Passionnée par l'œuvre de Jean Leloup, Nadia Murray s'y est plongée pour observer comment se déploie le personnage Leloup, cette entité mouvante qui ne cesse de se transformer. C'est en se laissant porter par les textes, surtout, et par la mise en scène (vestimentaire, picturale, vidéo, etc.) de l'artiste qu'elle parvient à démontrer sans le moindre doute que Leloup mérite largement qu'une première étude sérieuse lui soit consacrée. Si l'apparente légèreté de l'homme et sa nonchalance publique peuvent faire écran de fumée, il est évident à la lecture de cet essai remarquable que ce ne sont que des illusions, véhiculées par un star-system qui n'a que faire des grands enjeux. La personnalité de l'artiste, ses éclats, ses fulgurances et ses errances ne sont plus ici des défauts, mais plutôt des facteurs déterminants dans une lecture précise et enthousiaste de sa contribution au monde culturel québécois.Les fans de Jean Leloup feront assurément le voyage en compagnie de Nadia Murray en se sentant compris, en savourant enfin le plaisir de voir l'artiste reconnu à sa juste valeur. Les lecteurs moins familiers avec l'œuvre découvriront sans aucun doute un parolier inspiré, un homme cultivé, ouvert sur le monde, qui incarne un Québec en pleine mutation.
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Je trouvais que ce disque-là avait été produit tellement d’une façon McDonald (à cause des machines) que j’ai décidé de le vendre d’une façon McDonald. Lors du lancement, je me suis mis en clown avec des hamburgers collés partout22
Jean Leloup a eu une enfance et une adolescence particulières. Les Leclerc ont vécu quelques années au Togo, puis en Algérie ; ses parents s’engagent comme coopérants de l’ACDI (Agence canadienne de développement international) dans les années 1960 et tous deux, le père étant physicien et la mère artiste, offrent une expérience peu banale à leurs deux fils. Les années vécues au Togo (de 1964 à 1969) et en Algérie (de 1969 à 1976) auraient eu une influence culturelle importante sur le jeune Leclerc : « C’est là-bas que Leloup apprend la musique. Ses compositions seront toujours un peu imprégnées de ces racines africaines »23. Cette posture singulière marquera fortement l’imaginaire de Leloup, comme en témoigne l’une des premières pièces qu’il a interprétée en public, « Le chien d’Alger », au Spectrum de Montréal :
Ils ont tué le chien
Les enfants de la guerre
Ils ont tué le chien
Avec un fil de fer
En Afrique du Nord
Dans les rues de la ville
On en reparle encore
Encore d’la guerre civile24
Au moment où les Leclerc s’installent à Alger, la guerre d’indépendance (1954 à 1962) semble donc toujours vive dans les esprits. Néanmoins, Leloup découvre un autre quotidien dans les rues d’Alger : les cités d’où fusent des prières musulmanes, la culture arabe et celle, française, des Pieds-noirs, les marchés aux effluves de cannelle ou de cumin, le climat méditerranéen, bref, une réalité bien éloignée de ses racines québécoises. C’est dans cette ambiance, en pleine adolescence, que Leloup aurait écrit ses premières chansons (notamment « Rock’n’roll Pauvreté », qu’on retrouve sur son album L’amour est sans pitié) et formé un premier groupe : « On avait une guitare cheap et on se mettait du bleu de méthylène plein la gueule, on jouait du punk et on s’appelait les Blue Faces ! »25.
Les Leclerc sont de retour au Québec en 1976, en plein cœur du « printemps du Québec », une époque hautement politisée : le Parti québécois, récemment élu et mené par René Lévesque, enclenche alors une série de mesures sociales, économiques et politiques afin d’augmenter l’autonomie du Québec. Ce sont les années de la création de l’assurance automobile, de l’adoption de la loi sur le financement des partis politiques, de la fondation du Ministère de l’Environnement et de la CSST (Commission sur la santé et la sécurité au travail), notamment. Sur le plan culturel, la loi 101 (Charte de la langue française) est créée en 1977, faisant écho à l’effervescence des années 1960-1970, où la quête identitaire s’est souvent concrétisée à travers la question linguistique. La chanson, au Québec, est devenue en quelque sorte l’extension la plus symptomatique de cette quête et le lieu, donc, de puissants investissements culturels, qui ont souvent résonné dans les mots des chansonniers. Même si les contrecoups de la Révolution tranquille se résorbent petit à petit à la fin de la décennie, le discours en est encore au nationalisme et plusieurs artistes, entraînés dans cette vague qui porte le référendum de 1980, créent à l’enseigne du fleurdelisé : « De fait, poésie et chanson sont ajoutées aux harangues d’usage des grands rassemblements politiques »26.
