De Marie de L'Incarnation Ă  Nelly Arcan
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De Marie de L'Incarnation Ă  Nelly Arcan

Se dire, se faire par l'Ă©criture intime

Patricia Smart

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De Marie de L'Incarnation Ă  Nelly Arcan

Se dire, se faire par l'Ă©criture intime

Patricia Smart

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À propos de ce livre

Ce livre trouve son origine dans le dĂ©sir d'explorer les expĂ©riences des femmes qui ont accompagnĂ© et rendu possibles les grands moments de l'histoire officielle du QuĂ©bec, de l'arrivĂ©e des Français en AmĂ©rique du Nord jusqu'Ă  l'accession Ă  la libertĂ© d'expression indviduelle et collective apportĂ©e par la RĂ©volution tranquille. Les historiennes fĂ©ministes ont examinĂ© la situation de ces femmes, mais il est rare que nous entendions la voix des protagonistes elles-mĂȘmes ou que nous ayons accĂšs Ă  leur point de vue, que ce soit sur le monde qui les entoure ou sur leurs aventures intĂ©rieures. C'est cette voix que Patricia Smart donne Ă  entendre ici. Tous ces textes parlent d'un moi brimĂ©, inhibĂ©, mais qui se refuse Ă  dĂ©missionner. Pour ces femmes, la venue Ă  l'Ă©criture fait partie intĂ©grante de la quĂȘte de soi et de la prise de possession du monde. Beaucoup plus que de simples rĂ©vĂ©lateurs de rĂ©alitĂ©s sociales, ces Ă©crits intimes appartiennent Ă  la littĂ©rature.

