Pour une gauche efficace
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Jean-François Lisée

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Pour une gauche efficace

Jean-François Lisée

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« La richesse est un sujet trop important pour le laisser aux riches », estime Jean-François LisĂ©e, dans ce nouvel essai qui sort des sentiers battus pour rĂ©concilier les valeurs de la gauche avec les impĂ©ratifs de l'Ă©conomie. Les rĂ©formes qu'il propose sont majeures, allant de l'Ă©cole Ă  l'entreprise au secteur public, en passant par Hydro-QuĂ©bec, le pĂ©trole, l'assurance-chĂŽmage et la retraite. Il trouve des gisements de richesse lĂ  oĂč la droite refuse de les voir: dans le recul de la pauvretĂ© et de l'analphabĂ©tisme, dans le rehaussement de l'Ă©ducation secondaire et de la formation en entreprise, dans une rĂ©forme fiscale audacieuse et dans de nouveaux droits pour les salariĂ©s. Visant Ă  plus long terme, il appelle le QuĂ©bec Ă  se saisir de la dĂ©mondialisation qui s'ouvre.

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Informations

VIII

Le vrai gisement de richesse : les Québécois

De toutes les stratĂ©gies pour augmenter la richesse, la gauche efficace en privilĂ©gie une, englobante : enrichir culturellement, socialement, humainement, Ă©conomiquement les QuĂ©bĂ©cois eux-mĂȘmes. Permettre aux citoyens, Ă  tous les citoyens, de trouver les moyens de leur Ă©panouissement. C’est Ă  la fois le moyen et le but.
Sur ce plan, lorsqu’il se compare Ă  ses voisins, le QuĂ©bec fait assez bien, on va le voir. Mais il a le sentiment qu’il pourrait faire beaucoup mieux. Il a raison. J’estime qu’on trouve au QuĂ©bec, dans sa fonction publique, son systĂšme scolaire, ses organisations locales et communautaires et dans la population en gĂ©nĂ©ral, une soif de faire rĂ©ussir les QuĂ©bĂ©cois qu’il faut savoir canaliser. Les marges de manƓuvre budgĂ©taires dĂ©gagĂ©es par les rĂ©formes proposĂ©es dans ce livre devraient aller prioritairement Ă  ce grand chantier, car c’est le plus profitable, Ă  la fois au plan humain et au plan financier.

