Le capital ethnique
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Le capital ethnique

Contribution à une infra-politique des dominés

  1. 152 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Le capital ethnique

Contribution à une infra-politique des dominés

À propos de ce livre

Par-delà les discriminations ethniques que documente la recherche scientifique, cet ouvrage fait le pari de proposer le concept de capital ethnique à la discussion de la communauté scientifique. Comment le définir? En quoi se distingue-t-il ou se combine-t-il des formes de capitaux définis par Bourdieu? En quoi est-il heuristique? Peut-on le tester sur des terrains empiriques? Est-il même possible de le décliner théoriquement? Peut-on le mobiliser dans plusieurs cadres théoriques? Le concept de capital ethnique que nous avons formalisé n'est pas une déclinaison des capitaux définis par Pierre Bourdieu. Il ne se réduit pas à une ressource investie dans des pratiques sociales et des interactions sociales. En tant que capital biographique, il participe à un habitus de résistance/solidarité.

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Informations

Éditeur
Téraèdre
Année
2021
ISBN de l'eBook
9782336942179

Chapitre 1

Le concept de capital ethnique, entre théories
critiques et théories de la résistance

S’il est un concept qui a irrigué de filiations et controverses toutes les sciences sociales, c’est bien celui de « capital » depuis les travaux décisifs de Bourdieu et Passeron en France (1964 ; 1970). Bourdieu définit l’espace social comme un ensemble de positions se découpant en champs où circulent des biens rares dont l’appropriation est l’enjeu. Les champs sont des espaces structurés de positions, articulant orthodoxie et hétérodoxie. La structure d’un champ à un moment donné dépend de l’état du rapport de force entre les agents sociaux et les institutions engagés dans la lutte pour le monopole de l’expression légitime du champ. Les relations caractérisant les agents sociaux dans un champ sont définies par les positions individuelles ou collectives dans la distribution des ressources (capitaux économique, social, culturel, symbolique) et dans les proportions de dotations de ces ressources dans le capital total. Empruntée à l’appareil conceptuel de l’économie, la notion de capital désigne en première approximation l’ensemble des ressources dont disposent les individus dans un champ. Le « capital économique » y désigne l’ensemble des ressources financières et patrimoniales, mobilières et immobilières, d’un individu ou d’un groupe. Le « capital culturel » plus hétérogène (Bourdieu, 1979b) et dont l’étendue définitionnelle est plus ou moins large (Draelants & Ballatore, 2014) se décline sous trois formes : le capital culturel objectivé sous la forme de biens culturels ; le capital culturel institutionnalisé (principalement une forme d’objectivation reposant sur le titre scolaire) et le capital culturel incorporé (ensemble de dispositions durables intériorisées et de compétences liées à un « style de vie » et un habitus. Le concept de « capital social », dont le développement est plus récent (Coleman, 1988) renvoie enfin aux ressources que l’individu mobilise à travers les réseaux de relations dans lesquels il évolue : famille, amis, collègues de travail, voisinage et aujourd’hui numérique (Granovetter, 1973). Ces concepts ont été notamment mobilisés dans l’analyse de la production et de la reproduction des inégalités de destin, notamment dans la sociologie de l’éducation ou de la mobilité sociale, la sociologie de la culture, mais aussi en sciences de l’éducation ou en science politique. La distinction de ces différentes espèces de capitaux, dont les formes de transmission, de conversion, d’accumulation comptent parmi les objets de prédilection de la sociologie contemporaine, rompt avec les conceptions unidimensionnelles de la stratification sociale ou des rapports de classe. (Coulangeon, 2012). Ce à quoi il faut ajouter que tout champ s’inscrit dans une histoire générale mais produit sa propre histoire.
Dans un champ, des agents et des institutions sont en lutte, avec des forces différentes, et selon des règles constituées d’espace de jeu, pour s’approprier les profits spécifiques qui sont en jeu dans le jeu. Ceux qui dominent le champ ont les moyens de le faire fonctionner à leur profit mais ils doivent compter sur la résistance des dominés. (Bourdieu, 1976 : 91).
L’objet de ce chapitre est une proposition conceptuelle, le concept de capital ethnique. Comment le définir ? En quoi se distingue-t-il ou se combine-t-il des formes de capitaux définis par Bourdieu ? Est-il du même ordre cognitif ? Si ce n’est pas le cas, comment peut-il être un levier pour (re) penser la théorie critique à l’aune des théories de la résistance ? Est-il une forme de capital biographique ?
Il nous faut d’abord penser la notion d’ethnicité, si peu légitime dans le champ français :
Ce n’est faire insulte à personne que d’affirmer que les sciences sociales francophones surtout européennes accusent un retard théorique certain par rapport à la réflexion anglosaxonne sur « ethnicity ». (Martiniello, 1995 : 6)
Le concept d’ethnicité s’est d’abord développé aux ÉtatsUnis, dans une société inter-ethnique reconnue comme telle, et traite des relations interethniques. L’ethnicité renvoie à un principe d’organisation sociale délimitant une frontière Eux/Nous, basée sur une attribution catégorielle qui classe les personnes et les groupes au regard de leur origine supposée et se traduit dans les interactions sociales par des signes culturels socialement différenciateurs. Elle désigne à la fois une force de différenciation sociale et politique et une forme d’inégalité structurelle. Elle ne peut évidemment pas se définir par des caractéristiques (physiques, culturelles, physiologiques…) objectives des individus ou des groupes mais par la construction socle et politique de ces différences (réelles ou pas).
Une des difficultés tient au brouillage entre l’usage public, l’usage institutionnel et l’usage scientifique de la notion.
