Le siĂšcle du RĂšglement 17
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Le siĂšcle du RĂšglement 17

Regards sur une crise scolaire et nationale

Michel Bock, François Charbonneau

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Le siĂšcle du RĂšglement 17

Regards sur une crise scolaire et nationale

Michel Bock, François Charbonneau

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À propos de ce livre

En 1912, l'Ontario devenait la troisiĂšme province de la confĂ©dĂ©ration canadienne Ă  interdire l'enseignement en français dans ses Ă©coles. DĂšs sa promulgation, «l'infĂąme RĂšglement 17», comme on est venu Ă  l'appeler, sera vivement contestĂ© par la collectivitĂ© franco-ontarienne, alors rĂ©unie autour de l'Association canadienne-française d'Ă©ducation d'Ontario. Plusieurs groupes et individus –?dont le fondateur du Devoir, Henri Bourassa, l'historien Lionel Groulx et la SociĂ©tĂ© Saint-Jean-Baptiste?– viendront lui prĂȘter main-forte.AprĂšs 15 ans de lutte, le RĂšglement sera finalement abrogĂ©.Il existe aujourd'hui plusieurs Ă©tudes sur cette crise, considĂ©rĂ©e par certains comme le mythe fondateur de l'Ontario français. Peu d'auteurs, cependant, se sont intĂ©ressĂ©s Ă  son impact sur l'avenir mĂȘme du Canada français. Au cƓur, donc, des nouveaux enjeux que creuse ce collectif se trouve un examen des consĂ©quences de la crise scolaire sur le projet national canadien-français.RĂ©digĂ© dans un langage clair et accessible, «Le siĂšcle du RĂšglement 17» s'adresse Ă  toute personne –??amateur ou spĂ©cialiste?– s'intĂ©ressant aux luttes des minoritĂ©s linguistiques, Ă  la francophonie canadienne et, plus largement, Ă  l'histoire du Canada. Il propose dix-sept articles rĂ©partis en cinq thĂšmes?: ‱ L'Ă©cole franco-ontarienne et l'opinion anglo-canadienne ‱ Les multiples voies de la rĂ©sistance ‱ Échos politiques et constitutionnels ‱ Les reprĂ©sentations du RĂšglement 17 dans la sphĂšre littĂ©raire et artistique ‱ La crise scolaire et la reconfiguration du champ intellectuel canadien-français.

