Jean-Baptiste décapité
eBook - ePub

Jean-Baptiste décapité

Nationalisme, religion et sécularisme au Québec

  1. 304 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Jean-Baptiste décapité

Nationalisme, religion et sécularisme au Québec

À propos de ce livre

Le 24 juin 1969, de jeunes manifestants qui suivent le défilé de la Saint-Jean-Baptiste s'emparent du char allégorique dédié au saint patron des Canadiens français et le renversent. L'imposante statue du prophète tombe au sol et sa tête s'en détache. Dans les jours qui suivront, on interprétera cet acte violent en le rapprochant du récit biblique de la vie du saint: les médias et le public qualifieront l'incident de « décapitation du Baptiste ». Cette mort symbolique sonnera le glas des défilés et débouchera sur l'institutionnalisation de nouveaux modes de célébration nationale. La sécularisation de ce rendez-vous collectif annuel s'ajoute aux nombreuses manifestations du passage de l'identité canadienne-française à l'identité québécoise, mais la part de religiosité qu'elle contenait autrefois persiste sous d'autres formes.Aux yeux de la sociologue Geneviève Zubrzycki, malgré le rejet violent de la religion issue de la Révolution tranquille, la « priest-ridden province » d'autrefois cache un squelette dans son placard comme on traîne une douleur à un membre fantôme. Jean Baptiste décapité aborde la relation changeante qu'entretiennent le nationalisme, la religion et la laïcité dans une société qui, jusqu'à la fin des années 1960, entretenait un lien indissociable entre identité nationale et religion. L'analyse est originale, parce qu'à la différence de plusieurs penseurs des sciences sociales, la sociologue de Chicago adopte une théorie du nationalisme qui inclut le religieux comme facteur collectif persistant. Cela donne lieu à l'élaboration d'une politique des symboles avec en son centre le concept de « révolte esthétique ». Les sermons, les statues, les chansons, les hymnes, les photos ou les chars allégoriques sont aussi importants que les institutions et les rapports de force dans la compréhension du processus de sécularisation au Québec. Ainsi, la pertinence d'une sociologie visuelle et matérielle de l'identité collective pour le Québec, mais aussi pour d'autres sociétés, s'impose au lecteur. Jean-Baptiste décapité emprunte des chemins déjà fréquentés par la sociologie québécoise en y apportant un éclairage nouveau. Il éclaire aussi les débats sensibles autour de l'immigration, des accommodements raisonnables et des signes religieux. Qu'on se le tienne pour dit, les Québécoises et les Québécois continuent de porter un « regard sacré » sur plusieurs phénomènes culturels, sociaux et politiques.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Jean-Baptiste décapité par Geneviève Zubrzycki, Nicolas Calvé en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Théologie et religion et Nationalisme et patriotisme. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.
première partie
Constitution et dissolution
de l’identité canadienne-française
chapitre 1
La construction iconique de l’identité canadienne-française
Le peuple, comme l’enfant, s’instruit surtout par les yeux.
Père Alexandre Dugré
Au Québec, le récit national s’est construit à partir de traumatismes, au premier chef celui de « la Conquête » (1759-1763), lors de laquelle la Nouvelle-France est passée aux mains de la Grande-Bretagne. Mais il comprend aussi des histoires de résilience : survivance face à l’adversité, révoltes contre les autorités, des Anglais à l’Église catholique… Ce chapitre vise à faire état de récits et de symboles fondamentaux en tenant compte de leurs liens avec des facteurs politiques, culturels et structurels, afin de dresser un portrait du nationalisme canadien-français avant sa mutation en nationalisme québécois et d’établir un ensemble de points de repère historiques. J’y décris le contexte dans lequel s’est déroulé le processus de construction discursive et de représentation visuelle d’une variante particulière de l’identité canadienne-française, fondée sur des critères ethniques et religieux. Nous verrons ainsi pourquoi et comment celle-ci s’est développée jusqu’à en devenir la variante dominante, position qui s’est maintenue du milieu du xixe siècle à la Révolution tranquille.
La première partie du chapitre présente dans ses grandes lignes la situation coloniale aux xviiie et xixe siècles et s’intéresse plus particulièrement à l’émergence du nationalisme libéral au sein du Parti patriote dans les années 1830. L’écrasement de ce mouvement et la réorganisation institutionnelle qui l’a suivi ont permis à l’Église catholique de formuler une nouvelle conception de l’identité nationale, laquelle fait l’objet de la deuxième partie du chapitre. Cette nouvelle vision de la nation s’est incarnée dans la figure de saint Jean-Baptiste. Dans la troisième partie, j’analyse ces champs de représentation discursif, visuel et matériel foisonnants ainsi que le processus par lequel le saint est devenu un symbole iconique.
Ascension et déclin du libéralisme et du nationalisme républicain