Le coût de la pauvreté

Le sujet de la lutte contre la pauvretĂ© est « passĂ© de mode ». Selon les sondages, on compte bien prĂšs de 70 % des QuĂ©bĂ©cois qui pensent qu’il faudrait y consacrer davantage de moyens (quoiqu’une proportion semblable d’entre eux soient trĂšs hostiles aux prestataires d’aide sociale, vus comme des profiteurs). Mais le thĂšme dominant de la « crĂ©ation de richesse » tend Ă  Ă©vacuer le problĂšme de la pauvretĂ© comme un boulet, un sujet misĂ©rabiliste qui dĂ©prime l’action gouvernementale plutĂŽt que de redonner de l’énergie au QuĂ©bec.
Or rien n’est plus coĂ»teux, pour toute la sociĂ©tĂ©, que la pauvretĂ©. Aux États-Unis, pays privilĂ©giĂ© de la crĂ©ation dĂ©bridĂ©e de richesse et du rapetissement de l’État, on a estimĂ© en 2007 l’impact Ă©conomique de la pauvretĂ© des enfants Ă  au moins 500 milliards par an, donc 4 % du PIB total. C’est Ă©norme. L’explication ? La pauvretĂ© rĂ©duit leurs revenus futurs, donc leur productivitĂ©, donc les impĂŽts et taxes sur leurs salaires. Elle conduit Ă  un taux de criminalitĂ© plus Ă©levĂ© et surtout Ă  un mauvais Ă©tat de santĂ©, donc Ă  des coĂ»ts mĂ©dicaux supplĂ©mentaires.
Heureusement, au Canada, et un peu plus au QuĂ©bec, la pauvretĂ© des enfants est moindre que chez nos voisins. Reste que le ComitĂ© consultatif fĂ©dĂ©ral-provincial-territorial sur la santĂ© de la population et la sĂ©curitĂ© de la santĂ© a calculĂ© en 2004 que la pauvretĂ© reprĂ©sente, Ă  court, moyen et long terme, 20 % du coĂ»t total des soins de santĂ© (une proportion identique a Ă©tĂ© Ă©tablie par des Ă©tudes portant sur l’Union europĂ©enne). C’est presque incroyable. Donc, sur plus de 25 milliards dĂ©pensĂ©s en santĂ© au QuĂ©bec chaque annĂ©e, un cinquiĂšme de cette somme, donc 5 milliards de dollars, pourrait ĂȘtre partiellement Ă©conomisĂ©e, Ă  terme, si on rĂ©ussissait Ă  en prĂ©venir la cause : la mauvaise santĂ© induite par la pauvretĂ©. VoilĂ  un gisement de richesse, au sens le plus fort de l’expression. Et on n’a pas comptĂ© les autres coĂ»ts : en aide sociale, dĂ©crochage et raccrochage, criminalitĂ©, baisse de productivitĂ©, etc. Sans mĂȘme parler, sur le plan humain, de la perte de dignitĂ© et d’espoir1.
A contrario, on note que les pays qui rĂ©ussissent le mieux Ă  rĂ©duire leur pauvretĂ©, notamment celle des enfants, sont Ă©galement dans le peloton de tĂȘte de la richesse par habitant. On revient toujours chez nos amis scandinaves. La NorvĂšge est le seul pays industrialisĂ© qui peut dire que sa pauvretĂ© infantile est « trĂšs faible ». Il est aussi le troisiĂšme pays du monde pour la richesse, aprĂšs le Luxembourg et l’Irlande et avant les États-Unis. Les Pays-Bas (8es pour la richesse) et le Danemark (9e) ont aussi rĂ©duit Ă  moins de 5 % leur taux de pauvretĂ© infantile2.
Le QuĂ©bec fait bonne figure lorsqu’on le compare non pas aux Scandinaves, mais Ă  ses voisins nord-amĂ©ricains. Alors que la moyenne canadienne Ă©tait, en 2002, de 13,8 %, le QuĂ©bec affichait, avec 9,3 %, le taux de pauvretĂ© infantile le plus faible de toutes les provinces.
La comparaison avec les États-Unis offre un portrait encore plus contrastĂ©. Chez les familles ayant des enfants ĂągĂ©s de moins de 18 ans, 19 % des AmĂ©ricains sont considĂ©rĂ©s comme pauvres, contre 13 % des Canadiens et 10,3 % des QuĂ©bĂ©cois. Mais il y a pauvre et pauvre. Lorsqu’on compare l’intensitĂ© de la pauvretĂ©, c’est-Ă -dire ceux qui vivent avec seulement un tiers de ce qui est considĂ©rĂ© comme un revenu faible, on trouve en bas de cette Ă©chelle 6 % des AmĂ©ricains, 3 % des Canadiens et 2 % des QuĂ©bĂ©cois.
03

