Courts métrages et instantanés
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Courts métrages et instantanés

Marguerite Andersen

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  1. 123 pages
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Courts métrages et instantanés

Marguerite Andersen

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Dans ces 24 nouvelles, l'auteure tourne des courts mĂ©trages de la vie secrĂšte du cƓur et prend des instantanĂ©s de la vie quotidienne sur un fond urbain. / « Courts MĂ©trages et instantanĂ©s » est une collection de portraits de destinĂ©es humaines, un album de regards posĂ©s sur ces visages anonymes que l'on croise dans la rue. On y saisit au passage le sublime ridicule d'une tuque fleurie, l'affection d'une veuve pour son cerisier, la dĂ©tresse d'un homme d'affaires, l'angoisse d'une itinĂ©rante, l'Ă©clat d'un paysage tout frais enneigĂ©.

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Informations

Année
2012
ISBN
9782894235263

FĂ©lix

FĂ©lix avait failli perdre l'Ă©quilibre. La sirĂšne du camion des pompiers l'avait effrayĂ©, mĂȘme s'il s'Ă©tait dit, avec plaisir, que Charlotte avait finalement rĂ©agi. Et puis, non. Le camion s'Ă©tait arrĂȘtĂ© devant le petit immeuble de l'autre cĂŽtĂ© de la rue. Deux pompiers, pompiĂšres peut-ĂȘtre, qui sait? les bottes et le reste donnaient Ă  ces gens-lĂ  une allure mastoc et totalement asexuĂ©e, bref, deux pompiers Ă©taient descendus du camion et, sans mĂȘme lever les yeux vers lui, s'Ă©taient dirigĂ©s vers l'immeuble, y Ă©taient entrĂ©s. Ils n'en Ă©taient pas encore ressortis.
Lui, Félix, avait besoin d'uriner. Il s'était assis quand il avait failli tomber, heureusement que le toit n'était pas trop en pente, sinon ça en aurait été fini de lui et Charlotte aurait été veuve, bref, il s'était assis et maintenant les tuiles qui, au début, lui avaient brûlé les fesses tellement le soleil de juillet chauffait, lui chatouillaient tant soit peu le pénis.
FĂ©lix changea de position, replia un peu plus les jambes, mais le fier symbole de tant de choses continuait quand mĂȘme Ă  effleurer mollement les tuiles grises. Il y mit rĂ©solument la main. Il Ă©tait sĂ»r que personne en ce moment ne pouvait le voir, c'est-Ă -dire voir qu'il Ă©tait nu, dĂ©culottĂ©, qu'il y avait lĂ , sur le toit de la maison du 847, rue Mariette, Ă  Notre-Dame-de-GrĂące, dans l'ouest de l'Ăźle de MontrĂ©al, un homme vĂȘtu simplement d'une chemise.
Non. Tous ceux et celles qui le verraient se diraient certainement et avec admiration que cet homme, sur le toit de sa maison, devait ĂȘtre un bon pĂšre de famille, homme Ă  tout faire, en train de prendre quelque repos avant de continuer Ă  inspecter le toit pour y dĂ©couvrir l'imperfection qui risquerait, l'hiver prochain, de laisser pĂ©nĂ©trer l'eau de pluie dans la chambre d'un des enfants. Il y avait du vrai lĂ -dedans. Et tel qu'il Ă©tait lĂ , assis, les jambes repliĂ©es et le bout du pĂ©nis dans le creux de la main droite passĂ©e sous la cuisse, le tout recouvert plus ou moins par la chemise Ă  rayures, de bonne marque, personne ne pouvait le soupçonner d'ĂȘtre un vulgaire exhibitionniste et l'accuser d'indĂ©cence sur la voie publique.
Question: le toit, le toit à lui, à lui et à Charlotte bien sûr, qui oserait en douter, ce toit faisait-il partie de la voie publique? Le propriétaire, enfin le co-propriétaire d'une maison, lui, Félix, avait-il oui ou non le droit d'uriner là-haut, de laisser couler le liquide chaud et jaune le long de ses propres tuiles, à travers ses gouttiÚres, dans sa cour?
