L'Ă©cosophie ou la sagesse de la nature
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L'Ă©cosophie ou la sagesse de la nature

suivi de La belle vie

Serge Mongeau

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L'Ă©cosophie ou la sagesse de la nature

suivi de La belle vie

Serge Mongeau

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À propos de ce livre

Un des plus importants prĂ©curseurs del'Ă©cologie politique au QuĂ©bec nous offre deux rĂ©flexions intimistes sur notrerapport Ă  la nature et sur ce que signifie ĂȘtre heureux. RĂ©unis en un seulvolume, ces deux bijoux d'Ă©criture sont d'une grande sagesse pour nousaccompagner dans le dĂ©fi Ă©cologique actuel.

Dans L'Ă©cosophie ou la sagesse de la nature, Serge Mongeau nous invite Ă  une profonde rĂ©flexion sur uneĂ©thique Ă©cologique Ă  partir de ses propres expĂ©riences. Au lieu de voir lanature comme extĂ©rieure Ă  nous, comme un rĂ©servoir de ressources, il fautl'envisager comme un processus de vie dans lequel nous avons un rĂŽle Ă  jouer.C'est donc un autre mode de relation qu'il faut dĂ©velopper et ce sont les moyensd'y arriver qu'explore ce texte dans lequel l'auteur prĂ©conise un respect sansidolĂątrie de la nature et propose un certain nombre de balises pour ques'Ă©tablisse une vĂ©ritable symbiose entre la Terre vivante et les ĂȘtres humains.

Dans La belle vie, Serge Mongeau s'interroge: tout le monde souhaitefaire «la belle vie», ĂȘtre heureux et cherche le bonheur. Mais... prend-onles bons moyens pour y arriver? La sociĂ©tĂ© de consommation offre demultiples biens Ă  acquĂ©rir, une foule de services et une grande variĂ©tĂ© demoyens d'Ă©vasion. Cependant, bien des gens dĂ©couvrent aujourd'hui qu'on ne peuttout attendre de la consommation, que la voie de la simplicitĂ© volontaire leurouvre des portes vers un plus grand Ă©panouissement, mais aussi qu'il ne suffitpas de simplifier sa vie pour ĂȘtre heureux. Serge Mongeau nous invite Ă chercher avec lui diverses voies pour trouver le bonheur: vivre le momentprĂ©sent, aimer, prendre le temps de vivre, jouer, se rapprocher de la nature, donner un sens Ă  sa vie et la simplifier, cultiver sa vie intĂ©rieure ets'investir dans des actions collectives pour changer ce qui n'est plusacceptable.

