Chemins perdus, chemins trouvés
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Chemins perdus, chemins trouvés

Jacques Brault

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Jacques Brault

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À propos de ce livre

L'essai, chez Jacques Brault, a toujours accompagnĂ© l'Ă©criture poĂ©tique, comme en ont dĂ©jĂ  tĂ©moignĂ© superbement Chemin faisant (1975) et La PoussiĂšre du chemin (1989), parus tous deux dans la collection « Papiers collĂ©s », et comme en tĂ©moigne de nouveau le livre que voici, ultime volet de ce qui se dĂ©couvre aujourd'hui comme une longue mĂ©ditation ininterrompue dans laquelle un praticien rĂ©flĂ©chit Ă  son propre mĂ©tier. Écrits au cours des deux derniĂšres dĂ©cennies, les vingt-huit essais qui composent ce recueil se prĂ©sentent comme autant d'explorations Ă  travers lesquelles se forme et s'approfondit une pensĂ©e, ou mieux: une conscience de la poĂ©sie, comme art, certes, mais aussi, et surtout, comme l'expĂ©rience Ă  la fois obscure et lumineuse Ă  la source et au terme de cet art. Ces explorations se font tantĂŽt par le souvenir, l'autoportrait en « bricoleur » ou en professeur de poĂ©sie, tantĂŽt par la rĂ©flexion philosophique, tantĂŽt par la (re)lecture de quelques Ɠuvres toutes marquĂ©es Ă  leur maniĂšre par l'avĂšnement de la poĂ©sie. À la fois prĂ©cises et « rĂȘveuses », ces lectures abordent aussi bien des romanciers (Gabrielle Roy, Gilles Archambault, Yvon Rivard) que des poĂštes d'ici ou d'ailleurs, d'hier ou d'aujourd'hui, de Laforgue Ă  Char, de Grandbois et Saint-Denys Garneau Ă  Roland GiguĂšre et Miron, de Robert Melançon Ă  Marie Uguay, de Robert Marteau Ă  Jean-Pierre Issenhuth. Mais dans tout cela, point de lourdeurs ni de dĂ©monstrations savantes, car « l'art de l'essai, dit Jacques Brault, chemine, Ă  la fois Ă©colier et vagabond, naĂŻf et rusĂ©, moqueur, mĂ©lancolique, perdu de finitude, Ă©perdu d'infini, espĂ©rant toujours que plus tard, peut-ĂȘtre
 ».