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Informations

Année
2014
ISBN
9782764643457

PARTIE III
Écrire pour soi : le journal intime (1843-1964)
Vers le milieu du XIXe siĂšcle, l’espace langagier ouvert aux femmes s’agrandit, s’étendant au-delĂ  du genre Ă©pistolaire pour embrasser aussi la pratique du journal intime. Enfin, grĂące Ă  des cahiers dans lesquels elles peuvent Ă©crire Ă  leur guise, les femmes ont la possibilitĂ© d’explorer les contours de leur moi et leur situation dans le monde pour elles-mĂȘmes, et non pas nĂ©cessairement par l’entremise de leur relation avec un autre (divin ou humain). L’intimitĂ© du journal offre un espace-miroir Ă  l’abri des regards extĂ©rieurs oĂč l’on peut se rĂ©vĂ©ler sans excuses, chercher sa voie, Ă©valuer son progrĂšs, se lamenter de ses Ă©checs et, idĂ©alement, construire un moi capable de penser et d’agir indĂ©pendamment des pressions exercĂ©es par le milieu. Pour la premiĂšre fois, grĂące Ă  l’avĂšnement du romantisme et Ă  son insistance sur l’importance du moi individuel, la question « Qui suis-je ? » commence Ă  prĂ©occuper les jeunes filles et les femmes.
Écrits dans le secret et vouĂ©s Ă  la confidentialitĂ©, la plupart des journaux intimes fĂ©minins de l’époque ont sans doute disparu. Bien que quelques-uns aient Ă©tĂ© remisĂ©s dans des tiroirs ou conservĂ©s dans des greniers pendant plusieurs gĂ©nĂ©rations, trĂšs peu ont survĂ©cu jusqu’à nos jours. Il n’est pas surprenant que ceux qui ont Ă©tĂ© conservĂ©s aient presque tous Ă©tĂ© rĂ©digĂ©s par des femmes ayant des liens de parentĂ© avec des familles influentes ou des hommes politiques importants, et se trouvent dans des fonds d’archives portant des noms comme Dessaulles, McGill, Cartier, Lacoste, Marchand, Dandurand ou Laurendeau. On ne peut donc chercher dans leurs pages une documentation portant sur les mentalitĂ©s et la situation des femmes quĂ©bĂ©coises en gĂ©nĂ©ral, mais seulement sur celles de l’élite, situation qui s’explique non seulement par les pratiques de conservation dans les archives, mais aussi par le fait que le journal intime Ă©tait surtout un passe-temps pour les femmes des milieux aisĂ©s, ayant le loisir et l’éducation nĂ©cessaires pour se consacrer Ă  l’écriture.
Bien qu’on ne puisse prĂ©tendre Ă  un statut reprĂ©sentatif ou typique pour ces journaux, ils offrent par leur diversitĂ© un Ă©chantillon intĂ©ressant de voix qui, rĂ©unies, nous renseignent sur ce que pouvaient ĂȘtre les prĂ©occupations de jeunes filles et de femmes bourgeoises dans la deuxiĂšme moitiĂ© du XIXe siĂšcle et la premiĂšre moitiĂ© du XXe, ainsi que sur les pressions exercĂ©es sur elles par les idĂ©ologies de l’époque. Bien que les historiens nous aient fourni d’abondantes informations concernant le rĂŽle de la femme durant cette pĂ©riode, tel que dĂ©fini dans les sermons et les mandements des Ă©vĂȘques, entĂ©rinĂ© par le systĂšme judiciaire et faisant partie intĂ©grale du conditionnement de la jeune fille au couvent et Ă  la maison, nous ne savons pas ce que cela pouvait reprĂ©senter de vivre sous de telles contraintes. Les jeunes filles Ă©taient-elles heureuses pendant leurs annĂ©es au couvent ? Se sentaient-elles culpabilisĂ©es par les doctrines de l’Église portant sur la femme, le corps et la sexualitĂ©, ou angoissĂ©es par le peu de connaissances qu’elles avaient de ces choses avant le mariage ? Une fois mariĂ©es, comment vivaient-elles leurs rĂŽles de mĂšre, d’éducatrice et d’épouse ? Comment percevaient-elles le pouvoir factice qu’on leur accordait en tant que « reines du foyer » ? Plus important encore, dans quelle mesure les journaux dont nous disposons tĂ©moignent-ils d’un moi fĂ©minin autonome ? Les diaristes accordent-elles plus d’importance au fait d’aimer et d’ĂȘtre aimĂ©e qu’à leurs propres dĂ©sirs et besoins ? Le monde qu’elles Ă©voquent dans leurs carnets s’étend-il aux Ă©vĂ©nements du domaine public ou reste-t-il confinĂ© Ă  la sphĂšre domestique ? Les journaux intimes nous offrent une vision privilĂ©giĂ©e de la vie des filles et des femmes, Ă  condition de « lire entre les lignes » parfois, car les convenances rĂ©gissent le degrĂ© de dĂ©voilement de soi dans les journaux de l’époque. Les aspects corporel et Ă©motif de la grossesse, de l’accouchement, de la pubertĂ© et de l’acte sexuel sont enfouis au plus profond de l’ĂȘtre et ne peuvent ĂȘtre dits ni exprimĂ©s par Ă©crit.
Le fait de tenir un journal constitue une tentative de donner forme et signification aux jours qui passent : grĂące Ă  l’écriture, on cherche Ă  atteindre une certaine continuitĂ© ou permanence qui transcende le temps. À la diffĂ©rence de l’autobiographie, oĂč l’on cherche par un regard rĂ©trospectif Ă  confĂ©rer Ă  sa vie unitĂ© et cohĂ©rence, la forme fragmentĂ©e et chronologique du journal permet une plus grande libertĂ© et davantage de transparence. L’auteur type d’un journal ne songe pas Ă  la publication et n’a donc pas besoin de prĂ©senter un quelconque « visage » au monde extĂ©rieur ou d’organiser ce qu’il ou elle confie au papier ; au contraire, le journal « note la vie Ă  l’état brut, dans ses variĂ©tĂ©s et ses contradictions [
