CHAPITRE I
LE PERVERS NARCISSIQUE
Je me fous, fous de vous. Vous m’aimez, mais pas moi. Moi je vou… voulais mais, confidence pour confidence, c’est moi que j’aime à travers vous.
JEAN SCHULTHEIS. Confidence pour confidence.
Le pervers narcissique en général
Le terme psychopathie est né dans les années 1930. Aujourd’hui, les spécialistes préconisent d’abandonner le terme de psychopathie pour l’expression Organisation de la Personnalité à Expression Psychopathique qui donne l’acronyme OPEP. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !
Alors faisons simple.
Robert Hare, né en 1934, psychiatre canadien et professeur émérite de l’Université de la Colombie-Britannique, a consacré l’ensemble de sa carrière à l’étude de la psychopathie.
Il a établi une liste d’évaluation de la Psychopathie. En voici quelques points :
- Un psychopathe porte ce que les professionnels appellent un masque de santé mentale qui est à la fois plaisant et aimable.
- Une grandiose perception de soi. Les psychopathes pensent souvent être plus intelligents ou plus puissants qu’ils ne le sont réellement.
- Un besoin constant de stimulation. L’absence de mouvement, le calme et la réflexion ne sont pas choses aimées des psychopathes. Ils ont constamment besoin d’activité et de divertissement.
- Mensonges pathologiques. Un psychopathe répand toutes sortes de mensonges, qu’il s’agisse de petits mensonges comme d’histoires entières destinées à duper. Les psychopathes peuvent être doués comme ennuyeux, très performants comme peu actifs, comme n’importe qui d’autre. Un psychopathe sans aucun talent peut blesser quelques personnes, alors qu’un psychopathe talentueux peut causer du tort à une nation entière. La différence entre un psychopathe et une autre personne réside en l’absence organique chez le psychopathe d’une conscience ou d’une empathie pour les autres.
- Évaluation du niveau de manipulation. Les psychopathes sont rusés et capables de pousser les gens à faire des choses qu’ils ne feraient pas normalement. Ils peuvent utiliser la culpabilité, la force et d’autres formes de manipulation.
- Sentiment de culpabilité. L’absence de culpabilité ou de remords est un signe de psychopathie.
- Réponses émotionnelles d’une personne. Les psychopathes font preuve de très peu de réaction émotionnelle en cas de décès, d’accident, de traumatisme ou d’autres évènements qui pourraient causer une réponse bien plus émotive chez d’autres. Les autres sont pour un psychopathe source de satisfaction, et rien de plus.
- Absence d’empathie. Les psychopathes sont insensibles et ne sont pas capables d’avoir des rapports avec les autres qui ne soient pas des formes d’exploitation. Ils peuvent avoir des relations utilitaires temporaires avec d’autres psychopathes et sociopathes.
- Les psychopathes sont souvent parasitiques. Ils se nourrissent des autres, que ce soit émotionnellement, physiquement ou financièrement. Leur devise est : domination et contrôle. Ils se disent souvent incompris ou diffamés pour gagner la sympathie d’autres personnes.
- Prise de risques obsessive et absence de contrôle de soi. La liste d’évaluation de la psychopathie inclue trois indicateurs comportementaux : absence de contrôle comportemental, promiscuité sexuelle et troubles du comportement.
- Les psychopathes ont des objectifs irréalistes sur le long terme. Soit, ils n’en n’ont pas du tout, soit leurs objectifs sont inatteignables et basés sur l’idée exagérée qu’ils se font de leurs capacités et de leurs accomplissements.
- Les psychopathes sont souvent impulsifs ou irresponsables. Leur absence de regrets n’a aucune limite. Ils se moquent de ce que vous pensez d’eux.
- Un psychopathe n’accepte pas ses responsabilités personnelles. Un psychopathe n’admettra jamais s’être trompé ou avoir commis une erreur de jugement. Il déteste et dénigre ses victimes une fois qu’il en a fini avec elles. Son seul regret est que sa source de satisfaction n’est plus et qu’il doit en trouver une nouvelle.
