation des structures institutionnelles, ces évolutions ne peuvent avoir lieu sans les mots pour les dire. L’observation critique et les mesures demandées récemment des milieux professionnels, notamment en travail social, mettent de l’avant l’importance de mieux nommer les réalités des jeunes de la diversité de genre (ACFTS 2015; Ansara, 2010; Faddoul, 2019). L’actualisation des savoir-faire transaffirmatifs va de pair avec un certain «savoir-dire» qui permet de donner un sens et de communiquer les pratiques préconisées tant en contexte de recherche que d’intervention de terrain. Plusieurs travaux et rapports de recherche insistent sur le rôle de la langue en intervention (Lapierre, 2012; Lapierre et Huot, 2013) et soulignent son rôle fondamental dans la construction et le maintien d’un lien de confiance entre les intervenant·e·s et les bénéficiaires (FQPN, 2017).
Le langage rend visibles l’approche et les valeurs de l’intervenant·e. Selon la définition internationale du travail social approuvée par l’assemblée générale de l’Association internationale des écoles de travail social (IASSW) à Melbourne en 2014, le respect des diversités et le développement du pouvoir d’agir de toustes1 doivent être au cœur des pratiques de recherche et d’intervention (EASSW, 2017). Il semble donc que l’utilisation d’un langage inclusif soit non seulement pertinente, mais aussi cohérente avec les fondements du travail social tels qu’ils s’appliquent dans tous les domaines de pratique. En effet, comme on le verra plus bas, les pratiques linguistiques sont un véhicule d’affirmation du genre pour les jeunes et adultes trans. L’intervention transaffirmative gagne donc à refléter les pratiques linguistiques de ces populations afin de témoigner de son soutien, de favoriser le lien de confiance et de promouvoir l’inclusion.
Cette dynamique transaffirmative implique de nombreux questionnements fondamentaux, d’ordre à la fois épistémologique et éthique. Nous en nommerons trois ici. Premièrement, comment justifier le rôle de la langue dans l’affirmation du genre? Deuxièmement, à qui doit-on attribuer l’autorité sur l’usage de la langue dans le contexte d’interventions transaffirmatives et antioppressives? Troisièmement, comment actualiser notre prise de position dans la pratique?
Premièrement, le rôle que la langue joue dans le bien-être, la reconnaissance et l’affirmation des jeunes dont les identités sont marginalisées est complexe et variable. Établir les liens entre affirmation de soi et énonciation, ou encore entre développement d’un rapport positif à soi et autodétermination par les mots chez les jeunes, mériterait des études beaucoup plus approfondies. Bien que recueillir des données qualitatives et quantitatives sufffisantes pour montrer l’impact des pratiques linguistiques chez ces jeunes viendrait soutenir et influencer les mesures d’ouverture, la recherche sur les pratiques linguistiques de certaines communautés trans américaines souligne déjà que l’autodétermination linguistique est un pan important de l’affirmation de soi (Zimman, 2014, 2019). Plusieurs études en psychologie, en sexologie, en travail social et dans d’autres domaines des sciences sociales font apparaître ces questions de langue à travers l’analyse du rejet et de l’inclusion dans les services (Giammattei, 2015; Rood et coll., 2016; Singh, 2016).
De nombreux travaux dans le champ des études trans2 témoignent de l’importance du langage verbal pour résister à l’effacement et à la marginalisation de certains genres (Bettcher, 2009, 2014; Currah, Moore et Stryker, 2008; Namaste, 2000; Stryker et Aizura, 2013). Ces recherches soulignent que les pratiques linguistiques peuvent être un facteur tantôt opprimant, tantôt émancipateur, et utilisent elles-mêmes la langue de manière créative et critique. Par exemple, la théoricienne et militante Julia Serano (2007) appelle «genrement» (gendering) le processus par lequel le genre d’un individu est lu, compris et communiqué. Aujourd’hui, le concept de mégenrage (misgendering) est utilisé couramment pour désigner une mauvaise interprétation du genre d’une personne. Il peut s’agir d’une erreur ou d’une attitude intentionnelle. Le mégenrage est souvent un phénomène linguistique: se tromper de pronom ou de titre de civilité, par exemple. D’autres concepts issus des études trans, tels que la cis(genre)normativité (Baril, 2009; Bauer et coll., 2009), sont aussi des outils linguistiques qui nomment des problématiques spécifiques et qui développent un regard différent sur le système de genre dans lequel nous vivons.