Le droit, de toute façon, il s'en moquait. VoilĂ  que le camion des pompiers partait, une fausse alerte sans doute et, certes, ce n'avait pas Ă©tĂ© Charlotte qui les avait appelĂ©s pour qu'ils le fassent descendre et l'amĂšnent en clinique. D'ailleurs, il n'Ă©tait pas fou. CourroucĂ©, oui. AgacĂ© de voir toutes ces femmes, Charlotte et les autres, toujours occupĂ©es Ă  leurs affaires: travail, Ă©tudes, enfants, emploi, dĂ©penses, tricot, rĂ©unions, courses, cuisine, Ă©criture, musique, recherches, couture, traduction, poids, automobile, rĂ©gime, lecture, culture physique et autre, calculs, composition, dessin, rĂ©vision, rĂ©flexion, tĂ©lĂ©phone, publication, traitance et sous-traitance, transfert, transformation, mĂ©tier, au lieu de... Ah! il les arrĂȘtera. Pour une fois, Charlotte verra, le verra, fera attention Ă  lui, rĂ©agira!
Debout maintenant sur le toit, Félix se crut immense et tout-puissant. Il pissa. Le jet d'urine faisait un demi-cercle, une voûte dorée que le soleil colora en arc-en-ciel, puis coula le long du toit vers la gouttiÚre dans laquelle il tomba en faisant un petit bruit de ruisseau. Voilà.
Félix secoua l'instrument précieux, fit tomber quelques gouttes à droite et à gauche, en poussant des ah! admiratifs et de plaisir. Il aperçut Charlotte dans le petit jardin devant la maison. Ah! Elle le verra, là, sur le toit, montrant son pénis grandissant à qui voudra, sa verge, sa queue, à tout le monde, à toutes les bonnes femmes du quartier, là, Charlotte, regarde-moi, oublie ta platebande, tes trois rosiers, laisse tomber les fleurs que tu viens de couper, ne regarde pas par terre, hé! Charlotte, regarde-moi, regarde ton homme, ne retourne pas à ton bureau, à ton ordinateur de misÚre, à ton imprimante qui ne crache que du papier, feuille aprÚs feuille.
Et vous, les autres, regardez donc par vos fenĂȘtres, regardez cette merveille qui enfle, en avez-vous dĂ©jĂ  vu comme ça? regardez! Ah! je le brandis, je vous le montre, je l'agite, je le frotte, regardez-le, mon pĂ©nis, je peux Ă  peine le retenir, il pointe vers vous, il vous appelle. HĂ©! regardez... Furieusement, de plus en plus furieusement, FĂ©lix s'acharne sur son membre en Ă©rection qui finalement Ă©clate, projetant le sperme le long de la trace encore humide de l'urine. Pour un moment, le silence se fait dans la tĂȘte de FĂ©lix, avant que son monologue intĂ©rieur ne reprenne.
Charlotte, oĂč est-elle, oĂč sont les autres, ses trois filles, leurs amies, toutes des sourdes, les voisines, des aveugles, personne ne se serait aperçu de cet homme en dĂ©sarroi et en fureur, personne maintenant ne le voit redescendre, toujours nu sous sa chemise, quĂȘtant dĂ©sespĂ©rĂ©ment l'attention, la peur, l'amour, n'importe quoi, non, personne, FĂ©lix est seul et personne pour le moment n'a besoin de lui.
***
FĂ©lix se rĂ©veilla en sursaut. Aurait-il le temps de prendre une douche? Neuf-heures douze. Il se dĂ©pĂȘcha, se rappela qu'il devait rencontrer JĂ©rĂ©mie Ă  dix heures. Enfin, vers dix heures. JĂ©rĂ©mie attendrait bien un peu. Il ne risquait pas d'exprimer un mĂ©contentement quelconque, de parler de rendez-vous manquĂ©s, de dĂ©lais rĂ©pĂ©tĂ©s qui seraient la faute du directeur de thĂšse. OĂč trouverait-il un autre professeur d'amharique, un autre qui aurait des connaissances aussi spĂ©cialisĂ©es? Non, FĂ©lix n'avait aucune crainte, JĂ©rĂ©mie lui resterait fidĂšle.
Mais quelle nuit! Quelle chaleur! FĂ©lix avait mal dormi, mĂȘme la veste de pyjama avait semblĂ© de trop. Et Charlotte qui ne supportait pas la climatisation. Comment, lui disait-elle, toi qui aurais voulu vivre en Afrique, toi, le grand spĂ©cialiste d'une langue africaine, tu te plaindrais de la chaleur passagĂšre d'un Ă©tĂ© montrĂ©alais? Voyons, n'exagĂšre pas...
Voyons, voyons. FĂ©lix se regarda dans la glace. Il Ă©tait encore beau. Cinquante-quatre ans. Cheveux gris, c'est vrai, mais au soleil on pouvait les croire blonds. BouclĂ©s. Sa mĂšre en avait Ă©tĂ© si fiĂšre. Little blue boy, elle l'appelait, Little Lord Fauntleroy... Visage d'aventurier, d'explorateur. Steve McQueen... Ça faisait longtemps que personne n'avait remarquĂ© la ressemblance. Steve McQueen oubliĂ©, mort d'un cancer. FĂ©lix se donna un coup de peigne. Le miroir au-dessus du lavabo ne lui renvoyait que le reflet de son buste, mais FĂ©lix savait ce qui se passait au-dessous de la taille. Question de fermetĂ© des chairs. Faudrait faire de l'exercice, se muscler.
