Charte de la langue française (La)
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Charte de la langue française (La)

Ce quil reste de la loi 101 quarante ans après son adoption

  1. 254 pages
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Charte de la langue française (La)

Ce quil reste de la loi 101 quarante ans après son adoption

À propos de ce livre

En 1977, Camille Laurin, appuyé par ses sous-ministres Guy Rocher et Fernand Dumont, propose au nom du gouvernement Lévesque un projet appelé à «établir historiquement un peuple de manière qu'il ne soit plus vulnérable à la dissolution». La Charte de la langue française, communément appelée la loi101, entendait alors faire du français la langue commune du Québec. Depuis, ses dispositions les plus structurantes, voire des chapitres entiers de cette loi, ont été déclarées inconstitutionnelles. Et d'autres jugements, portant sur l'interprétation de la loi plutôt que sur sa constitutionnalité, en ont banalisé la portée.Le portrait de la Charte de la langue française que propose ici Éric Poirier permet de comprendre le sort que lui réservent les tribunaux, eux qui choisissent sciemment d'écarter l'intention des concepteurs de la loi 101. Que reste-t-il de «la loi la plus importante jamais votée par l'Assemblée nationale du Québec» quarante ans après son adoption?Avocat, doctorant à l'Université de Sherbrooke et à l'Université de Bordeaux et boursier FRQSC, MeÉric Poirier est chercheur en droit linguistique et constitutionnel. Il enseigne la rédaction juridique, siège au Conseil supérieur de la langue française (bien que ses écrits n'engagent pas l'organisme) et collabore à la revue L'Action nationale.