Il est aussi important de mentionner que la réflexion sur le langage comme outil de construction, de hiérarchisation et d’affirmation des genres traverse plusieurs courants de pensée féministes depuis des décennies (voir, par exemple, Irigaray, 1977; Wittig, 1980). Elle figure notamment au cœur des travaux féministes intersectionnels qui s’interrogent sur l’oppression et l’émancipation de subjectivités historiquement invisibilisées (hooks, 1992; Koyama, 2006). L’enjeu de nommer le genre et les corps influence aussi les études queer, avec une attention particulière portée aux rapports de pouvoir entre celleux qui nomment et celleux qui sont nommé·e·s (Ahmed, 2016; Butler, 2005; de Lauretis, 1987; Sedgewick, 1990). Ces travaux avancent un riche éventail de thèses, tantôt en contradiction entre elles, tantôt en dialogue. Ils informent la recherche et les pratiques actuelles d’affirmation, d’inclusion et d’émancipation des genres.
Deuxièmement, nous devons dès lors nous demander qui détient un pouvoir décisionnel sur l’usage linguistique. L’adoption d’un langage transaffirmatif suscite en effet des frictions entre les normes linguistiques et les usages créatifs ou militants diffusés dans les communautés concernées (néologismes, emprunts d’autres langues, etc.). La sociolinguistique, la sémiologie et la philosophie du langage ont développé de nombreuses théories concernant les rapports d’une langue avec ses communautés et locutorats.
Il existe notamment différentes postures par rapport à la diversité des pratiques linguistiques, davantage prescriptives (statuer sur le bon usage et en assurer le maintien), ou davantage descriptives (documenter les usages au fil de leur adoption courante). Les variations géographiques, sociales et historiques du français oral et écrit dans la francophonie complexifient l’identification d’un standard inclusif; elles remettent en question la possibilité et la désirabilité même d’un standard unique. Il s’agit d’un débat qui dépasse largement la question du genre en français et l’adaptation des pratiques linguistiques aux réalités de la diversité de genre.
Si les individus et les communautés trans créent des outils linguistiques créatifs ou de résistance qui divergent des normes linguistiques, ces communautés n’ont souvent pas accès aux institutions qui octroient une légitimité aux pratiques. Or, dans une optique transféministe, s’approprier les moyens de faire sens de sa réalité, c’est «construi[re] des solidarités en se passant très bien d’une quelconque validation officielle» (Porchat et Ayouch, 2015). Puisque l’approche transaffirmative vise à prioriser l’exploration et l’affirmation du genre pour promouvoir le bien-être des personnes et des communautés, elle devrait s’aligner sur cette réalité: la langue constitue un terrain d’autodétermination individuelle et collective, et l’autorité sur la «bonne» pratique, dans le quotidien, devrait relever des milieux les plus directement concernés par l’évolution des marques du genre en français.
Troisièmement, si nous adoptons ce point de vue sur la langue, alors des questions d’ordre pratique se posent. Lorsque des changements de pratique sont mis en œuvre, quels mots choisir et comment les choisir? De quelle marge de manœuvre disposons-nous en fonction du contexte professionnel ou d’intervention? Doit-on prioriser, en tant que professionnel·le·s, les recommandations des institutions de régulation de la langue française ou bien les usages en cours dans les populations concernées? Quelles sources prioriser pour comprendre la relation que les jeunes trans entretiennent avec la langue française au Québec et ailleurs? Ces questionnements sont récents et en pleine effervescence. De nombreux travaux en cours au sein du monde universitaire et des communautés concernées nourrissent ces réflexions à propos du langage inclusif comme pratique transaffirmative.
À la lumière de ces considérations, l’adoption d’un langage plus inclusif est donc un choix informé par une pratique plus inclusive, c’est-à-dire qu’elle découle d’une prise de position transaffirmative dans les débats linguistiques. Dans les sections qui suivent, quelques notions et outils concrets sont présentés pour appuyer cette prise de position en pratique. Il est à noter que même si elles sont intrinsèquement reliées aux outils présentés, les questions fondamentales concernant la relation entre langue et genre ne font pas l’objet de ce chapitre. Enfin, il est important de souligner que nous traitons aussi ces questions à partir de notre expérience en tant que personne trans et non conforme dans le genre concernée par l’émergence du français neutre, expérience que nous avons observée au prisme de notre bagage universitaire en sciences humaines et enrichie par notre participation dans les milieux de vie et de militance trans.