- Les psychopathes n’ont pas de relations personnelles sur le long terme. Si une personne enregistre à son actif plusieurs mariages très courts, plusieurs amitiés brisées et un certain nombre de relations transactionnelles, il y a des chances qu’elle soit psychopathe.
- Les psychopathes sont souvent versatiles dans leur criminalité. Ils sont capables de s’en tirer avec beaucoup d’aisance, et bien qu’ils se fassent parfois attraper, leur capacité à s’adapter et se montrer flexibles lorsqu’ils commettent des crimes est indicative. »
Les pervers narcissiques font partie de la grande famille des psychopathes mais si TOUS LES PN SONT DES PSYCHOPATHES, TOUS LES PSYCHOPATHES NE SONT PAS DES PN.
Les plus dangereux, les tueurs et violeurs en série, sont souvent motivés par la jouissance sexuelle qu’ils ne trouvent qu’au travers des actes de cruauté qu’ils infligent à leur victime. Ils sont pervers et machiavéliques. En revanche ils ne sont pas tous narcissiques. La satisfaction sexuelle n’est pas la motivation principale du PN. Le pervers narcissique est uniquement motivé par une volonté de dégrader l’image de l’autre et de le contrôler de façon parfois violente. Le sexe ne sera qu’un moyen supplémentaire pour humilier sa victime, soit en lui imposant des relations sexuelles, soit en la privant de tout contact.
Le PN est un redoutable prédateur qui peut chasser de deux façons : à l’affût ou en battue. L’un utilise les appâts d’inhibition comme la douceur, la discrétion, l’écoute. L’autre éblouit par sa prestance, les belles paroles et les cadeaux somptueux. On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre.
Pendant la période dite lune de miel, il jouera le prince charmant. Dans un parfait mimétisme, il aimera tout ce que vous aimez, s’intéressera à tous vos hobbies, adoptera vos idées. Vous aurez l’impression d’avoir trouvé votre âme sœur.
Il pourra ajouter une touche de défi.
« Quand je l’ai rencontré, il m’a dit qu’il ne retrouvait pas sexuellement le feu qu’il ressentait avec son ex. Que personne ne pourrait lui arriver à la cheville. J’ai immédiatement mis fin à la relation. Il m’a relancée, s’excusant de sa maladresse. Il pleurait, il me disait qu’il avait beaucoup souffert avec elle et qu’il voulait se venger. Je l’ai cru. Et petit à petit il m’a transformée. Il m’a fait changer de coupe et de couleur de cheveux. Puis j’ai troqué mes baskets contre des escarpins à talons et mes jeans contre des jupes courtes. Il m’offrait des rouges à lèvres et des séances dans une onglerie. Je suis devenue une vraie poupée Barbie. Puis il s’est mis à surveiller ce que je mangeais. Je ne devais pas prendre un gramme. Je n’avais pas conscience que j’étais devenue son objet. Je lui faisais plaisir, c’est tout. Notre sexualité se résumait à des fellations. Il me donnait rendez-vous sur le parking de son travail, pendant ses pauses, pour que je lui « fasse plaisir » dans sa voiture. Je ne me posais pas de question, j’obéissais.
J’ai demandé à une amie qui habitait Paris, de m’héberger pour une chirurgie des seins qu’il m’avait offerte pour Noël. Quand nous nous sommes revues, elle ne m’a pas reconnue. Dans son regard, j’ai vu ma transformation. Sur Internet, nous avons trouvé des photos de son ex. J’ai été horrifiée. Il m’avait clonée ! J’ai annulé l’opération et refusé de lui rembourser les arrhes versées au chirurgien. Il n’a pas manqué de me les réclamer. Il m’a fallu beaucoup de séances de psychothérapie pour redevenir moi-même. J’avais finalement tout accepté pour être à la hauteur de son ex ».
Ou une touche de non-engagement.
