Lorsque deux bombes nucléaires sont tombées sur Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945, le monde entier a réalisé que l'humanité avait atteint un point de non-retour dans sa capacité d'autodestruction. Aujourd'hui, l'Anthropocène est en train de provoquer la sixième extinction de masse et tous les signaux sont au rouge: hausse des émissions de GES, fonte des glaciers, feux de forêt, inondations, réfugiés climatiques…
Pour Chomsky, ces deux menaces exigent une réponse qui ne peut être que de portée mondiale. Dans un contexte de montée en puissance des grandes entreprises mondialisées qui ont privé les États de leur capacité de façonner l'avenir, il plaide pour la signature urgente de traités internationaux contraignants sur le climat et l'armement, et lance un appel à une mobilisation populaire sans précédent.
«Seul Noam Chomsky a su communiquer avec une telle passion les liens qui unissent les deux catastrophes d'origine humaine auxquelles fait face la civilisation, soit le bouleversement du climat et l'apocalypse nucléaire, et jamais n'a-t-il lancé ses mises en garde et ses appels à l'action de façon aussi impressionnante.»
– Daniel Ellsberg, lanceur d'alerte des Pentagon Papers
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EXTINCTION ET INTERNATIONALISME sont liés par un baiser de la mort depuis le jour où la menace d’extinction est devenue bien réelle, le 6 août 1945. Ce jour-là, jamais les personnes qui l’ont vécu ne l’oublieront. En ce qui me concerne, je m’en souviens comme si c’était hier. Ce jour-là, on a appris que l’intelligence humaine avait trouvé un moyen de mettre fin à une expérience vieille de 200 000 ans, la vie humaine.
Et on a aussitôt compris que cette capacité de destruction connaîtrait une escalade et tomberait dans d’autres mains – bref, que la menace d’autoannihilation s’aggraverait. On ne compte plus le nombre de fois où, dans les années qui ont suivi, l’humanité est passée à un cheveu de la catastrophe, que ce soit par accident, par erreur ou, plus rarement, par insouciance. Le fait qu’on ait évité le désastre tient presque du miracle. C’est du moins ce qui ressort clairement du bilan des 75 dernières années, et de tels miracles n’ont pas tendance à se perpétuer par eux-mêmes.
En cette sinistre journée d’août 1945, l’humanité est entrée dans une nouvelle ère, l’ère nucléaire. Il est peu probable qu’elle dure encore longtemps: soit l’humanité y mettra fin, soit elle mettra fin à l’humanité. Dès le départ, il était manifeste que tout espoir de maîtriser ce démon passerait par la coopération internationale. À l’automne 1945, un livre appelant à l’établissement d’un gouvernement fédéral mondial a atteint le sommet de la liste des best-sellers. Son auteur, Emery Reves, était l’agent littéraire de Winston Churchill3.
Albert Einstein fait partie des gens qui ont réagi en réclamant la mise en place d’un gouvernement mondial, considéré comme la réponse politique à apporter aux événements bouleversants d’août 1945. Ces derniers marquaient selon eux un tournant dans l’histoire de l’humanité, voire le début de sa fin. Les espoirs de voir les Nations unies commencer à remplir une telle fonction politique se sont vite évanouis (ce qui constitue en soi une question importante, que je n’aborderai toutefois pas ici).
On ne s’en rendait pas compte à l’époque, mais une autre nouvelle ère, non moins critique que celle du nucléaire, commençait alors. Il s’agissait en fait d’une époque géologique, qu’on appellerait Anthropocène. Son avènement est attribuable à l’impact extrême de l’activité humaine sur l’environnement. On sait aujourd’hui qu’elle est bien avancée, mais les scientifiques ne se sont pas toujours entendus sur le moment où les changements sont devenus assez radicaux pour en marquer le début. En 2016, l’Anthropocene Working Group, organisation internationale constituée de géologues et de scientifiques d’autres disciplines, en est arrivé à une conclusion à ce sujet. Ses membres ont recommandé au 35e Congrès international de géologie de situer le commencement de l’Anthropocène dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale4.
Selon leur analyse, l’Anthropocène et l’ère nucléaire coïncident. Ils constituent une double menace, à la fois grave et imminente, au maintien de la vie humaine organisée. Il est aujourd’hui largement reconnu qu’une sixième extinction de masse a commencé. On attribue généralement la cinquième, survenue il y a 66 millions d’années, à la chute d’un astéroïde géant. L’événement a anéanti 75 % des espèces de la Terre. En mettant fin à l’ère des dinosaures, il a permis l’essor des petits mammifères et, en fin de compte, de l’être humain, il y a de cela 200 000 ans.
