Le salut de l'arriĂšre-pays
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Le salut de l'arriĂšre-pays

Figures légendaires, récits imaginaires et humour crucifÚre du Nord de l'Ontario

Normand Renaud

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Le salut de l'arriĂšre-pays

Figures légendaires, récits imaginaires et humour crucifÚre du Nord de l'Ontario

Normand Renaud

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À propos de ce livre

Le salut de l'arriĂšre-pays, c'est le signe de la main que les villages envoient aux villes, leurs voisines. Face Ă  d'inquiĂ©tantes tendances dĂ©mographiques et Ă©conomiques, les petites communautĂ©s cherchent leur avenir. Voici un vibrant tĂ©moignage de confiance en leur coeur et leur esprit.Cette collection d'oeuvres crĂ©Ă©es dans le cadre d'une sĂ©rie d'Ă©missions de CBON, la PremiĂšre ChaĂźne de Radio-Canada dans le Nord de l'Ontario, Ă©voque les ambiances et cĂ©lĂšbre les richesses humaines de huit localitĂ©s nord-ontariennes: Gogama, Verner, Chapleau, Earlton, Iroquois Falls, Spanish, Sturgeon Falls et Fauquier. Chaque arrĂȘt comprend le portrait d'un personnage local haut en couleur; un « conte rural » signĂ© par un Ă©crivain renommĂ© et inspirĂ© par la communautĂ©; et un sketch comique dans lequel se dĂ©ploient des projets de dĂ©veloppement rĂ©gional loufoques. Tout ça ponctuĂ© de chansons originales.Le salut de l'arriĂšre-pays rend hommage Ă  des communautĂ©s menacĂ©es, mais fiĂšres, enracinĂ©es et rĂ©solues Ă  bĂątir l'avenir. Les petites communautĂ©s de partout au Canada s'y reconnaĂźtront.« À tous ceux qui veulent que ça continue, on dit: Salut! »

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Informations

Année
2012
ISBN
9782894235638

Salut Spanish!