[…] Les discours ont besoin de mots, actualisés ou pas, mais ceux-ci ne sont jamais neutres car ils définissent le problème social en attirant l’attention sur certains aspects et déterminent donc ce qui en est pensé et les actions mises en œuvre. (Bonnéry, 2006, p. 2)
Maryse Tripier précise que :
le plus souvent les auto-affiliations répertoriées reflètent un mélange des catégories du sens commun, des catégories « médiatiques », des usages dominants, ou parfois, inversement, des positions souhaitées ou des réponses contestataires, liées à des stratégies de reconnaissance. Ce que l’on obtient relève de la perception croisée des groupes en présence, des représentations sociales. (Tripier, 2008 : 4)
Médias et politiques publiques ont, en outre, un rôle majeur dans l’adoption de cette appellation pour qualifier les rapports sociaux. Ainsi, Christian Poiret montre que
[…] depuis le début des années quatrevingt, on peut constater, dans le champ scolaire comme dans l’ensemble de l’espace social, un recours croissant à de multiples catégories ethniques (Beurs, Africains…) servant de plus en plus à distinguer parmi les personnes de nationalité française celles qui seraient de « vrais Français » (des « Français de souche ») de celles qui n’en seraient pas vraiment. Or, ces catégories ne sont pas que des mots, elles se traduisent aussi en pratiques qui, au moins pour parties sont discriminatoires. (Poiret, 2000 : 150)
Dans le même sens, Geneviève Zoïa indique que :
La catégorie ethnique est pratique, elle fait l’objet de bricolages incessants ; même si on peine à le reconnaître, l’ethnographie des choix éducatifs familiaux montre qu’ils sont liés aux types de publics des établissements scolaires et que les chefs d’établissement composent, dans la mesure de leurs possibilités, leurs classes sur des bases très informelles faisant appel à ces critères. Les autorités académiques admettent la nécessité de considérer et traiter différemment la scolarité des « enfants du gens du voyage » ; les politiques de gestion du peuplement des quartiers défavorisés mobilisent de façon informelle des critères ethniques. En somme, les identités culturelles, décriées dans les débats publics, fonctionnent comme des ressources dans la réalité politique et sociale et la catégorie ethnique est mobilisée dans de nombreux secteurs. Elle informe divers champs, artistiques et marchands. Les identités, culturelles, ethniques, ne constituent ni un patrimoine figé de traditions, ni une menace pour les idéaux d’égalité républicaine. Elles sont une dimension culturelle de l’action qui peut conduire individuellement et collectivement à concevoir de nouvelles appartenances et à les mettre en jeu dans des processus symboliques, sociaux et économiques (Zoïa, 2013 : 84)
Aussi, pour l’auteure, cette ethnicité s’inscrit dans des logiques de localisation spatiale. Il apparaît que certains lieux sont marqués par ces logiques et ce sont en termes d’insécurité, de difficulté ou de violence qu’il est fait référence à ces espaces. Pour la sociologue, les médias, l’opinion publique et les politiques publiques ou éducatives évoquent les termes de mixité ou diversité pour désigner en réalité les communautés minoritaires. C’est d’ailleurs sur ces publics que les effets d’une ségrégation se font sentir. Les enfants de l’immigration sont pris dans un effet collectif très politisé. Ils sont perçus comme étant un problème public en raison de « leur échec ». Or, Zoïa affirme que leurs résultats scolaires ne sont pas défaillants à cause de leurs individualités ou de leurs conditions socioéconomiques mais en raison des représentations sociales sur leur quartier et leur groupe ethnique et social. Ainsi perçus sous des stéréotypes dépréciatifs, les familles immigrées et leurs enfants ne se sentent pas citoyens ou propriétaires de l’école. Tous les espaces de l’école sont pensés sous l’angle de l’ethnicité : la cour de récréation est à l’image du quartier ; les professeurs parlent d’insécurité, de violence, d’incivilité. La cantine fait aussi référence aux différences culturelles des enfants d’immigrés à travers les repas halal. Ainsi, le constat de Geneviève Zoïa est que l’ethnicité est un travail de production de soi et de brouillage des frontières à partir d’éléments imposés. Certains chercheurs comme Harry Goulbourne, Julian PittRivers et Charles Wagley ont proposé la notion de « race sociale » pour contourner la difficulté principale : si la notion de race n’a aucun sens biologique, la notion de sa construction sociale et de ses effets en a. Mais force et de constater que cette notion est peu usitée en sciences sociales.
Dans la recherche académique française, analyser les relations interethniques dans la société française sous l’angle de l’ethnicité demeure problématique malgré plus d’une décennie de travaux. En effet, l’ethnicité évoque l’hétérogénéité des individus. Or, la nation française, reposant sur un principe d’unité et d’indivisibilité, n’admet pas que les rapports sociaux puissent également être basés sur un principe catégorisant les individus en fonction de leur supposée appartenance ethnique. Mais « Ce n’est pas en refusant d’utiliser un mot que les réalités qu’il désigne disparaîtront » (Martiniello, 1995 : 12). L’ethnicité est une construction sociale. C’est dans ce sens que Fredrik Barth précise que
[…] les groupes ethniques sont des catégories d’attribution et d’identification opérées par les acteurs eux-mêmes et ont donc la caractéristique d’organiser les interactions entre les individus (Barth, 1995 : 210).
L’ethnicité peut être subie, choisie ou les deux. Tel est l’un des débats : est-ce un choix individuel voire revendiqué et/ou une attribution politique et sociale ?
Ce concept résulte donc d’une production sociale qui découle d’une distinction de l’ordre du symbole. En effet, l’ethnicité repose sur des croyances qui peuvent
s’ancrer dans des traits culturels […] ou physiologiques […] communs, mais qui ne prennent sens sociologiquement que pour autant qu’ils soient subjectivement perçus par les acteurs sociaux comme fondateurs d’une cohésion sociale. (Géraud, Leservoisier, & Pottier, 2000 : 63).