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Informations

Année
2012
ISBN
9782764641781

LES AUTRES

Ă  Gilles Marcotte

Doubles jeux

Il n’y a plus de critiques, seulement des Ă©crivains.
ROLAND BARTHES
Tout autant qu’un romancier, un critique s’expose.
JEAN STAROBINSKI
Les poëtes seuls ont le droit de parler ;
parce qu’avant coup, ils savent.
STÉPHANE MALLARMÉ
Au temps de l’euphorie textualiste, alors que pointait Ă  l’horizon l’avĂšnement d’une « science de la littĂ©rature » qui liquiderait l’hĂ©ritage romantique et du mĂȘme coup congĂ©dierait la philosophie surveillante de la poĂ©sie, on a aussi beaucoup fantasmĂ© sur la rĂ©versibilitĂ© entre Ă©crire et lire. Équivoque vite devenue dogme d’école. DĂ©sormais, le commentaire, non content de gloser l’Ɠuvre, devait la lĂ©gitimer en la phagocytant. Cette forme Ă©nergique de rĂ©tablissement des textes provoqua quelques timides retours Ă  la perplexitĂ© critique. Ainsi l’honnĂȘte Todorov s’étonnait : le Saint Genet de Sartre « n’est qu’un livre de critique, et pourtant sa lecture est une aventure : voilĂ  le mystĂšre. » Par contre, Julia Kristeva, dans un rare accĂšs de simplification, proclamait : « La sĂ©miotique se prĂ©pare Ă  devenir le discours qui Ă©vincera la parole mĂ©taphysique du philosophe grĂące Ă  un langage scientifique et rigoureux. »
Les Ă©crivains actuels n’ignorent pas plus que leurs prĂ©dĂ©cesseurs Ă  quel point l’esprit critique reste essentiel au processus de la crĂ©ation. Baudelaire, Montaigne et Platon reprĂ©sentent Ă  cet Ă©gard des repĂšres privilĂ©giĂ©s. Les propos de BashĂŽ recueillis par ses disciples devraient s’ajouter Ă  nos rĂ©fĂ©rences maĂźtresses si nous ne persistions pas Ă  nous limiter Ă  l’hĂ©ritage culturel de l’Occident. L’esprit critique se fait forcĂ©ment analyste et technicien. Écrire exige discernement et choix. Évidence mise Ă  mal par le surrĂ©alisme moins pour la dĂ©truire que pour rafraĂźchir une conscience blasĂ©e sur ses moyens et ses finalitĂ©s. Le mĂ©tier d’écrivain ne comporte pas seulement une Ă©pistĂ©mologie implicite Ă  l’acte artisanal ; il fonctionne Ă  vide si ne le traverse pas, ne le tourmente pas et mĂȘme ne le dĂ©rĂšgle pas ce que Marthe Robert appelle « la trivialitĂ© intĂ©rieure ». Ne se confondant ni avec l’inspiration mythifiĂ©e ni peut-ĂȘtre avec l’inconscient freudien, cette sauvagerie de l’ĂȘtre, magma de l’inavouable et poussĂ©e virtuelle de nos cris muets, bonheur et malheur de vivre imbriquĂ©s l’un dans l’autre, cette dĂ©possession possessive Ă©voquerait plutĂŽt la matiĂšre de la mĂ©moire lazarĂ©enne de Proust. Le jeune Beckett Ă  ce sujet a laissĂ© des pages lumineuses. « Au sens strict, nous pouvons seulement nous souvenir de ce que notre extrĂȘme inattention a enregistrĂ© puis emmagasinĂ© dans le donjon ultime et inaccessible dont l’habitude ne possĂšde pas la clef. » VoilĂ  ce qui s’écrit, au sens fort du mot Ă©crire, grĂące Ă  une inconscience consentie mais tĂ©nĂ©breuse Ă  l’écrivain, et qui se prĂ©sente, par ses formulations involontaires et impĂ©ratives, comme la diffĂ©rence, sinon comme la nĂ©gation, de la conscience critique. LĂ , l’écrivain ne sait pas trop ce qu’il Ă©crit. Je n’avance pas Ă  tort et Ă  travers ces propositions. La langue vive et immĂ©moriale en porte les marques suggestives, et elle les divulgue Ă  qui ne manque pas d’oreille et entend sans prendre la peine d’écouter. Pour ce qui concerne l’Ɠuvre littĂ©raire, la partie dĂ©cisive ne se joue pas dans cet en-dessous mĂ©andreux, apanage du mutisme et de la folie, ni dans la clartĂ© du travail oĂč l’on procĂšde aux arrangements verbaux, mais dans le risque incalculable oĂč se conjoignent, pour le meilleur et pour le pire, l’intime