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Informations

Année
2015
ISBN
9782897440312

LES MULTIPLES VOIES DE LA RÉSISTANCE

LA CRISE SCOLAIRE ET LES FRANCOPHONES DU SUD-OUEST ONTARIEN

Jack CĂ©cillon
En 1912, le premier ministre de l’Ontario, Sir James Whitney, fait adopter le RĂšglement 17, une mesure visant Ă  limiter aux deux premiĂšres annĂ©es de l’école primaire l’usage du français comme langue d’enseignement. L’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario (ACFÉO), la plus importante association de rĂ©sistance au RĂšglement 17 en Ontario français, organisera une campagne contre cette politique qui se poursuivra jusqu’en 1927, date Ă  laquelle le gouvernement modiïŹera le RĂšglement. Comme ailleurs en Ontario, les dirigeants rĂ©gionaux de l’ACFÉO des comtĂ©s d’Essex et de Kent, dans le Sud, inviteront les Canadiens français Ă  rĂ©sister Ă  la mise en Ɠuvre du RĂšglement 17, en particulier Ă  la prĂ©sence des inspecteurs protestants dans les Ă©coles bilingues272. Mais, contrairement Ă  ce qui se produira dans la rĂ©gion d’Ottawa, l’appel de l’ACFÉO ne fera pas consensus dans cette rĂ©gion Ă©loignĂ©e du reste de la francophonie ontarienne. Si certains francophones, surtout durant les premiĂšres annĂ©es, entendirent cet appel, dans l’ensemble de la rĂ©gion, la plupart des francophones ne participĂšrent pas aux efforts de rĂ©sistance273. Le texte qui suit porte sur les efforts de mobilisation contre le RĂšglement 17 dans le Sud-Ouest ontarien Ă  l’époque, et sur les raisons de l’inefïŹcacitĂ© de la stratĂ©gie provinciale de l’ACFÉO dans cette rĂ©gion.
Pour comprendre ces difïŹcultĂ©s, il faut d’abord dire un mot sur la population française de la rĂ©gion du Sud-Ouest au dĂ©but du XXe siĂšcle, en prĂ©cisant d’entrĂ©e de jeu la donnĂ©e fondamentale du problĂšme : cette population francophone n’est pas du tout homogĂšne. Hormis quelques familles immigrantes provenant de la France, dont nous ne traiterons pas ici, l’on compte principalement deux groupes ou « sous-cultures » francophones d’importance dans la rĂ©gion. Le premier groupe se concentre sur les rives de la riviĂšre DĂ©troit, alors que l’autre se concentre principalement prĂšs du lac Sainte-Claire274. Selon le recensement de 1901, le premier groupe (les Français de la riviĂšre DĂ©troit) a des racines remontant Ă  la fondation de la forteresse française de DĂ©troit, en 1701. La principale activitĂ© de cette population est l’agriculture, mais on y compte un certain nombre de pĂȘcheurs qui pratiquent leur activitĂ© sur la riviĂšre DĂ©troit et ses tributaires275. Certaines caractĂ©ristiques de la population française de la riviĂšre DĂ©troit les distinguent des nouveaux venus du QuĂ©bec et de l’Est ontarien. La langue parlĂ©e de ces habitants est riche d’un vocabulaire de prĂšs de 750 mots que l’on ne retrouve pas dans le lexique quĂ©bĂ©cois276. La plupart de ces mots dĂ©crivent la faune et la ïŹ‚ore propres Ă  la rĂ©gion ou relĂšvent d’archaĂŻsmes jadis usitĂ©s en France. EnïŹn, la langue de ces colons est dĂ©pourvue des blasphĂšmes qui ont vu le jour au QuĂ©bec dans les chantiers forestiers du XIXe siĂšcle277. En 1912, cette population est largement bilingue et alphabĂ©tisĂ©e. HabituĂ©s depuis trĂšs longtemps de vivre dans un environnement anglodominant, ces francophones sont moins sensibles que d’autres aux enjeux linguistiques propres aux unilingues de l’est de la province. Ils reconnaissent comme Ă©tant prioritaire la maĂźtrise par leurs enfants de la langue anglaise, ne serait-ce que pour qu’ils puissent transiger dans la langue des futurs clients de leur production agricole278.