Ces chiffres, en plus d’indiquer la rĂ©ussite du QuĂ©bec, qui « brille parmi les meilleurs » en matiĂšre de lutte contre la pauvretĂ©, permettent de combattre le pessimisme. Il est faux de penser que les efforts dĂ©ployĂ©s contre la pauvretĂ© ne portent pas fruit : l’exemple quĂ©bĂ©cois est patent. Le travail ayant culminĂ© avec l’adoption, en 2002, de la Loi visant Ă  lutter contre la pauvretĂ© et l’exclusion sociale, puis ayant Ă©tĂ© prolongĂ© par les mesures du budget SĂ©guin sur la prime au travail, donne des rĂ©sultats tangibles. Selon toutes les mesures utilisĂ©es, de 1996 Ă  2006, le recul de la pauvretĂ© est net. Le QuĂ©bec compte moins de chĂŽmeurs, moins de prestataires de l’aide sociale qu’il y a 10 ans, moins de jeunes parmi ces prestataires. Qu’on se le dise : en 2008, le taux de pauvretĂ© quĂ©bĂ©cois est au plus bas depuis que l’on tient des statistiques. La hausse de l’emploi et du taux d’emploi est Ă©videmment un Ă©lĂ©ment majeur de cette dynamique. Mais cela signifie que les efforts d’insertion en ont valu la peine et que l’énergie supplĂ©mentaire qu’on peut dĂ©ployer permettra d’aller plus loin encore.
Cela dit, environ un QuĂ©bĂ©cois sur dix et un enfant sur dix vivent toujours en situation de pauvretĂ©. C’est encore beaucoup trop. Cette donnĂ©e n’est pas stable. Il y a constamment des gens qui entrent et qui sortent de la pauvretĂ© (et plusieurs font des allers-retours). Ainsi, pendant les cinq ans qui vont de 1999 Ă  2004, pas moins d’un Canadien sur cinq a vĂ©cu une pĂ©riode de faible revenu pendant au moins une de ces annĂ©es. C’est la mauvaise nouvelle. La bonne est que seulement 2,2 % ont subi cette situation au cours des cinq annĂ©es d’affilĂ©e et ont donc vĂ©cu une pauvretĂ© persistante. Cette statistique de fluiditĂ© indique que nous ne sommes pas dans une situation d’enracinement de la pauvretĂ©. Celle-ci est surmontable et surmontĂ©e, chaque annĂ©e, par des centaines de milliers de nos concitoyens, dont plusieurs y retombent et en ressortent ensuite. Bref, l’espoir est lĂ .
Car, qu’est-ce qu’un pauvre ? Selon la loi de 2002 dĂ©jĂ  mentionnĂ©e, la pauvretĂ© est « la condition dans laquelle se trouve un ĂȘtre humain qui est privĂ© des ressources, des moyens, des choix et du pouvoir nĂ©cessaires pour acquĂ©rir et maintenir son autonomie Ă©conomique et pour favoriser son intĂ©gration et son inclusion active dans la sociĂ©tĂ© ». On ne saurait mieux dire.