et le public : d’une part l’unique cela d’un ĂȘtre, fragile et dĂ©risoire, le mortel qui recĂšle un plus-que-vivre, et d’autre part le remue-mĂ©nage collectif, l’affairement des heures, le langage-communication qui banalise le mystĂšre, certes, mais en mĂȘme temps nous dĂ©piĂšge du solipsisme, bref la vie commune toujours flanquĂ©e de son ombre mortifĂšre. Les chefs-d’Ɠuvre de la littĂ©rature universelle tĂąchent de rĂ©aliser ce raccordement par l’écriture polysĂ©mique. Ils y Ă©chouent, sans exception, n’étant que lueurs d’une haute joie, fragments d’un silence plĂ©nier oĂč nous rĂȘvons d’avoir demeure.
Je crois que je me suis un peu exaltĂ©. Les critiques, dont l’indulgence est bien connue, me passeront ces outrances. Du moins les plus lucides, qui admettent sans peine que la crĂ©ativitĂ© s’impose dans l’exercice de leur mĂ©tier. Je n’épiloguerai pas sur les Ă©tudes complexes que commande l’activitĂ© de l’esprit critique. Tout le cĂŽtĂ© diurne de l’interprĂ©tation des Ɠuvres est archiconnu, Ă  l’égal, j’imagine, de l’architexte du cher Genette.
La critique a elle aussi son inconscience, son inattention essentielle, ses bas-fonds de la mĂ©moire. Veilleur endormi, dormeur Ă©veillĂ©, toutes sortes d’expressions contradictoires conviennent pour dĂ©signer le lecteur d’ouvrages littĂ©raires. Cette Ă©trange crĂ©ature qu’un thĂ©oricien allemand nomme « le sujet rĂ©cepteur » et que l’on veut non pas double ou triple, mais quadruple selon une nomenclature en vogue chez les initiĂ©s et Ă  laquelle je ne ferai pas Ă©cho, hante ou devrait hanter les critiques jusqu’au terme de leur entreprise et mĂȘme au-delĂ . Georges Mounin a justement exprimĂ© une partie de ce que j’essaie laborieusement de suggĂ©rer :
Les critiques ne savent presque jamais parler de leurs Ă©motions, qui sont leur moment capital en tant que critiques : le moment du vĂ©cu esthĂ©tique Ă  l’état naissant. Ils sont toujours trop pressĂ©s de passer au moment suivant, celui qu’ils croient important, celui de la construction intellectuelle qu’ils superposent Ă  l’Ɠuvre — souvent aussi celui seulement des rationalisations prĂ©maturĂ©es sur ce qu’ils ont ressenti ou cru ressentir Ă  la lecture.
Je n’endosse pas complĂštement ces propos qui me paraissent toutefois prĂ©cieux en ce qu’ils invitent Ă  ralentir la hĂąte de se projeter dans le savoir critique, lequel, ne l’oublions jamais, distingue, divise, met Ă  distance. La raison sĂ©pare. Elle nous sauve de la confusion. En contrepartie, elle Ă©teint l’étonnement. Il lui arrive enfin de couvrir nos aberrations, mais c’est une autre histoire (« La rationalitĂ© de l’abominable est un fait de l’histoire contemporaine » — Michel Foucault). La lecture du poĂšme le moins hermĂ©tique nĂ©cessite de se dĂ©sencombrer, de quitter le lieu de son assurance pour se couler moins dans un inconnu supposĂ© instructif que pour accueillir l’autre vraiment autre au sein d’une langue pourtant partagĂ©e. Tel est « le Oui lĂ©ger, innocent, de la lecture », selon Blanchot. Innocent ? J’entends ricaner les critiques Ă  tout crin. Innocent par le fait que j’accepte de confier un moment de mon existence Ă  un Ă©tranger qui se manifeste par son absence, et sur la seule garantie qu’il s’adresse Ă  personne. Si la lecture se rĂ©alise littĂ©ralement, alors advient l’enchantement, sinon je dĂ©chante et passe Ă  autre chose. Qu’un Ă©crivain ne soit pas entendu Ă  demi-mot, c’est le signe que la critique occulte la lecture. En ce sens, lire signe ma perte et ma dissĂ©mination. L’opĂ©ration critique consiste d’abord Ă  recueillir ces granules d’ĂȘtre langagier en une mĂ©moire Ă©piphanique rebelle Ă  toute explicitation. Les raisons raisonnantes du critique et ses fines intellections accĂ©deront peut-ĂȘtre Ă  l’écriture pour peu que les inquiĂšte et les fĂ©conde, les aspire et les expire l’inachĂšvement, c’est-Ă -dire la rumeur de cette lecture restĂ©e lĂ©gĂšre par l’insouci de toute conversion Ă  ce qui n’est pas son ravissement, son immĂ©diate insignifiance et sa fonciĂšre irresponsabilitĂ©.
