Pari impossible des Japonaises (Le)
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Pari impossible des Japonaises (Le)

EnquĂȘte sur le dĂ©sir d'enfant au Japon

Valérie Harvey

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Pari impossible des Japonaises (Le)

EnquĂȘte sur le dĂ©sir d'enfant au Japon

Valérie Harvey

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À propos de ce livre

Loin d'ĂȘtre la sociĂ©tĂ© isolĂ©e que l'on imagine, le Japon partage avec le QuĂ©bec un piĂštre taux de natalitĂ© et un vieillissement de sa population. Pourtant, le dĂ©sir de fonder une famille n'est pas absent chez les Japonaises. Quels sont les obstacles qui les empĂȘchent de le rĂ©aliser? À travers des tĂ©moignages de femmes ĂągĂ©es de 30 Ă  45ans, ValĂ©rie Harvey explore les conditions extĂ©rieures et les barriĂšres sociales qui font hĂ©siter les Japonaises Ă  s'engager sur la voie familiale. Le mariage, l'Ă©ducation et le marchĂ© du travail sont au centre d'une enquĂȘte dressant le portrait d'une sociĂ©tĂ© industrielle moderne encore fortement influencĂ©e par ses traditions.Jusqu'oĂč Le Pari impossible des Japonaises rejoint-il la rĂ©alitĂ©des QuĂ©bĂ©coises?ValĂ©rie Harvey est Ă  la fois Ă©crivaine, sociologue et blogueuse globe-trotter. Son regard se pose avec autant de curiositĂ© sur son Charlevoix natal que sur la planĂšte qu'elle souhaite explorer afin de mieux la comprendre. Son sĂ©jour au Japon, oĂč elle a vĂ©cu unan, l'a menĂ©e Ă  la publication du carnet Passion Japon (hamac-carnet). LePariimpossible des Japonaises prĂ©sente le rĂ©sultat de sa maĂźtrise en sociologie de l'UniversitĂ© Laval.

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Informations

Année
2012
ISBN
9782896647187

CHAPITRE 1
Bébé zen en Asie

LA PLUPART DU TEMPS, lorsque je prĂ©sente mon sujet de recherche, on me pose cette question : « Mais au Japon, on peut seulement avoir un enfant, non ? » Il est vrai que de nombreux pays d’Asie ont imposĂ© une telle restriction Ă  leur population, mais ce n’est pas le cas du Japon. Au contraire ! Si le gouvernement japonais trouvait la recette pour stimuler la natalitĂ©, je crois que les politiciens seraient rassurĂ©s ! Certains ne se sont pas gĂȘnĂ©s pour accuser les jeunes, surtout les femmes, de paresse. Ces parasite singles, adultes cĂ©libataires qui travaillent et vivent avec leurs parents, profitent de la vie, mais n’ont plus la patience et le sens des responsabilitĂ©s nĂ©cessaires pour fonder leur propre famille. Est-ce que c’est aussi simple que cela ? Nous y reviendrons. Une chose est sĂ»re : les pays asiatiques ont grandement changĂ© au cours du dernier siĂšcle et les États n’arrivent pas toujours Ă  suivre ces profondes mutations


