Initiatives et adaptations algonquines au XIXe siècle

Leila Inksetter

• Éditeur: Éditions du Septentrion
• Année: 2017
• ISBN de l'eBook: 9782894482780
• Sujet: Histoire
• Sujet: Histoire de l'Amérique du Nord

Le XIXe siècle est une période de grands changements pour les Algonquins septentrionaux qui, en l'espace de quelques décennies, subissent l'arrivée de missionnaires catholiques, le développement de la foresterie, la colonisation eurocanadienne et l'intervention de l'État. Leila Inksetter analyse ces transformations et leurs conséquences souvent associées à une période trouble de l'histoire des Autochtones.Faisant appel à une gamme étendue de sources, l'auteure montre comment les Algonquins ont utilisé et intégré des institutions qui leur étaient externes au départ (comme le catholicisme ou le mode de scrutin) pour répondre à des préoccupations qui leur étaient propres. Le résultat décrit une réalité complexe et étonnante.Leila Inksetter a obtenu un doctorat en anthropologie à l'Université de Montréal. Ayant également une formation en archéologie, elle intègre des catégories de sources multiples pour atteindre une compréhension plus globale du passé des Autochtones. Elle travaille actuellement sur l'intégration de la justice étatique auprès des Algonquiens septentrionaux. Elle a vécu une grande partie de sa vie en Abitibi-Témiscamingue.

CHAPITRE 1

Le mode de vie des Algonquins des lacs Abitibi et Témiscamingue à l’aube du XIXe siècle

Au moment où s’amorçait le XIXe siècle, les Algonquins des lacs Abitibi et Témiscamingue avaient un mode de vie axé sur une mobilité et une dispersion prononcées, vivant le plus clair de l’année en petits groupes familiaux autonomes et autosuffisants pour de nombreuses facettes de leur existence. Leur mode de vie était tourné vers la chasse, la pêche et un peu de cueillette pour la totalité de leurs besoins alimentaires. Ce même environnement fournissait les matières premières entrant dans la fabrication de la majorité des articles, outils, ustensiles, abris et moyens de transport nécessaires à leur existence. Les Algonquins ne vivaient toutefois pas en autarcie complète. À cette époque, des liens commerciaux établis depuis longtemps déjà avec les marchands de fourrure avaient permis aux Algonquins d’incorporer à leur culture matérielle nombre d’articles considérés utiles ou agréables. Ce chapitre a pour objectif de situer leur mode de vie, tel qu’il est possible de le reconstituer pour le début du XIXe siècle, couvrant surtout son premier tiers. Ce portrait initial permettra d’apprécier l’ampleur des changements survenus au cours du siècle. Ce chapitre traite donc de la démographie des Algonquins au début du siècle, de leur alimentation, de leur état de santé général, de leur organisation sociale, de leur mode d’occupation territoriale et de leur culture matérielle.

Au-delà des constats généraux, reconstituer ces éléments pour le début du XIXe siècle a livré son lot de surprises, heurtant parfois certaines idées préconçues sur le passé. À titre d’exemple, l’examen des sources historiques et des sources archéologiques indique que les cervidés étaient étonnamment rares et par conséquent, ne formaient pas une proportion considérable de l’alimentation des Algonquins. Pour un secteur aujourd’hui reconnu pour la chasse à l’orignal, la quasi absence d’orignaux dans la région à l’étude a de quoi étonner. La population autochtone était en santé en général, mais caractérisée par une densité démographique extrêmement faible. Elle était aussi sujette à des famines épisodiques qui semblent avoir été associées à des causes naturelles. La bande algonquine, comme entité de cohésion était presque absente pour le début du XIXe siècle, à un point tel que les rassemblements estivaux semblent avoir été inexistants autour des postes de traite à cette époque. C’est plutôt le caractère dispersé des familles qui ressort dans les sources consultées.

Estimation démographique

Au début du XIXe siècle, les populations nomadisant autour des lacs Abitibi et Témiscamingue se caractérisaient par leur petit nombre. La première estimation démographique fiable pour la période provient de la Compagnie de la Baie d’Hudson, en 1823. En effet, après avoir pris le contrôle des postes de traite du secteur, la Compagnie de la Baie d’Hudson a mis en place ses structures administratives. Parmi celles-ci figurent les rapports de districts, des rapports internes où le responsable de district répondait à une série des questions standardisées pour établir un portrait du commerce pour l’endroit. Dans ces premiers rapports établis pour la Compagnie de la Baie d’Hudson, le maître de poste d’Abitibi estimait qu’il y avait 82 chasseurs associés au poste en 1822-182368 et 73 chasseurs au poste du lac Témiscamingue69. Puisque la Compagnie de la Baie d’Hudson opérait alors sans concurrence, tous les hommes en âge d’échanger des fourrures au poste de traite auraient vraisemblablement été comptabilisés.

Un document plus tardif de quelques années permet de faire une correspondance approximative entre nombre de chasseurs et population totale. En effet, le rapport de district pour le poste Abitibi en 1826 mentionnait :

The Number of Indian Hunters entered on the Books are 68 a few of whom are Boys from whom very little benefit is derived.

The Number of Men, Women & children that belongs to his Post is about 24270.

En effectuant une simple règle de trois, il est possible de faire une correspondance entre le nombre de chasseurs et la population totale pour 1822-1823. Étant donné qu’il y avait alors 82 chasseurs comptabilisés au lac Abitibi, la population totale aurait été d’environ 300 personnes. À la même époque, la population totale aurait été d’environ 260 personnes autour du lac Témiscamingue.

Ces populations étaient toutefois réparties sur de très vastes territoires. Le bassin de clientèle autour du lac Abitibi est décrit de la façon suivante par le maître de poste peu après la fusion des compagnies rivales : sa limite méridionale s’étendait depuis le sud de la ligne de partage des eaux. Il s’étendait au sud-est jusqu’aux territoires exploités par les Algonquins qui fréquentaient le poste de Grand lac ; au nord-est, il était bordé par les territoires de chasse des gens qui fréquentaient le poste du lac Waswanipi ; à l’ouest, il était bordé par les territoires des Algonquins qui fréquentaient les postes de Mattawagamingue et au nord, il s’...

Table des matières

• Initiatives et adaptations algonquines au XIXe siècle
• Remerciements
• Liste des abréviations
• Introduction
• CHAPITRE 1 • Le mode de vie des Algonquins des lacs Abitibi et Témiscamingue à l’aube du XIXe siècle
• CHAPITRE 2 • Le rapport avec les commerçants de fourrure au début du XIXe siècle
• CHAPITRE 3 • Les Algonquins et l’intégration du catholicisme
• CHAPITRE 4 • La colonisation et l’État font leur entrée
• Conclusion générale
• Bibliographie
• Crédit