Pour une poésie impure
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Pour une poésie impure

Robert Melançon

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Pour une poésie impure

Robert Melançon

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«La poĂ©sie n'a plus d'existence publique », constate d'entrĂ©e de jeu l'auteur de cette vingtaine d'essais pourtant tous consacrĂ©s Ă  la poĂ©sie. Mais celle-ci garde certainement ce qu'on pourrait appeler une existence « privĂ©e », c'est-Ă -dire le pouvoir de nourrir toute la vie et toute la pensĂ©e de quiconque en a fait sa demeure.PoĂšte lui-mĂȘme, Robert Melançon est aussi, et peut-ĂȘtre mĂȘme avant tout, un infatigable lecteur de poĂ©sie, qui trouve son bien partout oĂč naĂźt, Ă  travers des mots, des images et des rythmes inattendus, cet Ă©branlement du monde et de l'existence, les faisant comme apparaĂźtre pour la premiĂšre fois sous nos yeux. C'est dire que la poĂ©sie, pour un tel lecteur – un lecteur qui en a vraiment besoin – ne saurait avoir de frontiĂšres ou de dĂ©finition prĂ©cise, et qu'il n'existe rien de tel que la poĂ©sie « pure »: « J'affirmerais, Ă©crit Melançon, qu'il n'y a de poĂ©sie qu'impure, c'est-Ă -dire qui ne cherche pas Ă  se sĂ©parer des autres usages de la langue, qui se fait, tour Ă  tour ou tout Ă  la fois, description, rĂ©cit, exposĂ©, plaidoyer. Un poĂšme montre, raconte, explique, argumente ou parle simplement sans autre objet comme dans une conversation amicale. » En un mot, il s'adresse toujours Ă  nous.Que les essais ici rassemblĂ©s portent sur Saint-Denys Garneau, Jacques Brault, Paul-Marie Lapointe, Michel Beaulieu, Pierre Nepveu, ou sur des poĂštes ayant vĂ©cu en d'autres lieux ou d'autres temps (Giacomo Leopardi, Étienne Jodelle, Jacques RĂ©da, Robert Marteau), tous expriment une admiration (teintĂ©e ici et lĂ  de polĂ©mique) et relatent une expĂ©rience personnelle, un apprentissage: l'apprentissage d'un art, certes, mais aussi d'une maniĂšre plus juste et plus humaine de regarder le monde et de « vivre sur terre », mĂȘme provisoirement.