L’ethnicité n’est donc pas un ensemble de traits phénotypiques qui définissent une race ou une culture précise, c’est un type d’organisation sociale dont la caractéristique principale est « l’auto-attribution ou l’attribution par d’autres à une catégorie ethnique. » (Barth, 1995 : 211). En d’autres termes, l’ethnicité n’est pas au fondement des groupes ; elle en est le produit, et un produit fluctuant au gré des relations entre groupes ethniques, c’est donc une notion éminemment relationnelle. Les interactions au sein des groupes relèvent de processus de communalisation (Weber, 1920) Nous entendons donc le domaine de recherche de l’ethnicité comme « l’étude des variables, jamais finies, par lesquels les acteurs s’identifient et sont identifiés à partir de traits culturels supposés dérivés d’une origine commune et mise en relief dans les interactions sociales (Poutignat & Streiff-Fenard, 1995), étant entendu que la dissymétrie concerne tous les « étrangers sociologiques » (Crenn & Kotobi, 2012).
Du point de vue micro-sociologique l’ethnicité correspond au sentiment d’appartenance qu’a un sujet sans pour autant être univoque. Le sujet peut se sentir à la fois provençal, français, arabe, européen, femme, et de milieu populaire…
Du point de vue méso-social, par l’auto-définition autant que par l’hétéro-définition de groupes ethniques, l’ethnicité peut constituer un principe mobilisateur activant des pratiques et des représentations.
Du point de vue macrosocial,
l’ethnicité concerne les contraintes structurelles de nature sociale, économique et er politique qui façonnent les identités ethniques et qui assignent les individu à un positon sociale déterminée en fonction de leur appartenance imputée à une catégorie ethnique » (Ibid. : 24).
Les ancrages théoriques de la notion d’ethnicité renvoient à des théories opposées1 : les théories naturalistes ou les théories sociales.
Historiquement, les théories naturalistes, qu’elles soient sociobiologiques ou primordialistes, résonnant souvent avec les théories raciales du siècle dernier, constituent un reniement des apports des sciences sociales
Les théories sociales, à l’opposé, pensent les processus sociaux et politiques et pas les aspects supposément génétiques et biologiques. Elles se distinguent en théories substantialistes et théories non substantialistes.
Les théories substantialistes se réfèrent à un contenu culturel distinctif de groupes stables. Les théories non substantialistes émergent avec la théorie des frontières ethniques de Fredrik Barth (1995) : celle-ci repose principalement sur l’idée que les identités et les groupes ethniques tiennent non pas à des contenus culturels mais à des questions d’organisation sociale et politique et donc aux processus d’établissement, de maintien ou de disparition de frontières ethniques. D’autres approches non substantialistes ont émergé : l’approche instrumentaliste de la nouvelle ethnicité de type optionaliste où l’ethnicité est pensée comme choix identitaire stratégique (Bell, 1976), les théories du choix rationnel (Banton, 1979), et la théorie constructiviste de la compétition ethnique, la nouvelle théorie de l’ethnicité symbolique, centrée sur la signification subjective de l’ethnicité : celle-ci est pensée comme construction culturelle constamment réinventée en réponse aux mutations sociétales, et parfois identification symbolique à une ascendance choisie, sorte d’ethnicité symbolique choisie comme par exemple les Américains d’origine européenne s’identifiant à un aïeul irlandais ou italien… (Gans, 1994).
Repérons donc que dans les travaux non substantialistes et non naturalistes, qui constituent le substrat de notre travail, la notion d’ethnicité est pensée comme flexible et variable, mais qu’elle est plutôt mobilisée comme contrainte que comme ressource.
Notre proposition est de la penser aussi comme ressource.
La notion de capital ethnique comporte peu d’occurrences en sciences sociales : sous l’angle du capital social ethnique pour analyser la création et la pratique du commerce par les immigrés chinois vivant à Paris, Bruxelles et Montréal (Nicholls, 2012), sous l’angle d’une forme de capital symbolique, « entendu comme l’ethnicité perçue, incarnée dans une apparence, des manières de faire, et une lexis occupe une place déterminante dans la structuration de l’espace social […] (Lahire, 2011 : 385) ou bien encore sous l’angle d’une empreinte culturelle produite par l’appartenance au groupe producteur de mémoires (Juteau, 2015).
Nous nous proposons ici de penser la notion de capital ethnique grâce aux théories de la résistance.
Les resistance studies ‒ champ encore en constitution ‒ supposent de penser les capacités de résistance des sujets face à un monde normé (dont d’ailleurs l’école est un archétype). Jean-Louis Derouet (2020) montre l’émergence et le sens des théories de la résistance en contrepoint de la sociologie critique : si, avec les années 1960-1970, la sociologie critique a eu pour objet de déconstruire les mécanismes de domination notamment au travers d’une approche en termes de capitaux, tandis d’autres travaux pensaient les ruses des opprimés, les années 1980-1990 sont caractérisées par le tournant ethnographique, notamment avec les travaux James C. Scott (2009), au fondement, avec la sociologie pragmatique, des théories de la résistance. Elles ont pour point commun de mettre en évidence les compétences critiques des sujets, qui ne sont jamais aussi soumis qu’il n’y paraît. Les capacités stratégiques des sujets se manifestent par des ruses adaptatives, résistances et stratégies de survie renvoyant à des compétences réflexives portées par des grammaires de justification (Mabilon-Bonfils, 2013) qui donnent sens à leurs pratiques.
Peut-on définir le concept de capital ethnique ? Si oui, estil heuristique ? A quelles conditions ? Quels sont les enjeux méthodologiques, épistémologiques et politiques de son utilisation ? Si le pari que nous faisons ici de proposer ce concept à la discussion de la communauté scientifique est relevé, peut-on le tester sur d’autres terrains empiriques ? Est-il alors possible de le décliner théoriquement comme une forme de « capital de résistance » ? Dès lors peut-il se décliner en d’autres natures de capital, sorte de capital des « dominés », qui ne se réduise pas à une forme de capital social faite de solidarités et de relations à l’intérieur du groupe ?