Avant de nous pencher sur le développement des différentes formes de nationalisme qui se sont côtoyées dans ce qu’on appelle aujourd’hui le Québec, il peut être utile de résumer en quelques mots les débuts de l’histoire coloniale. Le Canada est « découvert » par Jacques Cartier en 1534. La ville de Québec est fondée en 1608 et celle de Montréal en 1642. Au début des années 1710, la Nouvelle-France s’étend de Terre-Neuve à l’est aux Prairies à l’ouest et de la baie d’Hudson au nord au golfe du Mexique au sud. Ce vaste territoire est constitué de quatre colonies administrées séparément : le Canada, l’Acadie, Terre-Neuve et la Louisiane. Contrairement aux colonies britanniques, le Canada est peu peuplé, et sa métropole le néglige1. C’est en 1758 que Voltaire fait dire à Candide que le Canada se résume à « quelques arpents de neige » et que sa valeur économique ne justifie pas qu’on y investisse et qu’on le défende contre les autres puissances coloniales2. Au terme de la guerre de Sept Ans (communément désignée sous le nom de guerre de Conquête au Québec et dans l’historiographie canadienne), la vallée du Saint-Laurent est peuplée d’environ 70 000 habitants (soit 60 000 colons et 10 000 autochtones).
À la suite de la cession de la Nouvelle-France à la Grande-Bretagne en vertu du traité de Paris de 1763, le Canada est rebaptisé Province of Quebec. Le régime seigneurial français, le catholicisme et la hiérarchie ecclésiastique n’y sont pas reconnus. L’introduction du serment du Test, en vertu duquel tout fonctionnaire est tenu d’abjurer le pape et de se prononcer contre la transsubstantiation et contre le culte des saints et de la Vierge, a pour effet d’exclure les Canadiens, qui sont catholiques, de l’administration. En 1774, l’Acte de Québec abroge certaines de ces restrictions : les autorités coloniales cherchent ainsi à apaiser le mécontentement des Canadiens et à s’assurer la loyauté du clergé catholique et des seigneurs alors que des troubles agitent les treize colonies voisines. La nouvelle loi reconnaît les droits fonciers des seigneurs, abolit le serment du Test et confirme la validité du Code civil français tout en maintenant le droit criminel anglais. L’Acte constitutionnel de 1791 scinde la colonie en deux provinces, soit le Bas-Canada (qui correspond à peu près au territoire du Québec moderne), peuplé en majorité de descendants des colons français, et le Haut-Canada (l’Ontario moderne), où sont établis des descendants de colons français, des colons britanniques et des « loyalistes » ayant fui les États-Unis dans la foulée de la Déclaration d’indépendance de 1776.
Le nationalisme civique des Patriotes
La Conquête est vécue comme une humiliation et la domination coloniale britannique est perçue comme une source d’injustice et d’exploitation. Au début du xixe siècle, des membres de l’élite libérale influencés par les idées républicaines venues de France et des États-Unis fondent le Parti canadien, qu’ils rebaptiseront Parti patriote en 1826. Bien que la plupart des Patriotes et de leurs chefs soient francophones, le mouvement n’est pas fondé sur une appartenance linguistique, culturelle ou ethnique ; parmi ses principaux dirigeants figurent des Écossais et des Anglais. S’il finit par vouloir affranchir la colonie de la tutelle britannique, ses arguments sont avant tout politiques et s’inspirent des idéaux défendus par d’autres mouvements indépendantistes, dont ceux d’Irlande et de Pologne, souvent cités en exemples par les Patriotes dans leurs discours, leurs écrits et les toasts qu’ils portent lors de réunions et de banquets.
En 1834, lors du premier banquet des Patriotes tenu à l’occasion de la fête traditionnelle de la Saint-Jean-Baptiste, on porte pas moins de vingt-cinq toasts. Le premier rend hommage « au peuple, source de toute autorité légitime », et le deuxième honore l’Assemblée législative. Les suivants sont portés à des Patriotes de premier plan, au rebelle irlandais Daniel O’Connell, aux victimes de la répression, à David Hume et aux libéraux du Parlement britannique, aux réformistes des colonies anglaises, au gouvernement des États-Unis, au général La Fayette (en silence, celui-ci étant mort quelques semaines auparavant) puis à la liberté de presse et au journal Le Canadien, quotidien patriote de la ville de Québec (Sulte 1929, p. 40-41)3.
En 1837, des Patriotes fondent un groupe paramilitaire, les Fils de la Liberté, dont le nom est une traduction littérale de celui des Sons of Liberty américains. Un drapeau représente la république qu’ils souhaitent fonder. Constitué de trois bandes horizontales (verte, blanche et rouge), celui-ci s’inspire du tricolore français et est souvent orné de symboles canadiens comme le castor, la feuille d’érable et, moins souvent, le maskinongé (voir figure 5).
En 1834, à l’initiative du Parti patriote, la Chambre d’assemblée du Bas-Canada présente une liste de doléances et de requêtes aux autorités coloniales, les 92 résolutions. Les réformes politiques qu’elle réclame incluent l’élection comme principe de composition des institutions politiques de la province et le contrôle du budget par l’Assemblée. Ces demandes resteront lettre morte pendant trois ans puis seront rejetées par la voix du ministre de l’Intérieur britannique en 1837. Une augmentation du nombre d’immigrants issus de Grande-Bretagne, une épidémie de choléra, l’insécurité économique et un sentiment anticolonial généralisé alimentent le mouvement et renforcent son attrait auprès des laïcs libéraux et des « habitants4 ». En 1837, les Patriotes parviennent à mobiliser la population et à organiser une série d’insurrections armées, violemment réprimées par les Britanniques. En représailles, ces derniers incendient des villages et des récoltes. Plus de 1 500 rebelles sont emprisonnés, dont des centaines sont condamnés à mort ou déportés.
Figure 5. Charles Alexander Smith (1864-1915), L’Assemblée des six comtés à Saint-Charles-sur-Richelieu, en 1837, huile sur toile, 1891, 300,8 cm x 691,3 cm, collection du Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ), 1937.54. Photo : MNBAQ, Jean-Guy Kérouac.
Cette peinture rend compte d’une assemblée décisive du mouvement patriote, tenue les 23 et 24 octobre 1837 au mépris d’une...

