La fin  de l'abondance
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La fin de l'abondance

L'économie dans un monde post-pétrole

  1. 238 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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La fin de l'abondance

L'économie dans un monde post-pétrole

À propos de ce livre

Quoi qu'en disent les adeptes du développement durable, les substituts aux énergies fossiles abondantes et bon marché n'existent pas. Aucune source d'énergie alternative ne pourra offrir un rendement aussi élevé que les énergies fossiles. Puisqu'ils refusent d'intégrer cette réalité, les modèles économiques dominants ne savent pas comment appréhender l'après-pétrole, et les habitants des sociétés industrielles sont incapables de se préparer aux profondes mutations qui les attendent.Plongeant aux fondements de la pensée économique depuis Adam Smith, "La fin de l'abondance" montre que l'actuelle orthodoxie néoclassique fait fausse route en traitant la Terre et ses ressources comme des facteurs de production inépuisables, ce qu'elles ne sont pas.Avec les énergies alternatives dites "diffuses", l'humain pourra par exemple réchauffer l'eau du bain, mais il ne pourra faire tourner les gigantesques turbines électrogènes qu'exige notre société de transformation industrielle, de consommation, de déplacements gigantesques et d'information électronique. Au fond, écrit Greer, l'ère industrielle toutentière, fondée sur les sources d'énergies concentrées et accessibles, aura peut-être représenté la plus grande bulle spéculative de l'histoire.Traçant du monde de demain un portrait qui évoque explicitement le tiers-monde, John Michael Greer plaide en faveur des technologies intermédiaires chères à E.F. Schumacher ("Small is Beautiful"), dechangements politiques propres à adoucir la transition… et d'une bonne dose de stoïcisme.