On devine que l’écrivain-critique ou le critique-Ă©crivain n’a pas la tĂąche facile. Il faut le gĂ©nie aĂ©rien de Nabokov pour rĂ©ussir un Feu pĂąle, espĂšce de soleil lunaire, obscure clartĂ© qui tombe sur la morne et vaste plaine oĂč colloque la sociĂ©tĂ© des corneilles savantes. Diverses motivations poussent sans doute un Ă©crivain Ă  s’adonner Ă  la critique en tant qu’écrivain. S’agit-il de se dĂ©barrasser d’une tutelle gĂȘnante, d’acquitter une dette, de marquer son territoire, de survivre Ă  une pĂ©riode de stĂ©rilitĂ©, de cĂ©lĂ©brer un ami, ou au contraire de vider une querelle ? Le Rimbaud d’Henry Miller jure Ă  cĂŽtĂ© du Baudelaire de Jouve ; le premier se mire mĂ©diocrement, le second se livre Ă  un cĂ©rĂ©monial rĂ©vĂ©lateur. Mario Vargas Llosa s’est pris d’amour pour Emma Bovary, Nathalie Sarraute maltraite ValĂ©ry. DhĂŽtel sur Paulhan, Claudel sur Perse et celui-ci sur Fargues Ă©crivent pour avoir lu quelqu’un qui n’est pas leur double. Giono, le naĂŻf rusĂ©, rĂ©crit Ă  sa façon Moby Dick, mais ce qui pouvait sembler une annexion tourne au dialogue fabuleux tant Giono va au secret de Melville et au secret de sa propre lecture.
Dans les meilleurs Ă©crits critiques des Ă©crivains on dĂ©couvre avec stupeur une mise au jour de la nuit Ă©crivante. Comme si se produisait un emmĂȘlement de deux mĂ©moires profondes, celle d’une lecture libĂ©rĂ©e de son utilitarisme et celle du sans-fond oĂč sĂ©journe par nĂ©cessitĂ© l’écriture orphique, la seule qui compte quand on ne se satisfait pas de rĂ©diger. Mandelstam se mesurant Ă  Dante, mais pour abaisser sa tentation de superbe et se convertir Ă  plus de justesse poĂ©tique, c’est une grande leçon de lecture, ainsi que la douloureuse fraternitĂ©, la jubilante complicitĂ© de Celan pour Mandelstam. On n’en finirait pas de fournir des exemples qui tĂ©moignent d’une lecture accompagnatrice de la part des Ă©crivains, lecture sensible, intelligente, modeste
 parfois, attentive Ă  l’unique, Ă  ce que Bonnefoy dĂ©signe comme « le signifiant du non-signifiable », lecture encore qui caractĂ©rise la critique crĂ©atrice oĂč la langue fait subrepticement retour sur elle-mĂȘme pour gagner un horizon commun au lisant et au lu. C’est interminable, sans conclusion. Et inutilisable. C’est du mĂȘme coup crĂ©ation et critique. Joyce et HomĂšre : quel aveugle guide l’autre aveugle, demande Borges.
Nous sommes ici enfants du hasard plus que de l’histoire. Sans origine et sans destination. Autonome par dĂ©faut, la question littĂ©raire garde son Ă©nigme. Notre langue bien-aimĂ©e, qu’elle est lointaine quand elle se sublime, et notre pensĂ©e intime, qu’elle est Ă©trangĂšre. Rendez-vous manquĂ© du rĂ©el et de la poĂ©sie ; promesse rĂ©affirmĂ©e aprĂšs chaque station solitaire que bientĂŽt prendra fin la mĂ©lancolie saturnienne oĂč nous dĂ©jette l’angoisse de notre finitude ? L’autre, dĂ©sirĂ© Ă  travers la crainte, viendra-t-il, serons-nous, pauvre savoir dĂ©saccordĂ© du non-savoir, un nous de vĂ©ritĂ© musicienne ?

Le sourire du néant

Les vagues brunĂątres du brouillard poussent vers moi
Du fin fond de la rue des visages tordus,
Tirant d’une passante à la jupe boueuse
Un sourire sans but qui flotte dans les airs
Et s’évanouit le long des toits.
T. S. ELIOT
Imaginons un adolescent qui au début des années 1950, séch...

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