Le second groupe de francophones de la rĂ©gion est composĂ© de migrants quĂ©bĂ©cois qui commencent Ă  s’installer dans la rĂ©gion dĂšs la ïŹn des annĂ©es 1820. Le rythme de la migration s’est accĂ©lĂ©rĂ© Ă  partir de la construction du chemin de fer de la Great Western dans les annĂ©es 1850. Cette vague migratoire n’est pas terminĂ©e Ă  l’époque du conïŹ‚it linguistique et scolaire des annĂ©es 1910. Ces familles canadiennes-françaises vont dĂ©fricher les terres prĂšs du lac Sainte-Claire pour la culture du blĂ©. Certaines contribuent Ă  doter la rĂ©gion d’une classe professionnelle de mĂ©decins, de notaires et d’avocats francophones279. Nous le verrons, cette population est plus attachĂ©e Ă  l’Église et lĂ©gĂšrement plus sensible aux questions linguistiques et nationales que la population de l’Est. Les individus qui mĂšneront la lutte contre le RĂšglement 17 dans le Sud-Ouest ontarien sont principalement issus de ce second groupe280.
Il faut prĂ©ciser qu’une part non nĂ©gligeable des familles de ces deux groupes ne considĂšre pas l’éducation en langue française comme une prioritĂ© avant mĂȘme l’adoption du RĂšglement 17. Au contraire, on sait, grĂące aux journaux des annĂ©es 1880, que certains parents demandaient carrĂ©ment aux enseignants de n’instruire leurs enfants qu’en langue anglaise. Ce comportement semble ĂȘtre plus frĂ©quent dans les communautĂ©s Ă©tablies depuis un certain temps, comme Ă  Belle-RiviĂšre dans les annĂ©es 1880, Pointe-aux-Roches dans les annĂ©es 1890, et Pain Court au dĂ©but du XXe siĂšcle281. Suivant la mĂȘme tendance identiïŹĂ©e par Yves Roby dans ses Ă©tudes sur les colons canadiens-français en Nouvelle-Angleterre, les deuxiĂšme et troisiĂšme gĂ©nĂ©rations de cette population canadienne-française manifestent nettement moins de passion pour la prĂ©servation et la dĂ©fense du français que leurs parents ou grands-parents venus directement du QuĂ©bec282. Ainsi, il n’est pas surprenant de constater qu’au moment de l’adoption du RĂšglement 17, la majoritĂ© des Ă©coles bilingues dans les villages canadiens-français des comtĂ©s d’Essex et de Kent en respectent intĂ©gralement les directives283.
Contrairement aux autres rĂ©gions ontariennes, donc, les deux tiers de toutes les Ă©coles bilingues de la rĂ©gion frontaliĂšre de Windsor se soumettront au rĂšglement dĂšs sa mise en Ɠuvre. Seules douze Ă©coles, dont onze sont catholiques284, manifestent une certaine rĂ©sistance, surtout au dĂ©but du conïŹ‚it. DĂšs 1916, le nouvel inspecteur catholique anglophone rapporte que la rĂ©sistance est presque terminĂ©e. En effet, il ne reste, au moment de son inspection, que trois ou quatre Ă©coles rĂ©calcitrantes285. La derniĂšre Ă©cole Ă  s’opposer au RĂšglement 17 (celle de Pointe-aux-Roches, que dirige Alzire MassĂ©) abandonne le combat en 1918 aprĂšs le dĂ©part du professeur rĂ©calcitrant286. La grande majoritĂ© des Ă©coles rĂ©sistantes sont situĂ©es dans les communautĂ©s issues de l’immigration quĂ©bĂ©coise. Dans les communautĂ©s composĂ©es des anciens colons du Fort DĂ©troit, seules les Ă©coles dirigĂ©es par des pasteurs canadiens-français nationalistes manifestent une lĂ©gĂšre rĂ©sistance287.