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Informations

Année
2017
ISBN
9782897193188
L’ÉCOSOPHIE OU LA SAGESSE
DE LA NATURE
CHAPITRE PREMIER

Ma relation avec la nature

JE SUIS UN HOMME MODERNE. Je vis dans une civilisation de plus en plus urbanisĂ©e oĂč je peux rĂ©pondre Ă  tous mes besoins physiques en me rendant dans l’un ou l’autre des innombrables Ă©tablissements de commerce ou de service Ă  ma disposition. J’aurais fort bien pu passer toute ma vie Ă  me vĂȘtir sans jamais voir un animal qui fournit le cuir ou la laine dont sont fabriquĂ©s les vĂȘtements; Ă  me nourrir sans toucher une motte de terre; Ă  m’émerveiller devant les belles peintures de paysages sans avoir d’autres contacts avec la campagne que par les films ou les photos. Je serais un citadin normal. Normal? Oui, au sens de «dans la moyenne», «dans la norme», «comme les autres». Mais est-ce bien de cette façon qu’un ĂȘtre humain peut le mieux vivre? Est-ce ainsi qu’il peut s’épanouir pleinement?
Je suis un homme moderne, mais j’ai eu la chance de pouvoir, tout au long de ma vie, nouer des liens avec la nature. Cela n’a pas Ă©tĂ© le fruit d’une dĂ©cision rationnelle: mes contacts avec la nature rĂ©pondaient Ă  un besoin profond, instinctif et jamais assouvi. Est-ce Ă  la suite de cette frĂ©quentation assidue que je pense comme je pense aujourd’hui? Ou est-ce parce que j’avais dĂ©jĂ  cette conscience que j’éprouvais ce besoin? Je ne saurais dire.
Alors qu’aujourd’hui nous sommes forcĂ©s de revoir nos relations avec l’environnement — cette nature qui nous fournit notre air, notre eau, nos aliments, nos vĂȘtements et nos abris —, je cherche comme tant d’autres Ă  comprendre ce qui nous a menĂ©s lĂ  oĂč nous nous trouvons, au milieu de cette crise «environnementale» sans pareille. Et je me demande si une bonne part de la rĂ©ponse ne se trouve pas dans le fait que dans nos sociĂ©tĂ©s industrialisĂ©es, la plupart des gens n’ont plus de contacts avec la nature et s’en trouvent dĂ©naturĂ©s. SĂ©parĂ©s de la nature, ils deviendraient des sortes de tumeurs ou de corps Ă©trangers d’une Terre rĂ©gie par des lois naturelles. Mais n’allons pas trop vite et commençons par essayer de comprendre ce qui nous lie Ă  la nature. Et tout d’abord, ma relation avec la nature.
J’ai vĂ©cu ma tendre enfance dans le nord de la ville de MontrĂ©al, Ă  jouer sur l’asphalte et le bĂ©ton. La cour de la maison oĂč j’habitais, au rez-de-chaussĂ©e, Ă©tait envahie de mauvaises herbes et nous ne l’utilisions pas; le sol Ă©tait constituĂ© de mĂąchefer et d’autres matĂ©riaux de remplissage. À quelques rues plus au nord, il y avait le CollĂšge AndrĂ©-Grasset et tout Ă  cĂŽtĂ©, un bois marĂ©cageux d’arbustes divers. J’y allais rarement, surtout au printemps pour couper des «minous», bourgeons de saule dont ma mĂšre faisait des bouquets. À partir d’un certain Ă©tĂ© — je devais avoir sept ou huit ans —, mon pĂšre loua un chalet Ă  Repentigny-les-Bains, sur le bord de la riviĂšre L’Assomption. C’était tout prĂšs de MontrĂ©al et c’était au bout du monde: chemin de terre, espace, riviĂšre oĂč nous nous baignions tous les jours et forĂȘt qui commençait Ă  dix mĂštres de la maison. Je devins «coureur des bois». Je connaissais tous les sentiers, je me faisais des passages secrets qui me permettaient d’aller plus vite et de voir sans ĂȘtre vu. En fait, ma forĂȘt n’était, comme je le dĂ©couvrirais bien des annĂ©es plus tard, qu’une assez Ă©troite bande de terre boisĂ©e entre deux champs cultivĂ©s. Je n’y Ă©tais jamais trĂšs loin, mais tout de mĂȘme assez pour me sentir en dehors de la civilisation.