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Informations

CHAPITRE PREMIER

L’échec de la science économique

IMAGINEZ UN INSTANT que vous êtes à bord d’un voilier au milieu de l’océan. Vous vous réveillez au beau milieu de la nuit, troublé, comme si quelque chose se préparait. Vous vous habillez et montez sur le pont. Le ciel est dégagé, le vent est soutenu et la visibilité est bonne. En regardant à tribord, bien qu’il n’y ait pas de terre en vue, vous voyez avec horreur des vagues se briser avec fracas sur des rochers acérés pas très loin du bateau.
Vous courez jusqu’à la passerelle pour avertir l’équipage de garde et vous découvrez le second assis avec d’autres membres de l’équipage, tous en train de fumer tranquillement leur pipe sans se préoccuper des récifs. Quand vous leur en parlez, ils nient qu’il en existe dans cette zone et affirment que vous avez été victime d’une illusion d’optique courante sous ces latitudes. Un des marins vous conduit dans la salle des cartes et vous montre celle où est tracée la marche du bateau. Bien entendu, aucun rocher n’apparaît près du trajet du navire ; mais en examinant le reste de la carte, vous constatez qu’aucun récif, haut-fond ou autre danger n’est indiqué nulle part.
Ébranlé, vous quittez la salle des cartes et jetez un coup d’œil au compas qui se trouve dans l’habitacle, et votre malaise grandit : l’aiguille du compas indique que le nord magnétique devrait être à bâbord, mais dans le ciel vous voyez clairement la Petite Ourse en poupe. Quand vous en parlez à l’équipage, ils répondent avec agacement que vous n’avez de toute évidence jamais étudié la navigation. Vous quittez la passerelle et marchez vers la proue pour voir vers quoi se dirige le navire et, bien entendu, les reflets de l’eau frappant les rochers sont visibles au loin.
Quel soulagement si ce scénario n’était qu’un cauchemar ! Malheureusement, il reflète une des réalités les plus troublantes de notre vie. Les cartes et le compas qui sont utilisés ces temps-ci pour orienter la plupart des décisions importantes des pays proviennent de la science économique, mais les politiques recommandées par les économistes aux dirigeants ainsi qu’aux gens ordinaires échouent systématiquement à offrir des guides utiles face à certains des défis les plus cruciaux de notre époque.
Bien que cette affirmation puisse sembler extrême, les faits qui l’appuient se trouvent sur n’importe quel site d’information. Voyez comment les économistes ont réagi, ou plutôt omis de réagir, devant le gargantuesque boom immobilier qui a implosé si spectaculairement en 2008, entraînant dans sa chute une bonne part de l’économie mondiale9. On ne peut trouver de meilleur exemple de bulle spéculative incontrôlable dans l’histoire récente. Vu la vaste documentation publiée sur les bulles spéculatives depuis la parution en 1841 de Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds (Les extraordinaires illusions populaires et la folie des foules), du révérend Charles Mackay, c’eût dû être un jeu d’enfant de reconnaître l’ensemble des symptômes typiques : hausse vertigineuse des prix, afflux d’investisseurs amateurs, rhétorique insensée selon laquelle les prix augmenteraient pour toujours, taux alarmant de spéculation faite avec de l’argent emprunté, etc.
Par conséquent, en 2005, bien des gens hors de la profession d’économiste faisaient des parallèles entre cette bulle immobilière et d’autres orgies spéculatives. En 2006, la blogosphère fourmillait de prédictions justes sur le krach imminent et, en 2007, le plongeon final dans l’insolvabilité généralisée et la dépression était vu comme inévitable dans plusieurs milieux. Keith Brand, qui a créé en 2005 le stimulant blogue HousingPanic pour faire connaître le désastre à venir (il a poursuivi son flux incessant de commentaires acerbes tout au long de la bulle et de son explosion), résumait ces prédictions dans un exergue qui pourrait servir d’épitaphe à toute cette frénésie immobilière : « Bon dieu, tout ça va tellement mal finir10 ! »
Pourtant, il est de notoriété publique que parmi ceux qui lançaient des avertissements, les économistes étaient rarissimes. La plupart écartaient l’idée que le boom puisse être ce qu’il était, une bulle spéculative désastreuse. L’une des rares exceptions, Nouriel Roubini, a commenté d’un ton désabusé la façon dont il fut traité de fêlé quand il a attiré l’attention sur ce qui aurait dû être évident pour tous les économistes11. Pour une raison ou une autre, ça ne l’était pas ; la grande majorité de ceux qui donnaient publiquement leur opinion sur la bulle affirmaient que la hausse délirante des prix de l’immobilier était justifiée et que les innovations financières exotiques qui la nourrissaient protégeraient les banques et les prêteurs hypothécaires.
Ces propos rassurants étaient faux. Ceux qui les ont tenus auraient dû le savoir avant même d’ouvrir la bouche. Il y a plusieurs décennies déjà, John Kenneth Galbraith, géant de la pensée économique, faisait remarquer que, dans le monde financier, le mot « innovation » renvoie inévitablement à la redécouverte des mêmes mauvaises idées séduisantes qui mènent toujours au désastre économique lorsqu’elles sont mises en pratique12. Les ouvrages de Galbraith qui recensent les dégâts causés à répétition par ces mêmes mauvaises idées dans le passé, La Crise économique de 1929 et Brève histoire de l’euphorie financière, sont sur les étagères de bibliothèque de chaque faculté d’économie en Amérique du Nord, et quiconque lit l’un ou l’autre identifiera chaque exubérance rhétorique et chaque idiotie fiscale des grandes orgies spéculatives du passé que la bulle immobilière a fidèlement reproduites.
On pourrait comprendre cette défaillance si la bulle immobilière était un cas isolé d’échec de la profession, mais la même formule rassurante s’est répétée avec la même régularité que les bulles spéculatives elles-mêmes. Les mêmes garanties ont été données, dans certains cas par les mêmes économistes, lors de la précédente orgie de spéculation aux États-Unis, la bulle technologique des années 1996 à 2000. En fait, les mêmes énoncés ont été utilisés par la majorité des économistes professionnels au cours de chaque frénésie spéculative depuis l’époque d’Adam Smith. Plus de deux siècles de méprises flagrantes devraient normalement suffire pour apprendre de ses erreurs, mais il semble que ce soit trop court dans ce cas-ci.

