SLAPP
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SLAPP

Bâillonnement et répression judiciaire du discours politique

  1. 213 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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SLAPP

Bâillonnement et répression judiciaire du discours politique

À propos de ce livre

L'histoire, hélas, est typique: un huissier sonne à votre porte; la gifle vous est assenée par personne interposée. Des intérêts privés vous réclament des milliers, voire des millions de dollars, en général sous prétexte de diffamation. Votre crime est d'avoir parlé, dénoncé, agi sur la place publique. Vous voilà victime d'une «poursuite stratégique contre la mobilisation publique», communément appelée SLAPP (Strategic Lawsuit Against Public Participation).Premier essai à décortiquer cette grave menace pour la liberté d'expression et la démocratie, ce guide de survie anti-SLAPP, nous initie à ce concept pernicieux, symptomatique d'une justice profondément inéquitable. Phénomène contemporain d'intimidation judiciaire, la SLAPP désigne un recours abusif aux tribunaux afin de faire taire les oppositions sociales et politiques par des poursuites aux montants faramineux.

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Informations

Année
2012
ISBN de l'eBook
9782897190019

Table des matières

Couverture
Titre
PRÉFACE : Citoyens, ne vous taisez pas...
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 - Qu'est-ce qu'une SLAPP?
CHAPITRE 2 - Poursuites stratégiques contre la mobilisation publique
CHAPITRE 3 - Intimidation judiciaire et législations : perspectives internationales et nationales
CHAPITRE 4 - Combattre la SLAPP : l’expérience québécoise
CHAPITRE 5 - La SLAPP comme symptôme
CONCLUSION
ANNEXE 1
ANNEXE 2
ANNEXE 3
Écosociété
Table des matières
Crédits

PRÉFACE

Citoyens, ne vous taisez pas...