Je lisais beaucoup, en particulier les livres de la collection Signes de piste qui racontaient des histoires de scouts, la plupart du temps perdus dans la forĂȘt. Je revivais leurs aventures pendant l’étĂ©.
J’avais dix ans quand nous sommes dĂ©mĂ©nagĂ©s Ă  CitĂ© Jardin, un dĂ©veloppement domiciliaire pas trĂšs loin du Jardin botanique. Nous avons alors cessĂ© d’aller passer nos Ă©tĂ©s Ă  Repentigny, mais dorĂ©navant, j’allais avoir accĂšs Ă  la nature Ă  l’annĂ©e. À quelques centaines de mĂštres de chez nous se trouvaient de grands terrains vacants parsemĂ©s de petits boisĂ©s. Je m’y suis rapidement retrouvĂ©, avec des copains ou trĂšs souvent seul, parce que les amis consacraient plus de temps Ă  leurs devoirs scolaires que moi. Je me construisais des abris, faisais des feux; je continuais Ă  revivre mes romans. Mes lectures s’étaient enrichies de livres techniques sur la nature: survie en forĂȘt, astronomie, identification des arbres et des plantes. Un jour, j’ai vu apparaĂźtre des piquets d’arpentage dans «mon» domaine; j’appris qu’on voulait y faire un golf. Avec les copains, nous avons entrepris une campagne de sabotage pour empĂȘcher que le projet ne se rĂ©alise: «ils» n’avaient pas le droit de nous enlever notre coin de nature! Le soir, nous enlevions systĂ©matiquement les piquets d’arpentage; ils rĂ©apparaissaient quelques jours plus tard et nous les ĂŽtions Ă  nouveau. Mais les travaux se sont quand mĂȘme poursuivis et nous avons perdu notre domaine. L’hiver, nous le rĂ©cupĂ©rions; mais l’étĂ©, il fallait maintenant aller plus loin pour trouver la vraie nature: au bois des PĂšres, Ă  l’est de la maison des Franciscains et de la rue Lacordaire.
Le bois des PĂšres contenait de nombreuses mares et marĂ©cages. Pendant toute mon adolescence, j’y suis allĂ© seul. Les Ă©tangs m’ont toujours attirĂ©; au premier abord, c’est de l’eau «morte», fangeuse et odorante. J’aime ces odeurs et, dĂšs qu’on s’arrĂȘte un peu et qu’on observe, on se rend compte que tout cela grouille de vie: dans l’eau et tout autour. Libellules, oiseaux divers, araignĂ©es d’eau et autres patineurs, grenouilles et tĂȘtards, Ă©crevisses et parfois rats musquĂ©s s’ébattent autour et dans l’eau. Je m’étais confectionnĂ© une cache en joncs prĂšs d’un des Ă©tangs et souvent, j’y venais pour quelques heures. À l’abri des regards indiscrets, je me dĂ©shabillais et me laissais chauffer au soleil, Ă©coutant, observant, nageant. J’adorais me baigner ainsi, entiĂšrement nu dans cette eau chaude. Je l’ai fait souvent, lĂ  et ailleurs, dans des eaux douteuses que les autres Ă©vitaient; jamais je n’ai Ă©tĂ© malade.
C’est Ă  la mĂȘme Ă©poque que j’ai eu mes premiers contacts avec le jardinage. Mon pĂšre amĂ©nageait les abords de notre maison et dĂ©couvrait les joies de la culture des fleurs et des lĂ©gumes; mais il travaillait seul et ne nous intĂ©grait pas Ă  ses travaux. C’est au Jardin botanique que j’ai dĂ©couvert le programme de jardins d’écoliers auquel je me suis inscrit. Les jeunes pouvaient y cultiver, sous la direction d’un jardinier expĂ©rimentĂ©, un petit potager. Je me souviens encore comme si c’était hier de la touffeur de la serre dans laquelle on avait semĂ© les plants de tomates destinĂ©s Ă  nos potagers; nous y avons appris comment les transplanter. Depuis, chaque fois que j’entre dans une serre, je me retrouve Ă  cette Ă©poque.