Pourtant, il avait fait de la bicyclette, cet été. Il aurait bien voulu continuer à en faire, s'il n'y avait pas eu cette imbécile, il y a une semaine! Il avait failli se faire renverser, il avait tout juste eu le temps de s'écarter, oui, il avait pris la fuite devant cette automobiliste enragée qui avait à tout prix voulu éviter un chat et avait fait semblant de ne pas remarquer Félix, cycliste. Il s'était trouvé coincé entre la voiture et le trottoir sur lequel, heureusement, il avait réussi à monter. L'automobiliste avait continué son chemin, comme s'il n'y avait rien eu. Comme si Félix était invisible, personne, n'existait pas. Une folle, c'est sûr. Elle avait dû le voir, une bicyclette et un homme, aprÚs tout c'était plus grand qu'un chat. Il s'en était trouvé secoué, on le serait à moins. Depuis, la bicyclette était au repos. Charlotte n'avait pas posé de question. Les filles non plus. Pourtant, elles avaient dû remarquer que le cycliste s'était fait piéton. Bref.
CafĂ©. Charlotte avait dĂ©jĂ  pris le sien. Pleine d'Ă©nergie, celle-lĂ , Ă©videmment, comme toujours. DĂ©jĂ  installĂ©e devant sa machine Ă  traitement de texte – et quel texte! – en train de pondre des pages et des pages de roman. Du roman romancĂ©, Ă  l'eau de rose super-douce, des milliers de femmes en lisaient. FĂ©lix s'Ă©tait fait dire qu'elles prĂ©fĂ©raient ça aux tranquillisants, enfin, tant mieux. Charlotte se faisait ainsi plus d'argent qu'il ne pouvait en gagner Ă  l’universitĂ©. Ce n'Ă©tait pas sĂ©rieux, quand on y pensait bien. DrĂŽle de sociĂ©tĂ© qui payait mieux ceux qui font rĂȘver en rose que ceux qui font penser.
JĂ©rĂ©mie, lui, rĂȘvait d'un ordinateur qui comprendrait l'amharique. Encore un fou. Il disait que puisque l'amharique Ă©tait la langue officielle de l'Éthiopie, il faudrait bien un de ses jours programmer l'ordinateur pour cette langue, et les imprimantes aussi. Il avait osĂ© suggĂ©rer Ă  FĂ©lix de dĂ©velopper un tel programme, d'entrer en contact avec des firmes pour leur proposer la chose. FĂ©lix n'avait entrepris aucune dĂ©marche du genre. Que JĂ©rĂ©mie finisse plutĂŽt sa thĂšse que de penser aux ordinateurs de l'an 2000.
***
Neuf heures trente-sept. En route. Félix n'avait pas envie de conduire, il allait faire quelques minutes de marche, puis héler un taxi, ça lui donnerait le temps de réfléchir à ce qu'il fallait dire à Jérémie.
Chauffeur de taxi femme. Vraiment, il y en avait partout. Puis, celle-ci, elle n'y allait pas de main morte, il allait ĂȘtre en avance. De plus, elle ressemblait Ă  Odette, peut-ĂȘtre allaient-elles chez le mĂȘme coiffeur, c'Ă©tait la mĂȘme coupe ou presque. Et puis Odette avait, elle aussi, un blouson de cuir, tout comme cette femme qui prenait MontrĂ©al Ă  l'assaut, dans son taxi Mercedes.
L'idĂ©e que sa fille portait une veste semblable Ă  celle d'une chauffarde Ă©tait dĂ©plaisante. Mais, Ă©videmment, ce n'Ă©tait pas son seul souci en ce qui la concernait. Odette, l'aĂźnĂ©e des trois, doctorat Ă  vingt-six ans, gĂ©nĂ©ticienne, professeur(e!) d'universitĂ© comme son pĂšre. Enfin, Ă  un rang infĂ©rieur, mais elle allait sans doute le rattraper un de ces jours. Odette, femme de science. Enfin. Trop attachĂ©e au quotidien, au cĂŽtĂ© pratique de la vie, souvent dĂ©daigneuse du calme, du recueillement d'une existence de chercheur. Avait-elle seulement du respect pour lui, FĂ©lix? Ils auraient pu ĂȘtre amis, peu importe s'ils ne faisaient pas partie de la mĂȘme facultĂ©, ils auraient pu dĂ©jeuner ensemble quelquefois, au Salon des professeurs, mais elle ne voulait pas y mettre les pieds, parlait de croulants sans intĂ©rĂȘt qui y passeraient des heures Ă  siroter de la biĂšre.
