La violence faite aux femmes et l'Ă©tat de stress post-traumatique
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La violence faite aux femmes et l'Ă©tat de stress post-traumatique

Monique Benoit, Marc Trottier

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La violence faite aux femmes et l'Ă©tat de stress post-traumatique

Monique Benoit, Marc Trottier

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La violence conjugale provoque des traumatismes graves chez les femmes qui la subissent et peut mener jusqu'au dĂ©veloppement d'un Ă©tat de stress post-traumatique (ÉSPT). Comme la recherche sur ce trouble est incomplĂšte – elle s'intĂ©resse gĂ©nĂ©ralement aux anciens combattants –, le prĂ©sent ouvrage examine, Ă  partir de tĂ©moignages recueillis auprĂšs de victimes et d'intervenantes du Centre Victoria pour femmes et du Centre de counselling de Sudbury, les liens entre la violence conjugale et l'ÉSPT, et plaide l'urgence d'intĂ©grer ce diagnostic aux programmes de traitement offerts aux femmes.L'ouvrage se penche Ă©galement sur le contexte sociopolitique et culturel de la violence faite aux femmes. À cet Ă©gard, il Ă©value que si les centres d'aide de Sudbury rĂ©ussissent Ă  offrir un soutien de premiĂšre ligne, ils ne parviennent pas Ă  prendre adĂ©quatement en charge l'ÉSPT avec lequel une part de leur clientĂšle doit composer – et ce, particuliĂšrement dans les milieux francophones minoritaires. C'est pourquoi il milite pour l'adoption d'une thĂ©rapie cognitivo-fĂ©ministe et l'Ă©laboration d'une offre de soins impliquant la collaboration de plusieurs intervenants: travailleuses communautaires, psychologues, forces de l'ordre, etc. Cette approche intĂ©grĂ©e permettrait de donner aux victimes le soutien dont elles ont besoin pour vivre pleinement Ă  nouveau.

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Informations

Année
2019
ISBN
9782897441197

CHAPITRE 1
LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES AU CANADA : ÉTAT DES LIEUX

Il est difficile d’estimer l’étendue de la violence faite aux femmes du fait du caractĂšre gĂ©nĂ©ralement privĂ© de cette expĂ©rience. Toutefois, depuis quelques annĂ©es, les gouvernements fĂ©dĂ©ral, provinciaux et territoriaux, par le biais des services de police, des tribunaux, des maisons d’hĂ©bergement et des centres d’aide aux victimes de violence conjugale, observent la situation et documentent le phĂ©nomĂšne. Nous vous prĂ©sentons donc quelques statistiques sur la situation telle que vĂ©cue au Canada et en Ontario.

1.1 LA SITUATION CANADIENNE

Au Canada, la violence faite aux femmes est documentĂ©e par les services de police, les maisons d’hĂ©bergement, les hĂŽpitaux et les cours de justice, qui soumettent leurs informations Ă  la grande banque de donnĂ©es de Statistique Canada. La premiĂšre grande enquĂȘte nationale de Statistique Canada (1993) ayant mesurĂ© la violence conjugale faite aux femmes – appelĂ©e EnquĂȘte sur la violence envers les femmes (EVEF) et issue de donnĂ©es colligĂ©es surtout par les services de police – montrait qu’une femme sur deux de 16 ans et plus aurait Ă©tĂ© victime d’au moins un acte de violence physique ou sexuelle (Brazeau et Brzozowski, 2008). Depuis, des donnĂ©es chiffrĂ©es ont Ă©tĂ© colligĂ©es par l’EnquĂȘte sociale gĂ©nĂ©rale : l’aperçu (ESG, 2009) et, plus rĂ©cemment, par le Centre canadien de la statistique juridique. On peut voir que la judiciarisation de la violence faite aux femmes s’est accentuĂ©e depuis quelques annĂ©es au Canada. Voici, en quelques lignes, les pĂ©riodes saillantes de la situation de la violence conjugale au Canada depuis 1993.

