Françoise Hardy : pour un public majeur
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Françoise Hardy : pour un public majeur

  1. 224 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Françoise Hardy : pour un public majeur

À propos de ce livre

Ce livre est une tentative pour abolir le fossé qui sépare la culture populaire et celle qui est l'objet des études universitaires. Michel Arouimi a longtemps exploré les oeuvres des grands poètes; il sonde ici les abysses insoupçonnés du texte des chansons de Françoise Hardy: un exemple majeur de "pop littérature". L'écriture de ses chansons se révèle être le moyen, surprenant par son intensité poétique, d'une détection des tensions de notre monde sur le fil du sentiment amoureux.

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III
L’objet d’un exorcisme

La violence dans la vie de Françoise

Les effets curatifs de l’harmonie sont pressentis par Françoise dans ces phrases du Désespoir des singes : « D’où qu’elle vienne, l’harmonie qu’implique la beauté a un effet bénéfique sur les cœurs en perdition »36. Plus loin encore : « S’ouvrir de tout son être à des musiques inspirées, qui sont une expression déchirante de la dimension divine [...] est la forme de prière que je préfère »37. Or, les passages exaltés du Désespoir sur la concertiste Hélène Grimaud, s’ils préparent cet aveu, recèlent un détail qui fait douter du sens spirituel de ce déchirement. La musicienne surprend d’abord Françoise par son aveuglement culinaire. Mais surtout, douée d’une force physique peu commune, Hélène est « une écologiste active qui dépèce elle-même des daims sauvages pour nourrir ses loups »38.
Joseph Conrad, Henri Bosco et Ernst Jünger, dans certains de leurs romans, ont mis en relief les enjeux sacrificiels de l’art, dans des motifs ou situations allégoriques qui partagent la violence de ce passe-temps d’Hélène Grimaud, écologique si l’on veut, mais non moins égotique. On peut y voir la thérapie d’une « plaie inconsciente », comme le dit Françoise à propos de l’orientation des choix de vie spontanés où l’on croit sortir de l’enfance, une plaie ou une blessure psychique dont le pouvoir de hantise inspire le sacrifice des daims à ces loups. On rejoint ici le rapport méconnu entre la sensibilité de Proust au pouvoir de la sonate fameuse, image de son idéal artistique, et son plaisir au spectacle des cruautés infligées à des rats.
Françoise aux yeux de biche, ne condamne pas ouvertement l’ambiguïté de cet écologisme radical. On ne saurait l’en blâmer. Consciente de l’attrait exercé sur chacun de nous par « des êtres dont les failles sont exactement symétriques des nôtres, et qui possèdent les pièces manquantes au puzzle de notre personnalité »39, elle éprouve sans doute à l’égard d’Hélène une admiration dont le sens ne serait pas qu’artistique. La force des avant-bras d’Hélène, dont s’étonne Françoise à l’occasion d’une séance de photos : « j’eus l’impression qu’elle allait me briser les côtes »40, est « exactement symétrique » des problèmes de motricité de Françoise qui ne cache pas l’inquiétude que lui cause une affection aux genoux, assez préoccupante pour avoir nécessité un déménagement. Le canard de « Duck’s blues » est bien la projection de cette angoisse, associée dans cette chanson à des problèmes sentimentaux qui, peut-on croire, joueraient un rôle déterminant et mystérieux dans cette affection.
Cette angoisse ne serait pas moins présente dans l’évocation, bien plus tôt dans Le désespoir des singes, du destin de la femme de Malraux, qui eut les deux jambes sectionnées par un train. Françoise évoque d’ailleurs les deux enfants de cette malheureuse, croisés autrefois, et promis eux aussi à un destin tragique. Le désespoir des singes n’est pas dénué des qualités poétiques des chansons de Françoise. Une logique secrète sous-tend son espace textuel. On peut voir dans ce couple fraternel la préfiguration de l’évocation des deux enfants de Jean-Marie Périer, rejetés par leur grand-père, Henri Salvador. Les deux évocations se complétant pour exprimer la nature de la blessure dont je parlais plus haut, au-delà du lien qu’on peut lui reconnaître avec une vocation artistique.
Il serait trop long d’étudier les reprises en écho ou les équivalences thématiques qui confèrent une valeur artistique à l’espace textuel de cette autobiographie. Quoi qu’il en soit, les délassements sanglants d’Hélène Grimaud jettent une ombre sur le mystère de l’harmonie, réduite à sa valeur thérapeutique. Cette ambiguïté n’agite pas l’esprit de Françoise, mais elle infuse le texte de maintes chansons dont elle est l’auteur. Les derniers titres des albums Clair obscur et La pluie sans parapluie semblent d’ailleurs inspirés par un désir inconscient de soustraire la métaphysique à l’ombre que projette sur elle la violence.
Un passage du Désespoir des singes effleure la nature et l’origine de cette violence. Parlant de la sollicitude importune de sa mère lors de sa grossesse, Françoise écrit : « Cet exemple illustre la situation de “double contrainte” dans laquelle elle me mettait en permanence sans le vouloir, sans le voir surtout. Sous couvert de m’être utile, elle violait, mine de rien, mon intimité, tout en me rendant impossible la moindre objection »41.
