À tout propos
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  1. 185 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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À propos de ce livre

Le réflexion est lourde de sens, particulièrement lorsqu'elle est émise par une femme de lettres aussi respectée que Claire Martin. Souligné et récompensé à maintes reprises, son talent littéraire avait jusqu'à présent été mis au service de la fiction; À tout propos permet enfin de mieux connaître et savourer l'esprit de cette grande dame. Fidèle à elle-même, Claire Martin aborde des sujets aussi divers que la mode et le temps qui passe, en faisant un détour du côté de la langue française et des bons mots de la marquise de Sévigné. Vif et enjoué, parfois moqueur mais toujours juste, le ton est à l'image de son auteure: irrésistible.

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Est-ce vanité de supposer que ce que l’on pense, croit, fait, ou écrit sur un bout de papier volant parce qu’une idée vous a traversé l’esprit, mérite d’être donné à lire ? S’il est vrai que nous sommes uniques, il doit parfois nous venir une idée singulière. Et encore ? Est-ce que cela en fait la valeur ?

Comme toutes les personnes âgées, je voudrais un peu marcher avec mon temps. Que dis-je, marcher ? La marche est une action paisible. Mon temps n’est guère paisible. Par les rues et les routes, il défile, il fuit, il émigre, il déménage, tous mouvements qui font un bruit énorme qui ne cessera jamais. Bref, « ils » doivent faire beaucoup de tapage, sinon ils ne savent plus s’ils sont vivants ; si la musique n’ébranle pas les murs, ils s’endorment ; si le chanteur ne crie pas, il ne vaut pas tripette ; une voiture silencieuse, c’est la honte, et la motocyclette donc ! Demain, il leur faudra hurler pour se faire entendre : autour d’eux il n’y aura plus que des personnes aux tympans détruits.
Être une femme ? Avec le temps, j’en suis de plus en plus satisfaite et je tiens ce contentement comme ma meilleure preuve de réussite. « Réussir sa vie », est-ce un propos présomptueux ? J’ai le sentiment d’avoir fait le mieux qu’il m’est possible. Je suis née à une époque et dans un milieu rigides où j’aurais dû être : incapable, passive, banale, bien persuadée de mon infériorité innée et de ma culpabilité originelle, juste bonne à colliger des recettes de cuisine et à marmonner des patenôtres, tout le joli côté de l’existence restant promis à l’homme et je n’exclus pas les responsabilités, l’obligation de gagner la vie — à vingt ans, nous étions plusieurs à ne soupirer qu’après cela. Pour ma part, je la voyais comme une sorte d’absolution.
L’Amitié, ah ! l’Amitié ! quelle source inépuisable de contentement, de sérénité, de confiance envers l’avenir, tout ce qui fait le bonheur. Vous l’avez mise de côté au profit de l’amour ? Sottise. Si votre amour l’exige, méfiez-vous : il n’est pas de la bonne espèce. Vous vous trouverez bien solitaire le jour où il s’en ira.
Stendhal a eu pour la mode des mots durs et justes. Aussi longtemps qu’elle régit l’habillement, elle fait aller le commerce et c’est tant mieux pour ceux qui en vivent. Pour ceux aussi qui se tordent de rire — c’est si bon pour la santé — en regardant à la télévision de jolies filles, probablement transies, couvertes ( ?) d’oripeaux qui n’ont l’air de tenir que par magie. Mais pour ceux que ces modes tyrannisent ? On s’interroge. Et pourtant, résister ne rend pas malheureux. Ma résistance est passive. Je ne cherche pas à savoir en quoi tout est changé cette année comme les précédentes et je n’hésite pas à porter des vêtements que j’ai depuis longtemps pourvu qu’ils soient impeccables.
Je n’ai pas la même indifférence pour la « mode parlée ». Elle est agaçante, une fadaise, un nivellement qui fait bâiller. Rares sont les commentateurs de radio ou de télévision qui échappent aux sports extrêmes, au silence étourdissant (qui était drôle la première fois, mais…) et parfois ils sentent monter l’adrénaline. Ils n’aperçoivent pas le bout du tunnel et c’est l’enfer. Enfin on n’y peut rien, c’est tellement tendance, mais est-ce bien raisonnable ? Allons ! il faut remettre les pendules à l’heure et,« ceci » étant dit, cesser de regarder par le petit bout de la lorgnette. Genre. (Ce dernier mot inexplicable ne se disait pas beaucoup à Québec, il est montréalais. Au moment où j’écris, il a pénétré parfois dans nos foyers par où vous savez.) À consommer avec modération. Bon ! suffit pour ce petit tour de force.
