12. Gahaya
Je suis immortelle et je tiens Ă lâimmortalitĂ©. Je ne saurais dire exactement le jour oĂč mes doutes se sont estompĂ©s. Câest peut-ĂȘtre quand jâai cessĂ© dâespĂ©rer que BinĂ©go reviendrait et serait Ă moi. Je nâai pas rĂ©vĂ©lĂ© Ă KabĂ©ja que, petit Ă petit, la certitude de le revoir sâĂ©tait effritĂ©e jusquâĂ disparaĂźtre. Et je nâai pas osĂ© lui demander si elle y croyait toujours ou si elle avait aussi laissĂ© tomber ce qui mâapparaĂźt aujourdâhui comme une illusion. Je regrette de nâavoir pas saisi lâoccasion de me marier quand le jeune ObscĂšne me lâa proposĂ©. Mais je ne suis pas amĂšre. Je suis immortelle, et jâai payĂ© cher pour le devenir.
Jâai dĂ» me laisser prendre par DiangombĂ©, ce vieux vilain, pendant la saison de lâinitiation. Câest vrai, il nâa pas Ă©tĂ© le seul, mais il a Ă©tĂ© le premier, et câest avec lui que jâai cĂ©lĂ©brĂ© les rites obscĂšnes lors de lâintronisation. Je suis mĂȘme Ă lâorigine dâun rĂŽle important au sein des Immortels : celui de la Vierge de DiangombĂ©, celle qui, lors de la liturgie dâintronisation, sâaccouple avec lâofïŹciant principal. Vierge, je ne lâĂ©tais plus et il sâagissait plutĂŽt de la virginitĂ© magique. Pour ce rĂŽle, on dĂ©signe une jeune femme qui nâa jamais enfantĂ©. Jâai Ă©tĂ© la premiĂšre et jâai jurĂ© que, de mon vivant, je resterais la principale Vierge de DiangombĂ©, que je dĂ©fendrais mon droit dâaĂźnesse. Dans le groupe des Gardiens du Berceau, jâai exigĂ© quâĂ titre de premiĂšre vierge, je ne mâunirais Ă personne dâautre que le Grand-MaĂźtre lors des noces obscĂšnes qui concluent lâintronisation des novices.
Le Grand-MaĂźtre lui-mĂȘme, alors quâil Ă©tait en route vers le royaume du sud, sâest arrĂȘtĂ© chez nous pendant trois jours. Il a tentĂ© en vain de sâimmiscer dans mon intimitĂ© alors quâil nây avait pas de noces obscĂšnes Ă cĂ©lĂ©brer. Je lui ai fermement dit « NON » et il nâa pas insistĂ©. Mais il Ă©tait un peu vexĂ© et surpris, et mâa demandĂ© ce qui se passait.
â Tu le sais trĂšs bien, Grand-MaĂźtre. BinĂ©go est le seul homme Ă qui je me serais donnĂ©e de plein grĂ© et avec plaisir. Je me suis soumise aux rĂšgles de lâinitiation, mais aprĂšs, jâai jurĂ© que je ne mâoffrirais plus jamais Ă un homme, mĂȘme pas Ă un ofïŹciant principal autre que toi. Pendant les rites, je mâabstiens et je regarde les autres faire leur devoir.
â Est-ce quâil y a dâautres rebelles comme toi parmi les Gardiens du Berceau?
â Non, je suis la seule qui ne respecte pas cet aspect de nos rites. Les autres initiateurs donnent lâexemple.
â Et pourquoi « les autres », comme tu dis, te laissent-ils nâen faire quâĂ ta tĂȘte?
â Tu nous as appris que les Immortels sont libres, et je tâai pris au mot.
â Vous ĂȘtes libres par rapport au pouvoir dâautres rois que moi. Tu nâes pas libre de te considĂ©rer comme supĂ©rieure aux autres ObscĂšnes.