1.1.1 Judiciarisation de la violence conjugale au Canada

Au Canada, jusque dans les annĂ©es 1970, existait ce que l’on appelait la stitch rule, rĂšgle qui permettait aux policiers de dĂ©poser une plainte criminelle contre un homme qui avait Ă©tĂ© violent envers sa conjointe, et ce, en fonction d’un nombre prĂ©cis de coups et blessures.
Stitch rules, which were applied in many States in the 1800s-1900s, stipulated the number of stitches required in order for an offense to be considered assault and battery. The expression « rule of thumb » comes from an English tradition in which a man was allowed to hit his wife with something no thicker than his thumb (O’Leary et Vivian, 1990 : 332).
Cette premiĂšre rĂšgle, qui reposait sur les blessures physiques qu’une femme devait subir avant qu’intervienne le systĂšme policier, tĂ©moigne de l’obscurantisme, si ce n’est du peu de cas dont faisaient preuve alors les pouvoirs publics face Ă  la violence conjugale (Loseke et al., 2005). GrĂące aux pressions exercĂ©es par le mouvement des femmes et aux revendications visant Ă  criminaliser la violence conjugale, les politiques de mise en accusation et de poursuite obligatoire Ă©mises en 1980 ont facilitĂ© l’adoption de lignes directrices fĂ©dĂ©rales (1983), Ă  l’intention de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), pour le traitement des agressions entre conjoints. Les gouvernements des États-Unis et du Canada, influencĂ©s par la vague fĂ©ministe, ont radicalement modifiĂ© leurs politiques pĂ©nales Ă  partir des annĂ©es 1980, reconnaissant la violence conjugale comme un crime (Bungardean et Wemmers, 2017). En 1983, la loi sur le viol, rebaptisĂ©e Loi canadienne sur les agressions sexuelles, a Ă©tĂ© Ă©largie pour inclure l’agression sexuelle du conjoint, ce qui a permis de reconnaĂźtre le viol d’une femme par son conjoint comme une infraction criminelle (Morris, 2000).
Rappelons que le projet de loi C-127 (qui a donnĂ© lieu Ă  la Loi canadienne sur les agressions sexuelles), visait Ă  remplacer le « crime de viol » par le concept d’« agression sexuelle », ce afin de le soustraire de son contexte sexuel et d’en reconnaĂźtre le caractĂšre violent (MinistĂšre de la Justice du Canada, 1990). La loi de 1983 prĂ©voyait Ă©galement que le mari puisse ĂȘtre inculpĂ© d’agression sexuelle sur sa conjointe, que les deux aient cohabitĂ© ou non au moment de l’infraction (art. 246.8 du Code criminel, devenu l’art. 278 avec la rĂ©forme de 1985). Cette loi constituait ainsi une avancĂ©e considĂ©rable puisque, avant 1983, un conjoint ne pouvait ĂȘtre traduit en justice pour le viol de sa conjointe. La mĂȘme annĂ©e, les forces policiĂšres de l’Ontario recevaient l’ordre du Solliciteur gĂ©nĂ©ral de dĂ©poser des accusations criminelles dans les cas de violence conjugale. Avant cette dĂ©cision, les hommes qui battaient leurs femmes n’encouraient quasiment aucune sanction et, de fait, pouvaient rĂ©cidiver en toute quiĂ©tude (Morris, 2000).
À partir de 1985, on assiste dans l’ensemble des provinces canadiennes Ă  la judiciarisation des actes de violence conjugale. On fait porter la responsabilitĂ© de l’accusation Ă  la police et Ă  la Couronne, indiquant du mĂȘme coup au conjoint violent que la poursuite ne relĂšve plus seulement de la conjointe, mais bien de la sociĂ©tĂ© en gĂ©nĂ©ral (Brown, 2000). En dĂ©plaçant vers la police et les procureurs de la Couronne l’obligation de porter des accusations, on rĂ©duit la pression sur les victimes. Cette initiative donnait un signal clair : la violence conjugale ne doit plus ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une affaire privĂ©e, mais constitue un problĂšme social grave, inacceptable, ainsi qu’une violation manifeste de la loi (Johnson, 2006) et des droits humains. Toujours en 1985, la « politique de tolĂ©rance zĂ©ro » (aussi appelĂ©e « politique de non-abandon des plaintes ») Ă©tait mise en place dans la plupart des provinces canadiennes selon leurs compĂ©tences (Johnson, 2006).
En dĂ©pit des amĂ©liorations apportĂ©es au systĂšme judiciaire au cours des 30 derniĂšres annĂ©es, les donnĂ©es montrent que la violence conjugale n’est pas dĂ©clarĂ©e aussi massivement Ă  la police qu’elle devrait l’ĂȘtre. Ainsi, en 1993, une enquĂȘte menĂ©e par Statistique Canada montrait que seulement 14% de la violence conjugale Ă©tait dĂ©noncĂ©e Ă  la police (Gaudreault, 2002). En 2004, alors que 36% des actes de violence conjugale avaient Ă©tĂ© signalĂ©s par les femmes Ă  la police, moins du quart des actes commis Ă©tait signalĂ©s en 2009 (ESG). Cette diminution attesterait soit que la plupart des incidents ont Ă©tĂ© rĂ©glĂ©s par une voie autre que juridique, ou que la victime ne voulait pas s’adresser Ă  la police. Cela s’explique sans doute par le fait que les femmes victimes de violence conjugale craignent davantage la rĂ©cidive du conjoint que l’inverse (18% chez les femmes contre 9% chez les hommes), selon l’ESG de 2009.
Dans un contexte de violence conjugale, la peur d’une rĂ©cidive du conjoint est omniprĂ©sente et laisse entrevoir que les consĂ©quences psychosociales de la violence conjugale sont telles que la victime finit par se rĂ©soudre au mutisme et au silence. De plus, mĂȘme quand le conjoint se trouve Ă©loignĂ© de la victime (en Ă©tant incarcĂ©rĂ©), la peur qu’il ne puisse ou ne veuille plus subvenir aux besoins de la victime et de ses enfants, que l’appareil judiciaire exerce un contrĂŽle sur elle, ou encore la peur d’une certaine stigmatisation par la famille contribuent Ă  revictimiser ces femmes.
Comme on le constate, les faits ne manquent pas pour expliquer les dĂ©fauts de la judiciarisation de la violence conjugale. Et l’état de santĂ© mentale de ces femmes, dont certaines vivent avec un SPT, complique leur tĂ©moignage sur la violence qu’elles ont vĂ©cue et explique assez bien leur refus de poursuivre judiciairement le conjoint violent.

