BrÚve histoire des idées au Québec
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BrÚve histoire des idées au Québec

1763-1965

Yvan Lamonde

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BrÚve histoire des idées au Québec

1763-1965

Yvan Lamonde

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À propos de ce livre

Dans cette synthĂšse, l'historien Yvan Lamonde traverse plus de deux cents ans d'histoire civique, intellectuelle et politique. Tout en dĂ©crivant les grands courants d'idĂ©es et les mouvements sociaux qui ont animĂ© le QuĂ©bec, il rĂ©ussit Ă  rendre compte du parcours de grandes figures de notre histoire, de Fleury de Mesplet Ă  Wilfrid Laurier en passant par Pierre-Stanislas BĂ©dard et Louis-Joseph Papineau, de JosĂ©phine Marchand Ă  Pierre Vadeboncoeur en passant par Henri Bourassa et ThĂ©rĂšse Casgrain.Historien soucieux de parler aux citoyens, de faire le pont entre les idĂ©es et les prĂ©occupations de la sociĂ©tĂ© civile, Yvan Lamonde cherche Ă  restituer et Ă  transmettre le souffle qui a animĂ© les dĂ©bats publics de la ConquĂȘte jusqu'Ă  1965. Au QuĂ©bec, trois idĂ©es ont traversĂ© le XIXe et le XXe siĂšcle: le catholicisme, le libĂ©ralisme – au sens des libertĂ©s – et le nationalisme. À partir de ces grandes trames, un ensemble de thĂšmes sont abordĂ©s: monarchie, rĂ©publique, dĂ©mocratie, rĂ©gime colonial, rĂ©formisme, pouvoir religieux, fĂ©minisme, modernitĂ©. On dĂ©couvre Ă  la fois ce que le QuĂ©bec a de singulier et ce qu'il a de semblable aux autres sociĂ©tĂ©s occidentales. Non seulement l'auteur a rĂ©sumĂ© son Histoire sociale des idĂ©es au QuĂ©bec, cette entreprise unique dans notre vie intellectuelle, mais il l'a considĂ©rablement enrichie, pour notre plus grand plaisir.

