TROISIĂME PARTIE
Le savoir gratuit
Pour la gratuitĂ© de lâuniversitĂ© publique : une perspective normative
Normand Baillargeon
AVANT MĂME DâĂTRE UNE AFFAIRE portant sur les Ă©ventuelles modalitĂ©s de sa rĂ©alisation, la question du financement des universitĂ©s est une question Ă la fois philosophique, politique et normative â ou plutĂŽt un ensemble de questions de cet ordre â dont les rĂ©ponses doivent aider Ă dĂ©terminer le type mĂȘme dâuniversitĂ© dont nous souhaitons collectivement nous doter au QuĂ©bec, ainsi que les idĂ©aux, Ă©ducationnels et de justice, que cette universitĂ© servira. Ce sont en grande partie les rĂ©ponses Ă ces questions qui permettront de dĂ©cider de la maniĂšre dont il convient de financer lâuniversitĂ© quĂ©bĂ©coise.
Or, il me semble que lâon discute aujourdâhui, et câest dĂ©plorable, beaucoup plus des modalitĂ©s de financement de lâuniversitĂ© quĂ©bĂ©coise, avec la triple prĂ©misse que ce financement doit ĂȘtre bonifiĂ©, que la contribution de lâĂtat ne peut ĂȘtre augmentĂ©e et que la gratuitĂ© est bien entendu impensable, que de ces incontournables et Ă bien des Ă©gards dĂ©cisives questions prĂ©alables.
Ce texte sâinscrit quant Ă lui rĂ©solument dans une perspective normative, pour dĂ©fendre lâidĂ©e que nous devrions promouvoir une universitĂ© publique et la mettre au service dâidĂ©aux Ă©ducationnels et de justice qui, conjointement, suggĂšrent de viser Ă ce quâune telle universitĂ© soit gratuite.
Il procĂšde en trois moments.
Pour commencer, aprĂšs avoir rappelĂ© quelques aspects de la mutation actuelle de lâuniversitĂ© quâil me semble particuliĂšrement important de garder en mĂ©moire pour dĂ©battre de la question de son financement, je rappelle et dĂ©fends cette idĂ©e dâuniversitĂ© publique que jâai mise de lâavant dans un ouvrage rĂ©cemment publiĂ©, une idĂ©e qui permet, Ă mon sens, de rĂ©sister Ă ce que je tiens pour de graves et dĂ©plorables dĂ©rives de lâuniversitĂ© actuelle. Pour le dire le plus succinctement possible, je suis convaincu que nous vivons un moment oĂč le contrat implicite qui lie notre sociĂ©tĂ© Ă ses universitĂ©s est en voie dâĂȘtre entiĂšrement rĂ©Ă©crit, mais unilatĂ©ralement et sans quâune des parties en ait pleinement conscience. Cette situation est la mĂȘme, mutatis mutandis, dans la plupart sinon toutes les sociĂ©tĂ©s industrielles avancĂ©es.
Je prĂ©cise ensuite, au nom dâidĂ©aux Ă©ducationnels et de justice sociale clairement Ă©noncĂ©s, pourquoi cette universitĂ© publique devrait, sinon immĂ©diatement, du moins idĂ©alement et Ă court terme, ĂȘtre gratuite et je rappelle quelques-uns des avantages quâil est raisonnable dâen attendre.
En conclusion, jâindique, Ă titre indicatif seulement, quel type de financement universitaire me semble prĂ©fĂ©rable.
I. Une université publique
Je soumets que lâuniversitĂ©, en Occident, est une institution qui, peu Ă peu, depuis ses origines mĂ©diĂ©vales, sâest dĂ©finie comme travaillĂ©e par deux principes.
Le premier est une exigence interne, celle de lâaccomplissement de « la vie de lâesprit de ces ĂȘtres humains qui [âŠ] sont portĂ©s vers la recherche et lâĂ©tude », comme le disait Wilhelm von Humboldt (1767-1835). Cette vie de lâesprit consiste principalement en la dĂ©couverte de nouvelles connaissances, en la transmission et en lâexamen critique de ce qui est prĂ©sumĂ© ĂȘtre connu et dans le souci dâappliquer de maniĂšre crĂ©ative, efficace et responsable, le savoir acquis. Une universitĂ© est ainsi profondĂ©ment dĂ©finie et structurĂ©e par cette ambition de recherche et dâĂ©tude ainsi que par les valeurs quâelle implique (recherche de la vĂ©ritĂ© pour elle-mĂȘme, pensĂ©e critique, respect pour les faits, caractĂšre public des informations et des Ă©changes, etc.) et, en fin de compte, elle nâa de sens et de raison dâĂȘtre que par elles, tout cela prĂ©supposant pour exister un grand degrĂ© de libertĂ© et dâautonomie de lâinstitution.