Il semble que nous n’ayons jamais autant entendu parler de cas de SLAPP 1 avant ces dernières années ; on pourrait croire que le phénomène est nouveau, ou que nous vivons une sorte de crise de la justice. Pourtant, peu importe la forme qu’il prend, il s’agit d’un vieux problème. Les associations de protection de l’environnement, par exemple, sont aux prises avec l’intimidation et les contestations judiciaires depuis fort longtemps. C’est le genre de difficultés qui peuvent paraître insurmontables. Au point que la tendance est généralement à se taire et abandonner.
À l’AQLPA 2, c’est précisément ce que nous étions incapables de faire. Nous sommes des habitués du front et nous représentons la population dans des batailles qui paraissent souvent perdues d’avance: les luttes contre le projet du Suroît, pour l’accord de Kyoto et contre l’exploitation du gaz de schiste en constituent des exemples. Au début des années 2000, nous avions ainsi sollicité des milliers de jeunes dans ce projet fou de réintroduire le saumon dans la rivière Etchemin. Sa réapparition après 200 ans d’absence avait quelque chose d’un miracle. Nous nous sentions porteurs des espoirs d’une génération et nous ne pouvions pas les décevoir. Telle est notre force. L’association a le soutien de la population. Ce soutien nous a donné une fougue formidable lorsque nous avons reçu la SLAPP en 2005.
Nos adversaires nous connaissaient donc bien mal s’ils pensaient nous faire peur. La peur ne nous décourage pas et on ne peut nous acheter. On nous disait qu’il valait mieux reculer tout de suite, mais nous avons décidé de nous battre. Sans hésiter. On a dit de nous à l’époque : « AIM pensait écraser des moucherons ? Elle fait face à des frelons en colère 3 ». Conviction, entêtement et créativité nous ont bien servi. Dès que nous avons riposté par une campagne médiatique, l’intimidation a cessé. Il faut reconnaître le pouvoir que nous détenons en tant que militants.
Je ne prétendrai pas que cette expérience n’a pas été terriblement coûteuse pour l’Association. Des huit employés que nous étions au bureau, il n’est plus resté à la fin que ma conjointe, Jocelyne Lachapelle, et moi. Celle-ci a d’ailleurs fait preuve d’une résistance admirable. Imaginez : c’est elle qui a reçu la nouvelle de la poursuite et pas seulement une fois, mais bien trois ! Elle était seule au bureau quand un huissier s’y présenta. Il lui remit alors une première poursuite de 5 millions de dollars, adressée à l’AQLPA. Une deuxième poursuite visait le Comité de restauration de la rivière Etchemin, dont elle était membre ; il la lui remit donc (poursuite qui dut être ramenée encore car Jocelyne n’était pas pas la personne désignée). Ensuite, il lui demanda où il pouvait me trouver. Comme j’étais en dehors de la ville, elle dut donc rentrer avec lui à la maison pour recevoir personnellement la troisième poursuite qui était à mon nom. C’est une expérience comme peu de gens en ont vécu, que l’on associe davantage aux grands criminels qu’aux écologistes. Or, aujourd’hui, je ne regrette pas d’avoir mené cette bataille, car elle a contribué à mener le Québec à une grande victoire, à savoir la première législation anti-SLAPP au Canada.
Mais ce type de gain démocratique ne se fait pas sans l’implication de personnes dévouées et convaincues. Le jour où j’ai connu Normand Landry, j’étais loin de me douter de la place qu’il allait prendre dans l’histoire québécoise des SLAPP. Un jour de 2007, il était venu assister à une conférence que je donnais sur les SLAPP. Après la conférence, un jeune homme discret, qui m’avait écouté avec attention, m’attendait à la sortie. Le sujet l’intéressait tant qu’il venait me proposer un coup de main. Cet homme était Normand Landry.
Les rencontres enthousiasmantes, quand on fait mon travail, on ne les compte plus ; mais elles mènent rarement à de véritables collaborations. Or, ce jour-là, sans que je le sache, je venais de tomber sur une personne hors du commun. Cet étudiant allait devenir pour la Coalition anti-SLAPP un collaborateur dévoué, efficace et déterminé. Il mettrait au service de cette cause son intelligence vive et réaliserait un travail de recherche inédit et rigoureux. Je ne sais pas si Normand Landry sait, modeste comme il est, qu’une grande part de cette victoire lui revient, ni à quel point son aide a été appréciée. C’est donc avec grand plaisir que je salue la publication de son livre aujourd’hui, qui vise à faire œuvre pédagogique afin d’informer les citoyens sur l’épineuse problématique des SLAPP. J’espère du même souffle que ses lecteurs victimes de SLAPP s’en serviront pour connaître les moyens d’action, apprendre des expériences passées, et qu’ils ne se laisseront pas abattre ni bâillonner. Et quelle fierté que la loi québécoise puisse maintenant leur venir en aide !
La démocratie, c’est comme l’amour ; il faut l’alimenter tous les jours. Il faut la défendre encore et encore, car rien n’est jamais acquis. C’est une belle corvée. Elle en vaut la peine. Vous qui enrichissez le monde de vos idéaux et de votre volonté de bien faire, surtout ne baissez pas les bras. Vous accomplissez les choses les plus difficiles et les plus belles. Je fais le vœu que le récit de nos mésaventures et les modifications apportées au code civil, grâce à la campagne Citoyens, Taisez-vous !, vous servent à mieux défendre votre droit de parole.
ANDRÉ BÉLISLE,
président de l’Association québécoise de lutte
contre la pollution atmosphérique
1 Strategis Lawsuit Against Public Participation.
2
Association québécoise de luttre contre la pollution atmosphérique.
3
Tiré de Saint-Hilaire, Mélanie, « Un aigle chez les verts », Sélection du Reader’s Digest, http://selection.readersdigest.ca/magazine/un-aigle-chez-les-verts. Voir le récit du litige opposant l’AQLPA à la Compagnie américaine de fer et métaux inc. (AIM) aux chapitres 2 et 4.