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Informations

Année
2019
ISBN
9782764645994
chapitre 1
La mise en place d’un nouveau
régime colonial (1763-1815)
Avec la conquĂȘte militaire de la Nouvelle-France par la Grande-Bretagne et la cession du territoire par la France, la colonie du Canada passe d’un rĂ©gime de monarchie de droit divin Ă  celui de monarchie constitutionnelle. La Grande-Bretagne a fait sa Glorieuse RĂ©volution en 1688 et mis en place un systĂšme de pouvoir rĂ©parti entre le roi, l’aristocratie siĂ©geant souvent de façon hĂ©rĂ©ditaire Ă  la Chambre des Lords et le peuple dont la voix se fait entendre Ă  la Chambre des Communes par des reprĂ©sentants Ă©lus. C’est ce systĂšme mĂ©tropolitain qu’il faut dĂ©sormais adapter Ă  une colonie de quelque 80 000 « nouveaux sujets » francophones et catholiques (les « Canadiens ») et d’environ 2 000 « anciens sujets » anglophones et protestants.
Les Canadiens n’ont guĂšre le temps de s’apitoyer sur le changement de mĂ©tropole. Le quotidien les rattrape rapidement. Plusieurs annĂ©es d’incertitude les attendent concernant le rĂ©gime seigneurial, la pratique de la religion catholique ou encore le contrĂŽle effectif du commerce. Si l’on a d’abord souhaitĂ© « britanniser » le territoire par la langue, la religion ou l’école, les administrateurs se sont vite rendus Ă  l’évidence qu’ils devraient, pour un temps, composer avec la majoritĂ© canadienne. Pour ce faire, ils vont prendre appui sur l’élite, soit la noblesse militaire, qui vit des emplois de l’État et qui a le plus Ă  perdre du changement de rĂ©gime. Ses membres, qui craignent de passer pour French and bad subjects, multiplient les gestes de loyautĂ© pour entrer dans la nouvelle administration.
Un sentiment national britannique a commencĂ© Ă  Ă©merger en Angleterre pendant la guerre de Sept Ans. Des idĂ©es s’y propagent sur la Constitution, le partage des pouvoirs entre la monarchie et le peuple, l’opinion publique, la libertĂ© de la presse. Ce modĂšle de patriotisme essaimera bientĂŽt en France, oĂč l’on en vient Ă  remettre en question peu Ă  peu la monarchie absolue.
Les Ɠuvres de grands penseurs (Locke, Montesquieu, Blackstone et De Lolme) circulent dans la « Province of Quebec » par l’entremise des livres et de La Gazette de QuĂ©bec dĂšs 1764. Leur lecture participe Ă  l’éducation des Canadiens, qui commencent Ă  rĂ©flĂ©chir aux principes de la Constitution britannique et aux libertĂ©s anglaises.
Dans ses colonies royales, la mĂ©tropole impose des constitutions parlementaires qui diffĂšrent de la sienne. De 1760 Ă  1783, George III veillera de prĂšs Ă  l’administration des affaires de son Empire. La mĂ©tropole souhaite en effet accentuer le contrĂŽle sur les revenus et les dĂ©penses de ses colonies royales et rembourser la dette liĂ©e Ă  la guerre de Sept Ans.
Pour favoriser le dĂ©veloppement de sa nouvelle colonie, Londres veut lui donner « la mĂȘme forme de gouvernement et la mĂȘme Constitution » qu’à ses autres colonies nord-amĂ©ricaines. Les fonctions des lĂ©gislatures coloniales sont de lĂ©gifĂ©rer et de lever des taxes. Une assemblĂ©e lĂ©gislative pourra donc ĂȘtre Ă©tablie dans la province quand le contexte s’y prĂȘtera, c’est-Ă -dire lorsqu’elle comptera plus de colons protestants.
Une proclamation royale est entĂ©rinĂ©e au Conseil privĂ© par George III le 7 octobre 1763, et James Murray est investi des pouvoirs de gouverneur par une commission royale le 28 novembre 1763. Les dispositions de la proclamation entrent en vigueur le 29 juin 1764 dans la colonie, dĂ©sormais appelĂ©e province de QuĂ©bec. Le 10 aoĂ»t, un gouvernement civil y est instaurĂ©. Le territoire se resserre le long du fleuve Saint-Laurent afin « d’empĂȘcher les anciens habitants français et les autres de se dĂ©placer et d’aller s’établir dans des endroits Ă©loignĂ©s oĂč il serait plus difficile de les astreindre Ă  la juridiction des colonies ». Le gouverneur est entourĂ© d’un exĂ©cutif qui ne peut prendre l’initiative d’imposer des taxes. Il compte toutefois sur les revenus des terres de la Couronne et une caisse militaire.