Un bébé unique

Quand on pense Ă  la dĂ©mographie et aux politiques concernant la natalitĂ©, l’exemple qui vient tout de suite en tĂȘte est celui de la Chine qui a instaurĂ© la mesure de l’enfant unique. Avant les annĂ©es 1960, on laissait les individus exercer librement leur planification des naissances et l’on croyait que la croissance Ă©conomique et les innovations technologiques amĂšneraient les familles Ă  changer encore davantage leur comportement nataliste (BOSERUP citĂ© dans LEE et FENG, 2006 : 70). Mais le gouvernement chinois a commencĂ© graduellement Ă  craindre la pression de la surpopulation qui conduirait Ă  des difficultĂ©s, autant en ce qui concerne la disponibilitĂ© des ressources alimentaires que des impacts sur l’environnement. Dans le but de diminuer le nombre de pauvres et d’amĂ©liorer la qualitĂ© de vie de sa population, il opta donc pour une limitation contrĂŽlĂ©e des naissances en 1979, appuyĂ© en cela par de nombreux Ă©trangers qui redoutaient le poids grandissant de la Chine : « Lester Brown (1985) est l’un des chercheurs les plus rĂ©cents Ă  nous alerter sur les pĂ©rils de la surpopulation en Chine. Sa nouvelle approche, cependant, ne porte pas sur le pĂ©ril de la pauvretĂ© chinoise, mais sur les dangers de la prospĂ©ritĂ© chinoise » (LEE et FENG, 2006 : 41). Brown, comme d’autres, craint qu’une large population comme celle de la Chine qui atteindrait le mĂȘme niveau de vie que ce que l’on retrouve en Occident aurait des consĂ©quences dĂ©sastreuses sur les ressources alimentaires et Ă©nergiques, ainsi qu’un impact environnemental Ă©norme.
Cette politique, toujours en vigueur aujourd’hui, malgrĂ© des assouplissements et modifications apportĂ©es Ă  la fin des annĂ©es 1980, se base sur ce qu’un prĂȘtre anglais, Malthus, avait dĂ©crit de la Chine, deux cents ans plus tĂŽt : la fĂ©conditĂ© chinoise a pour consĂ©quences des famines pĂ©riodiques et la misĂšre. Ce qui Ă©tait faux : autour de 1800, les famines n’étaient pas plus frĂ©quentes en Chine qu’en Europe (LEE et FENG, 2006).
MalgrĂ© cette inexactitude, la thĂ©orie de Malthus a eu un grand succĂšs. D’aprĂšs lui, lorsqu’il y a une absence de frein Ă  la fĂ©conditĂ©, la population peut doubler en 25 ans, alors que les terres ne peuvent fournir un tel rythme de production agricole. Il y a donc un dĂ©sĂ©quilibre : la population est capable de se multiplier, tandis que l’agriculture et ses produits ne peuvent que s’additionner (MALTHUS, [1798] 1980 : 59).
Pour Malthus, la baisse de la fĂ©conditĂ© est liĂ©e aux classes. Il nomme les raisons de ne pas mettre un enfant au monde les « nĂ©cessitĂ©s des classes ». Selon lui, la « loi de la nĂ©cessitĂ© » limite naturellement la population (MALTHUS, [1798] 1980 : 92). Ce qui veut dire que diffĂ©rentes raisons vont limiter la fĂ©conditĂ© selon la classe Ă  laquelle la famille appartient. Pour les gens les plus pauvres (classe infĂ©rieure), le souci est de subvenir aux besoins de la famille, ce qui les place dans l’obligation d’augmenter la cadence du travail pour ne pas risquer de sombrer dans la misĂšre si la planification familiale est mal gĂ©rĂ©e. Pour les gens plus aisĂ©s (classe supĂ©rieure), ce sont plutĂŽt le dĂ©sir de ne pas perdre leur rang social et la satisfaction de conserver leur niveau de vie qui les motivent Ă  restreindre leur fĂ©conditĂ©, pour ne pas ĂȘtre « rĂ©duit Ă  l’amĂšre nĂ©cessitĂ© de perdre son indĂ©pendance en devenant, pour sa subsistance, l’obligĂ© de la charitĂ© » (MALTHUS, [1798] 1980 : 30).
Malheureusement, selon la thĂ©orie malthusienne, la sociĂ©tĂ© est soumise Ă  un cercle vicieux : la prospĂ©ritĂ© amĂšne ses membres Ă  se marier plus tĂŽt et Ă  avoir des enfants plus jeunes et en plus grand nombre, puisqu’ils en ont alors les moyens. Puis, Ă  mesure que le nombre d’enfants augmente, ce sont ces mĂȘmes rejetons qui poussent la famille vers la misĂšre et la descente dans l’échelle sociale (MALTHUS, [1798] 1980 : 45). Comme les gens s’appauvrissent, ils se remettent Ă  obĂ©ir Ă  la loi de la nĂ©cessitĂ© et recommencent Ă  limiter leur fĂ©conditĂ©, ce qui permettra probablement Ă  la gĂ©nĂ©ration suivante d’augmenter ses gains. S’ensuivra un autre cycle de haute fĂ©conditĂ©, qui les appauvrira une fois de plus.