Mais Jean Leclerc a grandi loin de ces années « bleues » et sa posture en est inévitablement affectée. Il a vécu en Afrique et ses référents n’ont plus grand-chose de québécois :
« Je me souviens de cette mer de drapeaux qui furent levés lors du référendum de 1980. Je revenais alors d’Algérie où j’avais vu la guerre, le racisme, la révolution, les oreilles qu’on coupait… alors qu’ici, au Québec, les francophones parlaient des maudits anglais et de l’exploitation. » « Que de radotages », ajoute Leloup, parlant indifféremment en anglais ou en français quand ce n’est pas par signes. « Les gens, ici, vivent très bien »27.
Lecteur boulimique28, il entreprend des études en lettres à l’Université Laval, qu’il ne termine pas. S’amorce alors une vie un peu erratique où Leloup est portraitiste un jour, plongeur le mois suivant. Sa carrière artistique commence à se profiler lorsqu’il participe au Festival de la chanson de Granby en 1983. Il incarne également, en 1986, le personnage de Ziggy dans la deuxième version de l’opéra rock Starmania de Luc Plamondon. Malgré ces premières expériences artistiques somme toute remarquables, Leloup est mécontent et ne se gêne pas pour narguer la galerie : « Je me suis arrangé pour entrer dans la machine du showbiz. Ça a pris Starmania […] pour convaincre les gens de l’industrie »29. Ce n’est clairement pas ce rôle qu’il convoite dans le champ musical québécois.
À la suite du référendum de 1980, le climat au Québec devient plutôt morose : une importante crise syndicale ébranle le gouvernement de Lévesque en 1982-1983, le néolibéralisme s’enracine en Occident, les chansonniers remballent leurs drapeaux. Les Québécois semblent s’enliser dans une époque conformiste, une époque de « confort et d’indifférence » telle que la décrit Denys Arcand dans un film marquant de l’époque30. C’est dans ce contexte, en réalité, que Leloup entame véritablement sa « carrière »31. Et les temps sont plutôt durs pour les artisans de la chanson : « Néanmoins, contraints à la prudence, les investisseurs québécois miseront essentiellement sur les valeurs sûres, telles les vedettes solos des groupes à succès récemment démantelés »32. Le champ musical se réduit ainsi à quelques figures de proue d’un certain âge d’or de la chanson québécoise33, les Michel Rivard, Paul Piché, Pierre Flynn, Richard Séguin, Daniel Lavoie occupant une scène qui offre peu d’espace aux figures nouvelles. Le champ musical est en somme très fermé dans les années 1980. Malgré cela, Jean Leloup obtient en 1988 un contrat de disque avec Audiogram : endisquer dans de telles circonstances, où la relève peine à se tailler une place, de surcroît avec la plus importante compagnie indépendante de disques au Québec, est un véritable tour de force. Menteur34, le premier opus de Jean Leloup, allait paraître en 1989, lançant un premier ethos.
Figure 1 : Pochette de l’album Menteur
(produit par Michel Bélanger – Audiogram,
réalisé par Paul Pagé, images de Line Charlebois)
Menteur : une ambiguïté périgraphique ?
Pour saisir l’ethos qui se profile dans ce premier opus de Leloup, on étudiera d’abord la pochette de l’album, sa périgraphie (préface, quatrième de couverture, dédicace, etc.). Dans le cas de l’album Menteur, cette périgraphie est particulièrement signifiante. Jean Leloup a répété maintes et maintes fois, sur diverses tribunes, qu’il avait attribué un tel titre à cet album pour le renier, insatisfait du produit et regrettant les compromis qu’il avait dû faire. Le terme « menteur », stratégiquement choisi, indique à qui s’y attarde que l’auteur n’en assume pas le contenu, qu’il « ment » en apposant sa griffe sur l’opus. Même si la périgraphie oriente ici une certaine lecture de l’album, force est d’admettre que Leloup use de la chose d’une façon singulière. C’est par ailleurs, à ce jour, le seul album35 de Leloup qui ne porte pas le titre d’une de ses chansons.
Si on scrute l’image, en noir et blanc, associée à ce titre, on peut relever certains éléments significatifs. La photo de Leloup, saisie par Line Charlebois, le montre assez impassible, ne regardant pas l’objectif de la caméra, ce qui est assez habituel par ailleurs : sur la plupart de ses pochettes (sauf sur Mexico et Mille Excuses Milady, où il se montre un peu plus mordant), il ne regarde jamais directement l’objectif et il est même parfois absent de la couverture (Les fourmis et À Paradis City). Cette attitude révèle un certain malaise : Leloup, ayant maintes fois critiqué les rouages de l’industrie du disque, semble inconfortable sur cette première vitrine, commerciale, qu’incarne la pochette. Quant à l’image juxtaposée au cliché de l’artiste, qui représente une multitude d’avions qui s’approchent à l’avant-plan selon une trajectoire quasi infinie, le doute plane. Serait-ce l’écho de certaines chansons, où l’on voyage à Alger et où l’on remonte le temps, naviguant de l’époque de Buffalo Bill jusqu’au « début des temps » ? Comme il s’agit d’avions de chasse, on peut déjà en douter. Peut-on envisager que Leloup « largue » cet album, qu’il le bombarde ? L’assertion est plausible si on considère l’attitude de Leloup vis-à-vis...