L’illusion de l’invincibilité

Le problème de la science économique contemporaine peut se résumer à une forme d’aveuglement à l’égard de la possibilité d’un désastre qui se manifeste même très loin du domaine des bulles économiques. Prenez l’autodestruction de Long Term Capital Management (LTCM) en 199813. LTCM fut l’un des premiers fonds de couverture (hedge fund) très en vue. Il réalisait d’énormes bénéfices en misant une immense quantité d’argent appartenant à d’autres sur des transactions complexes proposées par des algorithmes informatisés très élaborés. La présence dans ses rangs de deux Prix Nobel d’économie faisait sa fierté. On prétendait sur Wall Street, pendant les beaux jours de la firme, que les modèles informatisés de LTCM étaient tellement bien faits qu’ils ne pourraient lui faire perdre de l’argent tant que durerait l’univers, et même au-delà.
Avez-vous déjà remarqué que les méchants dans les mauvais films de science-fiction sont toujours pulvérisés quelques secondes après s’être déclarés invincibles ? On dirait que le même principe prévaut en économie, bien que le délai soit plus long. Seulement cinq ans après que LTCM eut lancé sa stratégie informatisée, l’univers a cessé d’exister (soit un peu plus tôt que prévu). LTCM avait ignoré le risque de défaut de paiement de la dette étrangère russe que bien d’autres avaient vu venir. Le résultat fut catastrophique. Le gouvernement des États-Unis dut improviser une solution de secours pour éviter que l’implosion de la firme n’entraîne une panique financière généralisée.
À tout prendre, les économistes ne sont pas des gens stupides. Plusieurs sont extrêmement talentueux : les habiletés mathématiques des analystes quantitatifs employés aujourd’hui par les courtiers et les banques d’investissement rivalisent avec celles des chercheurs des meilleures facultés de physique. Pourtant, plusieurs de ces personnes extrêmement brillantes n’ont pas réussi à utiliser leur intelligence pour tirer les leçons d’une suite d’erreurs évidentes et très connues. Cela est inquiétant à plusieurs égards, mais ce qui l’est davantage en ce moment est le rôle prépondérant que les économistes jouent parmi ceux qui affirment que les économies industrielles n’ont pas à se soucier de l’impact d’une croissance illimitée sur la biosphère et sur les ressources dont nos vies dépendent. S’il s’avère qu’ils se trompent là-dessus comme tant d’économistes se sont trompés à propos de la bulle immobilière, ils auront franchi le pas fatidique entre risquer des milliards de dollars et risquer des milliards de vies.
Il est donc urgent de parler des raisons pour lesquelles les économistes conventionnels ont si souvent été incapables d’anticiper les revers. Comme pour bien des bizarreries de la vie contemporaine, cet aveuglement a plusieurs causes. Deux causes importantes découlent des particularités de la profession telle qu’on la pratique aujourd’hui. Une troisième, encore plus importante, vient des a priori fondamentaux que les économistes utilisent pour relever les défis de leur discipline. Il faut parler des deux premières, mais c’est la troisième qui nous mènera au cœur du propos de ce livre : la recherche d’idées éclairantes qui aideront à comprendre les défis qui attendent la société industrielle.
Premier facteur : pour les économistes professionnels, il est bien plus lucratif d’avoir tort que d’avoir raison. Pendant la période qui conduit à une orgie spéculative, bien des gens sont prêts à payer cher pour se faire dire qu’ils ont raison d’engouffrer leur argent dans la bulle du jour. Peu de gens veulent payer pour entendre qu’ils pourraient tout aussi bien jeter leurs économies par la fenêtre, surtout quand c’est le cas. Par opposition, avant et après un krach, la plupart des gens comptent leurs sous, et l’idée de payer des économistes pour leur fournir un avis est loin de figurer dans leurs priorités.
Cette règle s’applique également à la recherche universitaire, au courtage et à plusieurs des autres sources de revenus accessibles aux économistes. Quand les marchés sont en hausse, ceux qui encouragent les gens à satisfaire leurs fantasmes de richesse instantanée seront bien plus populaires, donc plus susceptibles d’être employés, que ceux qui annoncent les conséquences inévitables de ces fantasmes ; et quand les marchés plongent et que les rôles pourraient être inversés, personne n’embauche. Appliquons la même logique à l’avenir de la société industrielle, et les résultats sont similaires : ceux qui proposent des politiques grâce auxquelles les gens pourront s’enrichir et vivre dans l’extravagance recevront un accueil enthousiaste, alors que ces politiques condamnent plutôt la société industrielle à une funeste spirale. Le souci de la postérité ne paie le salaire de personne aujourd’hui.