1.1.2 Mesure de la violence faite aux femmes au Canada

Depuis plus de 20 ans, les ministĂšres responsables de la condition fĂ©minine aux paliers fĂ©dĂ©ral, provinciaux et territoriaux Ă©mettent, Ă  l’aide de Statistique Canada, des rapports visant Ă  accroĂźtre les donnĂ©es disponibles sur la violence faite aux femmes. En 2002, ils ont produit un rapport intitulĂ© Évaluation de la violence contre les femmes : un profil statistique, suivi en 2006 de Mesure de la violence faite aux femmes : tendances statistiques. Le rapport de Sinha (2013), qui porte le mĂȘme titre que celui de 2006, en plus de poursuivre la collecte de statistiques sur le sujet, souligne la difficultĂ© Ă  dresser un portrait statistique clair et complet sans tenir compte de la traite des personnes et du nouveau phĂ©nomĂšne de la cyberviolence.
Ce rapport souligne que les violences commises contre les femmes et dĂ©clarĂ©es Ă  la police touchaient 173 600 femmes de 15 ans et plus en 2011. Les statistiques relatives aux tentatives de meurtre (10%) et aux voies de fait (49%) auraient diminuĂ© entre 2009 et 2011, tandis que les taux d’agression sexuelle (7%), nous l’avons vu, auraient augmentĂ© en 2010 et seraient demeurĂ©s stables en 2011. Les menaces (13%) et le harcĂšlement criminel (7%) venaient ajouter aux violences les plus souvent dĂ©clarĂ©es Ă  la police. Mentionnons Ă©galement que 20% des homicides rĂ©solus en 2013 ont Ă©tĂ© commis par un partenaire intime (Cotter, 2014 : 15). En somme, bien que les homicides perpĂ©trĂ©s contre les femmes durant les 20 derniĂšres annĂ©es se soient stabilisĂ©s au cours des 10 derniĂšres annĂ©es, Sinha ajoute : « Les femmes Ă©taient onze fois plus nombreuses que les hommes Ă  ĂȘtre victimes d’agression sexuelle et trois fois plus susceptibles d’ĂȘtre victimes de harcĂšlement criminel (traque) » (2013 : 8). En effet, ce sont des hommes qui, Ă  83%, s’étaient rendus responsables des actes de violence commis contre les femmes. Cela est d’autant plus important que les femmes victimes de violence sont, malgrĂ© les mesures judiciaires prises depuis 2004, moins nombreuses qu’alors Ă  rapporter Ă  la police les actes dont elles sont victimes. C’est souvent dans les cas de violences rĂ©pĂ©tĂ©es que la probabilitĂ© de faire appel Ă  la police s’accroĂźt. L’intervention de la police est plus frĂ©quente en cas de blessures corporelles chez celles qui craignent pour leur vie et celles qui sont victimes d’actes violents sur une base rĂ©guliĂšre. Les policiers interviennent surtout en cas d’agression sexuelle (53%) lorsque les femmes sont battues, Ă©tranglĂ©es ou lorsqu’elles ont Ă©tĂ© agressĂ©es avec une arme (60%). MĂȘme si les statistiques montrent que des actes de violence rapportĂ©s Ă  la police par des femmes contre leur partenaire amoureux (83%) ou leur conjoint (84%) ont donnĂ© suite Ă  des accusations criminelles, la plupart des femmes hĂ©sitent encore Ă  porter plainte.