â Je ne me considĂšre comme supĂ©rieure Ă personne. Mes compagnons comprennent que, dans tout groupe, les membres ne sont pas semblables. Et ils nây voient aucun problĂšme. Tu as toi-mĂȘme acceptĂ© des exceptions aux rĂšgles que tu voulais imposer Ă tous. Tiens, par exemple, ta mĂšre a exigĂ© de rester habillĂ©e pendant les rites. Dans la premiĂšre gĂ©nĂ©ration des ObscĂšnes, personne nâa oubliĂ© ça. Et ce traitement de faveur nâa vexĂ© personne. En fait, câĂ©tait plutĂŽt amusant de voir une personne qui te dĂ©sobĂ©issait.
DiangombĂ© mâa laissĂ©e tranquille. Je ne sais pas sâil mâa crue quand je lui ai dĂ©clarĂ© que je ne coucherai plus jamais avec un homme. Bien sĂ»r, jâai menti, car je nâavais pas pris une telle dĂ©cision. Je ne suis pas une vieille femme Ă©teinte, mĂȘme si je ne suis plus la jeune ïŹlle que BinĂ©go a aimĂ©e, ou encore celle que le jeune ObscĂšne a courtisĂ©e assidĂ»ment, mais en vain. La vĂ©ritĂ©, câest que depuis que je nâespĂšre plus le retour de BinĂ©go, aucun autre homme nâa proposĂ© de mâĂ©pouser. Et le vieux DiangombĂ© ne voulait que proïŹter de moi. Quand je lâai repoussĂ©, il sâest contentĂ© des faveurs de KabĂ©ja.
Lors de son passage, DiangombĂ© ne nous a rien appris de nouveau, sauf que le titre de Grand-MaĂźtre des ObscĂšnes ne reviendrait Ă personne aprĂšs lui! Il est le premier et le dernier Grand-MaĂźtre, et il a promis de nous en dire davantage quand il reviendra aprĂšs avoir visitĂ© les autres royaumes. Jâai hĂąte de savoir comment il aura rĂ©agi aux changements qui ont Ă©tĂ© apportĂ©s aux rĂšgles initiales. Ce qui sâest passĂ© au Berceau sâest probablement produit partout ailleurs. Nous avons Ă©tĂ© incapables de suivre les rĂšgles originelles sans rien y ajouter. Ainsi, pendant les trois jours quâil sâest arrĂȘtĂ© ici, DiangombĂ© a dĂ» approuver que nous recrutions de plus en plus, non pas parmi ceux qui ne veulent plus ĂȘtre enrĂŽlĂ©s dans les armĂ©es du roi, mais parmi dâanciens malades qui nous rejoignent pour Ă©viter des rechutes.
Tout cela a commencĂ© quand une femme sâest prĂ©sentĂ©e Ă notre hutte et nous a suppliĂ©es de sauver son mari tourmentĂ© par les esprits. Il sâagissait dâun cas difïŹcile, les esprits ne sâĂ©tant pas identiïŹĂ©s et nâayant pas indiquĂ© Ă la famille du malade les gestes Ă poser, les offrandes Ă faire et les rites Ă accomplir. Les esprits arrivaient de nuit et provoquaient un tremblement de terre qui secouait leur hutte comme un fĂ©tu de paille. Dans les huttes voisines, personne ne percevait ce sĂ©isme. Puis le mari se mettait Ă gĂ©mir, comme si des mains invisibles le ïŹagellaient sans pitiĂ© et le laissaient hĂ©bĂ©tĂ© pendant des jours. Ne sachant pas comment aider cette pauvre femme, nous lui avons demandĂ© de revenir le surlendemain, le temps dây rĂ©ïŹĂ©chir. Quand nous en avons parlĂ© ce jour-lĂ , KabĂ©ja et moi, jâĂ©tais convaincue que rĂ©soudre ce genre de problĂšmes ne faisait pas partie de notre mission :
â MĂšre, pourquoi est-ce que cette femme sâest adressĂ©e Ă nous? Les Immortels ne sont pas des devins ou des guĂ©risseurs. Et dâailleurs, comment est-ce quâelle nous connaĂźt? Il nous est interdit de parler de notre groupe Ă ceux qui nâen font pas partie.
â Oui, mais on parle de nous Ă ceux quâon invite Ă nous rejoindre. Il arrive parfois quâune personne que lâon considĂ©rait une excellente recrue refuse notre invitation. Rien ne lâempĂȘche de divulguer notre existence sans avoir peur dâen subir les consĂ©quences. Elle ne dĂ©voile aucun secret sur nous puisque nous nâapprenons les mystĂšres quâĂ ceux qui acceptent lâinitiation, mais ce quâelle raconte peut alimenter les rumeurs Ă notre sujet.