Priorité absolue : les services de garde pour les enfants pauvres

Je ne me transformerai pas ici en spĂ©cialiste des questions de pauvretĂ©, bien que je m’intĂ©resse aux Ă©tudes et dĂ©bats entourant le sujet depuis une dizaine d’annĂ©es. Des stratĂ©gies et plans d’action pullulent au QuĂ©bec qui insistent sur l’approche multiforme nĂ©cessaire pour faire reculer la pauvretĂ© et l’exclusion. Je me concentrerai sur les aspects liĂ©s Ă  l’éducation, pour ajouter quelques propositions fortes Ă  celles dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ©es.
Car, qu’on y songe : il y a deux moments-clĂ©s pour donner Ă  chaque jeune QuĂ©bĂ©cois l’égalitĂ© des chances qui est fortement malmenĂ©e par l’origine sociale : la petite enfance et la premiĂšre scolaritĂ©, puis l’adolescence et le moment des choix au secondaire.
La premiĂšre pĂ©riode charniĂšre est celle des annĂ©es prĂ©scolaires. Les germes de la rĂ©ussite ou de futurs dĂ©crochages sont lĂ , dans la premiĂšre stimulation, la premiĂšre socialisation, dans l’acquisition des premiĂšres connaissances, dans l’arrivĂ©e en premiĂšre annĂ©e en possession des premiers outils d’apprentissage.
Le chiffre tombe comme un coup de massue : alors que 39 % (ce qui est dĂ©jĂ  beaucoup) des enfants issus d’une famille Ă©conomiquement favorisĂ©e arrivent en premiĂšre annĂ©e avec une faible maĂźtrise de la langue — donc de la capacitĂ© d’apprendre —, la proportion monte Ă  72 % chez les enfants pauvres.
L’école primaire fait ce qu’elle peut avec les moyens qu’elle a. Mais, Ă  la sortie du primaire, trois fois plus d’enfants pauvres (11 %) que d’enfants vivant en milieu favorisĂ© (3,5 %) ont pris du retard dans l’acquisition de leurs connaissances.
Le programme des garderies Ă  peu de frais introduit Ă  partir de 1997 visait certes Ă  offrir ce service Ă  la classe moyenne. Mais la dĂ©cision politique du premier ministre Bouchard de s’engager dans ce chantier — en plein effort pour le dĂ©ficit zĂ©ro et contre le vƓu du ministĂšre des Finances — tenait Ă  la rampe de lancement ainsi offerte aux enfants de milieu dĂ©favorisĂ©. Un service de garde abordable, de qualitĂ©, prĂšs du milieu de vie, ne peut remplacer la famille et combler toutes les carences du milieu humain et Ă©conomique. Cependant, huit heures par jour, cinq jours par semaine de socialisation, d’activitĂ©s d’éveil, de prĂ©paration Ă  la lecture et Ă  l’écriture sont un investissement massif dans la jeune enfance. C’est le moyen qu’a la sociĂ©tĂ© de corriger, par le milieu Ă©ducatif, ce qu’elle n’a pu modifier dans le milieu Ă©conomique. Le service de garde ne fait pas qu’offrir les bases de l’apprentissage. Il peut dĂ©pister les problĂšmes de santĂ© qui apparaissent plus souvent chez les enfants pauvres, supplĂ©er Ă  la carence alimentaire qui affecte 13 % des enfants, donc leur dĂ©veloppement, au moins pour le petit-dĂ©jeuner et le repas du midi. Il peut contribuer Ă  prĂ©venir l’obĂ©sitĂ©, plus prĂ©sente chez ce groupe d’enfants. La liste est longue. Le service permet aux mĂšres qui le dĂ©sirent de se consacrer Ă  leur propre formation et recherche d’emploi et permet de briser l’isolement grĂące Ă  l’interaction entre parents et Ă©ducateurs.
Il est donc ahurissant de constater que, dix ans aprĂšs l’introduction du programme, la proportion des enfants qui ont frĂ©quentĂ© la garderie de façon continue entre les Ăąges de 17 mois et 6 ans Ă©tait de 27 % dans les familles les plus aisĂ©es, de 15 % dans les familles Ă  revenu moyen, mais de seulement 3,3 % dans les familles Ă  faible revenu. Celles, justement, qui en ont le plus besoin. Ces chiffres, fondĂ©s sur une frĂ©quentation continue, illustrent le problĂšme en le dramatisant sans doute Ă  l’excĂšs. À MontrĂ©al, pour 100 enfants de 4 ans et moins, il y a en moyenne moins de 50 places de garderie (CPE, milieu familial et privĂ©). Une enquĂȘte publiĂ©e en janvier 2008 par la Direction de santĂ© publique de MontrĂ©al note que la zone Sud-Ouest-Verdun, qui compte une forte proportion d’enfants vulnĂ©rables sur le plan de la maturitĂ© scolaire (40,5 %), est celle oĂč le taux de places disponibles est le plus bas, soit 42 par tranche de 100 enfants. À l’inverse, la zone Jeanne-Mance, qui affiche une proportion plus faible d’enfants vulnĂ©rables (29,1 %), est celle qui offre le plus grand nombre de places, soit prĂšs de 75 pour 100 enfants.