L’humain n’a pas mis beaucoup de temps à provoquer la sixième extinction, dont l’ampleur s’annonce aussi grande que celle des précédentes, mais qui s’en distingue de façon révélatrice. L’étude des extinctions antérieures ne montre aucune corrélation entre la taille de l’espèce et sa disparition. Quelle que soit leur taille, tous les êtres vivants couraient le même risque d’anéantissement. La sixième extinction en cours, elle, tue les grands animaux de façon disproportionnée.
Mais la situation précaire des animaux de grande taille remonte en fait à nos ancêtres préhumains, qui leur nuisaient considérablement. Bon nombre d’espèces ont ainsi été rayées de la carte. Et le genre Homo finirait par se menacer lui-même, et sa capacité d’autodestruction massive atteindrait un triste sommet au XXe siècle. L’Anthropocene Working Group rappelle que les émissions de gaz carbonique, principale cause du réchauffement planétaire, n’ont jamais augmenté aussi vite depuis 66 millions d’années.
L’organisme cite un rapport selon lequel le taux moyen de CO2 dans l’atmosphère a franchi le seuil de 400 ppm en juillet 2016 et augmente à un rythme jamais constaté dans les relevés géologiques. Des études montrent qu’il ne s’agit pas d’une fluctuation erratique. La tendance semble permanente: considérés comme un point critique, ces 400 ppm représentent le seuil à partir duquel le taux continuera d’augmenter dans l’avenir. Le réchauffement est très près de menacer la stabilité de la vaste calotte polaire antarctique, dont l’effondrement aurait des conséquences catastrophiques sur le niveau de la mer. On constate déjà de tels processus dans les régions qui bordent l’océan Arctique.
Gigantesque incendie de forêt dans la forêt nationale de Stanislaus, Californie, 17 août 2013.
Photo: United States Department of Agriculture (domaine public).
Ailleurs dans le monde, la situation n’est pas moins inquiétante. Des records de température sont battus chaque mois. De terribles sécheresses compromettent la survie de centaines de millions de personnes et influent sur certains des plus terribles conflits en cours, dont ceux qui font rage au Darfour et en Syrie. Chaque année, des inondations, des tempêtes et d’autres catastrophes du genre entraînent le déplacement de quelque 31,5 millions d’êtres humains, ce qui équivaut à une personne par seconde. Il s’agit là d’un effet annoncé du réchauffement planétaire. Sans parler des gens, encore plus nombreux, qui fuient la guerre ou le terrorisme et dont le nombre est voué à augmenter au gré de la fonte des glaciers et de la hausse du niveau de la mer, phénomènes qui menacent l’approvisionnement en eau potable d’innombrables collectivités.
La fonte des glaciers de l’Himalaya pourrait tarir l’approvisionnement en eau potable de l’Asie du Sud, où vivent plusieurs milliards de personnes. Au Bangladesh seulement, on s’attend à ce que des dizaines de millions d’habitants soient contraints à l’exil en raison de l’inondation des plaines côtières due à la hausse du niveau de la mer. Une telle crise des réfugiés fera paraître anodine celle qui sévit actuellement – et elle commence à peine. Non sans raison, d’éminents climatologues bangladais déclaraient récemment qu’il faudrait accorder à ces migrants le droit de s’établir dans les pays où la plus grande partie des gaz à effet de serre a été émise; ainsi des millions d’entre eux devraient pouvoir s’installer aux États-Unis, ce qui soulève une question morale à ne pas sous-estimer.
Je n’ai pas besoin de vous en dire plus sur la situation mondiale. Je présume que vous la connaissez déjà assez bien, mais quiconque se préoccupe de l’avenir de l’humanité et des autres espèces qu’on est en train d’anéantir avec désinvolture devrait s’en alarmer sérieusement. La crise n’aura pas lieu dans un avenir lointain: elle bat déjà son plein, sous nos yeux, et prend vite de l’ampleur. Il a toujours été évident que toute mesure permettant de contenir efficacement la menace de catastrophe environnementale doit être de portée mondiale.
Puerto Rico au lendemain de l’ouragan Maria, 19 septembre 2017.