Le mot nouveau — parfois il ne s’agit que d’un glissement de sens — se répand souvent à une vitesse folle, grand V, disent-ils. Je l’ai entendu, quand nous vivions en France, sortir en cinq ou six jours de toutes les bouches qu’il avait envahies sans qu’elles puissent s’en défendre. La mode ! Le mot« évident » — c’est lui — a balayé le monde francophone. Mais il n’avait plus rien à voir avec l’évidence. Il s’était rangé du côté de « facilité » mais plutôt de « non-facilité ». On dit « c’est pas évident », jamais le contraire qui a conservé son sens premier. Drôles de locuteurs, bourreaux de leur langue, car ces modes langagières, il faut l’avouer, sont presque toujours fautives. Je me dis qu’il faut qu’il y ait un premier coupable, comme lors d’une pandémie (elles sont maintenant nombreuses), il y a celle du domaine de la grossièreté. Où est celui qui a osé à la télévision le premier employer le verbe qui exprime le stade ultime de la digestion ? On disait « la peur des mots » le cas échéant, on dirait plutôt à présent « la peur de ne pas les dire ».
Il y a des défauts qui, pratiqués avec talent, avec goût aussi, confinent à l’art, les arts mineurs de la vie de tous les jours. Le mensonge a été pour moi, pendant ma première vingtaine, quelque chose de vital — vital, mais fignolé — c’est-à-dire que je n’imagine même pas ce qu’aurait pu être ma vie à la maison paternelle sans l’alibi perpétuel : ce n’est pas moi, je n’étais pas là, je n’ai pas dit cela, je n’ai pas pensé cela, et à l’envers : j’ai dit ceci et non cela, j’étais ici, je ne pensais à rien, c’était quelqu’un d’autre. J’ai parlé d’art mineur. Ce qui exerce, je dirais ce qui exacerbe l’imagination, c’est bien un peu cela qui fera des romans, non ?Aimer la langue française, c’est comme aimer la musique. Cela donne envie d’en écrire. Au reste, on dit composer pour l’une et l’autre. Cela est vrai pour d’autres belles langues ? Seulement, elles ne sont pas la très chère mienne. « Hé Dieu ! si j’eusse étudié au temps de ma jeunesse folle. » Alain répond : « Étudie donc », au lecteur, puisque Villon ne reçoit plus les bons conseils. Il professe avec raison qu’avoir étudié n’est rien si l’on n’étudie plus. Mais où sont ceux à qui on a donné si grand amour de l’étude qu’ils ne cessent d’apprendre de toute leur vie ?Vous m’écrivez à propos d’un de mes romans : « S’aimeront-ils encore en 2030 ? Car il y a dans le temps quelque chose de pénélopien : il détisse. » Cher ami, ils sont bien obligés de s’aimer toujours, c’est le sort des personnages de roman de rester à jamais ce qu’ils sont dans le livre, sans qu’ils se demandent s’ils sont crédibles. Fabrice del Dongo et Clélia resteront morts d’amour tant que les happy few liront La chartreuse de Parme.On ne raconte pas tout de ses amours. De ses amitiés non plus. Il faut, pour l’une comme pour l’autre, leur conserver une part secrète. Si vous vous mariez à l’église, cent cinquante invités, les grandes orgues, les grandes amours, les grandes délices, je vous les souhaite (toutes au pluriel et pour longtemps, je l’espère, pour l’amour comme pour la grammaire), le secret est mince, ce jour-là tout au moins. L’amitié, pour sa part, n’est pas ratifiée de façon aussi publique. Cela semblerait improbable de mener une amitié secrète… quoique ! D’être improbables n’empêche pas les choses d’arriver. Rappelons-nous, vous et moi.
« J’attends le tramway. » Cela nous faisait rire (l’heureux temps où pour tout ou rien, nous pâmions de rire comme l’écrivait la divine marquise de Sévigné) de répondre ironiquement au « qu’est-ce que tu attends ? » dicté par une quelconque impatience. L’impatience, voilà encore une chose qui ne nous est guère permise maintenant. « Ne raccrochez pas si vous voulez conserver votre priorité. Un de nos agents vous répondra dans quelques instants. » Pour l’amour de la priorité, ce sont quinze, vingt et même trente minutes de votre unique vie qui se mettent à tomber dans le néant. Le moment où j’attends est déjà loin de moi. Ai-je votre permission de commettre cette parodie, monsieur Boileau ? Je ne parle pas, sauf quelques imprécations qui tombent aussi dans le vaste néant. Quand c’est cela le progrès, il faut le craindre. Je vois le moment où nous entendrons : « Pour du pain, faites le 15, pour du beurre faites le 35, pour de la viande — cette semaine c’est de l’ours polaire — faites le 43, etc. » Et pour finir, à la fin du clavier, « si ce système vous met en rage, faites le zéro. Cela ne changera rien, mais vous fera du bien ». En attendant le tramway… ou le néant !Vous m’écrivez : « On écrit un peu, on lit beaucoup, on relit comme si c’était la première fois. Et c’est toujours la première. » Il est vrai que lorsqu’on relit, c’est parce qu’on a gardé un souvenir vif du premier plaisir et peut-être de plusieurs. La réitération est toujours délicieuse. Comme, avec le temps, on a changé, il arrive qu’on aime encore tout autant, et même encore plus, mais pour des motifs nouveaux. Le bonheur ! Trois personnes sur quatre ne lisent jamais. C’est écrit dans le journal. Cela me donne envie de rire méchamment. Quel ennui que le leur ! Quand je compare avec le plaisir que j’ai eu en relisant tel livre huit premières fois.
Pourquoi la mémoire que je tiens pour la plus nécessaire de nos facultés — alors que j’ai grandi en l’entendant décrier au bénéfice du jugement —, pourquoi nous inflige-t-elle le souvenir des pires moments de notre vie...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Du même auteur
  3. Titre
  4. Crédits
  5. À tout propos
  6. Déjà parus