Au bord de la route 17, lĂ  oĂč la riviĂšre Spanish se jette dans le lac Huron en formant un bel archipel et un bon havre pour une nouvelle marina — une des plus apprĂ©ciĂ©es des Grands Lacs — se trouve un village franc et honnĂȘte, malgrĂ© son nom trompeur. Car, sachez-le, il n’y a rien d’espagnol Ă  Spanish (non plus Ă  Espanola, en amont sur la riviĂšre).
Sur les vieilles cartes de la Nouvelle-France, cette riviĂšre se nommait « l’Espagnole ». Ça on le sait. Mais pourquoi, ça on ne le sait pas. une dizaine d’hypothĂšses circulent. La plus colorĂ©e soutient que des explorateurs français furent Ă©tonnĂ©s d’entendre des mots espagnols dans le parler des AmĂ©rindiens de l’endroit. On leur aurait dit qu’une femme faite prisonniĂšre lors d’un raid amĂ©rindien dans le Sud aurait appris sa langue Ă  ses enfants.
La langue maternelle, c’est tenace, on le sait. C’est pour ça qu’à dĂ©faut d’espagnol, vous entendrez parler français ici. Environ le tiers des neuf cents habitants de Spanish sont Canadiens français. Il y en a par ici depuis le milieu du 19e siĂšcle. Ils sont venus bĂ»cher sur la Rive-Nord mĂȘme avant l’arrivĂ©e du chemin de fer. Ils sont venus cultiver. Ils Ă©taient nombreux dans les belles annĂ©es forestiĂšres et miniĂšres.
Mais comme partout dans le Nord, le vent a tournĂ©. En six ans, selon le dernier recensement, Spanish a perdu dix pour cent de ses habitants. S’il a bien fallu dire salut Ă  ceux qui sont partis, aujourd’hui nous saluons ceux qui tiennent Ă  y rester. Spanish a dans son passĂ© un homme qui n’a laissĂ© presqu’aucune trace dans l’histoire, sauf
 ses histoires. Mais quelles histoires!
Jules Couvrette
Jules Couvrette Ă©tait un des pires pĂ©teurs de broue, conteur de coups, fabricateurs d’histoires de fou que vous puissiez imaginer. Il en a tant et si bien contĂ©, de ses aventures insensĂ©es, tirĂ©es par les cheveux, exagĂ©rĂ©es Ă  qui mieux mieux, qu’enfin on s’est demandĂ© : a-t-il vraiment pu exister, ce Jules Couvrette?
Qu’il ait vraiment existĂ©, on en est sĂ»r au musĂ©e de Massey, oĂč j’ai trouvĂ© le document Gems of History, d’oĂč j’ai tirĂ© ce que je vais conter. Ce petit cahier dactylographiĂ© est le fruit d’une enquĂȘte orale locale que la Spanish River Women’s Institute a menĂ©e dans les annĂ©es soixante-dix. Ces enquĂȘteuses ont dĂ©couvert que plusieurs familles pionniĂšres connaissaient et racontaient de curieuses histoires immanquablement attribuĂ©es Ă  Jules Couvrette, sans pourtant savoir qui il Ă©tait exactement. En tout cas, ces histoires ont fini par donner tout un chapitre dans le cahier. Moi, je ne fais que les rĂ©pĂ©ter. Vous en jugerez, Ă  les Ă©couter, si Jules Couvrette a existĂ©.
Un aprĂšs-midi d’hiver, Jules Couvrette est entrĂ© dans le magasin gĂ©nĂ©ral de Spanish, dont monsieur Sandowski Ă©tait le propriĂ©taire. Par hasard, il s’y trouvait un client qui n’était pas du coin. Jules Couvrette a dit:
— Sandowski, tu paies combien pour une corde de liùvres ces temps-ci?
— Ça dĂ©pend. T’en as combien?
— Deux cordes, peut-ĂȘtre mĂȘme trois! » a rĂ©pondu Jules Couvrette.
Puis il est sorti.
— C’est un fou, celui-lĂ ? a demandĂ© l’étranger.
— Oui et non. S’il revient, tu lui demanderas comment il les attrape, ses liùvres.
Sur ces entrefaites, Jules Couvrette est revenu et l’étranger lui a posĂ© sa question.
— C’est simple. La riviĂšre est couverte de glace lisse ces temps-ci. Mes garçons et moi, on y place partout de petits tas d’éclisses de cĂšdre pas plus grosses que des crayons. À la brunante, on les allume. Les liĂšvres aiment la chaleur, donc ils s’approchent. une fois bien rĂ©chauffĂ©s, ils s’endorment. Mais quand le feu s’éteint, la glace se reforme et leurs derriĂšres restent pris dedans. Donc le matin, mes garçons et moi, on a juste Ă  les faucher puis Ă  les corder.
— Vraiment? Mais qu’est-ce que vous faites l’étĂ©?
— L’étĂ©? Alors lĂ , on va sur le chemin de la rĂ©serve. Le terrain, par lĂ , c’est de la belle roche lisse. LĂ -dessus, on laisse partout des petits tas de poivre. Les liĂšvres qui passent lĂ  sentent ça. Quand ils Ă©ternuent — atchoum! — leur tĂȘte se lance par en avant contre le roc puis ils s’assomment. Avec le poivre et les Ă©clisses, j’ai pas besoin de collets. Mais dis donc, Sandowski, tu la paies combien, la corde de liĂšvres aujourd’hui?
« Vas te promener! » a Ă©tĂ© la rĂ©ponse de Sandowski. Cette rĂ©ponse a soulagĂ© l’étranger.
Une autre fois, Jules Couvrette se faisait voler ses patates la nuit, dans son champ au bord de la riviùre. Donc une nuit, il s’y cache avec sa hache.
Vers minuit, il a entendu la vase clapoter, puis un corps se traĂźner entre deux rangs de patates. Soudain, c’est le face-Ă -face avec son voleur, qui Ă©tait