â Je nâaime pas que cette femme nous ait identiïŹĂ©es, toi et moi.
â Elle a Ă©tĂ© mal informĂ©e, ou bien elle a compris de travers, puisquâelle nous prend pour des guĂ©risseuses. Ce nâest pas grave. Je ne crois pas que ça va nous causer des ennuis. Elle est venue nous voir parce quâelle pensait quâentre femmes ce serait plus facile. On devrait lâenvoyer chez un vrai devin aïŹn de savoir de quels esprits son mari est possĂ©dĂ©.
â Quâest-ce que câest un vrai devin pour toi? Tu ne crois pas que la plupart sont des tricheurs?
â Oui, mais certains dâentre eux sont respectables. Par exemple, ceux qui ne rĂ©clament pas leur salaire avant que leurs oracles leur donnent raison.
â Oui, mais il se pourrait que cette femme nâait pas les moyens de payer les services dâun devin.
â Dans ce cas, on va lâaider. Tu sais bien que notre drĂŽle de mĂ©nage nâest pas pauvre. On travaille dur, toutes les deux, et la terre est gĂ©nĂ©reuse envers nous. Mais puisquâon nâa ni mari ni enfant, on nâa que deux bouches Ă nourrir. Notre grenier est toujours plein, et on nâest pas capables de manger tout ce que nos champs produisent, mĂȘme aprĂšs avoir Ă©changĂ© une partie des rĂ©coltes contre des houes pour cultiver, des haches pour fendre le bois, des cruches en terre cuite pour puiser de lâeau Ă la riviĂšre ou pour faire fermenter la biĂšre. Il faut des hommes pour dĂ©fricher les terrains quâon laboure et quâon ensemence. Mais aprĂšs avoir payĂ© tous les services que nos voisins nous rendent, on a encore des surplus.
â Tu as raison! On a les moyens de lâaider.
La femme est revenue deux jours plus tard. Nous lui avons suggĂ©rĂ© de consulter un devin que nous connaissions, et que nous avions contactĂ© la veille pour lâassurer que nous Ă©tions prĂȘtes Ă payer si la femme et sa famille nâĂ©taient pas en mesure de le faire. Le devin a dĂ©couvert quâun mauvais esprit Ă©tait la cause du malheur : celui de lâarriĂšre-grand-pĂšre du malade. Lâesprit malveillant Ă©tait devenu de plus en plus impitoyable au fur et Ă mesure quâapprochait le temps oĂč les vivants nâauraient plus Ă le craindre. Les esprits des morts nâont plus de crĂ©ance Ă recouvrer sur Terre aprĂšs trois gĂ©nĂ©rations. Ils perdent alors leur capacitĂ© de nuisance, dont ils usent le plus souvent.
NâĂ©tant pas lui-mĂȘme guĂ©risseur, le devin a indiquĂ© Ă la femme un connaisseur des herbes qui calment et des rites qui neutralisent les esprits nuisibles. Le malade a Ă©tĂ© soignĂ© et, comme il sâest avĂ©rĂ© que sa famille vivait dans lâindigence, nous avons payĂ© le prix des traitements : des cruches de biĂšre de sorgho, des mesures de sel, des corbeilles de grains et dâautres produits vivriers, des pagnes en ïŹbre de ïŹcus et en peaux de vache, des houes et des serpettes.
Une fois lâhomme guĂ©ri, nous pensions que le problĂšme Ă©tait rĂ©glĂ©. Mais il est venu vers nous accompagnĂ© de sa femme, pas seulement pour nous remercier du fond du cĆur, mais aussi pour demander lâadmission dans le groupe des ObscĂšnes. Nous avons dĂ» rĂ©unir le groupe des Gardiens du Berceau pour en dĂ©libĂ©rer, puisque la situation du couple ne correspondait pas du tout Ă celle de nos recrues habituelles. Mais DiangombĂ© ne nous avait jamais dit que seuls les dĂ©serteurs et les renĂ©gats pouvaient devenir Immortels. Aucune rĂšgle ne nous interdisait dâaccueillir parmi nous ce couple reconnaissant. Nous avons donc dĂ©cidĂ© de faire exception, sans savoir que des cas semblables se multiplieraient rapidement. DĂ©sormais, parmi ceux qui cherchent Ă devenir Immortels, les personnes dĂ©sirant Ă©chapper Ă la possession par les esprits malveillants deviendront les plus nombreux dans notre groupe.
