Éros et tabou
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Éros et tabou

Sexualité et genre chez les Amérindiens et les Inuit

Gilles Havard, Frédéric Laugrand

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Sexualité et genre chez les Amérindiens et les Inuit

Gilles Havard, Frédéric Laugrand

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À propos de ce livre

Éros et tabou analyse les pratiques Ă©rotiques et les relations de genre au sein de diverses populations autochtones d'AmĂ©rique du Nord. Ces sociĂ©tĂ©s sont-elles plus ouvertes au principe de plaisir et aux pulsions sexuelles que les sociĂ©tĂ©s occidentales? L'ouvrage se penche particuliĂšrement sur la tension existant parmi les AmĂ©rindiens et les Inuit entre, d'un cĂŽtĂ©, une sexualitĂ© d'apparence permissive qui peut acquĂ©rir un caractĂšre public et dĂ©complexĂ© et, de l'autre, des pratiques strictement codifiĂ©es, souvent associĂ©es Ă  des interdits. Le sexe apparaĂźt donc comme un Ă©lĂ©ment rĂ©vĂ©lateur du social. Plusieurs thĂ©matiques sont examinĂ©es dans cette perspective, dont la diffĂ©renciation des sexes et le travestissement, la contrainte et le consentement dans les unions et les mariages, la place du sexe dans la langue et la pensĂ©e symbolique, les relations sexuelles entre femmes autochtones et hommes d'origine europĂ©enne depuis le XVIe siĂšcle ou encore la part jouĂ©e par les missionnaires dans la confrontation des EuropĂ©ens avec les moeurs autochtones.L'ouvrage est publiĂ© en hommage Ă  Denys DelĂąge. Avec la collaboration de Marie-Pierre Bousquet, Denys DelĂąge, Raymond J. DeMallie, Louis-Jacques Dorais, Claude GĂ©linas, Anny Morissette, Murielle Nagy, Douglas R. Parks, Bernard Saladin d'Anglure et Olivier Servais.Gilles Havard est historien, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et membre du laboratoire Mondes AmĂ©ricains (Paris). SpĂ©cialiste de l'histoire des relations entre AmĂ©rindiens et EuropĂ©ens en AmĂ©rique du Nord, il a notamment publiĂ© Empire et mĂ©tissages (Septentrion et PUPS, 2003) et coĂ©crit Histoire de l'AmĂ©rique française (Champs histoire, 2008). FrĂ©dĂ©ric Laugrand est anthropologue, professeur au DĂ©partement d'anthropologie de l'UniversitĂ© Laval et le directeur actuel de la revue Anthropologie et sociĂ©tĂ©s. Il a coĂ©crit denombreux articles et livres avec Jarich Oosten dont, derniĂšrement, Inuit Shamanism and Christianity. Transitions and Transformations (MQUP, 2010) et Hunters, Predators and Prey. Inuit Perceptions of Animals (Berghahn Books, 2014).