Le deuxième facteur qui conduit à des conseils erronés en économie est commun à plusieurs champs d’études contemporains : l’économie souffre du mal de la mathématisation prématurée. Les spectaculaires réussites des sciences naturelles ont encouragé les savants d’autres domaines à emprunter leurs méthodes dans l’espoir d’obtenir les mêmes succès ou, à tout le moins, de profiter de leur prestige. Cependant, avant qu’Isaac Newton n’élabore sa théorie sur les mouvements des planètes, des milliers d’observateurs amateurs avaient accumulé les données dont il s’est ensuite servi. Cela est vrai pour la réussite de toute science naturelle : son « histoire naturelle », l’enregistrement systématique de ce que fait réellement la Nature, sert de fondation aux hypothèses et aux expériences des scientifiques qui suivront.
Trop de champs d’études ont tenté de sauter ces préliminaires pour se lancer tête baissée dans la création de formules mathématiques compliquées, puisque c’est, croit-on, ce que font les vrais scientifiques. Les résultats n’ont pas été à la hauteur de leurs attentes car il y a un piège caché au cœur même de la méthode scientifique : le fait de réussir à obtenir d’une partie de la Nature un certain comportement dans des conditions arbitraires en laboratoire ne signifie pas que la Nature se comporte ainsi lorsque laissée à elle-même. C’est très bien si votre seul but est de découvrir ce que vous pouvez forcer une parcelle de nature à faire, mais si vous désirez comprendre comment le monde fonctionne, le fait d’être capable de forcer la Nature à se conformer à votre théorie ne vous aide en rien. Les théories qui ne sont pas confrontées aux faits observés échouent systématiquement à prédire les événements dans le monde réel.
La discipline économique est particulièrement vulnérable à l’impact de cette mathématisation précoce parce que sa matière première, les choix collectifs d’êtres humains qui prennent des décisions économiques, fait intervenir tellement de variables que la seule façon de les contrôler toutes consiste à imposer des conditions si arbitraires que les résultats obtenus ont peu à voir avec la vraie vie. La façon logique de s’en sortir est de se concentrer sur l’équivalent de l’histoire naturelle, soit l’histoire économique : les annales de ce qui s’est réellement produit dans les sociétés humaines dans diverses conditions économiques. C’est exactement ce qu’ont fait ceux qui ont prédit le krach immobilier : ils ont remarqué qu’un ensemble de conditions (une bulle) avait immanquablement conduit dans le passé au même résultat (un krach) et ils se sont servis de ce savoir pour prédire l’avenir avec exactitude.
Pourtant, ce n’est pas, dans l’ensemble, ce que font en ce moment les économistes à succès. Au contraire, la plupart d’entre eux consacrent leur carrière à la création de théories élaborées et de modèles quantitatifs qui sont rarement confrontés aux données de l’histoire économique, avec pour conséquence qu’ils échouent lorsque leurs théories se frottent à la réalité économique d’aujourd’hui.
Par exemple, les Prix Nobel dont les modèles informatiques ont anéanti LTCM avaient créé des hypothèses extrêmement complexes à propos des comportements économiques et ils ont soumis ces hypothèses à un test très dispendieux qui a échoué. S’ils avaient d’abord pris le temps d’étudier l’histoire économique, ils auraient peut-être remarqué que des pays politiquement instables sont souvent en défaut de paiement de leurs dettes, que des combines pour s’enrichir avec d’immenses sommes d’argent appartenant à autrui finissent par imploser et que les tentatives précédentes pour modéliser les caprices du marché ont fini en larmes quand elles étaient confrontées à l’esprit retors des humains lorsqu’ils prennent des décisions d’ordre financier. Ils n’ont rien remarqué de tel et ils ont perdu, ainsi que leurs investisseurs, des sommes d’argent astronomiques.
L’inaptitude des économistes à faire des prédictions fiables est devenue proverbiale même au sein de la profession. Un penseur économique aussi conventionnel que David A. Moss, professeur à la Harvard Business School et auteur du très orthodoxe et souvent cité Concise Guide to Macroeconomics, prévient :
Malheureusement, certains étudiants en macroéconomie ont tellement confiance en ce qu’ils ont appris qu’ils refusent de voir les exceptions, préférant croire que les relations économiques décrites dans leurs manuels sont des lois immuables. Ce genre d’arrogance (ou d’étroitesse d’esprit) devient un véritable danger pour la société quand elle contamine la prise de décision macroéconomique. Le dirigeant qui croit qu’il sait exactement comment l’économie réagira à un certain stimulus est de fait réellement dangereux14.
Malgré tout, ce passage sous-estime considérablement le problème car aujourd’hui plusieurs des énoncés des économistes non seulement sont incertains, ils sont simplement faux. La tentative de faire de la discipline économique une science quantitative avant la nécessaire collecte d’information a produit beaucoup trop de théories élégantes qui ne représentent pas le monde réel et qui conduisent à des prédictions erronées. Si au moins elles restaient enfermées dans leurs tours d’ivoire ; malheureusement, c’est loin d’être le cas. Bien trop souvent, des théories coupées des réalités de la vie économique servent à la prise de décision dans les entreprises et les administrations publiques, avec des résultats désastreux.