Mis au courant de cette situation, DiangombĂ© nous a autorisĂ©s sans hĂ©siter Ă accueillir dans nos rangs ces malheureux qui veulent ĂȘtre possĂ©dĂ©s par lui seul : une possession heureuse, qui protĂšge des esprits malveillants. Habituellement, on ne devient esprit quâaprĂšs la mort. Mais DiangombĂ© est, de son vivant, un esprit supĂ©rieur, un esprit dĂ©fenseur qui sâempare de ceux qui ont recours Ă lui et les met Ă lâabri des ïŹĂšches empoisonnĂ©es. Nos recrues ne sont plus seulement ceux qui sâinsurgent contre la loi du monarque terrestre, souvent oppressive et meurtriĂšre, mais aussi ceux qui sont fatiguĂ©s par le pouvoir des esprits mauvais qui provoquent la maladie, la folie, la stĂ©rilitĂ©, et dâautres inïŹrmitĂ©s dont les mortels sont afïŹigĂ©s.
13. Gahizi
Parmi les ObscĂšnes, il nây a pas de hiĂ©rarchie terrestre, mais lors de la premiĂšre dispersion, DiangombĂ© a dĂ©signĂ© un responsable pour chacun des groupes de missionnaires envoyĂ©s dans les royaumes du plateau des vaches. Le Grand-MaĂźtre sâest chargĂ© lui-mĂȘme du plus petit des groupes, qui est allĂ© recruter des Immortels dans le royaume du KaragwĂ©. KabĂ©ja a pris la tĂȘte des Gardiens du Berceau qui sont restĂ©s lĂ oĂč tout a commencĂ©. Gahizi a conduit, en tant que premier dâentre eux, les missionnaires envoyĂ©s au Burundi, le royaume du sud oĂč BinĂ©go a disparu sans laisser de traces.
Pour implanter la secte des Immortels dans ce royaume, DiangombĂ© a choisi le meilleur des adeptes de la premiĂšre dispersion, le plus rusĂ©, le plus Ă©loquent, le plus convaincu et le plus convainquant. Ă la tĂȘte des pionniers envoyĂ©s au royaume de Kiambaranta, Gahizi nâa pas eu la vie facile, mais il nâa pas déçu. Il a mĂȘme honorĂ© DiangombĂ© dâun nouveau titre : au Burundi, le Grand-MaĂźtre des ObscĂšnes sâappelle aussi Kiranga, lâĂclaireur, celui qui montre le chemin. Gahizi serait probablement devenu le successeur de Kiranga, si ce dernier nâavait pas dĂ©cidĂ© que lâĂšre post-missionnaire ne connaĂźtrait ni Grand-MaĂźtre, ni responsables locaux des ObscĂšnes. Gahizi le savait et nâavait quâune ambition : mener Ă bien sa mission. Et, quand le doute lâassaillait, il travaillait encore plus dur pour prendre soin de celles et ceux que DiangombĂ© lui avait conïŹĂ©s, pour assurer, dans le royaume du sud, un long avenir Ă la secte des Immortels.
