Des fois que je tombe

Renée Gagnon

• Éditeur: Le Quartanier
• Année: 2017
• ISBN:
  9782896983308
• Sujet: Literature
• Sous-sujet: Poetry

Séries de poèmes tendus et cassés, de blasons comme grattés, gravés sur l'os, Des fois que je tombe éprouve l'avancée d'un corps chancelant mais rapide, dont la parole progresse par secousses, dans une connivence inquiète entre mouvement et conscience. Les poèmes esquissent un monde élémentaire, fruste, qu'irradie un noyau de douleur en constant éveil. Ils sont les signes rétifs d'un corps puni, émotionnellement vidangé, en sursis, sacrifié autant que scarifié. Si les affects sont bruts et le sens inchoatif, Renée Gagnon réussit à tirer de cette passion décharnée un chant de piste sensible – chuchotis à fleur de nerfs, volés au ressenti informe.

alors quand on regarde
le possible là

comment on parlait

grande guerre à l’estomac

vide

je ne m’appelle pas je me garde

j’asphyxie mon nom

et me garde

des regards plombs sur l’échine

(me souviens des os, des jours levés, rien)

silence, assez

cogne silence court

non air long entre les jambes et les bouches à croire tout

moi je ne parle

et je m’enfouis sous

évite qu’on me demande plus

ne me sens les jambes

quand je cours me garde

déjà je retourne

quoi gravir encore le noir

où est ce je qui me garde

car j’avais pensé devenir une

droite moi marcher deux pieds

et voir

à deux pieds je ne vois

que l’immense noir

où est rouge?

je ne suis que

je ne suis qu’un air froid

ne passe plus

quelques cheveux, du bruit

ne suis qu’un bruit?

peau qui marche

maintenant finir de raconter croule

je n’appelle plus

j’expire ce qui reste

l’air, moi, que j’invente

allez, finir de raconter – cette seconde

blanche et moi trop haute

ne respire que du bruit

dans seconde

dans peau qui ne joue pas à frotter / temps

m’avale

et la bouche à peine s’ouvre au froid trombe

maintenant qu’on lise le sel du reste

les regards

si les seuls fragiles

s’abattent dans les couloirs carrés

je traverse à peine ma bouche

deux fils tordent

disent

retiens peau loin de moi

rien n’avance

qui s’enracine au vide?

j’y avais cru pour plus tard

au temps fossile où trouver pied

peau je grésillais

jusqu’à craindre et fatiguée avec moi

quand avancer s’épelle à deux mains

j’entends qu’on vide

j’entends attends

parce que route appelle

mourir lent griffonne

une langue à froid

je connais yeux qui

fuient, ferment

situer

situer le ventre

yeux devant

(c’est quand tu vois que ça n’a pas de fin)

ravale l’immense

yeux qui louchent

au plafond avoir peur

de soulever temps traîne

regarde

c’est la fenêtre :

l’immense sol dans la veine en bas

je dis passer vrai me renverse

non pleurer

que j’explique rien à rien ou à personne

si dents ongles coupent

les os se mangent

les poutres

(je me souviens j’ai brûlé déjà...