Le deuxiĂšme principe en est un dâadaptation au monde extĂ©rieur avec lequel les valeurs et les visĂ©es de lâinstitution entrent parfois en conflit, ce phĂ©nomĂšne Ă©tant exacerbĂ© par le fait que lâuniversitĂ© est toujours plus ou moins largement financĂ©e et dĂ©finie par ce monde extĂ©rieur (lâĂtat, des citoyen-e-s, des entreprises â ce fut autrefois aussi lâĂglise), et que ces instances ont toutes Ă son endroit diverses exigences dont certaines sont incompatibles avec « la recherche et lâĂ©tude » et risquent mĂȘme de compromettre sa libertĂ© et son autonomie. LâuniversitĂ©, parce quâelle est une institution parasitaire sous cet aspect, est et nâa cessĂ© dâĂȘtre une institution au statut potentiellement problĂ©matique.
Lâhistoire de lâuniversitĂ© pourra donc commodĂ©ment ĂȘtre envisagĂ©e comme celle dâun conflit pĂ©renne entre ces deux principes, conflit qui ne peut ĂȘtre rĂ©solu quâen procĂ©dant Ă de constants rĂ©ajustements. Elle reprĂ©sente le pari, parfois gagnĂ©, parfois perdu, de maintenir un lieu de rĂ©flexion, de recherche et dâĂ©ducation qui, tout en Ă©tant tributaire des rĂ©gimes politiques et de divers pouvoirs, soit aussi indĂ©pendant et suffisamment Ă lâabri des exigences du monde environnant ainsi que de la pression de lâopinion pour que ceux qui le frĂ©quentent puissent se consacrer Ă la vie de lâesprit.
Depuis une trentaine dâannĂ©es environ, nous traversons un moment particuliĂšrement aigu de redĂ©finition de lâuniversitĂ©, un moment dans lequel le principe externe exerce une telle pression sur le principe interne que lâuniversitĂ© est, aux yeux, jâoserais le dire, de la plupart des observateurs, en train de subir une profonde mutation qui la fait passer du statut dâinstitution, dans laquelle domine le premier principe, Ă celui dâorganisation, oĂč domine le deuxiĂšme. Ce nâest pas ici le lieu dâen chercher les raisons, nombreuses et complexes. Mais le fait est que si la formation universitaire Ă©tait avant la DeuxiĂšme Guerre mondiale rĂ©servĂ©e Ă une minoritĂ© de gens, aprĂšs elle, sous lâimpact notamment de la nĂ©cessitĂ© de reconstruire des sociĂ©tĂ©s dĂ©truites par la guerre, de lâavĂšnement dâun monde hautement technologiste, de la guerre froide, dâune Ă©conomie de consommation de masse, de la croissance Ă©conomique, cet accĂšs sâest dĂ©mocratisĂ© et nous sommes entrĂ©s dans lâĂšre de lâĂ©ducation supĂ©rieure de masse, oĂč plus de gens frĂ©quentent lâuniversitĂ© et oĂč celle-ci diversifie son offre dâĂ©ducation en sâappropriant des formations professionnelles, qui jusque-lĂ se faisaient ailleurs, et rĂ©pond Ă des demandes externes qui se font de plus en plus pressantes. Jâai pour ma part ajoutĂ© Ă tous ces facteurs ce que jâai appelĂ© lâennemi intĂ©rieur, par quoi je rĂ©fĂšre Ă un consentement de la part de certains de ses acteurs Ă des transformations de lâuniversitĂ© qui signent son renoncement Ă son exigence interne.