Quelles « libertĂ©s anglaises » peut-on confĂ©rer Ă  une colonie ? AprĂšs quelques annĂ©es de rĂ©gime militaire, puis d’administration par le Conseil de QuĂ©bec (1764-1775), l’Acte de QuĂ©bec (en vigueur de 1775 Ă  1791) distribue le pouvoir entre le gouverneur, dĂ©positaire du pouvoir royal, un Conseil exĂ©cutif et un Conseil lĂ©gislatif, dont les membres sont nommĂ©s par le gouverneur. Parmi les membres du Conseil lĂ©gislatif se trouvent sept seigneurs, un signe que cette premiĂšre « Constitution » prend appui sur ceux dont elle reconnaĂźt le systĂšme de propriĂ©tĂ© du sol. Elle prend aussi appui, non sans paradoxe, sur l’Église catholique romaine, qui n’est pas lĂ©gale et Ă©tablie comme l’Église d’Angleterre, mais qui est tolĂ©rĂ©e, et le sera Ă  proportion de son loyalisme. Ces deux piliers canadiens du pouvoir mĂ©tropolitain partagent une adhĂ©sion Ă  la monarchie et Ă  l’alliance entre l’autoritĂ© politique et religieuse.
Le QuĂ©bec devient colonie britannique au dĂ©but de la formation rĂ©elle d’un empire. Les premiĂšres dĂ©cennies sont marquĂ©es par la reconnaissance de l’indĂ©pendance des Treize Colonies en 1783 et la prospĂ©ritĂ© associĂ©e au dĂ©collage industriel de la Grande-Bretagne vers 1780. En 1792, elle contrĂŽle 26 colonies, et 43 en 1815 au moment oĂč elle parvient Ă  contrecarrer les ambitions de NapolĂ©on. Au milieu du xixe siĂšcle, elle produira avec une faible population un peu moins de la moitiĂ© des biens manufacturĂ©s dans le monde.
La pression des révolutions atlantiques
Les colonies britanniques au sud du QuĂ©bec manifestent des formes de rĂ©sistance au pouvoir mĂ©tropolitain Ă  compter de l’adoption du Stamp Act en 1765, des Townshend Acts en 1767-1768 et du Tea Act en 1773, opposition des sujets Ă  une levĂ©e de taxes par le Parlement impĂ©rial sans droit de reprĂ©sentation. Droit de taxation et droit de reprĂ©sentation vont pour eux de pair. Le premier CongrĂšs continental de Philadelphie sollicite la participation des habitants de la province de QuĂ©bec en 1774 par des imprimĂ©s commandĂ©s Ă  un imprimeur de Philadelphie d’origine française, Fleury Mesplet. Le pouvoir britannique local est aux abois durant la longue occupation « amĂ©ricaine » de MontrĂ©al Ă  compter de novembre 1775 et le siĂšge de QuĂ©bec jusqu’au repli des « Bostonnais » en juin 1776. Devant l’attitude de « neutralitĂ© bienveillante » de nombreux habitants relevĂ©e par François Baby, Gabriel-ElzĂ©ar Taschereau et Jenkin Williams lors de leur enquĂȘte dans toutes les paroisses commandĂ©e par le gouverneur Guy Carleton, et la montĂ©e de ce qu’elle perçoit comme « un esprit de libertĂ© et d’indĂ©pendance », l’Église catholique appuie la crĂ©ation d’une milice et rĂ©pand l’idĂ©e que le rĂ©cent « changement de domination » (de française Ă  britannique) n’a apportĂ© « que du mieux-ĂȘtre » aux Canadiens.
La pression provient aussi de la rĂ©volution en France, qui s’emballe avec la prise de la Bastille le 14 juillet 1789 et que la Gazette de MontrĂ©al de Mesplet met en valeur. Conscient et fier comme ses concitoyens d’avoir fait la rĂ©volution cent ans auparavant, le secrĂ©taire d’État Ă  l’IntĂ©rieur, Lord Grenville, Ă©crit en octobre 1789 au gouverneur de la colonie, Lord Dorchester : « Je suis assurĂ© qu’il est d’une sage politique de faire ces concessions Ă  un moment oĂč l’on peut regarder celles-ci comme autant de faveurs et oĂč il est de notre pouvoir d’arrĂȘter et de rĂ©gler la maniĂšre de les appliquer, plutĂŽt d’attendre qu’elles vous soient imposĂ©es. » « Sage politique » coloniale qui sera rĂ©currente : diffĂ©rer le plus longtemps possible les concessions politiques tout en s’assurant qu’on masque bien le report des rĂ©formes.
Les concessions en question renvoient aux pĂ©titions de coloniaux en faveur de l’obtention d’une Chambre de reprĂ©sentants Ă©lus. En 1784, 1 436 « nouveaux sujets » et 855 « anciens sujets », pour un total de 2 291 personnes, ont signĂ© une pĂ©tition pour obtenir cette « libertĂ© anglaise ». MĂȘme si les seigneurs organisent une contre-pĂ©tition de 2 400 signatures et que l’Église catholique continue de prĂȘcher qu’il faut en rĂ©fĂ©rer « Ă  la bienveillance du Souverain », la mĂ©tropole octroie une Chambre d’assemblĂ©e dans une nouvelle loi qui entre en vigueur le 26 dĂ©cembre 1791. L’Acte constitutionnel continue de rĂ©partir le pouvoir entre le gouverneur, un Conseil exĂ©cutif de neuf membres et un Conseil lĂ©gislatif de quinze membres nommĂ©s par le gouverneur et qui, dans le dernier cas, sera composĂ© de deux tiers d’anglophones jusqu’en 1815. Quant Ă  la nouvelle instance de contrepoids dĂ©mocratique, la Chambre d’assemblĂ©e, elle regroupe 50 dĂ©putĂ©s. Les jours de l’ancienne aristocratie francophone semblent comptĂ©s – il y aura en effet peu de seigneurs Ă  l’AssemblĂ©e –, mais une certaine aristocratie anglophone « dans les forĂȘts d’AmĂ©rique », logĂ©e dans le Conseil lĂ©gislatif et chez les hauts fonctionnaires, commence son histoire. La vie politique s’amorce dans les deux nouvelles entitĂ©s crĂ©Ă©es Ă  partir de l’ancienne province de QuĂ©bec, le Haut-Canada (futur Ontario) et le Bas-Canada (QuĂ©bec), celui-ci beaucoup plus populeux.