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CHAPITRE I
Une entreprise de déconstruction11
Ce premier chapitre relate en deux temps les modifications apportées à la CLF depuis 1977. D’une part, il expose celles qui découlent d’une confrontation entre la CLF et les lois constitutionnelles de 1867 et de 1982. Il s’agit de la portion de l’histoire la plus connue, que nous jugeons néanmoins pertinent de rappeler ici. D’autre part, ce premier chapitre reprend les modifications qui ont été adoptées à l’initiative du législateur québécois. En conclusion, nous nous poserons la question suivante : se peut-il que l’objectif qu’avait initialement la CLF ait été abandonnée?
La confrontation
Nous exposons la confrontation entre la CLF et la Constitution canadienne en deux temps. Dans un premier temps, nous reprenons celle qui concerne généralement la langue de l’État et qui oppose la CLF à des dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867 (ci-après L.C. 1867), autrefois appelée Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867 (ci-après AANB). Dans un deuxième temps, nous rappelons la confrontation relative à la langue de l’enseignement, du commerce et des affaires, et qui oppose la CLF à des dispositions de la Loi constitutionnelle de 1982 (ci-après L.C. 1982).
La langue de l’État québécois
La CLF entend faire du français la langue de l’État québécois. Elle encadre les trois branches qui composent l’État, c’est-à-dire le législatif (qui adopte les lois), l’exécutif (qui adopte des règlements en vertu des pouvoirs que lui délèguent les lois) et le judiciaire (les tribunaux). En 1977, la CLF établissait, selon les mots de la Cour supérieure dans l’affaire Blaikie, « un système d’unilinguisme en matière de législation ». Les lois adoptées à l’Assemblée nationale et les règlements adoptés par le gouvernement devaient l’être en français (art. 8). Et bien que la CLF prévoyait l’impression et la publication d’une version anglaise de ces lois et règlements (art. 10), elle spécifiait que « seul le texte français des lois et des règlements est officiel » (art. 9).
Si la CLF fait du français la seule langue officielle du Québec (art. 1), il était normal qu’elle confère une valeur officielle à la seule version française des lois et des règlements. Car « l’État parle par des lois », comme l’indique le professeur Jean-Charles Bonenfant, consulté par la Commission Gendron (Livre II, 1972 : 259). Ainsi, « [a]ucun domaine d’utilisation des langues […] n’est plus caractéristique de sa valeur officielle que celui de l’adoption des textes législatifs. » (Dansereau, 24 novembre 1995 : 8) Dans les circonstances, attaquer cette règle c’était s’attaquer au cœur du projet de faire du français la langue officielle du Québec.
Déjà, avant même l’adoption de la CLF, les tribunaux admettaient que la judiciarisation de la question linguistique était un prolongement de la lutte à laquelle se livraient deux peuples depuis la Conquête britannique. En 1976, dans l’affaire Bureau métropolitain des écoles protestantes de Montréal, la Cour supérieure écrivait ceci : « La bataille s’est transportée des Plaines d’Abraham à l’Assemble nationale et, de là, au Palais de justice : l’enjeu n’a pas changé. » Le lendemain de l’adoption de la CLF, les tribunaux étaient saisis d’une requête contestant la constitutionnalité du chapitre de la loi sur la langue de la législation et de la justice.
En 1977, la langue de la législation québécoise était considérée comme un domaine relevant de la compétence législative exclusive du Parlement du Québec. Selon une majorité d’experts consultés entre 1970 et 1972 par la Commission Gendron12, bien qu’une disposition de l’AANB exige le bilinguisme législatif au Québec (il s’agit de l’article 133)13, celle-ci fait partie de la constitution de la province et le Québec a le pouvoir de l’amender unilatéralement. On estime alors que cette disposition est relative à l’organisation et au fonctionnement des institutions politiques de la province, une matière que peut réorganiser le Parlement québécois comme bon lui semble. Or, en 1979, dans l’arrêt Blaikie, la Cour suprême du Canada déclarait inconstitutionnelles les dispositions de la CLF faisant du français la langue des lois et des règlements. Selon elle, la disposition de l’AANB qui exige le bilinguisme législatif au Québec est intangible, indivisible et donc hors de portée de toute action unilatérale du Parlement du Québec. La Constitution du Canada veut que les langues anglaise et française soient exactement sur un pied d’égalité à l’Assemblée nationale. Bien qu’invalider les dispositions sur le caractère officiel des lois attaquait le cœur de la CLF, la Cour suprême prenait soin d’indiquer que « rien dans les présents motifs ne doit être considéré comme un jugement porté sur la validité d’autres dispositions de cette loi [la CLF] ».
Les tribunaux se défendaient de devoir interpréter et appliquer des règles de droit élaborées à l’époque de la Confédération, soit l’AANB, encore aujourd’hui officiel uniquement dans sa version anglaise. Avant que l’affaire n’atteigne la Cour suprême, le juge Lamer de la Cour d’appel indiquait qu’« il est utile de rappeler que pour décider de la question constitutionnelle qui nous est soumise nous n’avons pas, comme tribunal judiciaire, à apprécier […] la sagesse politique de ceux qui nous ont donné, il y a plus de cent ans, l’article 133 ». Avant lui, le juge Deschênes de la Cour supérieure semblait même reconnaître le caractère archaïque du document :
S’il est vrai que les circonstances ont changé, que les esprits ont évolué et que d’aucuns n’acceptent plus d’être régis par les textes qui ont présidé à la naissance de ce pays, il leur appartient de faire passer leurs convictions dans la réalité politique canadienne ; mais en attendant ce jour-là, c’est la constitution actuelle que le tribunal doit lire, interpréter et appliquer.
Les tribunaux s’aventuraient tout de même très brièvement sur le terrain de l’intention des Pères de la Confédération. Pour le juge Dubé de la Cour d’appel, il ne fait aucun doute que l’intention était « de consacrer d’une façon irrévocable l’égalité de la langue anglaise et de la langue française […] devant l’Assemblée législative […] du Québec ». Le juge Deschênes de la Cour supérieure considérait que « [c]’était l’intention des Pères de la Confédération de soustraire la question de l’usage des deux langues anglaise et française à la possibilité de l’arbitraire ou du caprice ou même, tout simplement, de la volonté perçue comme légitime d’une majorité […] francophone dans la législature de Québec ». Il faut dire que la même logique était du même coup appliquée au Parlement fédéral, lui-même contraint par une obligation constitutionnelle de bilinguisme législatif.