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Informations

Année
2014
ISBN
9782896648276
La sexualité chez les Pawnees et les Arikaras
Douglas R. Parks
Traduit de l’anglais par Carole Cancel et Gilles Havard
Introduction
Il est fort probable qu’aucun aspect du mode de vie des AmĂ©rindiens du haut de la riviĂšre Missouri n’ait autant suscitĂ© l’incrĂ©dulitĂ© et l’indignation des traiteurs de pelleteries et autres voyageurs, Ă  la fin du XVIIIe et au dĂ©but du XIXe siĂšcle, que les mƓurs sexuelles des Arikaras. Certains observateurs les dĂ©crivirent mĂȘme comme Ă©tant les plus libertins de tous les habitants de cette rĂ©gion.
Le premier observateur Ă  s’exprimer sur le sujet fut Jean-Baptiste Truteau, un voyageur502 canadien-français qui, de 1795 Ă  1796, mena une expĂ©dition de traite de fourrures et d’exploration en remontant le Missouri Ă  partir de Saint-Louis. Son objectif Ă©tait d’établir des relations commerciales entre les tribus amĂ©rindiennes de cette rĂ©gion et les marchands de Saint-Louis. De retour Ă  Saint-Louis en 1796, Truteau rĂ©digea un rapport Ă  l’intention des administrateurs de la Compagnie du Haut-Missouri oĂč il dĂ©crivait la rĂ©gion du haut Missouri et ses habitants. Ce compte rendu portait principalement sur les Arikaras, mais il traitait aussi d’autres tribus, notamment des Pawnees auprĂšs desquels il avait vĂ©cu trois ans par le passĂ©. Truteau formule les observations suivantes sur le comportement des Arikaras dans le domaine de la sexualitĂ© :
Les filles et les femmes y vivent en si grande libertĂ© qu’elles semblent ĂȘtre un bien commun. Entre eux, elles sont si dissolues et si dĂ©bauchĂ©s que, selon le rapport de ceux qui les ont cultivĂ©s, il n’y en a pas une dont la sagesse soit a l’épreuve de quelques peu de vermillon ou de rassade blĂ«ĂŒe. Aussi voit on communĂ©ment nos jeunes canadiens ou crĂ©oles qui arrivent chez eux courir a toute bride comme des chevaux Ă©chappĂ©s dans les champs de Venus, [
] d’oĂč ils ne sortent rarement sans ĂȘtre munis des maux qui y sont insĂ©parablement attachĂ©s, car les maux vĂ©nĂ©riens sont fort communs parmi des peuples oĂč il regne une si grande dissolution. Les sauvages s’en guĂ©rissent parfaitement bien par le jus de certaines racines qu’ils boivent. On m’en a montrĂ© qui-il-y-a six mois tomboient en pourriture et qui sont parfaitement guĂ©ris503.
PrÚs de dix ans plus tard, le voyageur canadien-français Pierre-Antoine Tabeau, qui était lui aussi un habitant de Saint-Louis et qui avait longtemps vécu chez les Arikaras, écrivait ce qui suit :
On seroit scurement Ă©tonnĂ© d’entendre dire que les filles sont sages jusqu’au mariage, & qu’il se trouve des vierges de dix huit a vingt ans. La vĂ©ritĂ© passe ici la vraisemblance il est vrai que les meres & toutes les parentes y veillent avec tous les soins possibles & qu’elles poussent la vigilance jusqu’à attacher le soir les cotillons des filles qui couchent ainsi garottĂ©es. Cependant les liens ne sont pas toujours a l’épreuve d’un amant qui plait, mais cela n’est pas contre le principe, c’est un mariage & ne dureroit-il qu’une heure, la fille n’en devient pas moins une honĂȘte veuve504.
Dans la mĂȘme veine, le botaniste John Bradbury, qui remonta la riviĂšre Missouri de 1809 Ă  1811, notait
que la chastetĂ© des femmes n’est pas une vertu, comme le fait de ne pas la respecter n’est pas considĂ©rĂ© comme un dĂ©lit puisque cela est permis par le consentement de leurs Ă©poux, pĂšres ou frĂšres ; mais dans certaines tribus, comme les Potowatomies, Saukies, Foxes, &c., manquer [Ă  la chastetĂ©] sans le consentement du mari est sĂ©vĂšrement puni, puisqu’il pourra alors arracher le nez de sa squaw si elle est jugĂ©e coupable [d’adultĂšre].
Les voyageurs
 ont remarquĂ© qu’ils [les Indiens] sont trĂšs libĂ©raux quant Ă  leurs femmes vis-Ă -vis des Ă©trangers ou bien extrĂȘmement jaloux. En cette espĂšce de libĂ©ralitĂ©, aucune nation ne peut surpasser les Aricaras, qui s’assemblent chaque soir avec leurs femmes, sƓurs et filles, tous anxieux de leur trouver un bon marchĂ©505.