Il y a pire. Une Ă©tude rĂ©alisĂ©e en 2003 dĂ©montre que la qualitĂ© des services de garde offerts est significativement moins bonne dans les milieux dĂ©favorisĂ©s, lĂ  oĂč le soutien devrait ĂȘtre plus grand. C’est vrai pour la garde en milieu familial, mais non dans les garderies des Centres de la petite enfance, oĂč heureusement la qualitĂ© est homogĂšne en milieu favorisĂ© ou non.
Il y a un problĂšme d’offre, certes, mais Ă©galement un problĂšme de demande. Les chercheurs de l’UQAM, dont le futur dĂ©putĂ© Camil Bouchard, qui ont mis au point, avec Centraide, l’excellent programme d’intervention auprĂšs des familles pauvres appelĂ© 1,2,3 Go !, ont fait ce triste constat :
Les familles qui cumulent le plus de risques sociaux et Ă©conomiques sont celles qui affirment recourir le plus aux ressources d’aide matĂ©rielle (dĂ©pannage alimentaire, comptoirs de vĂȘtements, aide au logement, commerces Ă  prix modiques, etc.) mais le moins aux ressources Ă©ducatives ou d’intĂ©gration sociale (services de loisirs, joujouthĂšque, centre Ă©ducatif, etc.). Ce sont Ă©galement celles qui se rĂ©fĂšrent le plus Ă  des pratiques Ă©ducatives nĂ©gatives.
Ce simple constat appelle une rĂ©orientation majeure des efforts et un investissement massif dans les services de garde en milieu dĂ©favorisĂ©. Un plan d’action consĂ©quent viserait Ă  atteindre, dans des dĂ©lais courts, en 5 ans 25 % des enfants pauvres, en 10 ans 50 %, puis 75 % et au-delĂ . Aucune intervention sociale — je dis bien aucune — ne serait aussi rentable, humainement et Ă©conomiquement, Ă  court, moyen et long terme, que d’offrir aux quelque 120 000 enfants pauvres du QuĂ©bec ce soutien direct, tangible, cette passerelle vers la qualitĂ© de la vie. Un effort massif auquel, il est bon de le souligner, nuirait bien Ă©videmment tout programme de remise de chĂšques directement aux parents (comme le programme Harper ou celui proposĂ© par l’ADQ), qui inciterait les familles dĂ©favorisĂ©es Ă  garder les sous plutĂŽt qu’à conduire l’enfant Ă  la garderie.
Il faut bien sĂ»r, comme le fait le programme 1,2,3 Go ! avec des moyens de fortune (moins d’un million par an), s’adresser aux parents eux-mĂȘmes pour les conduire Ă  accroĂźtre leur compĂ©tence parentale. Mais c’est une mesure d’accompagnement au service de garde, pas de remplacement.
Comment s’y prendre ? Ministre de l’Éducation, Pauline Marois avait dĂ» affronter de fortes rĂ©sistances, y compris au sein du caucus des dĂ©putĂ©s pĂ©quistes, pour gĂ©nĂ©raliser comme elle le voulait l’offre de la maternelle Ă  5 ans au QuĂ©bec. Elle n’est toujours pas obligatoire, mĂȘme si plus de 97 % des enfants y sont inscrits. Le systĂšme français offre, dans sa structure scolaire, des maternelles Ă  2 ans, 3 ans, 4 ans et 5 ans (voilĂ  pourquoi ils Ă©crivent tous Ă  5 ans plutĂŽt qu’à 6 chez nous). Facultative dans les textes, la frĂ©quentation de l’école maternelle est en fait quasi gĂ©nĂ©ralisĂ©e pour les enfants français. Ils sont 95 % Ă  y participer Ă  3 ans et presque 100 % Ă  4 et 5 ans. Conscients de l’importance de cette scolarisation prĂ©coce dans les milieux dĂ©favorisĂ©s, les Français ont fait en sorte que davantage d’enfants pauvres (40 %) que les autres (26 %) soient inscrits Ă  la maternelle dĂšs l’ñge de 2 ans, dans ce qu’ils ont dĂ©signĂ© depuis 1981 comme les Zones d’éducation prioritaire, qui recouvrent les quartiers dĂ©favorisĂ©s.