L’échec des marchés

La troisième cause de l’aveuglement des économistes est plus complexe que les précédentes parce qu’elle ne relève pas de leurs habitudes professionnelles, mais plutôt des hypothèses fondamentales à propos du monde réel sur lesquelles se base la discipline. La plus importante d’entre elles est probablement la foi dans l’infaillibilité du libre marché. La richesse des nations a propagé l’idée que les échanges effectués sur des marchés libres gèrent l’activité économique d’une façon plus efficiente que ne le font les traditions ou les règlementations gouvernementales. La popularité des arguments de Smith sur ce sujet fluctue au fil des années ; sans surprise, au cours des périodes de prospérité généralisée, la supposée sagesse des marchés est portée aux nues, alors que les périodes de dépression et d’appauvrissement produisent l’effet contraire.
L’économie néoclassique, c’est-à-dire l’orthodoxie économique en Occident depuis les années 1950, a adopté une version nuancée de la théorie de Smith. Ses tenants affirment que, mises à part certaines exceptions décrites dans des documents techniques, les gens prennent des décisions rationnelles pour maximiser leurs bénéfices et que la somme de toutes ces décisions maximise les bénéfices pour tous les participants. Le concept d’échec des marchés existe dans le vocabulaire néoclassique, et des études éclairantes ont été réalisées dans ce cadre pour expliquer comment les marchés peuvent échouer, comme c’est souvent le cas, à satisfaire des besoins humains essentiels. Pourtant, comme on l’a vu, les économistes néoclassiques se montrent régulièrement incapables de prévoir les cas les plus destructeurs d’échec des marchés, ces pics et ces creux spéculatifs qui secouent les assises de l’économie globale, quand il...

Table des matières

  1. Couverture
  2. Préface de Hervé Philippe
  3. Introduction - Un guide à l’intention des gens perplexes
  4. 1. L’échec de la science économique
  5. 2. Les trois économies
  6. 3. La métaphysique de l’argent
  7. 4. Le prix de l’énergie
  8. 5. Les outils appropriés
  9. 6. La route qui nous attend
  10. Épilogue - Small is Beautiful
  11. Bibliographie