La description la plus acrimonieuse est cependant attribuable Ă  Edwin T. Denig, un traiteur de pelleteries qui, en 1855-1856, Ă©crivait : « De nombreuses familles Arickara dorment ensemble sans distinction, le pĂšre Ă  cĂŽtĂ© de sa fille, le frĂšre avec sa sƓur, et c’est la seule nation oĂč l’inceste n’est pas regardĂ© comme honteux ou criminel506. » Denig poursuit son entreprise de calomnie en qualifiant les Arikaras de lĂąches prĂȘts Ă  tuer « tout homme blanc Ă  leur portĂ©e ». La description de ce comportement repose sur les quelques dĂ©monstrations d’hostilitĂ© qui ont jalonnĂ© les relations entre traiteurs de pelleteries et Arikaras entre 1810 et 1830. Les Arikaras, Ă  l’instar des Mandanes, rĂ©sistaient alors Ă  l’intrusion des compagnies de traite. Ces compagnies remettaient en cause la centralitĂ© commerciale des villages arikaras, mais aussi mandanes et hidatsas, oĂč se tenaient traditionnellement des foires annuelles507. Les membres des tribus nomades qui vivaient Ă  l’ouest et au sud-ouest des Arikaras se rendaient aux villages de ces derniers pour Ă©changer du gibier et des chevaux contre des produits agricoles. De mĂȘme, les groupes sioux venus de l’est troquaient des armes Ă  feu et autres produits europĂ©ens avec les Arikaras qui, en Ă©change, leur fournissaient des chevaux et du maĂŻs. Dans ce systĂšme d’échange, les Arikaras et les Mandanes jouaient un rĂŽle d’intermĂ©diaires et, alors qu’on tentait de les supplanter, ils opposĂšrent une rĂ©sistance Ă  l’intrusion euro-amĂ©ricaine, Ă  l’instar d’autres tribus vivant plus en aval sur la riviĂšre508.
Denig poursuit sa description en soulignant la maniĂšre dont les hommes arikaras les plus ĂągĂ©s, qui ne devaient pas quitter leurs villages – pour chasser ou faire la guerre – Ă  cause du risque constant d’attaque des Sioux, disposaient de tellement de temps libre qu’ils le passaient Ă  « sĂ©duire les femmes des autres
 C’est Ă  peu prĂšs la seule occupation des mĂąles, leurs esprits deviennent si avilis qu’à la fin ils font de leurs propres consanguins des victimes. En conformitĂ© avec cet Ă©tat de fait, la vertu de toutes leurs femmes est au plus bas et Ă  vendre pour toute personne qui se trouverait assez malheureuse pour faire acte de candidature509 ».
Des descriptions succinctes telles que celles-ci, rĂ©digĂ©es selon le point de vue des Occidentaux, sont courantes Ă  partir de 1810 et jusqu’au milieu du XIXe siĂšcle. Les Arikaras y sont presque invariablement dĂ©peints comme dĂ©bauchĂ©s et hostiles aux Blancs ; plus encore que les Indiens des autres tribus, semble-t-il510. Ainsi, le fait que Denig ait commencĂ© sa carriĂšre de traiteur dans la rĂ©gion du haut Missouri peu de temps aprĂšs l’attaque perpĂ©trĂ©e (en 1823) par les Arikaras contre un groupe de traiteurs dirigĂ© par William Ashley et son manque de familiaritĂ© avec les Arikaras nous laissent Ă  penser que ses dĂ©clarations s’appuyaient sur la vision trĂšs dĂ©favorable qu’avaient de ce groupe Ă  la fois les traiteurs et les autres tribus de la rĂ©gion, elles-mĂȘmes hostiles aux Arikaras.
Objectifs de ce travail
Cet article Ă©tudie les mƓurs sexuelles des Arikaras et de leurs proches « parents », les Pawnees, en s’appuyant sur le point de vue de personnes issues de ces cultures – en Ă©tudiant la maniĂšre dont des Arikaras et des Pawnees interprĂ©taient leur propre sexualitĂ©, plutĂŽt que la maniĂšre dont les Ă©trangers la percevaient. Ces deux tribus, semi-sĂ©dentaires et horticoles, vivaient la moitiĂ© de l’annĂ©e dans de grandes cabanes de terre et, l’autre moitiĂ©, parcouraient les Plaines Ă  l’occasion de chasses au bison collectives. Jusqu’à la fin du XVIIIe siĂšcle, ces tribus comptaient parmi les plus peuplĂ©es des Plaines d’AmĂ©rique du Nord. On dĂ©nombrait au moins 20 000 Arikaras rĂ©partis sur trente, voire quarante villages dans la rĂ©gion qui correspond aujourd’hui au Dakota du Sud. Les Pawnees comptaient plus de 12 000 personnes rĂ©parties dans des villages moins nombreux mais plus grands, situĂ©s au centre du Nebraska et au nord du Kansas. Du fait des Ă©pidĂ©mies dĂ©vastatrices de variole qui sĂ©virent Ă  travers les Plaines au dĂ©but des annĂ©es 1780, les Arikaras furent dĂ©cimĂ©s. Au moins la moitiĂ© de leur population pĂ©rit et seuls trois villages demeurĂšrent. Au cours des dĂ©cennies suivantes, les deux tribus subirent une diminution constante de leur population engendrĂ©e par diverses Ă©pidĂ©mies (au tournant du XXe siĂšcle, les Arikaras ne comptaient plus que 400 personnes, et les Pawnees 600)511.
Les quelques récits historiques de la fin du XVIIIe et du XIXe siÚcle portant sur la vie sexuelle des Arikaras, que nous avons cités plus haut, constituent une toile de fond pour les...

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