« Je ne veux pas vivre avec toi, c’est trop tôt pour moi. Mon ex m’a trop fait souffrir. Elle a profité de moi, je lui ai tout donné ». Il est bon de rappeler que les ex des PN sont toutes décrites comme d’odieux personnages. La victime sera alors mise au défi de le conquérir. Elle se fera un devoir d’être peu exigeante. Elle paiera le loyer, les charges et tout le reste pour lui prouver, qu’elle au moins, n’est pas vénale. En cas de crise, et il y en aura beaucoup, il se fera une gorge chaude de lui faire remarquer qu’il n’a rien demandé.
« Tu m’as voulu, tu m’as eu ».
Ou au contraire, il s’engagera trop rapidement.
« Dès notre première rencontre, il m’a dit « tu es mon âme sœur ».
Un mois après, il quittait son appartement et aménageait chez moi.
Il est rapidement devenu violent ».
« Il m’a contactée sur un site de rencontre, après trois coups de téléphone, il m’appelait puce ou ma belle. J’aurais dû me méfier ».
Il pourra aussi se montrer patient.
Il attendra que votre fuite soit moins aisée. Le PN montre son vrai visage à l’occasion d’une grossesse, de l’achat d’un bien commun, d’un engagement professionnel ou quand il a réussi à isoler sa proie. Dans tous les cas, après l’idylle, le conte de fée se finira mal. Tôt au tard, le monstre se réveillera et le prince se transformera en crapaud. Une fois le piège refermé, il dévoilera sa véritable personnalité, un individu manipulateur, sans scrupule, froid, calculateur, dominateur, qui cache son jeu, qui triche, ment, qui ne tient pas ses promesses, qui critique, surveille, menace.
Son but ? Exercer son pouvoir sur vous pour mieux vous contrôler. C’est son unique façon de survivre et de ne pas se confronter à sa propre déstructuration. Il vous appuie sur la tête pour garder la sienne hors de l’eau. Il n’a psychiquement pas le choix.
Le PN a une exigence de perfection. Il se montrera vite tyrannique si vous ne répondez pas exactement à ses attentes. Il ne supporte pas la frustration, ce qui entraine des changements brusques de comportements, il peut passer de la colère au calme et inversement. Le PN est un comédien né.
Il n’a ni conscience morale ni considération pour autrui. Il est égocentrique et jaloux. Sa jalousie maladive est un prétexte au harcèlement et à la violence. Le PN veut vous posséder et vous priver de ce que vous êtes et de ce que vous avez : la joie, l’amour, les relations, les biens. Il exècre particulièrement votre indépendance qui serait un frein au contrôle qu’il veut exercer sur vous. Il va donc tout faire pour vous dépouiller. Il hait ce que vous aimez, à part lui-même. Il rejette tout ce qui peut se placer entre lui et le contrôle qu’il veut avoir sur vous. Il est allergique au bonheur, il cherche donc à le détruire.
Il dit le faux pour savoir le vrai. Il vous culpabilise en inversant les rôles. Il a une logique implacable. Il tient des discours opposés à ses actes. Il change de sujet quand il est à court d’argument (ce qui est rare). Pour garder son pouvoir, il divise pour mieux régner. La perversion narcissique n’a pas de visage. En société, on pourrait imaginer un monstre infâme que tout le monde craint. Non, le PN a le masque de Monsieur tout le monde. C’est un personnage affable et dévoué (trop). C’est le gendre idéal, le copain idéal, le voisin ou le collègue idéal. Du moins en apparence. Il en fait des tonnes pour cultiver cette image. Ainsi sa victime n’est pas crédible quand elle veut sortir du silence. Si elle arrive à quitter l’enfer qu’elle vit au quotidien, elle peut perdre le soutien de ses proches. « Tu exagères, il est tellement gentil ».