Françoise, qui semble avoir eu vent des théories de René Girard, n’a peut-être pas conscience de sa propre capacité à transcender, au moins dans le texte de ses chansons, le « double bind », terme clé de la théorie de Girard sur le rapport de la violence et du sacré : la « double contrainte » (imite moi ne m’imite pas) émanant du Père mythique, réactivée dans les propos ou la posture de nos pères, ou figures de l’autorité. Les pulsions de rivalité (mimétique) engendrées par cette injonction contradictoire, reproduite dans les échanges humains, sont moins déroutantes, pour les esprits non avertis, que les effets civilisateurs de cette contradiction, à commencer par les pratiques sacrificielles qui en épongent le danger. Ces pratiques déterminent notre vision du sacré, grevée par les « erreurs de traduction [...] et d’interprétation » que Françoise perçoit elle-même dans les « textes fondateurs »42.
Ce portrait de la mère de Françoise est complété dans le paragraphe suivant du Désespoir des singes : « Une fois braquée, elle se métamorphosait en un personnage terrifiant, dur et impénétrable ». Quel que soit la véracité de ce jugement, on en trouve des échos dans maintes chansons, comme « Clair-obscur », titre que l’on est alors enclin à interpréter suivant les considérations de Girard sur l’oxymoron, qui exprimerait sous la plume des plus grands poètes la conflictualité des doubles antagoniques, thème filé de leurs œuvres : « clair-obscur / je n’aime rien tant que la blessure / protégée par le mur / de ses apparences... // sombre et pâle / coupant et dur comme un métal / mon ange, comme tu fais mal / quand j’y pense... » (strophes 6 et 7). Coupant et dur, comme le personnage « dur et impénétrable » que devient si souvent Madeleine Hardy, incarnation familiale de la « double contrainte », selon Françoise.
Dans ce poème de dix strophes, le vers « clair obscur », le premier des strophes 1 et 6, exprime l’esprit qui anime le bâti du poème. L’axe de symétrie de ce dernier implique autant ce « clair obscur » que le premier vers de la strophe 5 : « il a fermé à double tour ». Françoise ne croit pas si bien dire, avec « l’inconscient qui nous dirige [...] vers l’être dont les failles sont suffisamment complémentaires des nôtres », mais elle reste « prisonnière » d’une interprétation psychanalytique assez sommaire, inattentive au rôle du Père contradicteur dans notre psyché.
Freud oblige, l’évocation du mot maladroit d’un ami, sollicité à propos d’un menu service : « Sûrement, mais c’est pas sûr »43, nous apprend moins sur cet ami, sans vrai rôle dans la vie de Françoise, que sur l’espace mental de l’auteur de cette autobiographie, bien près de reconnaître l’impact de la fameuse contradiction dans sa conscience de femme et d’artiste. Car cette contradiction, si bien nommée dans la « double contrainte », n’est pas moins appréhendée dans l’art, poétique ou musical, en vue d’un exorcisme dont l’efficacité, comme celle du sacré, n’est guère durable.
Non moins révélatrice, l’évocation de l’attitude incongrue de sa sœur qui rapportait à qui voulait bien l’entendre : « Françoise dit systématiquement non à tout, mais si on insiste, elle finit toujours par dire oui. »44. Françoise écrit alors : « Me serais-je comportée comme elle si j’avais été à sa place ? Je serais tentée de répondre par la négative, mais ce n’est qu’un jeu de l’esprit ».
La giration du non et du oui, qui est peut-être une vue de l’esprit, péremptoire, de Michèle, trouve une sorte de pendant dans la mise en doute d’une réponse « négative », dans l’esprit de Françoise envisageant d’adopter le point de vue de sa sœur. Du jugement de Michèle à celui de Françoise, le paradoxe du « double bind » et le mimétisme qu’il génère (avec la pénétration spirituelle de Françoise à l’égard de sa sœur) se voient liés dans une énigme qui n’a rien d’artistique.
Je n’ose commenter un simple énoncé à propos d’une entrevue avec sa mère, la veille de son euthanasie : « nous parlâmes de la pluie et du beau temps et n’en pensâmes pas moins »45. Mais c’est dans le texte de certaines chansons que l’alternance du beau temps et de la pluie semble exprimer le tourment qui innerve tous les aspects de l’art de Françoise.
La violence du « Père contradicteur » qui peut nommer ce pouvoir de contrainte sans âge, semble réfléchie dans l’attitude de plusieurs figures profilées sur le destin de Françoise. À commencer par sa grand-mère maternelle, marâtre abhorrée et qui pourtant avait « supporté » le « statut honteux de fille mère » qui fut celui de la mère de Françoise46. Je doute que la psychanalyse puisse éclairer tout à fait le mystère de la coïncidence, en 1981 (date fatidique à bien des égards), de la mort tragique de son père, vieil homosexuel abattu par un de ses michetons, avec l’apparition d’une tumeur dont Françoise eut la chance de se débarrasser. En 1994, c’est la mort de sa propre mère qui inspire à Alain Lubrano la musique de la chanson « Le danger », écrite par Françoise ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Daniel cohen éditeur
  4. Copyright
  5. Dans la même collection
  6. Titre
  7. Du même auteur
  8. Remerciements
  9. Avant-propos
  10. I - Les « morceaux » qui ne se joignent pas
  11. II - Un point, c’est tout
  12. III - L’objet d’un exorcisme
  13. IV - Une mystique du Cœur
  14. Table des matières