FĂ©lix aurait voulu lui prĂ©senter JĂ©rĂ©mie. C'est vrai qu'il n'avait pas encore terminĂ© sa thĂšse, Ă  trente-deux ans, c'Ă©tait dĂ©plorable, certes, mais on ne devait pas oublier que cette recherche pure, poussĂ©e, disons-le, difficile, cette recherche sur le rĂŽle du prĂ©fixe en amharique, cette langue parlĂ©e sur les hauts plateaux d'un pays africain, ne pouvait pas s'accĂ©lĂ©rer. Odette aurait pu apprendre des choses de JĂ©rĂ©mie, et de son pĂšre Ă©galement, elle aurait pu voir, Ă  leur exemple, qu'il valait mieux ne rien hĂąter, rĂ©flĂ©chir plutĂŽt longuement, approfondir sa pensĂ©e, patienter, laisser mĂ»rir l'Ɠuvre magistrale qui couronnerait une vie de laborieuse rĂ©flexion et de minutieuse recherche d'un esprit toujours tendu vers la connaissance.
Odette, Ă  qui il avait voulu faire entrevoir la possibilitĂ© d'une telle rencontre, n'en avait pas Ă©tĂ© impressionnĂ©e. Évidemment, quand on fait de la recherche-action! Bon Dieu! il aurait voulu qu'elle se marie, vite, vite, pour qu'elle ait un nom diffĂ©rent du sien! Il en avait rougi, l'autre jour, au Salon justement, quand un collĂšgue lui avait lancĂ© carrĂ©ment: «Dites donc, FĂ©lix, vous qui ĂȘtes le pĂšre d'Odette Archambault, vous pourriez peut-ĂȘtre nous expliquer ce que les jeunes, et parmi eux surtout les femmes, veulent dire par ce terme, recherche-action?» Et tout le monde avait ri, sauf lui.
Pouvait-il dire Ă  son collĂšgue, cet homme Ă©minent, que sa fille semblait faire de la recherche sur les conditions de travail des femmes dans les abattoirs de poulets et les consĂ©quences de ces conditions, notamment le fait que les ouvriĂšres travaillaient les pieds dans l'eau – Ă©videmment elles portaient des bottes en caoutchouc, mais c'Ă©tait malsain quand mĂȘme, disait Odette – bref, les consĂ©quences de ces conditions sur leur santĂ©, plus prĂ©cisĂ©ment leur cycle menstruel? Qu'elle faisait sa recherche Ă  la demande d'un syndicat dĂ©sireux d'amĂ©liorer la situation de ces femmes?
Et comment l'avait-il su? Ce n'est pas Odette qui lui en avait fait part, oh non! Ils se voyaient si peu depuis qu'elle avait dĂ©mĂ©nagĂ© il y avait de cela cinq ans. Mais il avait voulu savoir, il avait quand mĂȘme des amis dans l'administration et quelqu'un lui avait procurĂ© une copie du projet de recherche-action soumis par Odette en vue d'obtenir une subvention. Faire de la recherche sur les crampes menstruelles des ouvriĂšres des abattoirs de poulets... Comment l'universitĂ© pouvait-elle prendre de telles recherches au sĂ©rieux? Et les gens qui en faisaient, y compris Odette, avaient mĂȘme rĂ©ussi, en dĂ©pit de l'opposition de plusieurs membres du corps enseignant, Ă  obtenir une rĂ©duction de leurs heures d'enseignement afin de pouvoir accĂ©lĂ©rer leur travail. Incroyable. L'universitĂ© en train de devenir un cirque. Les scientifiques se transformant en agents provocateurs.
Qu'elle se marie, qu'elle se marie, qu'elle se marie vite! Et encore. Elle serait capable de conserver son propre nom, celui de son pÚre, de se faire appeler, par exemple, Odette Létourneau Archambault. Recherche-action! Et que ça saute! Quand on a des crampes, il faut que la recherche se fasse vite! D'abord, les crampes, ça ne dure que quelques jours et, de plus, la ménopause risque d'y mettre fin, donc, action, action, recherche, pas de temps à perdre.
***
FĂ©lix fit arrĂȘter le taxi sur Édouard-Montpetit, Ă  l'entrĂ©e de l'escalier roulant. Il Ă©tait dix heures dix, il devait encore passer prendre son courrier. JĂ©rĂ©mie attendrait bien un peu.
Eh oui! le voilà, le nez dans un livre, devant la porte du bureau. Félix lui demanda d'aller chercher deux cafés, lui tendit l'argent nécessaire, Jérémie protesta comme d'habitude mais finit par prendre les piÚc...

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