ClientĂ©lisme, orientation utilitariste de la recherche, dĂ©termination par lâentreprise de ses objets et appropriation privĂ©e de ses rĂ©sultats, minoration de lâimportance de lâenseignement (notamment au premier cycle), adoption dâun modĂšle entrepreneurial de carriĂšre par les professeur-e-s et gestionnaire par ses administrateurs, minoration radicale de la recherche libre, rupture (variable selon les domaines concernĂ©s) avec des ambitions de transmission dâune tradition disciplinaire, recul de lâadoption dâune perspective normative sur les enjeux de sociĂ©tĂ© au profit dâune perspective dâadaptation fonctionnelle au prĂ©sent donnĂ© comme incontournable, mise en place et dĂ©ploiement du concept de capital humain et redĂ©finition de lâĂ©ducation comme bien positionnel : ce ne sont lĂ que quelques-uns des aspects les plus visibles de cette mutation, inachevĂ©e, aux effets encore imprĂ©visibles, mais sur lesquels nous sommes dĂ©sormais nombreux Ă attirer lâattention, tout en en soulignant la gravitĂ©.
Il reste que, sur les trois plans de la mission universitaire que sont lâenseignement, la recherche et les services aux collectivitĂ©s, les effets de cette mutation sont considĂ©rables et jâen propose un bilan dans mon ouvrage dĂ©jĂ mentionnĂ©, que je me permets de citer en rĂ©fĂ©rence.
SimultanĂ©ment, Ă propos de cette nouvelle incarnation de lâuniversitĂ©, sâest posĂ© le problĂšme de son financement : comment financer adĂ©quatement lâĂ©ducation supĂ©rieure de masse ? Ce problĂšme est rendu particuliĂšrement aigu par le fait que ce secteur dâactivitĂ© est trĂšs coĂ»teux en main-dâĆuvre, quâil exige en ce moment de nouveaux investissements en infrastructure et que cette mĂȘme pĂ©riode historique est celle dâun retrait de lâĂtat de certaines de ses fonctions Ă vocation sociale et de lâĂ©mergence dâune volontĂ© marquĂ©e de procĂ©der Ă leur privatisation.
Jâai proposĂ© et maintiens encore que le moyen le plus sĂ»r de rĂ©sister Ă cette dangereuse dĂ©rive passe par la rĂ©affirmation du caractĂšre public de lâuniversitĂ©, qui demande de la concevoir comme une institution, comme une institution consacrĂ©e au bien commun avec tout ce que cela implique aussi bien sur les plans du financement que de ce qui sây produit et de son accessibilitĂ©.
Mais ces mots (institution publique, bien commun) restent sans substance si on ne prĂ©cise pas ce quâils signifient concrĂštement, dans telle ou telle sphĂšre de lâactivitĂ© humaine. Sâagissant de lâuniversitĂ©, cette institution dâĂ©ducation ayant ses exigences internes propres, que signifie plus prĂ©cisĂ©ment ĂȘtre une institution publique ?
Jâai avancĂ©, pour le dire le plus succinctement possible, quâune universitĂ© est publique pourvu que les trois conditions suivantes soient satisfaites, conditions que lâon modulera comme il se doit selon les diffĂ©rents secteurs et dĂ©partements de lâuniversitĂ© concernĂ©s (mĂ©decine, humanitĂ©s, arts, Ă©ducation, ingĂ©nierie, etc.), oĂč, Ă nâen pas douter, elles sâappliqueront chaque fois quelque peu diffĂ©remment â mais je ne peux entrer ici dans ces (importantes) considĂ©rations. Ces trois conditions sont : la multiplicitĂ© des relations ; la compossibilitĂ© ; la libertĂ© acadĂ©mique.