En ce qui concerne les actes de violence autodĂ©clarĂ©s par les femmes et dĂ©crits par les donnĂ©es sur la victimisation de l’EnquĂȘte sociale gĂ©nĂ©rale (ESG), « les femmes sont plus susceptibles que les hommes de dĂ©clarer avoir Ă©tĂ© victimes des formes les plus graves de violence conjugale, comme avoir Ă©tĂ© victimisĂ©es plus d’une fois et avoir subi des blessures corporelles » (Sinha, 2013 : 8). Toutefois, la violence commise par d’ex-conjoints serait en recul (ibid.). Parmi les facteurs de risque associĂ©s Ă  la violence envers les femmes, le rapport de 2013 affirme – ou rĂ©affirme, au regard des donnĂ©es de 2009 – qu’il y a le fait d’ĂȘtre jeune, d’ĂȘtre autochtone, de vivre avec un handicap, de vivre dans un milieu oĂč les femmes sont exploitĂ©es financiĂšrement ou une situation propice Ă  des actes de violence psychologique (itinĂ©rance, milieu criminalisé ).
En termes de consĂ©quences de la violence qu’elles ont subie :
[p]lus de la moitiĂ© (53%) des femmes victimes de violence aux mains d’un conjoint ont affirmĂ© que la plupart de leurs journĂ©es Ă©taient trĂšs stressantes ou extrĂȘmement stressantes; cette proportion Ă©tait de beaucoup supĂ©rieure Ă  celle notĂ©e chez les femmes victimes de violence aux mains d’une autre personne (41%) et Ă  celle enregistrĂ©e chez les femmes non victimes de violence (23%) (Sinha, 2013 : 9).
Parmi ces femmes, plus du quart (27%) prenaient des mĂ©dicaments pour surmonter leur dĂ©pression, pour se calmer ou pour parvenir Ă  dormir. Chez les femmes n’ayant pas Ă©tĂ© victimes de violence, 18% prenaient de tels mĂ©dicaments. Ainsi, affirme Sinha, la victimisation par la violence apparaĂźt plus marquĂ©e chez les femmes que chez les hommes. De fait, celles-ci Ă©taient 7 fois plus nombreuses Ă  ĂȘtre craintives que les hommes (27% contre 4%) et « trois fois plus susceptibles de souffrir de dĂ©pression ou d’anxiĂ©tĂ© » (23% par rapport Ă  7%).
Les rĂ©sultats de l’ESG de 2014 ont inclus pour la premiĂšre fois des effets psychologiques liĂ©s au trouble de stress post-traumatique (TSPT) chez les victimes de violence conjugale. Ces femmes ont dĂ©clarĂ© vivre des cauchemars, Ă©viter des situations qui rappelaient l’incident, ĂȘtre toujours sur leurs gardes et se sentir coupĂ©es des autres, confirmant au moins trois des effets Ă  long terme dĂ©crits dans l’outil de dĂ©pistage du TSPT en soins primaires. Les symptĂŽmes associĂ©s au TSPT Ă©taient plus rĂ©pandus chez les personnes victimes de violence rĂ©pĂ©tĂ©e (36% des personnes agressĂ©es Ă  plus de 10 reprises) et parmi celles qui avaient dĂ©clarĂ© avoir subi des formes plus graves de violence (32%) (Burczycka, 2016 : 3).
Ces derniĂšres statistiques ouvrent la porte aux consĂ©quences que nous souhaitons explorer : elles montrent Ă  quel point la violence conjugale entraĂźne des consĂ©quences graves sur la vie des femmes. Celles-ci risquent de rencontrer des problĂšmes psychosociaux graves, et c’est pourquoi il importe de concevoir des interventions qui soient adaptĂ©es Ă  leur situation.