Je frĂ©quentais beaucoup le Jardin botanique; chaque samedi, on y projetait des films scientifiques pour les jeunes; c’était avant la tĂ©lĂ©vision
 J’assistais rĂ©guliĂšrement Ă  ces projections. Une partie de mes Ă©conomies passait Ă  m’acheter des livres au centre de documentation du Jardin botanique. Quelques annĂ©es plus tard, pendant une de mes crises de dĂ©tachement, j’allais faire don de toute cette bibliothĂšque.
Le CollĂšge Sainte-Croix, oĂč j’ai fait mon cours classique, m’a mis en contact avec ce fameux scoutisme sur lequel j’avais tant lu. Ma dĂ©termination est venue Ă  bout de l’opposition de mes parents Ă  mon inscription au mouvement. Je ne sais trop pourquoi ils Ă©taient contre. Je m’y suis plongĂ© sans retenue — ce qui m’a valu maintes «retenues» parce que j’en nĂ©gligeais mes Ă©tudes. J’y ai appris Ă  mieux connaĂźtre la nature et Ă  voir la forĂȘt comme une alliĂ©e oĂč, avec un peu d’ingĂ©niositĂ© et quelques connaissances, on peut toujours rĂ©ussir Ă  rĂ©pondre Ă  ses besoins fondamentaux; les Indiens le font bien depuis des centaines d’annĂ©es. Sans doute avais-je des aptitudes, car de l’élĂšve, je suis bientĂŽt devenu l’un de ceux qui initiaient les autres aux secrets de la nature et de la survie en forĂȘt. Le scoutisme m’a aussi ouvert Ă  la notion de service, Ă  la solidaritĂ©.
Une fois mon cours classique terminĂ©, j’ai d’abord optĂ© pour la prĂȘtrise; mais avant mĂȘme de mettre les pieds au sĂ©minaire, j’avais abandonnĂ© mon projet. Ne sachant trop quelles Ă©tudes choisir — il ne pouvait ĂȘtre question de commencer Ă  travailler aprĂšs un cours classique —, j’ai consultĂ© un orienteur professionnel qui, Ă  ma grande surprise, m’a conseillĂ© les Ă©tudes mĂ©dicales. Pourquoi n’ai-je pas pensĂ© alors Ă  la biologie, Ă  l’agronomie ou Ă  une autre des sciences de la nature? L’orienteur me disait que j’avais deux traits dominants: le social et le scientifique, et il croyait que les professions qui me permettraient la jonction des deux seraient la mĂ©decine et l’enseignement. La deuxiĂšme me disant moins que rien, j’ai optĂ© pour la mĂ©decine.
Alors que j’aurais dĂ» ĂȘtre emballĂ© par les diverses matiĂšres qui Ă©taient enseignĂ©es au dĂ©but du cours de mĂ©decine — l’anatomie, l’histologie et surtout la physiologie, qui explique le fonctionnement du corps —, je n’y ai pas trouvĂ© grand intĂ©rĂȘt. Était-ce Ă  cause de la maniĂšre dont c’était enseignĂ© ou de l’atmosphĂšre de bachotage qui rĂ©gnait Ă  la FacultĂ©? Sans doute les deux. Nous Ă©tions constamment en examen et il fallait Ă©tudier pour rĂ©ussir ces examens et non pour apprendre. Ce n’est que plusieurs annĂ©es plus tard que j’ai trouvĂ© Ă  m’émerveiller du fonctionnement de l’organisme humain, de tout organisme vivant en fait. Et une fois les sciences de base terminĂ©es, ce fut encore pire: nous n’entendĂźmes plus jamais parler de nature, mais uniquement d’interventions artificielles: pharmacologie, chirurgie, radiologie, diĂ©tĂ©tique mĂ©dicale
 Le tout se termina par l’internat qui se faisait entiĂšrement Ă  l’hĂŽpital, ce milieu coupĂ© de la sociĂ©tĂ©, de la vie et de la nature.