Par dĂ©finition, lâuniversitĂ© entretient des relations avec un nombre potentiellement trĂšs large de regroupements au sein de la sociĂ©tĂ©. La multiplication de la quantitĂ© et de la qualitĂ© de ces liens librement consentis est un indice du caractĂšre public dâune universitĂ©. Elle tĂ©moigne que lâuniversitĂ© et ses riches ressources ne sont pas monopolisĂ©es par un groupe et par ses intĂ©rĂȘts particuliers. Je soutiens donc quâune universitĂ© publique doit encourager dans son enseignement et sa recherche la multiplication de ces relations. Cette proposition appelle nĂ©cessairement un profond Ă©largissement de la conception de lâenseignement et de la recherche universitaires. On pourra mesurer nos progrĂšs sur ce plan en rĂ©pondant simplement Ă la question que le droit romain recommandait de poser : « Cui bono ? », câest-Ă -dire « Qui en profite ? » Si les rĂ©ponses sont variĂ©es, des progrĂšs sont accomplis. Si lâon donne le plus souvent comme rĂ©ponse : « les banques, les bureaux dâavocats, les entreprises, les classes dominantes, les firmes comptables, les professeur-e-s dâuniversitĂ© », des progrĂšs ne sont pas accomplis ou, pire, des rĂ©gressions sont en cours.
Mon deuxiĂšme critĂšre est celui de la compossibilitĂ©. Jâemprunte ce terme Ă Bertrand Russell (1872-1970), qui lâempruntait lui-mĂȘme Ă G. W. Leibniz (1646-1716), pour dĂ©signer des biens ayant un nombre potentiellement infini de propriĂ©taires et qui sont tels que celui ou celle qui les transmet ne cesse pas de les possĂ©der. Un vĂȘtement nâest pas un bien compossible car il ne peut, simultanĂ©ment du moins, avoir quâun propriĂ©taire â et in fine quâun nombre trĂšs limitĂ© de propriĂ©taires, lesquels ne peuvent pas le porter simultanĂ©ment. En revanche, la comprĂ©hension du thĂ©orĂšme de Pythagore est un bien compossible, car une infinitĂ© de gens peuvent en jouir pleinement et ne sâen dĂ©partissent pas en le transmettant Ă autrui. On aura compris que lâuniversitĂ© devrait ĂȘtre un lieu vouĂ© Ă la maximisation des biens compossibles, plus encore en ces heures oĂč le marchĂ© se prĂ©tend la seule mesure de la valeur des biens, lui qui, par dĂ©finition, minore la valeur des biens publics et ne sait guĂšre prendre en compte les externalitĂ©s positives dâun bien comme lâĂ©ducation universitaire et ses nombreuses retombĂ©es sur la qualitĂ© de vie dâune collectivitĂ©. Lâennemi de cet idĂ©al est notamment lâexclusivitĂ© dans la possession dâun bien, dont lâappropriation privĂ©e des rĂ©sultats de la recherche constitue lâarchĂ©type.
Mon dernier critĂšre est la libertĂ© acadĂ©mique. Elle implique par dĂ©finition la possibilitĂ© de choisir ses objets et ses mĂ©thodes de recherche. Or, on lâa vu plus haut, certaines des plus pressantes menaces qui pĂšsent sur elle dĂ©coulent de sa soumission Ă des intĂ©rĂȘts et Ă des injonctions, laquelle soumission constitue un vĂ©ritable dĂ©ni de ce quâest lâuniversitĂ©. La libertĂ© universitaire doit donc, aujourdâhui comme hier, ĂȘtre rĂ©affirmĂ©e et dĂ©fendue. Elle demande aujourdâhui, entre autres choses, la valorisation de la recherche libre et non subventionnĂ©e.
Je suggĂšre quâune telle universitĂ© publique, si tant est quâon partage certains idĂ©aux Ă©ducationnels et de justice sociale dont je pense quâils font largement consensus, gagnerait pour de nombreuses raisons Ă ĂȘtre gratuite.
Câest ce que je veux Ă prĂ©sent soutenir.
II. Idéaux éducationnels et de justice sociale :
pour la gratuitĂ© de lâuniversitĂ© publique
Comment financer une telle universitĂ© ? Ă qui revient-il dâassumer le coĂ»t de son fonctionnement ? Les rĂ©ponses Ă ces questions font invariablement intervenir, en sus dâune conception de lâuniversitĂ©, de ses fonctions et de son inscription dans la collectivitĂ©, une conception de la justice sociale et Ă©conomique.
On lâaura compris : la vision de lâuniversitĂ© publique que je mets de lâavant est absolument incompatible avec certaines conceptions de la justice, par exemple avec une conception libertarienne qui en prĂŽnerait la privatisation la plus complĂšte possible et une variante ou une autre dâun principe dâutilisateur-payeur sur un libre-marchĂ© concurrentiel de la formation universitaire.