1.1.3 Les données autodéclarées de Statistique Canada

Pour la premiĂšre fois en 1999, Statistique Canada recueillait des informations sur la violence conjugale sous forme de donnĂ©es autodĂ©clarĂ©es; celles-ci provenaient d’un Ă©chantillon de 24 000 Canadiennes et Canadiens de 15 ans et plus. Un sondage semblable a Ă©tĂ© effectuĂ© en 2004. L’EnquĂȘte sociale gĂ©nĂ©rale : l’aperçu (2009) compare les deux pĂ©riodes et montre que la prĂ©valence de la violence conjugale est demeurĂ©e la mĂȘme entre 1999 et 2004; qu’elle a Ă©tĂ© plus frĂ©quente dans les relations antĂ©rieures Ă  2004 que dans les relations aprĂšs 2004; que les femmes continuaient d’ĂȘtre victimes d’actes de violence plus graves que les hommes et que les violences psychologiques Ă©taient plus importantes (34% pour les femmes et 26% pour les hommes) que les violences physiques (Ă©valuĂ©es Ă  1% contre 2%, respectivement)1. Le profil des personnes violentĂ©es dressĂ© par ces enquĂȘtes montre qu’elles provenaient de toutes les couches de la sociĂ©tĂ©, bien que des segments de la population soient plus vulnĂ©rables que d’autres Ă  la violence conjugale, dont les personnes ĂągĂ©es de 15 Ă  24 ans, celles vivant en union libre majoritairement d’origine autochtone et celles dont le partenaire buvait excessivement (Statistique Canada, 2004).
En 2009, les donnĂ©es sur la victimisation de l’ESG ont pu Ă©tablir que la violence conjugale au Canada Ă©tait devenue stable depuis 2004. Des 19 millions de Canadiens (l’enquĂȘte jumelait les donnĂ©es de 1999 et 2004 Ă  celles de 2009) ayant dĂ©clarĂ© avoir un conjoint actuel ou avoir eu un ex-conjoint au cours des cinq annĂ©es prĂ©cĂ©dant l’enquĂȘte, 6% avaient Ă©tĂ© victimes de violence physique et sexuelle. Ces donnĂ©es indiquaient que les femmes (57%) avaient dĂ©clarĂ© davantage que les hommes (40%) des cas de victimisation. Elles y indiquaient avoir Ă©tĂ© agressĂ©es sexuellement, battues, Ă©tranglĂ©es ou menacĂ©es Ă  l’aide d’une arme Ă  feu ou d’un couteau par leur partenaire ou ex-partenaire au cours de la pĂ©riode visĂ©e par l’enquĂȘte. Elles avaient donc Ă©tĂ© davantage victimes de mĂ©faits graves que les hommes (34% par rapport Ă  10%) (Statistique Canada, 2011).
Une enquĂȘte de Statistique Canada sur des donnĂ©es provenant des services de police canadiens rĂ©vĂ©lait que 40 165 victimes de crimes conjugaux avaient signalĂ© la violence subie Ă  153 diffĂ©rents services de police au pays. Parmi les victimes, on comptait 33 227 femmes (83%) et 6 938 hommes (17%) (Statistique Canada, 2009). Ces victimes Ă©taient le plus souvent rĂ©fĂ©rĂ©es Ă  des services d’aide (maisons d’hĂ©bergement), de santĂ© (soins mĂ©dicaux, dentaires, etc.) et de soutien, dont la valeur se chiffrait sur un an Ă  plus de 1,5 milliard de dollars (Statistique Canada, 2006b). À ces coĂ»ts, il fallait ajouter ceux associĂ©s