Et d'ailleurs

Jean Marc Dalpé

• Éditeur: Éditions Prise de parole
• Année: 2013
• ISBN:
  9782894238578
• Sujet: Literatura
• Sous-sujet: Poesía canadiense

Jean Marc Dalpé part à la découverte de New York, Paris et Sudbury. Attablé devant un café ou une bière dans les restaurants, les cafés ou les hôtels, le poète se fait observateur des réalités parfois crues du monde qui l'entoure. Du hard-rock des hôtels du Nouvel-Ontario au jazz de New York en passant par les accordéons de Paris, Jean Marc Dalpé nous fait sentir le rythme quotidien d'ici et d'ailleurs dans un langage qui s'apparente au pouls de la rue.

Paris

Café noir et un 747 dans mon sac.

Un vieil Ukrainien avec son accent et sa pension d’Inco

à l’autre table du greasy spoon.

dans trois jours, je serai à Paris

dans trois jours, je serai à Paris

dans trois jours…

comme une musique de fond

en rythme avec la grosse caisse de mon cœur

comme un disque accroché

en travers de ma gorge

ça perd son sens après un temps

et puis, tout d’un coup

le retrouve

et quelque chose quelque part en moi

se noue, se tend

une boule, un poing

et j’ai tout chaud.

19h17

bière au bar Mirabel

pas feutrés partout

au cœur de ce nulle part exproprié

et tout le monde vérifie

pour la N’ième fois ses billets

je descends vers le monologue

amplification de cette voix au-dedans

non sans accroc

sans angoisse

sans peur

sans envie de briser le silence

extérieur

Roissy

RER

Châtelet

Métro

Odéon

Rue Monsieur le Prince

Hôtel Stella

Chambre 17

si j’étais un loup

je pisserais

aux quatre points cardinaux

au lieu

je ferme à clef

et pisse

dans le lavabo

et me masturbe

dans le lit

heure de Paris :

10h du mat.

je sors

Je ne chanterai pas Paris

j’en suis incapable

je demeure l’étranger

la langue pour dire Paris n’est pas la mienne

boire au même zinc que Prévert et Vian

m’a appris la distance qui nous sépare

et que les liens sont d’ailleurs

(mes notes de voyage ressemblent aux paroles des chansonniers médiocres du Vieux Québec dire Boul’Mich… et se prendre pour un poète)

je demeure l’étranger

pire

le touriste

an American in Paris

avec ses images de baguettes et de bérets

Merci Metro-Goldwyn-Mayer

un vrai Américain in Paris

admiratif, naif et tout à fait con

comme il se doit

c’était croissant, café au lait le matin

Gauloises sans filtre au Tabac

demi au zinc du café

c’était mec et merde et canard et cinoche

et si c’était le pied, j’étais peinard à Panam

devant mon pinard sur la Mouffe.

et j’étais presque

plus content de pouvoir le dire que de le faire.

je demeure l’étranger

celui qui n’est pas de cet ici là

qui passe sans laisser de traces ou peu

qui sort d’autres climats

respire d’autres paysages

n’est pas tout à fait à l’aise dans le décor

prend un peu plus de temps à traverser la rue

on le comprend mal quand il dit

« un café s’il vous plaît »

même s’il y met l’accent

il fait semblant d’être chez lui

mais on le reconnaît dans la foule

pour mille détails imprévisibles

on le reconnaît dans la foule

parce que c’est lui

qui sonne faux

je ne chanterai pas Paris.

Ici

c’est deux ans plus tard

sous le soleil

dans les roches

là-bas

c’est la nuit du 13 au 14 juillet

et Serguei qui m’attend

sans le savoir

au coin de rue de la Roquette

et des pétards Place de la Bastille

ici

le vent tire sur mes pages et les fourmis font le tour de ma chaise. Moi, je longe des murs dans ma tête, m’approche des parois, les tâte, tombe sur des brèches je m’y ...