Comptine à rebours (édition musicale)

Sonia Lamontagne

• Éditeur: Éditions Prise de parole
• Année: 2016
• ISBN:
  9782897440374
• Sujet: Literatura
• Sous-sujet: Poesía canadiense

Dans «Comptine à rebours», un épisode traumatique vécu durant l'enfance ressurgit dans la conscience d'une jeune femme alors qu'elle tisse une relation amoureuse. Fondé autant sur des expériences vécues que sur des connaissances dans le domaine psychopathologique, Le recueil offre une perspective intime sur un état peu connu, le trouble complexe de stress post-traumatique.Dans cette œuvre poignante, à travers des images fortes, troublantes, Sonia Lamontagne rend compte avec lucidité et courage de la réalité psychologique d'une jeune femme aux prises avec les démons de son passé.Cette version comprend une magnifique trame musicale créée spécialement par la pianiste Venessa Lachance pour accompagner le texte.

Cette édition spéciale comprend une œuvre musicale.
Piano : Venessa Lachance
Voix : Sonia Lamontagne

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elle erre en ligne droite

son cellulaire comprimé entre deux livres dans son sac

elle voyage entre deux rives de chemises cravatées

de tous côtés

des hommes s’abrient avec des trottoirs dont elle quête le silence

il admire chaque jour la tiédeur sur son visage

elle contourne les têtes cendrier

d’une vitre à l’autre

sa silhouette se recompose sans se renouveler

par la fenêtre de l’immeuble où il travaille

il la voit replacer ses cheveux

s’arrêter au reflet

la coquille sur son dos se brise

parmi les œufs qu’elle frôle de ses pieds maladroits

son père quitte la pièce

elle pose les lèvres sur le microphone allumé

son soupir n’a pas d’écho dans la citerne familiale

il chantait qu’on devrait peut-être écouter l’enfant mis au monde

elle clignote comme un gyrophare

le lutrin se rassoit

la guitare fond dans les plis du divan fainéant

elle en pince les cordes

elle s’accroche au carrousel de notes

les musiciens en accord tournent en rond

la valse routinière engloutit les pas

les hommes alignés dans l’étui piétonnier la talonnent

il sort de l’édifice

le ciel est d’un blanc dilaté

le canevas impatient

elle agite son laissez-passer comme un pinceau

sa main avide de cigarettes

ses yeux clignotent entre les fils barbelés de ses cils

le feu vert prend son temps

l’aiguille obstinée menotte les secondes

dans la cour de récréation

toutes les filles aspirent à rencontrer leur cavalier sur le pont d’avignon

toutes les filles halètent l’alphabet sans arrêt

elles s’accoudent à la fenêtre de vedettes américaines

à la chevelure de rideaux démodés

elle regarde au loin les septième année braver les deux cordes à danser

leurs corps chenille emportés par deux ailes

leurs seins galettes d’asphalte se soulever

elle ne dépasse jamais la lettre d au saut à la corde

elle choisit toujours le même acteur sans le connaître

son cavalier s’appelle devon

elle fait tomber le paquet de son sac en replaçant sa jupe

il plonge la main dans le sien

regrettant le briquet qui n’y est pas

la vitrine derrière elle trace un cadre parfait

sa poitrine en sort à chaque inspiration

« tu veux aller prendre un café? »

sa mallette engourdie lèche le sable

il cherche le relais au fond de ses yeux

elle cherche le sourire au fond des plaies

visages affairés

le printemps perce la neige moite

elle longe son sac à maintes

excuses

à l’avant comme à l’arrière de la classe

elle est distraite par la sortie de secours

le jaune autoritaire de l’autobus stationné dans la cour

le jaune pastel de la craie dans le creux de sa main

son sourire jaune d’œuf dans le poêlon de son visage devant le tableau

elle fond

elle rapetisse face aux chiffres croissants

les degrés font crier les cadrans sous sa peau

la chaleur sonne l’alarme

dans son ventre

les...