Le capital ethnique, comme concept

S’il s’agit de tenter de définir une notion, voire un concept, plusieurs questions emboîtées se posent : est-il vraiment un capital et donc une ressource mobilisable ? Comment le situer par rapport aux concepts existants de capital (économique culturel, social, symbolique) ? Est-il une forme de capital parmi d’autres ? Ou bien encore un capital transversal ? Sa définition relationnelle suppose-telle qu’il soit conscientisé pour exister ?

Un capital transversal ?

Du capital social ethnique au capital ethnique

Si Nicholls (2012) utilise la notion de capital social ethnique pour analyser l’entrepreneuriat des minorités ethniques selon une perspective interactive et multifactorielle proposée par Waldinger et al. (1990), l’article ne la définit pas spécifiquement : il s’agit d’utiliser le capital social de Bourdieu affecté aux Chinois définis par leur autodéfinition en tant que Chinois, qu’ils s...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Introduction
  6. Chapitre 1 : Le concept de capital ethnique, entre théories critiques et théories de la résistance
  7. Chapitre 2 : Le capital ethnique comme levier de réussite scolaire atypique
  8. Chapitre 3 : Le capital ethnique, un capital de dominés ?
  9. Conclusion – Le capital ethnique comme capital biographique
  10. Bibliographie
  11. Table des matières