La formation de la premiĂšre AssemblĂ©e Ă  l’étĂ© 1792 se fait Ă  l’issue d’un scrutin au suffrage qui, sans ĂȘtre universel, est assez gĂ©nĂ©ral. Les Ă©lecteurs choisissent 50 dĂ©putĂ©s, dont 35 Canadiens, et c’est grĂące Ă  cette configuration qu’aprĂšs des dĂ©bats plutĂŽt vifs, un orateur (prĂ©sident) francophone, Jean-Antoine Panet, est Ă©lu et que le français et l’anglais sont adoptĂ©s comme langues d’usage parlementaire et d’impression des documents officiels et du journal des dĂ©bats de la Chambre d’assemblĂ©e.
L’essor d’une discussion publique
L’AmĂ©rique coloniale vit Ă  l’enseigne du xviiie siĂšcle europĂ©en. La France rĂ©volutionnaire, qui liquide la monarchie et s’approprie les biens du clergĂ©. Sous la Terreur, en 1793, la France liquide la monarchie et s’approprie les biens du clergĂ©, au moment mĂȘme oĂč elle dĂ©clare la guerre Ă  la Grande-Bretagne, mĂ©tropole du Bas-Canada depuis trente ans. En France, c’est aussi le moment de l’ascension de NapolĂ©on Bonaparte, tout juste avant la campagne d’Italie. Au Bas-Canada, devant des comportements populaires de rĂ©sistance Ă  la loi de la milice et Ă  une loi de la voirie, l’autoritĂ© politique coloniale veille au grain avec l’appui de l’évĂȘque catholique Mgr Jean-François Hubert qui prĂȘche que « le concert entre l’empire et le sacerdoce [est] plus nĂ©cessaire ».
Le dĂ©bat public prend de l’ampleur et se porte dans un Club constitutionnel, dans les gazettes publiques dans les publications imprimĂ©es. TĂŽt, les marchands britanniques prennent acte de la domination numĂ©rique de la majoritĂ© franco-catholique dans la Chambre d’assemblĂ©e. Thomas Cary lance en 1805 le Quebec Mercury qui annonce ses couleurs : abolition du rĂ©gime seigneurial, contrĂŽle de la Chambre par les Britanniques, assimilation par l’école, la langue et la religion, union lĂ©gislative entre les deux Canadas. Le journal est bien conscient de vivre Ă  l’époque de l’archenemy qu’est NapolĂ©on, ambitieux « de franciser l’univers », y compris l’ancienne colonie française d’AmĂ©rique.
Les Canadiens prennent la balle au bond et lancent le bien nommĂ© Canadien. Voix de la dĂ©putation canadienne Ă  la Chambre, convaincu que la « libertĂ© d’un Anglois » est tout autant celle d’un Canadien, le journal, comme les dĂ©putĂ©s, doit continuer Ă  se familiariser avec la politique et la Constitution britanniques. DĂšs le premier numĂ©ro, le 22 novembre 1806, on prĂ©sente les Canadiens comme des « AmĂ©ricains Britanniques », quitte Ă  devoir expliquer bientĂŽt le sens de la formule. Le journal observe rapidement que le pouvoir loge dans la personne du gouverneur et dans les Conseils exĂ©cutif et lĂ©gislatif, donc dans la minoritĂ©, face Ă  la Chambre d’assemblĂ©e Ă©lue par la majoritĂ©. DĂ©mocratie et dĂ©mographie se conjuguent dans celle-ci et non dans le Conseil lĂ©gislatif oĂč la minoritĂ© anglophone a un pouvoir de blocage des lois votĂ©es par la majoritĂ© dans la Chambre. C’est un vice fondamental. Sans y chercher la formulation d’un projet de protogouvernement responsable, on trouve chez l’un des fondateurs et rĂ©dacteurs du Canadien, Pierre-Stanislas BĂ©dard, dans l’édition du 24 janvier 1807, l’idĂ©e que « la nation exerce son jugement en Ă©lisant ceux dont elle approuve le systĂšme et la conduite ».
Le dĂ©bat public connaĂźt une flambĂ©e en 1810 lorsque le gouverneur James Craig, inquiet des victoires napolĂ©oniennes en Europe, craint « l’apparition des Français dans les parages ». En mars, il fait saisir les presses du Canadien et emprisonner ses rĂ©dacteurs, dont BĂ©dard. Celui-ci est la figure politique francophone de l’époque. Il est au Canadien et Ă  la tĂȘte d’un groupe de dĂ©putĂ©s canadiens qui a des allures de « parti ». Ce n’est pas tout : le gouverneur Craig cherche par tous les moyens Ă  faire de la colonie une sociĂ©tĂ© britannique. Faute de Britanniques en nombre suffisant sur place, une façon d’obtenir une majoritĂ© consiste Ă  rĂ©unir plusieurs colonies. En 1810, Craig entrevoit une premiĂšre union, mais le Bas-Canada n’est pas encore assez populeux. Certains, comme le juge Jon...

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