Comment se développent ces pratiques inclusives
en langue française aujourd’hui?

À Montréal et ailleurs au Québec, la féminisation des textes et la rédaction épicène sont les plus courantes dans les milieux où il est jugé important de visibiliser la diversité des genres par la langue. Historiquement, ces pratiques sont courantes dans les milieux militants féministes, queer et trans. Des organismes œuvrant auprès des jeunes trans, non binaires, ou de la diversité de genre plus largement, utilisent la langue française de manière à refléter la diversité des genres dans leurs publications et leur documentation écrite, notamment en reprenant l’usage des néologismes neutres et inclusifs issus des communautés de personnes trans et non binaires3. Or, la visibilité, le respect et la protection légale grandissants de la transitude au Québec et au Canada favorisent la diffusion de ces pratiques dans la population en général. À cet égard, le «respect langagier» des personnes de la diversité de genre est obligatoire d’un point de vue juridique dans le contexte québécois (Ashley, 2017; OHRC, 2014), surtout depuis que l’identité et l’expression de genre sont reconnues comme des motifs prohibés de discrimination dans la Charte québécoise des droits et libertés de la personne (article 10). L’autorité de la loi peut donc devenir un facteur d’adaptation de la langue parlée dans la vie quotidienne.
Le contexte bilingue du Québec et du Canada peut représenter un incitatif à la recherche d’un langage plus inclusif de la diversité de genres. En effet, la normalisation progressive de they en tant que pronom épicène au singulier en anglais, soutenue par son officialisation récente4, renforce la possibilité de concevoir le genre comme un éventail à plus de deux options dans la langue française. La langue anglaise comporte moins de marques du genre: noms communs et adjectifs sont en général neutres, comme social worker, par exemple. Pour peu que l’intervenant·e travaille dans un contexte bilingue ou qu’iel soit amené·e à passer d’une langue à l’autre fréquemment, iel peut constater que la langue française est particulièrement genrée. L’intervenant·e peut ainsi chercher à incorporer une forme neutre en français pour s’adresser à plusieurs individus ou désigner une personne qui s’exprime au neutre de la même manière qu’en anglais.
Les méthodes qui permettent de ne pas genrer ses interventions ou de genrer adéquatement les personnes visées par un discours sont variées. Nous les présenterons en trois catégories que l’on peut distinguer par leurs objectifs spécifiques et leurs effets concrets: la féminisation, l’inclusif (ou rédaction épicène) et le neutre (ou non binaire). Ces trois manières d’envisager la communication inclusive participent de pratiques transaffirmatives, à commencer par leurs méthodes respectives les moins basées sur la binarité des genres.
La féminisation cherche en général à marquer et à inscrire le genre féminin à l’égal du genre masculin. Elle s’oppose à l’utilisation du masculin générique. Elle réintroduit et crée5 des mots pour désigner plusieurs réalités au féminin comme au masculin. Rédiger de manière épicène, inclusive, ou non sexiste revient plutôt à éviter de marquer le genre quand on parle d’un groupe d’individus aux genres variés ou à référer à des individus sans égard à leur genre. Même si, dans la pratique, la rédaction épicène reprend plusieurs méthodes issues de la féminisation, son approche et ses objectifs peuvent en différer. Enfin, les outils d’expression neutres sont regroupés sous divers termes selon le contexte et les groupes concernés: «grammaire neutre» ou «français dégenré», par exemple. Ils concernent l’expression de genres qui se situent en dehors de la binarité masculin-féminin: il s’agit de marquer et d’inscrire dans la langue ces genres spécifiques aux personnes de la diversité de genre. Le ...

Table des matières

  1. Introduction: pour une approche transaffirmative
  2. I
  3. SOCIÉTÉ, DROIT ET INSTITUTIONS
  4. II
  5. INTERVENTIONS SOCIALES ET PRÉVENTION
  6. III
  7. APPROCHES THÉRAPEUTIQUES EN PSYCHOTHÉRAPIE ET EN MÉDECINE
  8. Conclusion Construire un avenir pour les jeunes trans
  9. Notes biographiques