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Informations

Année
2015
ISBN
9782764643341
QUELQUES CONTEMPORAINS
A. M. Klein : écrire à Montréal
On pourrait dire d’A. M. Klein que nul n’a Ă©tĂ© plus montrĂ©alais que lui. S’il n’est pas vraiment nĂ© Ă  MontrĂ©al comme on l’a dit, il y est arrivĂ© Ă  l’ñge d’un an, il y a passĂ© son enfance, y a fait ses Ă©tudes et y a vĂ©cu toute sa vie sauf une annĂ©e passĂ©e Ă  Rouyn en 1937-1938. Si on excepte un pĂ©riple en IsraĂ«l, en Europe et en Afrique du Nord en juillet-aoĂ»t 1949, il n’a pas non plus voyagĂ© sinon Ă  l’occasion de confĂ©rences dans quelques villes canadiennes et amĂ©ricaines. MontrĂ©alais, Klein le fut donc d’abord par sa biographie : le monde s’est prĂ©sentĂ© Ă  lui sous la forme de sa ville. MontrĂ©alais, il l’est aussi en un sens plus essentiel. Cette ville qui a contenu toute sa vie se doublait d’une citĂ© intĂ©rieure qu’il portait en lui. La fin du poĂšme intitulĂ© « MontrĂ©al » Ă©voque cette ville intĂ©rieure qui est une forme de son ĂȘtre :
Cité, Î cité, on te déroule
comme un parchemin d’exploits sĂ©culaires
encrés du script du souvenir éterne !
Tu es de sons, de chants et d’instruments !
Mentale, tu restes à jamais édifiée
de tours, de dĂŽmes ; et dans ces valves battantes,
ici dans ces valves battantes, tu logeras
pour toute ma mortelle durée1 !
Autant qu’un rĂ©seau de rues, des Ă©difices, une juxtaposition de quartiers, MontrĂ©al a Ă©tĂ© pour Klein une forme au sens platonicien, qu’il portait en lui et qui Ă©tait la citĂ© rĂ©elle dont la ville faite de pierres et de briques n’était que l’ombre ou la copie. La strophe que j’ai citĂ©e prend toute sa portĂ©e lorsqu’on la rapproche du « Psaume sur la gĂ©nĂ©alogie » qui figure dans les Poems de 1944 : « Je ne suis pas nĂ© seul, je porte toute la genĂšse / [
] Et des gĂ©nĂ©rations regardent par mes yeux. » Klein est un homme habitĂ©. Il porte en lui la forme de sa ville, MontrĂ©al, et la longue succession de ses ancĂȘtres, remontant de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration Ă  travers la Diaspora, les prophĂštes et la Torah, jusqu’à Abraham et MoĂŻse dont ses parents lui ont donnĂ© les noms. En un sens, sa vie rĂ©pĂšte leurs vies, ou plutĂŽt elle les rĂ©actualise comme le cycle annuel de la lecture de la Torah recommence l’histoire du peuple Ă©lu. Dans bien des poĂšmes, Klein a dit que son destin reprenait celui de tous les Juifs. Sa ville intĂ©rieure leur offre un asile ; elle est, Ă  sa façon, une nouvelle JĂ©rusalem.
Qu’est-ce qu’une ville pour Klein ? Plus qu’un espace formĂ© de rues et de places, d’édifices, de monuments et de quartiers, une ville est faite de ses habitants. On pourrait lui appliquer la phrase de Rabelais : elle est bĂątie « de pierres vives : ce sont hommes ». Ses citadins sont des individus, chacun pourvu d’un nom, d’un visage inassimilable Ă  aucun autre : l’univers de Klein multiplie les diffĂ©rences et les distinctions, il est peuplĂ© d’ĂȘtres singuliers dont le texte met en relief les particularitĂ©s irremplaçables. Mais ces individus ne sont jamais isolĂ©s ; ils appartiennent Ă  des groupes, ils sont pris dans des cultures, des savoirs, des gestes, des habitudes, des rites, des coutumes, des langues. Ils ne se dissĂ©minent pas au hasard ni uniformĂ©ment dans la ville. Chaque groupe a ses lieux propres, ses quartiers dont il dĂ©finit l’espace en se rassemblant. Le ghetto, par exemple, n’est pas un lieu sinon accessoirement ; c’est d’abord une foule dans laquelle on se fraie difficilement un chemin. Dans une nouvelle Ă©crite entre 1934 et 1937, « L’Homme aux mille qualitĂ©s », on en trouve une description, admirable dans sa surcharge Ă©numĂ©rative et sa syntaxe bousculĂ©e. Le narrateur, Ă©tudiant en droit, prĂ©pare ses examens avec un camarade Ă  la bibliothĂšque de l’UniversitĂ© McGill, un samedi de printemps. En fin d’aprĂšs-midi, ils sortent pour se dĂ©tendre :
Somers a proposĂ© que nous allions faire une petite promenade. Je m’attendais Ă  ce que nous nous marchions tranquillement sous les ormes et les Ă©rables de la rue Sherbrooke [
]. Mais Somers m’a plutĂŽt entraĂźnĂ© avec insistance vers le ghetto – pour un peu de pĂ©ripatĂ©tisme paisible, a-t-il dit.