Dès 1979, le gouvernement du Québec suspend l’application des articles de la CLF déclarés inconstitutionnels. Comme l’indique Dansereau, le gouvernement du Québec pouvait réagir de deux façons à l’arrêt Blaikie : s’y conformer, « ou refuser d’obtempérer et poser ainsi brutalement le problème du statut politique du Québec » (Dansereau, 24 novembre 1995 : 9). Celui-ci a choisi de s’y conformer, ce qui, comme le mentionne Dansereau, « réduit notablement la valeur de l’article premier de la Charte qui énonce que “le français est la langue officielle du Québec” » (Dansereau, 24 novembre 1995 : 9). En 1981 et en 1992, la Cour suprême précisait les obligations constitutionnelles du Québec en matière de langue de la législation. En 1993, la CLF était modifiée de façon à y intégrer les indications de la Cour suprême. Désormais, les projets de loi, les lois et les règlements adoptés à l’Assemblée nationale et par le gouvernement doivent l’être en français et en anglais. Les deux versions sont officielles et donc de même valeur juridique (art. 7[1]-[3]), modifications toujours en vigueur en 2016. Dansereau ne manque pas de souligner la contradiction flagrante dans laquelle se trouve alors la CLF :
Il y a tout de même une contradiction apparente entre le régime actuel du bilinguisme législatif et l’un des fondements de la Charte de la langue française, puisque l’article premier de cette Charte édicte que le français est la langue officielle du Québec. Or, rien n’est plus officiel que le texte des lois. De plus, on peut trouver incongru de décréter que le français est la langue officielle, si cette déclaration est faite à la fois en français et en anglais (French is the official language of Québec) ayant la même valeur juridique que le texte français. (Dansereau, 2002 : 321)
Par conséquent, bien que les critiques du bilinguisme législatif tel qu’il est pratiqué au Québec se fassent à l’heure actuelle plutôt rares, l’arrêt Blaikie et ses conséquences ne font pas pour autant l’unanimité. Même que nous avons déjà démontré que la Cour suprême pourrait un jour devoir rouvrir le dossier et procéder à son réexamen (Poirier, 2016). Nous travaillons également sur une autre étude portant sur ce sujet au moment d’écrire ces lignes. De plus, considérant le processus québécois d’adoption des lois, où les projets de loi, d’abord rédigés en français, sont traduits en vase clos par des traducteurs qui ne sont pas juristes, des auteurs remettent en question le caractère antidémocratique de ce bilinguisme. Que l’État fédéral, officiellement bilingue et multiculturel, pratique la corédaction est une chose. En effet, légiférant pour un territoire où cohabitent deux traditions juridiques, la common law et le droit civil, les textes de loi fédéraux sont rédigés par une équipe de deux légistes bilingues, composée d’un juriste francophone et d’un juriste anglophone. Ils sont révisés par des traducteurs et ensuite examinés par des jurilinguistes. L’État fédéral légifère également pour un territoire où se côtoient des États fédérés qui ont des politiques linguistiques différentes : la majorité ne légifère officiellement qu’en anglais, le Nouveau-Brunswick est bilingue et le Québec n’a qu’une seule langue officielle. Ce dernier, dont la langue officielle est le français, peut choisir une autre voie. Depuis Blaikie, les Québécois doivent lire des lois bilingues – puisqu’en cas de divergence entre les versions française et anglaise, les tribunaux pourront retenir l’une ou l’autre, tout aussi officielles – alors que tout indique que seule la version française exprime dans les faits l’intention législative (Poirier, 2014). Le texte anglais des lois est officiel, mais tous les travaux parlementaires sont dirigés en français. Henri Laberge souligne qu’il s’agit d’une grave entorse à la démocratie :
C’est proprement antidémocratique dans la mesure où […] un des textes est voté sans véritable connaissance de cause. Les élus du peuple sont à la merci des fonctionnaires qui préparent la version dans la deuxième langue. C’est d’autant plus grave qu’en votant cette version dont ils ne sont pas en mesure d’apprécier toutes les nuances, ils lui donnent la même autorité qu’à la version qu’ils comprennent. (Laberge, 1980 : en ligne)
Malgré tout, l’arrêt Blaikie contraignait également le législateur québécois à revoir les dispositions de la CLF portant sur la langue des tribunaux.
En vertu de la loi de 1977, les personnes morales devaient s’adresser aux tribunaux et plaider devant eux en français, les pièces de procédure émanant des tribunaux et celles expédiées par les avocats devaient être rédigées en français et les jugements rendus par les tribunaux devaient l’être en français (art. 11-13 et 44). Les personnes morales pouvaient toutefois plaider en anglais lorsque toutes les parties à l’instance y consentaient (art. 11). Les pièces de procédure expédiées par les avocats pouvaient être rédigées en anglais si la personne physique à qui elles étaient destinées y consentait (art. 12). Et les jugements rendus par les tribunaux pouvaient l’être en anglais, mais seule la version française, qui accompagnait systématiquement le jugement en anglais, était officielle (art. 13). Le législateur était ainsi conséquent et rajoutait un sens au caractère officiel de la langue française. Comme l’indique Bonenfant, consulté par la Commission Gendron, « une langue est dite officielle lorsque […] les règles de droit qui obligent la population […] [sont] énoncées, interprétées et plaidées dans cette langue » (Livre II, 1972 : 259).
En 1977, la langue des tribunaux était considérée, sauf dans les cas où l’adjudication porte sur des matières de comp...

Table des matières

  1. La Charte de la langue française. Ce qu'il reste de la loi 101 quarante ans après son adoption
  2. Remerciements
  3. Préface
  4. INTRODUCTION • La langue du Québec
  5. CHAPITRE I • Une entreprise de déconstruction
  6. CHAPITRE II • La banalisation d’un projet
  7. CHAPITRE III • Une théorie pour une interprétation restrictive
  8. CHAPITRE IV • Quand banaliser la loi est la « meilleure décision »
  9. CHAPITRE V • Quand faire progresser les droits du français est une « mauvaise décision »
  10. CHAPITRE VI • Quelques acquis timides ou incertains
  11. CONCLUSION • Un possible changement de paradigme ?
  12. Table de la législation
  13. Table des jugements
  14. Bibliographie
  15. Crédits