Ma pratique en tant qu’omnipraticien ne fut pas meilleure que ma formation. Le milieu trĂšs dĂ©favorisĂ© oĂč je m’installai m’obligea cependant Ă  utiliser fort parcimonieusement les examens de laboratoire, les radiographies et mĂȘme les mĂ©dicaments: les gens n’avaient pas d’argent pour payer ces choses. MĂȘme la maniĂšre d’assister les femmes dans leurs accouchements s’en trouvait complĂštement transformĂ©e: l’hĂŽpital Ă©tait trop cher (c’était avant l’assurance-hospitalisation), alors les accouchements se faisaient Ă  domicile. Les femmes qui avaient une assurance ou un peu d’argent accouchaient dans de petits hĂŽpitaux privĂ©s, ce qui ne diffĂ©rait pas tellement du domicile, sauf pour le post-partum pendant lequel elles avaient droit Ă  des soins infirmiers.
Les accouchements demeurent le plus beau souvenir de ma pratique: ces heures parfois longues dans l’intimitĂ© du foyer, cette collaboration intime qui se dĂ©veloppait immanquablement et surtout, ce miracle de la nature qui se reproduisait constamment. Bien sĂ»r j’ai eu peur quelquefois, mais si peu souvent. Et jamais la nature ne nous a fait faux bond. Un seul accouchement auquel j’ai participĂ© s’est terminĂ© tragiquement, par le dĂ©cĂšs du bĂ©bĂ©, et c’est l’unique accouchement qui avait eu lieu dans un hĂŽpital rĂ©gulier; le triste dĂ©nouement Ă©tait imputable Ă  un radiologiste qui avait mal fait son travail.
C’est Ă  Saint-Hubert, sur la rive Sud de MontrĂ©al, que j’ai pratiquĂ© en tant que mĂ©decin. Mon bureau Ă©tait installĂ© dans ma maison. DĂšs que j’ai emmĂ©nagĂ© Ă  cet endroit, je me suis fait un potager que j’ai ensuite agrandi d’annĂ©e en annĂ©e. Je me suis lancĂ© intuitivement dans la culture biologique. Pour moi, cela allait de soi: pourquoi employer des engrais artificiels, des herbicides ou des pesticides quand on peut se dĂ©brouiller avec ce que la nature nous offre? Dans la nature, il n’y a pas tous ces produits artificiels et pourtant, il y a abondance de plantes diverses. J’ai expĂ©rimentĂ© et j’ai commencĂ© Ă  lire et Ă  apprendre, en particulier en m’abonnant Ă  la revue amĂ©ricaine Organic Gardening and Farming. Les rĂ©sultats ne se sont pas fait attendre: des fruits et des lĂ©gumes frais, dĂ©licieux, Ă  portĂ©e de la main et Ă  coĂ»t minime. Je n’étais pas conscient Ă  ce moment des avantages qu’un tel mode de culture pouvait comporter sur le plan de la valeur alimentaire. Depuis, j’ai beaucoup lu sur le sujet et je sais maintenant que non seulement les aliments biologiques ne contiennent pas de rĂ©sidus toxiques des produits chimiques de l’agriculture industrielle, mais en plus, ils apportent une plus grande variĂ©tĂ© et une plus grande quantitĂ© de micronutriments — vitamines et minĂ©raux. Depuis mon premier potager, je n’ai jamais cessĂ© de jardiner.
Ma pratique mĂ©dicale a Ă©tĂ© de courte durĂ©e: deux annĂ©es. TrĂšs vite, j’ai dĂ©couvert qu’avec ce que j’avais appris, je ne pouvais pas aider les gens comme j’aurais voulu, en profondeur, en allant aux sources de leurs problĂšmes. Comme la plupart de ces problĂšmes me paraissaient socioĂ©conomiques, j’ai dĂ©cidĂ© de retourner Ă©tudier pour tenter d’acquĂ©rir les connaissances qui me permettraient d’agir efficacement, en aidant les gens Ă  s’organiser pour se prendre en charge et s’occuper eux-mĂȘmes de leur sort. Je me suis inscrit Ă  un nouveau cours d’organisation communautaire qui dĂ©butait Ă  l’École de Service social de l’UniversitĂ© de MontrĂ©al. Par la suite, j’ai travaillĂ© en planning familial.