Lors de la premiĂšre dispersion, DiangombĂ© mâa nommĂ© chef du groupe qui allait introduire la fraternitĂ© des ObscĂšnes dans le royaume du sud. Jâai fait de mon mieux pour ĂȘtre digne de la charge quâil mâavait conïŹĂ©e, mais il mâest arrivĂ© de douter, surtout au dĂ©but, quand tout a failli mal tourner. Parmi les premiers candidats Ă lâinitiation que nous avons recrutĂ©s au Burundi, certains ont trahi la loi du silence et ont mĂȘme donnĂ© les noms de leurs compagnons. Le groupe aurait Ă©tĂ© dĂ©cimĂ© si Kiambaranta, monarque du pays, nâĂ©tait pas intervenu. Ayant appris que les adeptes de DiangombĂ© Ă©taient mal vus au Rwanda, mais quâon nâosait pas sâattaquer Ă eux, il a imposĂ© la cessation de toute tracasserie contre les ObscĂšnes. Il voulait cependant en savoir davantage sur nous et il a ordonnĂ© que je sois saisi et conduit Ă la cour pour interrogatoire. Jây suis arrivĂ© les mains liĂ©es derriĂšre le dos, comme un malfaiteur comparaissant au tribunal. DĂšs quâil mâa vu, Kiambaranta mâa lui-mĂȘme dĂ©tachĂ© les mains, mâa fait asseoir dans une hutte et a demandĂ© quâon me serve Ă manger et Ă boire. AprĂšs ce repas bienfaisant, il a enjoint aux serviteurs de quitter les lieux et, entourĂ© de deux notables, il sâest mis Ă mâinterroger :
â On mâa dit que tu tâappelles Gahizi et que tu viens du royaume de mon ennemi, Ruganzu.
â Câest vrai, roi du Burundi.
â On mâa dit que tu diriges une secte secrĂšte et que, lors de vos rites dâinitiation, vous vous livrez Ă des danses lascives, indĂ©centes, qui aboutissent Ă des orgies sexuelles et que vous vous exprimez dans un langage vulgaire.
â Roi du Burundi, tu nâaurais jamais dĂ» ĂȘtre mis au courant de ce qui se passe dans nos rites secrets. Des inïŹltrĂ©s tĂ©mĂ©raires nous ont trompĂ©s en nous faisant croire quâils voulaient devenir disciples de DiangombĂ©. MalgrĂ© nos avertissements sur les consĂ©quences dâune Ă©ventuelle trahison, ils ont brisĂ© la loi du silence. Mais aucun dâeux nâa survĂ©cu plus dâune lune aprĂšs le forfait. Ils sont morts misĂ©rablement, sans quâaucun ObscĂšne ne pose un geste ou ne prononce une incantation pour les punir. Nos membres ne sont pas des meurtriers. Ces traĂźtres ont pris le chemin du Nyiragongo, le volcan a dĂ©vorĂ© leur Ăąme et ils ne recevront des vivants ni priĂšres ni sacriïŹces. Notre tĂąche consiste plutĂŽt Ă repĂ©rer les Ă©lus dont la vie sera plus forte que la mort pour toujours. Grand roi, consulte le collĂšge de tes devins : ils vont conïŹrmer mes propos.
â Je veux savoir si ceux que vous accusez de trahison ont dit la vĂ©ritĂ© Ă votre sujet.
â Nous nous appelons les ObscĂšnes, mais nos rites nâont pas lieu au grand jour. Tout se passe de nuit, au fond des bois, entre nous, sans spectateurs. Et quand nous revenons Ă la vie normale aprĂšs les rites, notre conduite est irrĂ©prochable : nous respectons les mĆurs et les rĂšgles de la modestie, comme tout le monde.
â Et quâest-ce que tu rĂ©ponds Ă lâaccusation de vol qui pĂšse contre les tiens? Il semble que vous nâhĂ©sitez pas Ă rĂ©colter lĂ oĂč vous nâavez ni dĂ©frichĂ© ni cultivĂ©. LĂ oĂč vous nâavez ni plantĂ©, ni binĂ©, ni sarclé⊠On me dit aussi que vous volez le petit bĂ©tail de mes sujets quand vous avez besoin de viande.
â Roi du Burundi, nous ne sommes pas des bandits. Nous ne pratiquons pas la razzia. En temps normal, nous mangeons ce que nous produisons, comme tout le monde. Mais quand nous sommes en voyage, puisquâil nous est interdit dâemporter des provisions, nous nous servons sur le chemin pour calmer notre faim. Nous ne prenons jamais de vos vaches pour nous nourrir. Et nous ne ruinons personne en prenant une poule, un cabri, un rĂ©gime de banane, quelques colocases ou patates douces. Les oiseaux, les taupes, les hippopotames, les lions, les renards et les lĂ©opards font bien plus de ravages que nous dans les champs et dans les troupeaux de ton royaume.
â Dans mon royaume, comme partout ailleurs, le voyage...