INTRODUCTION

L’ironie s’apprécie généralement davantage lorsque sa morsure est la plus lancinante. Il y a près de deux siècles, Charles-Louis de Secondat, bourgeois éclairé mieux connu sous l’épithète de baron de La Brède et de Montesquieu, affirmait avec sagesse : « il n’y a point de plus cruelle tyrannie que celle que l’on exerce à l’ombre des lois et avec les couleurs de la justice.» Comme beaucoup de choses vraies, cette maxime a survécu à l’épreuve du temps et demeure toujours cruellement véridique. La tyrannie évoquée par Montesquieu perdure hélas, et s’exprime sournoisement, traîtreusement, avec la complicité tacite des institutions chargées de protéger la masse des dérives de l’autoritarisme. Le tyran, grand ou petit, sait mettre à profit l’institution judiciaire qu’il invoque sans gêne afin d’écraser ses adversaires. Il ne s’agit plus tant pour lui de les faire condamner, de les traîner vers l’échafaud ou la geôle, que de les empêtrer dans les méandres du système judiciaire contemporain, institution devenue en elle-même une prison d’où le justiciable désemparé cherche désespérément à s’échapper. Par ses lacunes, par sa lenteur, par les coûts excessifs qu’elle engendre, par sa logique même, l’instance judiciaire se charge elle-même de punir celui qui s’oppose au tyran. Âcre ironie en vérité.
Ce livre présente une introduction à un phénomène d’intimidation judiciaire ciblant les citoyens actifs sur les scènes sociale et politique. Ce phénomène, essentiellement abordé par la notion de poursuite stratégique contre la mobilisation publique (également connu sous son acronyme anglais, « SLAPP »), implique l’instrumentalisation délibérée de la procédure judiciaire comme arme d’intimidation, de censure et de représailles politiques dans le cadre de conflits sociaux et politiques. L’image associée à cet acronyme évoque un choc violent, une gifle portée à une personne, à un groupe, ou à une communauté. Les titres de livres, d’articles scientifiques et journalistiques traitant cette notion ne manquent d’ailleurs pas d’utiliser ce pouvoir d’évocation afin de frapper l’imaginaire de leurs lecteurs : cette stratégie a été qualifiée de « gifle au visage de la démocratie 1 », d’action visant à « gifler la résistance 2 », nécessitant le développement de contremesures législatives devant leur administrer «le coup de poing final 3 ». L’acronyme SLAPP se réfère, en français, à la notion de poursuites stratégiques contre la mobilisation publique, également appelées poursuites-bâillons au Québec 4.
Certains ont voulu la combattre. Aux États-Unis, en Europe, en Australie et au Canada, des citoyens, juristes, représentants politiques et universitaires se sont mobilisés afin de faire adopter des législations devant endiguer le phénomène. Ces démarches ont connu divers dénouements. Certaines se sont heurtées au refus de législateurs et de juristes ne voyant pas le besoin ou la pertinence de légiférer sur la question. D’autres auront conduit à l’adoption de lois sans grand mordant et témoignant d’un manque de volonté politique d’agir fermement sur la question. Certaines, enfin, auront convaincu leurs représentants d’adopter des législations énergiques servant désormais de modèles à l’échelle internationale. Des victoires d’estime se présentant également, fait plus rare, comme des victoires de fond.
Le phénomène est difficile à quantifier, bien que certains chercheurs s’y soient risqués (voir chapitre 2). En l’absence de décisions de justice archivées qualifiant expressément des poursuites de SLAPP (rares s’il n’existe pas de dispositions devant les combattre dans la juridiction où elles sont dites sévir) pouvant être consultées, il est difficile de statuer autrement que d’une manière anecdotique sur la présence et la gravité du phénomène sur un territoire donné. L’incrédulité fréquemment rencontrée chez les élus quant à la nécessité d’agir pour endiguer le phénomène est ainsi compréhensible. Le nombre de dossiers juridiques ayant été qualifiés de SLAPP par les