Mme G.

Maxime Beauregard-Martin

• Éditeur: Éditions de L'instant même
• Année: 2018
• ISBN de l'eBook: 9782895029502
• Sujet: Littérature
• Sujet: Théâtre canadien

Maxime, un jeune auteur et acteur diplômé du Conservatoire de Québec, s'intéresse à la vie et à la carrière d'une octogénaire au passé fascinant.Par le biais de rencontres se déroulant dans l'appartement miteux de Madame G., Maxime lève le voile sur une partie méconnue de l'histoire de la ville de Québec. Tenancière de maison close, gérante d'un bar illégal, femme indépendante et tenace, Madame G. se livre avec retenue mais permet néanmoins au jeune homme de découvrir des personnages plus grands que nature, des jeunes femmes qui n'ont d'autre option que de trouver refuge au bar / rencontre La Grande Hermine.Au-delà des anecdotes savoureuses et des perles sur la nature humaine, la pièce de théâtre de Maxime Beauregard-Martin est une magnifique réflexion sur l'amitié. Elle aborde également, non sans un certain humour, les difficultés associées à l'écriture d'une œuvre dramatique.

SCÈNE 1

Sainte-Catherine

Dans les années quatre-vingt, à la Grande Hermine. Thierry, le pianiste, traîne de force un client jusqu’à Madame Gisèle.

THIERRY – Où est-ce que je te le mets ?

HENRI – Lâche-moi, lâche-moi !

THIERRY – Où est-ce que tu le veux, Gisèle ?

HENRI – J’ai rien fait, j’étais assis ben tranquille !

THIERRY – T’es sûre que tu veux pas que je te le sorte ?

GISÈLE – Non, non.

HENRI – Lâche-moi !

GISÈLE – Laisse-moi-le ici.

HENRI – Lâche-moi, j’ai rien fait.

GISÈLE – Mets-moi-le sur la chaise.

THIERRY – J’vais être obligé de serrer plus fort.

HENRI – Tu fais ça, mon tab…

Thierry serre sa poigne. Henri crie de douleur.

GISÈLE – Thierry… Thierry. Thierry, lâche-lé. Lâche-lé !

Thierry pousse Henri au sol.

GISÈLE – Bon. Astheure, retourne jouer du piano.

THIERRY – Oui, Madame Gisèle.

GISÈLE – Merci.

Thierry sort. Temps.

GISÈLE – Ça va ?

HENRI – Il m’a arraché le bras, il m’a arraché le bras, le tabarnac.

GISÈLE – Ben oui. J’ai vu. Relève-toi.

HENRI – J’vais lui défoncer la face à ton pianiste. J’vais lui casser les doigts, un par un. J’sens plus mon épaule, j’sens plus mon épaule, osti.

GISÈLE – Ça va se replacer. Relève-toi pis viens t’asseoir.

HENRI – J’étais assis, ben tranquille, j’buvais ma bière, j’achalais pas personne…

GISÈLE – Bon, calme-toi. Ça va passer. Prends-toi un bonbon.

HENRI – J’achalais pas personne, pis tout à coup, y a arrêté de jouer sans raison, pis j’ai vu son ombre sur ma table. J’me suis relevé la tête, pis il m’a demandé de le suivre, faque j’y ai demandé pourquoi.

Henri prend un bonbon, qui rend la suite de plus en plus difficile à comprendre.

Y a rien dit, il m’a levé de ma chaise, pis il m’a fait une clef de bras. J’ai rien eu le temps d’y répondre. Il m’a traîné comme une guénille devant tout le monde ! Le chien ! J’vais lui casser la gueule ! Aussitôt que mon épaule se replace. M’en vas y faire manger de la soupe aux dents !

GISÈLE – Écoute-moi ben… ?

HENRI – Henri.

GISÈLE – Henri. Y a trois règles ici à la Grande Hermine, Henri.

Henri se tait, et mâche.

GISÈLE – La première : y a pas une fille qui se promène. À part que d’aller faire ses besoins, c’est chacune à sa table.

HENRI – Je le sais.

GISÈLE – Je veux que les hommes se sentent libres.

HENRI – C’est quoi le rapport ?

GISÈLE – Pas de sollicitation. C’est pas parce qu’une fille a eu un tel client une journée qu’elle a le droit de se prétendre la propriétaire de c’te mâle-là. Il va revenir à sa table si y en a le goût. Comprends-tu mon astuce ?

HENRI – Ça me concerne pas ça…

GISÈLE – La deuxième, c’est de suivre le code vestimentaire. Des robes longues, autant que possible. Pantalons, j’suis pas contre, mais des minijupes courtes, j’en veux pas.

HENRI – Pourquoi est-ce que vous me parlez de ça ! C’est des règlements pour vos filles ça. Ça me concerne pas !

GISÈLE – OK, prends-en un autre.

HENRI – Un autre quoi ?

GISÈLE – Un autre bonbon.

HENRI – J’en veux pas.

GISÈLE – Prends-en un autre.

HENRI – Non.

GISÈLE – Prends-en un.

HENRI – Pourquoi ?

GISÈLE – Fais ce que j’te dis.

HENRI – Vous me direz pas quoi faire.

GISÈLE, appelant. – Thierry !

HENRI – Aye c’est quoi le niaisage !

GISÈLE – Thierry !

HENRI – J’en veux pas un autre.

GISÈLE – Thierry !

Le piano s’arrête, le banc se recule. Thierry approche.

HENRI – OK, OK, j’en prends un ! (Criant.) J’en prends un, bonbon !

Thierry retourne s’asseoir, et la musique reprend.

GISÈLE – Booon. Le troisième règlement de la maison ici, c’est : Pas. De. « Pim ». Tu sais ce que c’est qu’un « pim » ?

Henri fait oui, la bouche pleine.

GISÈLE – En serais-tu un, par hasard, un « pim » ?

Henri fait non.

GISÈLE – Parce que je commence à me poser de sérieuses questions à ton sujet. J’ai des gens de la police qui viennent assidûment surveiller ma place à ma demande. Pis depuis le début, ça a toujours été clair avec eux autres que, des « pims », j’en voulais pas, pis que j...

Table des matières

• Couverture
• Titre
• Crédits
• Mme G.
• Prologue
• Scène 1 – Sainte-Catherine
• Scène 2 – TV
• Scène 3 – Bande
• Scène 4 – Autographe
• Scène 5 – Les hommes
• Scène 6 – Ciao mein
• Scène 7 – Mary-Lee
• Scène 8 – Grande Hermine
• Scène 9 – Cerises
• Scène 10 – Fuseaux horaires
• Scène 11 – Le Guichet automatique
• Scène 12 – Hollywood Montcalm
• Scène 13 – Bar-maison
• Scène 14 – Répétition
• Scène 15 – Partys de sous-sol
• Scène 16 – The Actor’s Studio ou le studio de l’acteur
• Scène 17 – École privée
• Scène 18 – Le Petit Champlain