 une barbotte gĂ©ante!
D’un grand coup de hache, Jules Couvrette lui a fendu la tĂȘte en deux moitiĂ©s. Mais la barbotte a quand mĂȘme rĂ©ussi Ă  se sauver dans l’eau.
Le pire, c’est que la nuit suivante, la barbotte est quand mĂȘme revenue voler des patates. Puis maintenant, elle dĂ©terrait deux rangs en mĂȘme temps!
Comme tout cultivateur, Jules Couvrette bûchait en hiver. Mais, parfois, il façonnait ses harnais non pas avec du cuir, mais de la babiche.
La babiche, quand c’est mouillĂ©, ça s’étire. une fois, son harnais s’est tellement Ă©tirĂ© que le cheval Ă©tait rendu Ă  l’étable, mais la bille qu’il traĂźnait Ă©tait encore dans le bois.
Mais Jules Couvrette avait du savoir-faire. Il a juste dĂ©telĂ© le cheval et accrochĂ© le harnais Ă  une souche. Pendant la nuit, la babiche a rĂ©trĂ©ci. Donc, au matin, la bille Ă©tait rendue prĂšs de la grange. Ça n’avait pas Ă©tĂ© forçant.
Cette histoire-ci remonte au temps oĂč il y avait encore des pins gĂ©ants sur la Rive-Nord. Jules Couvrette racontait qu’à son arrivĂ©e dans la rĂ©gion, il Ă©tait marteleur prĂšs de la riviĂšre aux Sables. Le marteleur, on l’appelle aussi le fitteur. C’est l’homme qui marque d’un coup de hache les bons arbres Ă  abattre.
Une fois, Jules Couvrette a plantĂ© sa hache dans le pin le plus immense qu’il ait jamais vu. Puis il en a fait le tour comme il faut faire pour juger de quel cĂŽtĂ© il allait tomber. Quand il a eu fini d’en faire le tour et qu’il est revenu lĂ  oĂč sa hache Ă©tait plantĂ©e, il a trouvĂ© juste la lame. Le manche, lui, avait disparu.
Jules Couvrette Ă©tait perplexe, mais il a vite compris. Ça avait Ă©tĂ© si long, faire le tour de cet arbre, que le manche avait eu le temps de pourrir!
Les chiens de Jules Couvrette Ă©taient les plus intelligents du pays. Il en avait un si fin qu’il lui suffisait de pointer du doigt ce qu’il voulait et ce chien-lĂ  s’en occupait.
Dans ce temps-lĂ , Jules Couvrette dĂ©frichait. Il y avait de grosses souches sur sa terre. Donc, il s’est procurĂ© de la dynamite. Prudent quand mĂȘme, il a utilisĂ© une longue mĂšche. Malheureusement, ça a donnĂ© le temps Ă  sa meilleure vache de s’en approcher de trop prĂšs. Sans rĂ©flĂ©chir, Jules Couvrette a pointĂ© la souche du doigt. Son chien est parti en flĂšche. Et le pire est advenu. Juste comme le chien l’a atteint, la souche a explosĂ©. Son pauvre chien a revolĂ© trente pieds en l’air, et est retombĂ© juste Ă  ses pieds, dĂ©chirĂ© en deux!
Sans hĂ©siter, Jules Couvrette a vite recollĂ© les deux bouts du chien ensemble et, miraculeusement, son chien semblait bien se porter. Mais il avait agi si vite que les deux pattes d’en arriĂšre pointaient par en l’air!
Mais ça ne le dĂ©rangeait pas, au contraire. Ce chien-lĂ  courait sur deux pattes d’abord, puis il se roulait de l’autre cĂŽtĂ© et courait sur les deux autres. Il ne se fatiguait jamais. Il Ă©tait deux fois meilleur qu’avant!
Les chiens de Jules Couvrette Ă©taient aussi bons Ă  la chasse. Il en avait un qui ne lĂąchait jamais sa proie, au grand jamais.
Une fois, ce chien s’est mis Ă  pourchasser un renard derriĂšre Blind River. Quand il les a revus les deux, le lendemain, ils Ă©taient Ă  Walford. Mais ils ne couraient plus, ils marchaient lentement, tellement ils Ă©taient morts de fatigue.
Ce chien-lĂ  Ă©tait aussi champion pour suivre une piste Ă  l’odeur. Mais une fois, il s’est trompĂ©. Il s’est mis Ă  suivre une piste d’orignal pendant sept jours. Quand il s’est enfin arrĂȘtĂ©, il n’y avait pas un animal autour. Jules Couvrette Ă©tait perplexe, mais il a fini par comprendre. Son chien avait suivi la piste de reculons. C’était donc Ă  cet endroit que l’orignal Ă©tait nĂ©.
Jules Couvrette trappait aussi et son chien était fameux pour ça.
Tout ce qu’il avait Ă  faire, c’était de sortir une des planches sur lesquelles il tendait les peaux Ă  sĂ©cher. Le chien savait quelle prise faisait sur cette planche-lĂ  — castor, martre, pĂ©can — puis il partait lui en chercher une.
Une fois, Jules Couvrette a sorti la planche à repasser. Son chien est parti. Mais il ne l’a plus jamais revu.
MĂȘme sans son chien, ce chasseur savait chasser. une fois, Jules Couvrette, en chaloupe, poursuivait Ă  la rame un orignal Ă  la nage. C’était Ă©puisant. À force de ramer, il a rĂ©ussi Ă  s’approcher assez prĂšs de la bĂȘte pour lui passer une corde autour du panache. LĂ , il pouvait relaxer, en attendant que l’orignal atteigne la rive pour le tirer. Malheureusement, sa chaloupe s’est cognĂ©e contre un arbre submergĂ© et Jules Couvrette est tombĂ© dans le lac.
L’automne suivant, il ...

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