Ă  une perte de productivitĂ© pour cause de comportements dĂ©viants (toxicomanie, alcoolisme, etc.) – perte qui augmentait d’autant plus la charge et les coĂ»ts associĂ©s en termes de justice pĂ©nale ou d’indemnisation. Selon une Ă©tude rĂ©alisĂ©e par le ministĂšre de la Justice du Canada (Sinha, 2013), ces coĂ»ts s’élevaient Ă  4,2 milliards de dollars en 2006 (Statistique Canada, 2006b) et Ă  4,8 milliards de dollars en 2009. La violence conjugale et la violence faite aux femmes coĂ»tent cher Ă  l’État canadien sur les plans financier et humain, car elles affectent non seulement des femmes traumatisĂ©es, improductives et malades, mais aussi leurs enfants, souvent eux-mĂȘmes traumatisĂ©s (Bekaert et al., 2012; Fortin, 2011; Racicot et al., 2010). Mentionnons toutefois que, mĂȘme si le ministĂšre de la Justice, les maisons d’hĂ©bergement et les services de police sont en mesure d’indiquer le nombre de plaintes, le sexe des victimes et le profil des auteurs prĂ©sumĂ©s de ces crimes, ces donnĂ©es ne tiennent compte que des infractions qui leur sont signalĂ©es. Le nombre de cas de violence contre les femmes demeure sous-estimĂ© puisque seulement un peu plus du tiers des agressions entre conjoints sont rapportĂ©es Ă  la police; nombreuses sont les femmes qui ne divulgueront pas les sĂ©vices subis.
En 2009, moins du quart (22%) des victimes de violence conjugale ont indiquĂ© que la police avait Ă©tĂ© mise au courant de l’incident, en baisse par rapport Ă  la proportion de 28% enregistrĂ©e en 2004. Ce recul du taux de signalement est survenu essentiellement chez les victimes de sexe fĂ©minin (Statistique Canada, 2009).
Parmi les victimes canadiennes de violence conjugale, davantage de femmes que d’hommes affirment ressentir de la crainte en raison de la violence dans leur couple (30% contre 5%). Elles sont dĂ©primĂ©es, souffrent d’excĂšs d’anxiĂ©tĂ© (21% contre 9%), ont des troubles de sommeil (15% contre 4%), ressentent de la honte et de la culpabilitĂ© (12% contre 3%) et craignent pour la sĂ©curitĂ© de leurs enfants (9% contre 2%) (Mihonen, 2005). Les victimes fĂ©minines de violence conjugale sont 3 fois plus susceptibles que les victimes masculines de craindre pour leur vie (34% contre 10%) et d’interrompre leurs activitĂ©s quotidiennes en raison de la violence (29% contre 10%), toujours selon Mihonen (2005). Ces donnĂ©es semblent confirmĂ©es, quelques annĂ©es plus tard, par Statistique Canada :
[E]n 2009, une victime de violence conjugale sur dix (10%) a dit avoir obtenu une ordonnance d’interdiction ou de protection contre son agresseur. Les femmes Ă©taient trois fois plus susceptibles que les hommes de dĂ©clarer avoir obtenu une ordonnance d’interdiction contre leur conjoint ou un ex-conjoint (15% par rapport Ă  5%). Parmi les vic...

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