] se content[ant] de mettre en mĂ©moire l’existence Ă  la petite semaine, ou mĂȘme Ă  la demi-journĂ©e ; il s’accommode des piĂ©tinements sur place et des rĂ©pĂ©titions1 ». Ce mode d’écriture convient particuliĂšrement bien Ă  la vie des femmes de l’époque, souvent monotone, rĂ©pĂ©titive et remplie d’activitĂ©s considĂ©rĂ©es comme insignifiantes. Pour celles dont l’existence est vouĂ©e au bien-ĂȘtre du mari et des enfants, le journal offre la possibilitĂ© de se retirer en elles-mĂȘmes, de rassembler leurs forces et d’imprimer une direction Ă  la circularitĂ© des jours.
Plus que les autres Ă©crits personnels, les journaux intimes se prĂ©occupent d’identitĂ©, offrant un miroir dans lequel la diariste peut se regarder vivre, chercher Ă  mieux connaĂźtre ses motivations profondes, analyser ses actions et rĂ©actions, bref, questionner ou solidifier son moi. Du point de vue le plus primaire, ils sont une preuve que l’on existe dans un temps et un espace particuliers. Ghislaine Perrault (future Mme AndrĂ© Laurendeau), qui a commencĂ© son journal en 1922, Ă  l’ñge de huit ans, Ă©crit ses initiales – G. P. – de neuf façons diffĂ©rentes dans les premiĂšres pages, comme si elle se demandait : « Qui suis-je ? De quelle façon est-ce que je me prĂ©sente aux autres et Ă  moi-mĂȘme ? » À dix ans, elle a dĂ©jĂ  commencĂ© Ă  se dĂ©finir en termes trĂšs simples, songeant Ă  la possibilitĂ© d’un lecteur ou d’une lectrice Ă©ventuels : « Je ne veux pas que quelqu’un lise ce que j’écris lĂ , mais si cependant cela arrivait, que cette personne sache que j’ai dix ans et que je suis trĂšs grande pour mon Ăąge » (17 dĂ©cembre 1924). Et, Ă  onze ans, en deuxiĂšme de couverture de son journal, elle inscrit son identitĂ© de façon immĂ©moriale :
Ghislaine Perrault
2155 Jeanne Mance
Montréal
P.Q.
Canada
Amérique du Nord
Terre
Univers
Pendant l’adolescence, les journaux peuvent naĂźtre de la conscience qu’il est temps de prendre sa vie en main et d’examiner les choix qui se prĂ©sentent pour l’avenir. À seize ans, Michelle Le Normand commence un journal en se promettant de ne pas l’abandonner comme elle l’a si souvent fait avec ses journaux prĂ©cĂ©dents. « Pour la dixiĂšme fois peut-ĂȘtre, je commence mon journal. Ferais-je de celui-lĂ  comme des autres ? [
] À seize ans, ma foi, on doit pouvoir, ou ĂȘtre capable de tenir ce que l’on se promet », lit-on Ă  la premiĂšre ligne de son journal (9 septembre 1909). Pour JosĂ©phine Marchand, le journal prend son origine dans la conscience du temps qui passe et dans le besoin de mieux dĂ©finir son identitĂ© : « Je prends ce soir une subite rĂ©solution : celle de tenir un journal, miroir de mes impressions. J’ai maintenant dix-sept ans [
] je ne suis plus jeune ; j’aurai bientĂŽt 18 ans, et il faut commencer Ă  envisager la vie sĂ©rieusement » (18 et 30 juillet 1879).
Le rĂŽle de confident jouĂ© par le journal est tout aussi important. Dans son « cher cahier », la diariste trouve un autre Ă  qui elle peut confier ses espoirs et ses angoisses, et avec qui elle peut partager ses expĂ©riences quotidiennes : « Je voudrais [
] traduire mes idĂ©es avec la plume, ou les confier Ă  quelqu’un dans l’intimitĂ©, mais mon impuissance Ă  rendre pleinement mes impressions, et l’absence du confident souhaitĂ©, me paralysent. VoilĂ  ce qui me dĂ©cide Ă  ĂȘtre mon propre confident, et Ă  Ă©crire mes pensĂ©es pour m’en amuser plus tard » (Marchand, 18 juillet 1879). Pour plusieurs des jeunes filles dont les journaux ont Ă©tĂ© conservĂ©s (Henriette Dessaulles et sa sƓur cadette Alice, JosĂ©phine Marchand, Michelle Le Normand), les carnets aident Ă  rĂ©parer la blessure de se sentir mal aimĂ©es ou incomprises par leur mĂšre. VĂ©ritable objet d’affection, le journal est perçu comme un ami toujours fidĂšle : « pas la moindre amourette Ă  te raconter, mon cher journal », note Marchand (30 juillet 1879) ; « Depuis une demi-heure je pioche une leçon de philosophie, et maintenant je viens te voir avec grand plaisir, cher Journal », Ă©crit Michelle Le Normand (14 fĂ©vrier 1910). Pour Henriette Dessaulles, frustrĂ©e Ă  quatorze ans par les admonitions constantes de sa belle-mĂšre et de ses maĂźtresses d’école, le silence de son journal est une de ses qualitĂ©s les plus prĂ©cieuses : « Et je te dirai tous mes petits secrets, cher muet, qui reçoit mes confidences sans me donner de bons conseils ! » note-t-elle Ă  la premiĂšre page du carnet.
Enfin, les journaux offrent un moyen concret de mesurer le progrĂšs vers un but ou de prendre des rĂ©solutions en vue de s’amĂ©liorer, souvent Ă  l’occasion du jour de l’An ou de l’anniversaire de l’auteure. Celle-ci peut revenir sur les pages dĂ©jĂ  Ă©crites afin de comparer sa situation prĂ©sente Ă  celle d’un temps antĂ©rieur – procĂ©dĂ© dont le journal de Ghislaine Perrault offre un exemple amusant. À onze ans, elle fait la remarque que ses parents Ă©taient beaux autrefois et que son frĂšre sera beau quand il sera plus vieux, s’il se laisse pousser la moustache. Cinq ans plus tard, en relisant son journal, elle note dans les marges qu’elle avait tort : il est beau maintenant, malgrĂ© le fait qu’il n’a pas de moustache. La je...

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