Je connais mon ghetto et j’ai souri. Car s’il avait Ă©tĂ© juif et familier du ghetto qui, oubliant les six cent-douze injonctions bibliques, se souvenait pieusement et industrieusement de croĂźtre et de se multiplier, il n’aurait jamais songĂ© Ă  poser les pieds dans la rue Saint-Laurent un samedi soir. Il nous Ă©tait presque impossible d’avancer. PoussĂ©s d’un cĂŽtĂ© et de l’autre, bousculĂ©s Ă  gauche et Ă  droite, nous ne progressions que sur la pointe des pieds, en retenant notre souffle comme pour nous allonger et nous amincir, nous rĂ©duire Ă  des profils et nous glisser dans les fissures qui s’entrouvraient entre les corps serrĂ©s les uns contre les autres. Des centaines de livres d’avoirdupoids entravaient notre chemin. Baignoires corpulentes. DĂ©lices d’Égypte. Le pavĂ© grouillait de Juifs et de Juives qui faisaient leurs courses hebdomadaires ; quelques-uns entraient vraiment dans les boutiques accueillantes, la plupart faisaient leurs achats par procuration. Ils Ă©taient nombreux, et il y avait beaucoup de chacun d’entre eux. Çà et lĂ , un vieux Juif barbu, un rabbin (mĂȘme un homme Ă©clairĂ© comme Godfrey Somers, bien que ses meilleurs amis Ă©taient juifs, avait l’impression que tous les barbus Ă©taient des rabbins et que la piĂ©tĂ© hĂ©braĂŻque se mesurait Ă  la pilositĂ©), sortait Ă  pas lents de la synagogue en serrant sous son bras son chĂąle de priĂšres enveloppĂ© dans un journal yiddish. De corpulentes Juives armĂ©es de saucissons faisaient avancer des poussettes qui portaient au moins deux fils de l’Alliance tandis que leurs maris, pour la plupart de minuscules homoncules Ă  l’air cadavĂ©rique, marchaient Ă  leurs cĂŽtĂ©s. Les charcuteries laissaient fuir d’appĂ©tissantes odeurs par leurs portes toujours ouvertes ; les boucheries rĂ©sonnaient du bruit des tranchoirs et du marchandage.
Cette ville dans laquelle on se fraie difficilement un chemin ne s’apprĂ©hende pas que par le regard, qui suppose une distance. On la connaĂźt par le toucher dans la bousculade, par l’odorat dans un mĂ©lange d’odeurs dont la description du mellah de Casablanca dans Le Second Rouleau propose un vĂ©ritable paroxysme, et surtout par l’ouĂŻe. La ville de Klein est une « ville jargonnante ». Son croisement de langues constitue pour lui une des principales caractĂ©ristiques de MontrĂ©al, peut-ĂȘtre son trait essentiel, en tout cas le plus sĂ©duisant. Je reviens au poĂšme intitulĂ© « MontrĂ©al » ; sa quatriĂšme strophe Ă©voque les langues d’une ville qui bavarde, cause, jacasse, jaspine, converse en une polyphonie polyglotte :
Grand port de navigations oĂč dĂ©carguent
multiples Ă  tes quais les lexiques,
sonnant mais Ă©tranges Ă  mes sens ; mais surtout, moi,
auditeur de ta musique, je chéris
l’accordĂ©, le bimĂ©lodiĂ© vocabulaire
dans lequel le vocable Anglais et le rouler Écossique,
mollifiés par le parler Français,
bilinguifient ton air !
Cette ville faite de langues, Klein l’a intĂ©gralement assumĂ©e, il s’en est incorporĂ© toutes les voix. Sa langue maternelle – la langue de sa mĂšre, qui n’en parlait aucune autre – Ă©tait le yiddish. À quoi s’est ajoutĂ© trĂšs tĂŽt l’hĂ©breu, qu’il a Ă©tudiĂ© sous la direction de plusieurs tuteurs, notamment le rabbin Tannenbaum et Rabbi Simchas Garber, un talmudiste dans la tradition orthodoxe de Vilnius ; il Ă©tait assez douĂ© pour avoir songĂ© un temps Ă  se faire rabbin et il a gardĂ© toute sa vie une connaissance profonde de la Bible et du Talmud dans les textes originaux. Puis l’anglais, langue de communication avec le monde extĂ©rieur, langue de l’école et langue du travail, devenue langue de culture : Ă  McGill, oĂč ses succĂšs en grec et en latin lui ont valu une bourse, il se lie avec les Ă©crivains du Montreal Group, A. J. M. Smith, Frank Scott, Leo Kennedy, Leon Edel et, dĂšs le dĂ©but de la vingtaine, il commence Ă  publier des poĂšmes notamment dans The Menorah Journal, Canadian Forum et Poetry, la prestigieuse revue d’Harriet Monroe Ă  Chicago. Enfin le français, autre langue de communication avec le monde extĂ©rieur, Ă  l’est du ghetto cette fois, langue de culture aussi puisque Klein avait une connaissance profonde de la tradition littĂ©raire française dont son Ɠuvre porte trace. Il faut souligner que Klein a choisi de faire ses Ă©tudes de droit Ă  l’UniversitĂ© de MontrĂ©al au lieu de rester Ă  McGill comme il aurait Ă©tĂ© plus facile pour lui de le faire. Au yiddish maternel son Ă©ducation ajoute un rĂ©seau d’autres langues qui s’étend dans l’espace physique de la ville – en gros l’anglais Ă  l’ouest et le français Ă  l’est – et qui plonge aussi dans les profondeurs historiques de la ville intĂ©rieure : le yiddish et l’hĂ©breu lui ouvrent tout l’espace de la tradition juive, de la Torah au Talmud et Ă  la mystique des Hassidim ; l’anglais, le français et le latin ouvrent une autre tradition, classique et pĂ©nĂ©trĂ©e par le christianisme sous ses diverses formes protestantes et catholique. Ces traditions ne sont pas Ă©tanches ; elles se croisent, interfĂšrent les unes avec les autres, se contrarient parfois, s’étaient, se relancent, se contaminent. On a pu ainsi retracer la prĂ©sence de plusieurs Ă©lĂ©ments d’origine catholique dans les textes de Klein, qui viennent s’amalgamer, comme les thĂšmes messianiques du Second Rouleau, avec des traits indĂ©niablement judaĂŻques qu’ils inflĂ©chissent de façon parfois sensible. Un exemple d’un autre ordre permettra de sa...

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