
- 138 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Seul l'écran de l'art le préserve de l'aveuglement, ébloui par tant de soleil. Depuis cet instant, il n'a plus qu'une seule idée en tête, obsédante: recevoir cette fille chez lui pour en faire son modèle.Pierre Jean revint s'asseoir plusieurs dimanches d'affilée au même endroit. Il observait la jeune serveuse, le mouvement de son bras, la cambrure de ses reins, et surtout ce sourire teinté de mélancolie. C'était ELLE. Il venait de rencontrer le modèle, rare, pur, envié par tant de confrères...
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Informations
Sujet
Sciences socialesSujet
Sociologie
Pour Marisa L.
Photos : MRAH
Vincent de Halleux
Christine Van Hauwaert
En couverture : Belle Suzanne
Ce livre n’est pas un roman, ni une véritable biographie, mais un récit qui trouve son origine dans les longues conversations que j’ai eues, encore adolescent, avec l’épouse du sculpteur.
Elle vivait dans une large pièce carrée avec au centre deux grandes tables débordantes d’objets, de crayons, d’outils, de cartes postales qui évoquaient le souvenir de l’artiste. Jusqu’à sa quatre-vingt-dix-septième année, elle avait méticuleusement conservé le culte de l’homme qui, entre les grandes passions et les petites turpitudes, avait immortalisé son visage, son corps, dans le marbre ou dans la pierre
A.P.
Photos : MRAH
Vincent de Halleux
Christine Van Hauwaert
En couverture : Belle Suzanne
Ce livre n’est pas un roman, ni une véritable biographie, mais un récit qui trouve son origine dans les longues conversations que j’ai eues, encore adolescent, avec l’épouse du sculpteur.
Elle vivait dans une large pièce carrée avec au centre deux grandes tables débordantes d’objets, de crayons, d’outils, de cartes postales qui évoquaient le souvenir de l’artiste. Jusqu’à sa quatre-vingt-dix-septième année, elle avait méticuleusement conservé le culte de l’homme qui, entre les grandes passions et les petites turpitudes, avait immortalisé son visage, son corps, dans le marbre ou dans la pierre
A.P.
Pour l’Art
L’artiste dessine son dernier autoportrait. Un pèlerin vieilli, tel une représentation d’Anchise, le héros de l’Enéide, qui porte un enfant sur l’épaule vers la route des Arts.
Pierre Jean a quatre-vingts ans, il cherche vainement le sommeil. La page de son journal achevée, le vieux sculpteur craint la nuit profonde et l’angoisse qui le poursuit. Surtout, il faut éviter qu’Adeline, son épouse, ne se réveille. Depuis son « accident », elle est paralysée des jambes. Il prendrait bien une goutte d’élixir d’Anvers pour s’alléger l’esprit, mais la bouteille s’est égarée parmi les reliefs de la cuisine. Heureusement, il reste un fond de vin dans une carafe, au milieu des assiettes crasseuses. Pierre Jean le verse dans un petit cruchon qu’il a rincé à l’eau claire. Je vais dessiner un croquis ! se dit-il. Peut-être le dernier. Sa respiration soudain se ravive, ses yeux se raniment avec la même vitalité que celle de l’adolescent qui contemplait ses premiers modelages dans la glaise humectée.
Il s’observe quelques secondes dans le miroir du salon pour apprécier sa peau ravinée dont les pores cachent tant de souvenirs. Puis, assis sur une chaise, il déplie une feuille d’emballage sur laquelle il esquisse à l’encre noire un rapide autoportrait. Un homme très âgé, au crâne dégarni, avec des mèches éparses tombantes et quelques cheveux collés à son menton pour lui donner la barbe d’un mandarin, d’un PÈLERIN des arts. Devant ses yeux mystiques levés vers le ciel se tient un bébé joufflu au sourire coquin. C’est son enfant, celui qu’il a tellement sculpté, celui qui, comme sur les peintures de Raphaël, trône avec son air de bonhomme savant sur les genoux de la Madone. Sur le socle défilent des familles heureuses : des hommes, des femmes avec leur progéniture, tous enlacés, qui esquissent un pas de danse. En haut, à gauche, il inscrit la date qui lui accorde encore dix ans de vie.
Adeline s’est couchée en travers du lit pour lui réchauffer sa place. L’ouverture de la porte de la chambre fait jaillir une lame de clarté sur le parquet.
−Tu ne dors pas encore ? lui dit-il tout bas.
−Non ! Je t’attendais pour aller... sur la chaise, répond-elle en soulevant ses draps. Elle a sans cesse besoin de son assistance, même pour un simple déplacement. Pierre Jean allume le lustre qui jette brutalement sa lumière blafarde sur les quatre murs couverts de peintures. Il porte Adeline, puis la recouche. Aucun des deux ne sait si la nuit est à venir ou s’apprête à disparaître. Dehors, il fait noir, c’est tout. S’ils peuvent dormir un peu, ils sentiront une grande paix, le bonheur d’un sommeil réussi. Une fois revenu sous les couvertures tiédies, le sculpteur glisse le dessin dans les mains de sa femme. « Je vois ce monument, taillé dans la pierre… c’est pour ma tombe ! »1 marmonne-t-il. Une courte vague de colère vient mouiller les lèvres d’Adeline, mais elle feint la surdité. Elle s’accroche à son silence, pose la feuille sur le meuble de chevet, puis éteint l’ampoule incandescente en tirant sur la clochette de bronze pendue à l’extrémité d’un cordon. Revenu à l’obscurité, avec quelques étoiles filantes sous les paupières, chacun se tourne de son côté pour, peut-être, rêver à cette belle histoire, qui pendant un siècle, porta haut les artistes de la nouvelle Belgique.