Elle est cependant compatible avec plusieurs conceptions de la justice et de lâaccomplissement des fonctions de lâuniversitĂ©. Parmi elles, diverses modalitĂ©s de financement public, couplĂ©es ou non avec une aide financiĂšre de subsistance aux Ă©tudiant-e-s. Elle est bien entendu Ă©galement compatible avec la gratuitĂ© scolaire. Câest celle-ci que je veux Ă prĂ©sent dĂ©fendre en invoquant pour cela des arguments qui invitent Ă conclure quâelle est sinon toujours le meilleur du moins un moyen privilĂ©giĂ© de rĂ©aliser un principe de justice sociale et de prĂ©server le modĂšle dâuniversitĂ© publique.
Plus prĂ©cisĂ©ment, jâinvoque cinq arguments en faveur de cette conclusion, qui nâest pas, je le souligne, que seule la gratuitĂ© sert et nourrit le caractĂšre public de lâuniversitĂ©, mais bien quâelle est un moyen particuliĂšrement privilĂ©giĂ© pour ce faire. Ces arguments sont solidaires en ce sens quâils se renvoient les uns aux autres en se consolidant.
Mon premier argument est liĂ© Ă cette idĂ©e de multiplicitĂ© des relations quâune universitĂ© publique devrait entretenir avec les groupes qui composent la collectivitĂ© qui lâabrite. La gratuitĂ© scolaire devrait, pour cette raison, non seulement ĂȘtre promue, mais surtout ĂȘtre pensĂ©e et mise en application dans le cadre dâune politique publique se proposant de favoriser lâaccession Ă lâuniversitĂ© des personnes appartenant Ă des groupes qui y sont sous-reprĂ©sentĂ©s. Ce rĂ©Ă©quilibrage de la reprĂ©sentation, qui pourra sâaccompagner de bourses, de programmes de discrimination positive, dâaide Ă la rĂ©ussite, de reconnaissance des acquis, de modalitĂ©s dâaccompagnement et ainsi de suite au sein de lâuniversitĂ© serait, de lui-mĂȘme, sâil atteint ses objectifs, un facteur dâaccroissement des groupes avec lesquels lâuniversitĂ© entretient des liens et de la multiplicitĂ© comme de la richesse de ces liens.
La politique publique que je viens dâĂ©voquer conduit Ă un deuxiĂšme argument en faveur de la gratuitĂ© de lâuniversitĂ© : elle permet, en thĂ©orie au moins â lâĂ©preuve des faits en dĂ©cidera â, de mieux viser un idĂ©al de justice sociale. Trois idĂ©es peuvent ĂȘtre invoquĂ©es ici.
Celle dâĂ©galitĂ© des chances, pour commencer, que sert, avec dâautres mesures comme celles Ă©voquĂ©es plus haut, la mise en place de la gratuitĂ© scolaire. Ce principe de justice fait largement consensus en Ă©ducation. Or, il est bien connu quâĂ talent Ă©gal, des obstacles de toute nature se dressent devant les personnes appartenant Ă des groupes qui sont sous-reprĂ©sentĂ©s Ă lâuniversitĂ©, obstacles que ne rencontrent pas les personnes appartenant Ă des groupes qui frĂ©quentent dĂ©jĂ lâuniversitĂ© ou qui sont moins importants pour elles. Le principe dâĂ©galitĂ© des chances est donc mieux servi par la gratuitĂ© scolaire, pensĂ©e dans le contexte que jâai proposĂ©.
Un deuxiĂšme principe de justice largement admis peut aussi ĂȘtre invoquĂ© ici : le principe de diffĂ©rence de John Rawls, ou si lâon prĂ©fĂšre ce « critĂšre du maximin » selon lequel les inĂ©galitĂ©s justes sont celles qui bĂ©nĂ©ficient maximalement Ă ceux et celles qui possĂšdent le moins, ce critĂšre Ă©tant cette fois appliquĂ© Ă la frĂ©quentation de lâuniversitĂ©.
Un dernier principe de justice pourra enfin ĂȘtre invoquĂ© ici, celui proposĂ© par Amartya Sen, qui avance que la justice demande que lâon accorde Ă chacun la possibilitĂ© rĂ©elle de dĂ©velopper se...