Des leaders qui refusent d’appuyer la stratĂ©gie provinciale

Le message nationaliste de l’ACFÉO ne connaĂźt donc pas beaucoup de succĂšs chez les francophones du Sud-Ouest, y compris chez certains chefs de ïŹle des diverses communautĂ©s. Quelques-uns critiquent ouvertement l’ACFÉO, minant ainsi sa campagne contre le RĂšglement 17. C’est le cas, en particulier, du conservateur Joseph-Octave RĂ©aume de Windsor, membre, il faut le dire, du gouvernement qui a dĂ©crĂ©tĂ© le RĂšglement 17 et qui en fait la promotion en le prĂ©sentant comme un avantage pour les francophones. À son avis, le gouvernement accorde ainsi une premiĂšre reconnaissance ofïŹcielle au droit de recevoir une Ă©ducation en langue française, fĂ»t-elle limitĂ©e Ă  une heure par jour. Lors de la campagne Ă©lectorale de 1914, RĂ©aume vantera les mĂ©rites de la dĂ©cision gouvernementale en matiĂšre d’éducation :
As far as the clause No. 17 is concerned, to which so many objections have been held, it is not in existence now, as it has been replaced by clause 18. This clause permits the teaching of French in the schools for more than an hour and the placing of separate school inspectors on a level equal with those of the public school
 If the French people want their rights it is not with a Rowell government that would do them any favours, but it is with the Whitney government, which has stood up and will stand up for, the rights of French people
288
Ce ministre conservateur de Windsor, tout comme le candidat conservateur de la circonscription voisine, Paul Poisson, réussit à obtenir un certain appui électoral de la part de la population francophone, surtout parmi les vieilles communautés françaises de la riviÚre Détroit. Pour leur part, les communautés canadiennes-françaises du lac Sainte-Claire votent massivement contre les candidats du gouvernement Whitney lors des élections de 1914289.
Un autre francophone bien en vue, l’ancien dĂ©putĂ© provincial libĂ©ral et prĂ©sident de la Commission des Ă©coles catholiques de Windsor, le libĂ©ral Gaspard Pacaud, refuse lui aussi de participer Ă  la rĂ©sistance au RĂšglement 17. Pacaud avait pourtant acquis une rĂ©putation enviable de grand dĂ©fenseur de la langue française Ă  l’époque de l’adoption du RĂšglement 12 (au dĂ©but des annĂ©es 1890)290. Si Pacaud refuse de joindre le mouvement de rĂ©sistance au RĂšglement 17, il le fait cependant en invoquant des raisons qui ont peu de chose Ă  voir avec le RĂšglement lui-mĂȘme. Par ce refus, il entend plutĂŽt protester contre ce qu’il juge ĂȘtre la mauvaise utilisation des fonds levĂ©s par l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française (ACJC) au QuĂ©bec pour venir en aide aux Canadiens français de l’Ontario. Selon lui, les chefs de l’ACFÉO Ă  Ottawa privent les francophones des comtĂ©s d’Essex et de Kent de tout soutien ïŹnancier alors qu’ils disposent d’un fonds d’une valeur de 53 341 $. Il s’agit lĂ , pour Pacaud, d’une injustice inqualiïŹable, Ă©tant donnĂ© que les francophones du Sud-Ouest sont plus isolĂ©s et plus vulnĂ©rables face Ă  la majoritĂ© anglophone que leurs compatriotes de la capitale canadienne. Il accuse les dirigeants de l’ACFÉO d’ignorer les souffrances des francophones de sa rĂ©gion :
J’avais toujours Ă©tĂ© sous l’impression [sic] qu’Essex Ă©tait dans l’Ontario. Mais en tant que cette jolie souscription est concernĂ©e, nous demeurerions en Chine que nous [n’]en aurions pas Ă©tĂ© tenus plus Ă©loignĂ©s. Je me suis informĂ© pour savoir si nous avions reçu aucune aide de quelque nature que ce f[Ă»]t, soit d’Ottawa ou d’ailleurs. Rien, absolument rien. 
Notre cas est unique et si l’on s’était donnĂ© le trouble que la jeunesse canadienne-française de la Province de QuĂ©bec avait le droit d’attendre de ceux qui acceptaient son argent au nom des Ă©coles bilingues d’Ontario, on se serait aperçu de ce fait. On aurait bientĂŽt vu la lutte sĂ©parĂ©e qu’il fallait faire pour nous. Ce genre de guerre, est-il seulement pour Ottawa, ou pour l’Ontario en gĂ©nĂ©ral291?
Certains opposants au RĂšglement 17 remettent cependant en question la puretĂ© des motivations de Pacaud. Le pĂšre Lucien Beaudoin suggĂ©rera, par exemple, que Pacaud voulait, par cette prise de position, se dĂ©douaner de son manque de leadership depuis les dĂ©buts de la crise. Pacaud abandonnera bientĂŽt son poste au sein de l’exĂ©cutif de l’ACFÉO. Il expliquera plus tard que l’ACFÉO menait une campagne qui ignorait les intĂ©rĂȘts des francophones de Windsor et reprochera aux dirigeants de l’ACFÉO de ne pas comprendre la rĂ©alitĂ© trĂšs spĂ©ciïŹque du Sud-Ouest ontarien, bien diffĂ©rente de celle de l’Est292. À son avis, l’al...

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