La nĂ©cessitĂ©, directement liĂ©e Ă  la pauvretĂ©, est donc une loi naturelle qui permet la rĂ©gulation de la population. Le cycle pauvretĂ©-prospĂ©ritĂ©-pauvretĂ© sans cesse renouvelĂ© amĂšne les gens Ă  rester constamment au niveau de la subsistance, sans vĂ©ritable moyen d’amĂ©lioration (MALTHUS, [1798] 1980 : 94). Ainsi, pour sortir de ce cercle sans fin qui maintient la population dans la misĂšre, on peut conclure que le mariage tardif et la limitation de la famille sont de bons moyens pour augmenter le niveau de vie des membres d’une sociĂ©tĂ©. Une croissance constante de la population fait peser la menace de famines et d’une misĂšre Ă  rĂ©pĂ©tition parce que les ressources agricoles deviennent insuffisantes, alors qu’une stabilisation de la population permettrait une augmentation de la richesse du pays et des possibilitĂ©s de nourrir son peuple (MALTHUS, [1798] 1980 : 137). Ce sont d’ailleurs les arguments que la Chine reprendra pour justifier ses lois sur la fĂ©conditĂ©.
Le malthusianisme n’est pas mort il y a deux cents ans. La thĂ©orie du pasteur a survĂ©cu au temps et continue Ă  teinter les discours, effectuant mĂȘme un retour en force avec le nĂ©o-malthusianisme. Au cours du XXe siĂšcle, certaines fĂ©ministes, pour dĂ©fendre la condition des femmes et prĂŽner leur droit au libre-choix quant Ă  leur fĂ©conditĂ©, n’ont pas hĂ©sitĂ© Ă  se rapprocher du nĂ©o-malthusianisme en arguant qu’accorder cette libertĂ© aux femmes allait permettre le contrĂŽle d’une croissance dĂ©mographique qui mettait en danger la disponibilitĂ© des ressources (DE KONINCK, 1998 : 254). De mĂȘme, certaines prĂ©occupations environnementalistes peuvent Ă©galement rejoindre celles des nĂ©o-malthusiens, particuliĂšrement en ce qui a trait aux liens entre l’augmentation de la densitĂ© de la population et la pression sur les ressources non renouvelables (LEGRAND, 1998 : 229). Le nĂ©o-malthusianisme peut toutefois mener Ă  des extrĂȘmes et a servi Ă  justifier la stĂ©rilisation forcĂ©e de populations plus pauvres. Finalement, l’épuration des « races » par l’élimination des « dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s » (eugĂ©nisme) peut aussi trouver des arguments Ă  travers les craintes liĂ©es Ă  l’augmentation de la population : en effet, qui a le droit et les moyens de se reproduire, et qui dĂ©cidera de cette sĂ©lection ? (DE KONINCK, 1998 : 261)
De plus, Malthus avait omis un dĂ©tail fort important pour la comprĂ©hension de nombreux États asiatiques, dont la Chine : l’organisation de la sociĂ©tĂ© n’est pas construite selon l’individualisme comme en Occident, mais obĂ©it plutĂŽt Ă  un collectivisme bien ancrĂ© dans l’histoire. Alors qu’on dĂ©crivait la Chine comme un rĂ©gime ayant une forte fĂ©conditĂ© et une haute mortalitĂ©, le systĂšme de contrĂŽle de la population Ă©tait pourtant trĂšs dĂ©veloppĂ© et diversifiĂ© Ă  travers plusieurs possibilitĂ©s : le mariage tardif le plus souvent arrangĂ©, le cĂ©libat, la contraception, l’infanticide et l’adoption. Se marier et avoir des enfants n’étaient pas une dĂ©cision individuelle, mais un acte collectif : « Ainsi le systĂšme dĂ©mographique chinois fut caractĂ©risĂ© par une multiplicitĂ© de choix qui permettaient d’équilibrer la passion conjugale et l’amour parental par le mariage arrangĂ©, le besoin de rĂ©guler les rapports sexuels, la dĂ©cision de tuer ou de donner les enfants et d’en adopter d’autres. Les familles chinoises ajustĂšrent leur comportement dĂ©mographique en fonction de leurs circonstances familiales en vue de maximiser leur utilitĂ© collective » (LEE et FENG, 2006 : 179).
Le Vietnam est aussi un pays qui possĂšde une politique de restriction des naissances, et ce, depuis 1989. Le gouvernement vietnamien propose Ă  sa population d’avoir un maximum de deux bĂ©bĂ©s afin d’avoir des enfants de « meilleure qualitĂ© » et un plus grand bonheur familial, comme le montre bien l’image 1 (BÉLANGER, 2009 : 164). En 2009, on rĂ©affirma ce contrĂŽle de la fĂ©conditĂ© en faisant du plan politique une loi officielle. Les campagnes de publicitĂ© gouvernementales ne se gĂȘnent pas pour manipuler les statistiques : ils affirment que le nombre de familles ayant trois enfants est en augmentation. Mais cette « urgence d’agir » (ou de ne pas agir, puisqu’on parle de ne pas avoir d’enfant !) n’est pas justifiĂ©e : la diminution de la population se fait d’elle-mĂȘme, l’indice de fĂ©conditĂ© Ă©tant passĂ© de 4,7 enfants par femme en 1987 (SCORNET, 2000 : 270) Ă  2,11 enfants en 2004 (BÉLANGER, 2009 : 165).

Un bébé Confucius

La philosophie inspirĂ©e du penseur Confucius a grandement influencĂ© les pays d’Asie du Sud-Est, dont fait partie le Japon. Ces pays ont en commun d’accorder une grande importance Ă  la filiation paternelle et Ă  la famille comme lieu de bien-ĂȘtre et de rĂ©confort (WHITE, 2002 : 1). Dans le Japon traditionnel, les mariages des Ă©lites Ă©taient, le plus souvent, a...

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