DĂ©jĂ , Ă  l’époque, la question de l’«explosion dĂ©mographique» Ă©tait Ă  l’ordre du jour. Le Centre de planning familial du QuĂ©bec, que je dirigeais, n’a pas tardĂ© Ă  s’impliquer sur le plan international. J’ai donc Ă©tĂ© appelĂ© Ă  participer Ă  divers stages et confĂ©rences hors du QuĂ©bec. J’ai eu l’occasion de voir du pays, comme on dit, et de dĂ©couvrir d’autres climats, d’autres peuples et d’autres paysages. J’ai pris conscience que la nature n’était pas que mon arriĂšre-cour: elle peut prendre des visages infinis, toujours plus beaux les uns que les autres. Parce que j’y suis restĂ© plus d’un an, j’ai pu apprĂ©cier tout particuliĂšrement le Chili. Pendant quelques mois, j’ai eu la chance d’habiter sur la cĂŽte, dans une maison qui surplombait le Pacifique. Je me remettais alors d’une hĂ©patite et ma convalescence me forçait Ă  l’inactivitĂ©; que d’heures j’ai passĂ©es Ă  regarder dĂ©ferler les vagues dans la baie du village et combien je me suis extasiĂ© devant le coucher du soleil sur l’ocĂ©an, Ă©vĂ©nement qui, jour aprĂšs jour, nous attire irrĂ©sistiblement sans jamais nous lasser.
J’étais au Chili pour Ă©tudier et pour Ă©crire. J’avais entrepris un travail sur les liens entre capitalisme, impĂ©rialisme et contrĂŽle de la population. Plus j’avançais dans ma recherche, plus je devenais convaincu que ce n’est pas la croissance de la population (le nombre d’ĂȘtres humains sur la Terre) qui menace notre environnement, mais plutĂŽt le style de vie de cette population. Bien sĂ»r qu’il y a des limites au nombre d’ĂȘtres humains que peut hĂ©berger et nourrir la planĂšte. Mais ce nombre est loin d’ĂȘtre atteint si les humains savent trouver la sagesse de s’extirper de la course Ă  la consommation dĂ©jĂ  bien entreprise; par contre, ce nombre est dĂ©jĂ  trop Ă©levĂ© si nous continuons, dans les pays industrialisĂ©s, Ă  augmenter notre consommation et Ă  entraĂźner dans notre sillage le reste du monde qui n’aspire Ă  rien de moins que l’American way of life. S’évertuer Ă  stopper les naissances sans modifier nos orientations globales risque de nous conduire Ă  une aggravation de la situation actuelle: moins d’enfants signifie aujourd’hui moins de coĂ»ts pour les besoins essentiels comme l’alimentation, mais l’économie ainsi rĂ©alisĂ©e est affectĂ©e Ă  une autre consommation plus coĂ»teuse en ressources et potentiellement plus polluante.
De retour au pays, je me suis impliquĂ© dans le Centre local de services communautaires (CLSC) de mon coin. J’en suis bientĂŽt devenu le directeur gĂ©nĂ©ral. On parlait beaucoup plus de santĂ© que de maladie dans les CLSC de l’époque et c’est ce qui m’y avait attirĂ©. StimulĂ© par ce climat, j’ai entrepris une rĂ©flexion en profondeur sur la santĂ©. J’ai participĂ© Ă  plusieurs groupes de travail sur le sujet, j’ai Ă©crit nombre d’articles et finalement j’ai dĂ©cidĂ© d’abandonner le CLSC pour me consacrer Ă  plein temps Ă  la recherche et Ă  l’écriture. Quelques annĂ©es plus tard, j’avais terminĂ© la synthĂšse de mes idĂ©es sur la santĂ© et je publiais coup sur coup Vivre en santĂ©, Survivre aux soins mĂ©dicaux et Adieu mĂ©decine, bonjour santĂ©1. Certes, je n’ai rien inventĂ©; mais Ă  l’ùre de la technologie, des interventions mĂ©dicales audacieuses et de la consommation phĂ©nomĂ©nale de mĂ©dicaments, ma conception de la santĂ© dĂ©tonne et dĂ©concerte par sa simplicitĂ©. Ce que j’avais constatĂ© chez mes patients — en fait, qu’ils Ă©taient malades Ă  cause des conditions dans lesquelles ils vivaient — Ă©tait l’évidence mĂȘme; nous ne naissons pas avec toutes sortes de dĂ©fauts de fabrication qui se manifesteront irrĂ©mĂ©diablement au cours des ans. Si nous avons tant de problĂšmes, c’est que nous ne respec...

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