La France n’est pas le seul exemple. À 4 ans, plus de 60 % des jeunes AmĂ©ricains et Mexicains sont scolarisĂ©s, plus de 80 % des jeunes Allemands et SuĂ©dois, plus de 90 % des jeunes Britanniques. Au QuĂ©bec ? Tout juste 20 %. Selon une recherche du ministĂšre quĂ©bĂ©cois de l’Éducation, la sous-scolarisation des jeunes du QuĂ©bec (et du Canada) de 3 et 4 ans « constitue une exception rare » dans les pays industrialisĂ©s.
L’idĂ©e de gĂ©nĂ©raliser la prĂ©maternelle Ă  4 ans au QuĂ©bec a d’abord Ă©tĂ© envisagĂ©e par la ministre Marois, en 1997, qui a choisi d’en permettre l’implantation dans les Ă©coles en milieu dĂ©favorisĂ©. À quel besoin cela rĂ©pond-il concrĂštement ? À l’hĂ©sitation de dizaines de milliers de mĂšres dĂ©favorisĂ©es qui ne voient pas pourquoi elles feraient « garder » leurs enfants par d’autres tant qu’ils ne vont pas Ă  l’école. Le but de la prĂ©maternelle est clair : « jeter les bases de la scolarisation, notamment sur le plan social et cognitif ». Avec 11 ans de recul, le rĂ©sultat est frappant. VoilĂ  ce qu’en dit l’enquĂȘte dĂ©jĂ  citĂ©e de la Direction de santĂ© publique de MontrĂ©al.
On s’aperçoit que dans plusieurs territoires oĂč les enfants sont moins Ă  risque sur le plan de la maturitĂ© scolaire (CLSC de Rosemont, de Villeray, de La Petite-Patrie, du Plateau Mont-Royal, Saint-Louis-du-Parc et de Notre-Dame-de-GrĂące/MontrĂ©al-Ouest), certaines Ă©coles non dĂ©favorisĂ©es offrent le programme de prĂ©maternelle. À l’inverse, dans certains territoires oĂč les enfants sont particuliĂšrement Ă  risque sur le plan de la maturitĂ© scolaire, comme les territoires des CLSC de Saint-Laurent et de Parc-Extension (43,0 % et 42,4 % d’enfants vulnĂ©rables respectivement), des Ă©coles trĂšs dĂ©favorisĂ©es n’offrent pas la maternelle 4 ans. Enfin, dans le territoire du CLSC de Mercier-Est/Anjou, oĂč les enfants sont trĂšs Ă  risque sur le plan de la maturitĂ© scolaire (43,2 % d’enfants vulnĂ©rables), on compte une majoritĂ© d’écoles dĂ©favorisĂ©es. Elles n’offrent pas la prĂ©maternelle 4 ans.
Bref, plus on en a besoin, moins on en a. La proposition d’une gĂ©nĂ©ralisation des maternelles 4 ans a Ă©tĂ© avancĂ©e cette annĂ©e, notamment par les commissions scolaires de l’Est du QuĂ©bec, qui y voient une façon de sauver les petites Ă©coles de la fermeture. La demande a cependant Ă©tĂ© rejetĂ©e par la ministre actuelle, Michelle Courchesne.
Pourtant, on le voit, le statu quo n’est pas une option valable. Une approche quĂ©bĂ©coise volontariste agirait sur trois fronts :
‱ D’abord, une intervention plus active auprĂšs des parents eux-mĂȘmes, pour les accompagner dans la stimulation de leurs enfants, comme le fait le programme 1,2,3 Go !
‱ Ensuite, une augmentation des services de garde en CPE dans les milieux dĂ©favorisĂ©s, introduisant des horaires flexibles. (DĂ©jĂ  les bĂ©nĂ©ficiaires de l’assistance-emploi ont droit Ă  23 heures de garderie gratuite par semaine.) Un service de transport gratuit des enfants est essentiel.
‱ Finalement, l’invention d’une formule d’« Ă©veil/maternelle » 3 et 4 ans, avec des ratios Ă©ducateurs/Ă©lĂšves faibles (1/10, comme dans les CPE), fruit d’une collaboration entre le ministĂšre de l’Éducation et les CPE. On l’introduirait d’abord dans les Ă©coles des milieux dĂ©favorisĂ©s. Cette semi-scolarisation, gratuite il va sans dire, liĂ©e Ă  l’école du quartier mais pas toujours dans ses locaux, donnerait au service la lĂ©gitimitĂ© voulue pour que les parents dĂ©favorisĂ©s acceptent d’y envoyer leurs enfants en grand nombre. Il serait disponible en temps plein ou en temps partiel3. Le salaire des Ă©ducateurs serait bonifiĂ© pour le travail dans ces quartiers difficiles, pour s’assurer de la qualitĂ© des interventions.
Comment convaincre les parents, essentiellement les mùres, d’y inscrire leurs...

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