Table des matières

  1. Page couverture
  2. Les Éditions du Boréal
  3. Faux-titre
  4. De la même autrice
  5. Titre
  6. Crédits
  7. Dédicace
  8. Introduction - Du Canada français au Québec
  9. Lieu commun - L’anticolonialisme et la langue
  10. Première partie - Constitution et dissolution de l’identité canadienne-française
  11. Chapitre 1 - La construction iconique de l’identité canadienne-française
  12. Lieu commun - La famille
  13. Chapitre 2 - Un élan iconoclaste: la révolte esthétique de la Révolution tranquille (1959-1969)
  14. Lieu commun - Le sol
  15. Seconde partie - L’identité québécoise : construction et débats
  16. Chapitre 3 - Reconstitution iconographique et politique identitaire: la réinvention ambiguë de la fête
  17. Lieu commun - Le mouton
  18. Chapitre 4 - Nationalisme, sécularité et patrimoine culturel
  19. Lieu commun - Le drapeau
  20. Conclusion - Vers une étude des transformations identitaires par la sociologie de la culture
  21. Remerciements
  22. ANNEXE A - Repères historiques
  23. ANNEXE B - Thèmes des défilés
  24. ANNEXE C - Méthodologie et sources
  25. Références
  26. Crédits et remerciements
  27. Fin
  28. Quatrième de couverture