Photo: Roosevelt Skerrit (domaine public).
Des efforts internationaux en ce sens ont été proposés en 2015 lors de la 21e Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP 21), tenue à Paris. Aux États-Unis, ces mesures devaient entrer en vigueur en octobre 2016, date dont on a convenu par crainte qu’une victoire républicaine en novembre ne conduise au démantèlement des politiques existantes, insuffisantes mais réelles. En fait, le négationnisme des républicains a déjà des conséquences importantes. On espérait que les négociations de Paris débouchent sur un accord contraignant, mais le monde a dû modérer ses attentes parce que le Congrès des États-Unis, à majorité républicaine, ne pouvait accepter une telle issue.
L’accord final est non contraignant – et donc beaucoup plus timide que prévu. En octobre 2016, à Kigali, 197 pays ont conclu un accord très important sur l’élimination graduelle des hydrofluorocarbures (HFC), groupe de gaz à effet de serre extrêmement puissants5. L’entente accorde une période de grâce à l’Inde et au Pakistan, où la grande pauvreté et une chaleur de plus en plus accablante font de l’usage de climatiseurs bas de gamme aux HFC une criante nécessité. La réponse adéquate saute aux yeux: il faut que les pays riches financent l’accélération du remplacement de ces appareils par des modèles conformes à leurs propres normes, qui interdisent l’utilisation de ces gaz. Mais rien de tel ne semble avoir été proposé. S’il avait été assorti de mesures du genre, l’accord aurait sans doute connu le même sort que celui de Paris.
Arrêtons-nous un moment pour réfléchir à un phénomène tout à fait extraordinaire: une grande organisation politique établie dans le pays le plus puissant de tous les temps se consacre littéralement à l’anéantissement de l’essentiel de la vie sur Terre. Un tel commentaire peut paraître sévère, mais, en creusant un peu, on constate vite que non. Au moment où je vous parle [en octobre 2016], le cycle quadriennal de frénésie électorale touche à sa fin aux États-Unis. Et tous les candidats aux primaires républicaines ont nié la réalité du réchauffement planétaire.
En fait, l’un d’eux a fait exception. Il s’agit de John Kasich, candidat «modéré et raisonnable» qui s’est fendu de la déclaration suivante: «Oui, il a bel et bien lieu, mais il ne faut pas tenter de le contrer.» Ce qui est pire que d’en nier l’existence. Le rejet est donc total. Comme vous le savez, le candidat vainqueur prône une augmentation de la consommation de combustibles fossiles, notamment du charbon, variété la plus néfaste. Il souhaite aussi déréglementer le secteur de l’énergie et supprimer toute aide financière aux pays en développement qui cherchent à effectuer une transition vers les énergies renouvelables, qui passe entre autres par l’acquisition de climatiseurs non polluants en Inde. Il entend donc faire tout son possible pour accélérer la course à la catastrophe.
Une maison brûle pendant un gigantesque incendie de forêt en Californie, novembre 2018.
Photo: Josh Edelson/AFP/Getty Images.
Vu l’importance des enjeux, on peut se demander si une organisation aussi dangereuse que le Parti républicain des États-Unis a déjà existé dans le passé. La question est pertinente et, selon moi, la réponse va de soi. Tout aussi remarquable est l’extrême rareté des commentaires suscités par ces faits consternants. Les observateurs se bornent à des remarques d’une banalité affligeante, et on ne peut s’attendre à mieux des débats présidentiels, où les enjeux politiques sont à peine effleurés et où des questions plus urgentes que jamais, qui touchent notre survie à court terme, sont pratiquement ignorées. Un tel aveuglement est comparable à celui de lemmings courant vers le précipice! Ces dernières années, les perspectives d’indépendance énergétique du pays ont suscité un enthousiasme euphorique («100 ans d’indépendance énergétique», s’extasiait récemment le PDG d’une société du secteur pétrolier). Les conséquences locales de la fracturation hydraulique ont certes soulevé quelques inquiétudes, mais à peu près personne n’a souligné le fait qu’une telle euphorie équivaut à un appel enthousiaste à accélér...
Table des matières
Couverture
Danger d’extinction
Crédits
Avant-propos
Chapitre 1 – Internationalisme ou extinction
Chapitre 2 – Pour sensibiliser la population
Chapitre 3 – Penser stratégie
Chapitre 4 – Réflexions sur les mouvements sociaux