I
NIEUPORT
Le sculpteur Pierre Jean Braecke est né à Nieuport le quatre octobre mil huit cent cinquante-huit.
L’automne rythmait la vie du petit port flamand recouvert d’une brume piquante. Pas de vacanciers, pas de tavernes anglaises, ni de Luna park. Près de l’estacade, quelques pêcheurs radoubaient le bois des bateaux ou repeignaient des coques usées par le sable. La ville avait perdu sa splendeur d’autrefois. Son activité commerciale déclinait : désormais, malles et chalutiers préféraient amarrer leurs cordages sur les nouveaux quais d’Ostende.
Près de l’Hôtel de Ville, habitait le charron Jacob Braecke. Il logeait avec Sophie-Louise, sa femme, dans un appartement situé au-dessus du café Het Stadhuis. Les deux époux étaient issus d’anciennes familles locales, connues depuis plusieurs décennies tant à Nieuport qu’à Furnes.
Dès qu’il put travailler, Jacob renonça à la pêche pour choisir l’ouvrage du bois. Toute la journée, il sciait, ciselait, ponçait, ajustait tenons et mortaises. Même si les chemins de fer commençaient à tisser leur toile d’acier, le transport par route se développait et les menuisiers flamands, réputés rigoureux, possédaient encore un bel avenir.
L’appartement du jeune couple Braecke était modeste, quoique toujours propre. Meubles, vitres, carreaux de la cuisine exhalaient la cire mélangée au savon de Marseille. Économes en tout, Jacob et Sophie-Louise aspiraient à vivre mieux que leurs parents, à soigner leur confort, à s’entourer d’un mobilier plus raffiné. En ce temps, la culture représentait une élévation, une richesse, si bien que Jacob, en autodidacte, avait pu acquérir quelques livres techniques. Il imaginait, dessinait, puis confectionnait des armoires pour améliorer son intérieur. Bientôt les traits mêmes de son visage imitèrent ceux des peintres ou des érudits flamands de la Renaissance, avec le front haut et les longs cheveux tirés en arrière.
C’est au cœur de cette atmosphère chaleureuse, gezellig, que naquit Petrus Johannes, Pieter Jan (Pierre Jean, puisqu’il fallait bien traduire les noms). Dans ce pays, comme ailleurs où l’on adorait les enfants, les naissances apportaient la joie non seulement à la famille, mais aussi aux amis, aux voisins, à toute la société. Ce fut donc une fête !
Ce jour d’octobre 1858, tante Rosa, la sœur de Jacob, a préparé des petits pains avec des biscuits au sucre et servi du vin. Dans la chambre, tout le monde s’agite ; le « docteur » pousse des rires gras, relevant sans cesse son chapeau, tandis que des femmes encapuchonnées félicitent Sophie-Louise encore luisante de sueur. Tous s’enquièrent du poids du bébé, de ses mesures, de son teint, de sa ressemblance avec l’un des parents. Un long défilé bavard, qui attise autant les commérages qu’il réconcilie les disputes. Certains chuchotent : il sera charpentier comme son père, il sera marchand, non il sera médecin… Le prêtre balance mécaniquement la croix qui pend à son cou avant d’inviter la famille à rejoindre sans plus attendre l’église Notre-Dame pour baptiser l’enfant. C’est encore tante Rosa qui prend l’enfant dans ses bras pour cette cérémonie improvisée. Jacob, en quittant la maison, un verre à la main, jette un rapide regard vers son épouse transie de bonheur tant elle a désiré cette grossesse. Elle a déjà vingt-huit ans.
Une joie tardive, parce qu’on se fiançait tôt, on se mariait tôt, on enfantait avec le corps jeune, avant de s’épuiser au labeur, en pleine mer ou dans les champs, tant en été qu’en hiver. Puis, si l’on possédait quelques biens, la descendance se trouvait assurée. Joseph et Sophie-Louise avaient attendu, traversé des moments d’angoisse, de renoncement.
Deux ans plus tard, voilà que le bonheur des Braecke se répète. Une petite sœur, Élisabeth, est accueillie avec le même enthousiasme. À nouveau, le médecin, le curé se précipitent auprès de Sophie-Louise. Les commerçants du petit centre, des bourgeois plutôt libéraux, des pêcheurs viennent saluer le couple. Cette fois, Pierre Jean participe à la fête. Juché sur les genoux de Jacob, avec les yeux grands ouverts de l’enfant sage, il observe la scène, s’inquiète du bruit et des voix qu’il entend autour de lui. Des cris sont lancés. Santé ! Santé !
−Gezondheid ! Proficiaat !
De temps à autre, les bras puissants des jeunes femmes l’enlèvent à son père, le portent dans l’air avec de grands sourires sonores, puis le reposent avec douceur. Mais ce sont surtout les vieilles...
Table des matières
- Pour l’Art