tribunaux canadiens reste somme toute peu élevé. De surcroît, de nombreux conflits juridiques associés à des SLAPP ne se rendent pas jusqu’au jugement final et se règlent hors cour, évitant ainsi une qualification négative de la part des instances judiciaires. Le législateur et la communauté juridique prennent donc difficilement la mesure du phénomène. Davantage prompts à percevoir les dossiers associés à des SLAPP comme des dérapages ponctuels, ils hésitent à admettre qu’il s’agit d’un problème réel d’intimidation judiciaire requérant conséquemment une intervention législative. Michaelin Scott et Chris Tollefson soulèvent d’ailleurs judicieusement les difficultés, fréquemment considérables, rencontrées par ceux qui désirent baliser le phénomène :
Les SLAPP reposent souvent sur une vaste gamme d’actions en responsabilité délictuelle comme la diffamation, le complot, l’intrusion illicite, l’atteinte aux rapports contractuels, l’incitation à la rupture de contrat et la nuisance. Les SLAPP ressemblent souvent fortement à des poursuites en responsabilité délictuelle ordinaires et en cela peuvent être difficiles à reconnaître. Ces difficultés définitionnelles compliquent aussi la tâche de ceux qui cherchent à quantifier la propagation du phénomène des SLAPP, notamment la fréquence de ces actions en justice et l’ampleur de leur impact en termes de gaspillage de ressources publiques et privées.
Cet objectif de quantification est d’autant plus difficile à atteindre que les SLAPP débouchent rarement sur un procès. Au vu de leurs ressources limitées, les parties ciblées ont rarement les moyens d’assurer une défense solide de leurs droits. Comme nous l’avons mentionné, dans bien des cas, la victoire contre les parties ciblées par une SLAPP précède l’institution d’une poursuite, la seule menace de litige suffisant à les dissuader de continuer la bataille 5.
Cette situation complique grandement le travail des groupes citoyens réclamant l’adoption de mesures législatives anti-SLAPP. Comment prouver la gravité d’un phénomène posant d’importants problèmes méthodologiques à ceux qui désirent le quantifier ? De plus, en l’absence d’une reconnaissance formelle de l’existence du phénomène par les élites judiciaires, comment ne serait-ce que prouver l’existence non pas de dérives ponctuelles de la part de quelques personnes et entreprises peu scrupuleuses mais d’une pratique établie d’intimidation judiciaire ciblant activistes et citoyens politiquement actifs ?
La sociologie constructiviste nous apprend une chose : aucun problème social n’existe indépendamment des milieux et acteurs les ayant générés et constatés. En d’autres mots, la mise à l’agenda public d’une problématique sociale – la destruction d’un fragile habitat, la marginalisation sociale et économique des nouveaux arrivants, la violence urbaine – est essentiellement le fruit d’une joute rhétorique opposant des intervenants ayant des positions contrastées sur la question. Cela ne signifie pas que certains phénomènes (parfois inquiétants) de pollution, d’exclusion sociale et de violence n’existent pas, mais que pour faire de ces derniers des problèmes sociaux – reconnus et nécessitant action –, il est nécessaire de traduire et d’interpréter ces phénomènes comme des situations essentiellement négatives requérant des correctifs. Une société prend conscience d’un problème social au terme d’un processus de problématisation au travers duquel différents acteurs luttent pour en définir les attributs et les dimensions, et, de manière peut-être plus significative encore, en identifier les responsables, les causes et les remèdes.
La lutte anti-SLAPP n’échappe pas à la règle. Les citoyens désirant les combattre doivent d’abord s’évertuer à définir les termes du débat et les enjeux entourant ces poursuites. Il s’agit pour eux de présenter un phénomène, une situation particulière, comme un problème appelant à l’action collective – et, ce faisant, de distribuer d...

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