Le PN n’aime personne. Pas même ses propres enfants. Ce qui n’est pas concevable pour la majorité d’entre nous. Lorsque le PN exprime une émotion, il utilise des expressions faciales et corporelles qui sont censées représenter ce qu’il ressent. Mais une vraie émotion fait suite à une sensation. Sans sensation elle n’a aucune valeur. Le PN ne ressent rien. Ses expressions sont une création du mental. Il mime. Tel un transformiste, il a le pouvoir de changer de visage ou de comportement en un clin d’œil. C’est un bon acteur. Quand la scène est finie, il quitte le plateau et passe à autre chose. Chez le PN, son « ressenti » ment.
Des images IRM peuvent identifier l’activité cérébrale des personnes quand elles sont soumises à du matériel émotionnel. Chez une personne normale, la partie du cerveau qui traite les émotions (l’hippocampe et l’amygdale entre autres) est activée. On peut faire la distinction de leurs réactions face à des évènements émotionnels et des évènements neutres. Chez le PN il n’y a pas de différence.
Il n’est pas heureux, il est satisfait. Il n’est pas triste, il est frustré. Il n’aime pas, il convoite. Il ne ressent pas de colère, il intimide et terrorise. Son attitude crée une distorsion cognitive chez ses victimes. Toute personne psychiquement équilibrée est incapable de concevoir qu’un individu puisse montrer une émotion qu’il ne ressent pas.
« Il était vraiment malheureux quand je lui ai dit que j’allais le quitter. J’ai eu mal au cœur de le voir pleurer ainsi. Il me suppliait, me disait qu’il allait changer, me demandait pardon. Quand je suis partie en claquant la porte, j’avais le cœur brisé de lui faire tant de mal. Sur le palier, je me suis aperçu que j’avais oublié mes clefs de voiture sur le petit meuble de l’entrée. Quand j’ai ouvert la porte, il était au téléphone avec un copain. Tout joyeux, il lui proposait d’aller boire une bière comme si rien ne s’était passé ! C’est à ce moment-là que j’ai compris ».
Docteur Jekyll pour l’entourage et Mister Hyde pour ses victimes, le PN est intelligent et habile. Les services sociaux, les forces de l’ordre ou la justice se font berner par ses talents d’acteur. Comme tous les psychopathes, il exerce une fascination chez les personnes qui le côtoient. Il prend soin d’éliminer de son entourage celles qui ne se laissent pas manipuler.
Le PN calcule tout, anticipe tout, contrôle tout, surtout dans le domaine de l’argent, merveilleux outil de pouvoir. Il dépouille sa victime avec une grande habileté pour la rendre vulnérable et dépendante de lui. C’est un joueur d’échecs confirmé qui commence la partie avec cinq tours d’avance. Quelle que soit sa stratégie de défense, sa victime finit toujours échec et mat. Soit il s’acharne sur elle pouvant aller jusqu’à la tuer, soit il s’en désintéresse et en trouve une autre toute neuve, une prête à détruire. Si c’est la victime qui sort du jeu, le PN devient une réelle menace pour elle. Quand elle a l’outrecuidance de quitter son bourreau, elle en paye le prix fort. Harcèlement, coups bas, menaces, violences, pouvant aller jusqu’au meurtre. Il n’hésitera pas à se servir des enfants pour affoler sa victime. Un dépôt de plainte et un rappel à la loi pourront parfois le stopper. Le PN est lâche et il n’a pas envie d’égratigner sa réputation. Hélas dans certains cas, ce ne sera pas suffisant.
Le PN n’est pas conscient d’être pervers. Demander à un PN s’il a conscience d’être un PN équivaudrait à demander à un fou s’il sait qu’il est fou.
LE PN A CONSCIENCE DE CE QU’IL FAIT MAIS PAS DE CE QU’IL EST.
Son incapacité à se remettre en question le rend donc INCURABLE. Attendre de lui qu’il change de comportement, équivaut à espérer qu’un moustique cesse de vous piquer pour se nourrir. Dans sa boîte à ouvrage, le PN possède toutes les ficelles manipulatoires du stade MP4, qu’il va utiliser tour à tour et sans modération. Il va s’appuyer sur trois leviers principaux pour maitriser ses victimes. Le doute, la culpa...