Jean Rouch
eBook - ePub

Jean Rouch

Passeur d'images, passeur de mondes

  1. 408 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Jean Rouch

Passeur d'images, passeur de mondes

À propos de ce livre

L'activité de Jean Rouch est inlassable et multiple. Or, tout cela est immergé dans la complexité des sciences humaines et de leur croisement avec des techniques liées à des arts. Il a marqué son époque en inventant des dispositifs qui ont notamment changé en profondeur l'ethnocentrisme occidental et participé au décloisonnement de certaines expressions artistiques. Jean Rouch. Passeur d'images, passeur de mondes est un ouvrage collectif autant dédié au présent de l'oeuvre rouchienne qu'à sa postérité et à ses échos, nombreux, dans le champ de la création contemporaine où elle a fait naître des pensées, des techniques et des gestes renouvelés.

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II

TRACES DE VIE ET DE TRAVAIL

Témoignages, hommages, héritages

Le souffle de la transmission,
la transmission du souffle

Par Nadine Wanono
Témoignage d’une rencontre avec Jean Rouch, au détour de mes 25 printemps
Comment dire, raconter le mouvement, le détournement, l’humour, le respect, la vitesse, la révolte, la fureur, le questionnement et l’amitié qui accompagnèrent plus de trente ans de collaboration. Rouch « m’a donné la route » et je reprendrai quelques extraits de la préface intitulée « L’itinéraire initiatique » qu’il a écrite lors de la publication de ma thèse aux éditions du CNRS1.
Au début il y a eu Henri Langlois qui, dans la caverne obscure de la cinémathèque française, mettait en scène, jouait avec les images et les sons, créant d’éphémères cadavres exquis avec des bouts de films cueillis au vent de l’éventuel, en toute rigueur amoureuse et en toute fantaisie scientifique… Et c’est avec Langlois et Griaule comme ancêtres totémiques enthousiastes que Nadine partit, avec tout bagage, un sac à dos plein de questions informulées, et dans un minuscule sac à malices, l’œil et l’oreille magiques d’une caméra Super8, et s’en alla découvrir sa famille inconnue, chez les dogon de la falaise de Bandiagara… (…). Alors commence l’une des plus belles aventures ethnographiques d’une petite fille que je comparerai plutôt qu’à Alice au pays des merveilles à L’enfant de la haute mer de Jules Supervielle, venant de nulle part et n’allant nulle part, dans cette haute mer minérale de la falaise… Si je m’attarde sur ces premiers instants, c’est parce qu’ils sont pour moi essentiels, ces moments imprévisibles où tout se décide, où tout peut échouer, où tout peut réussir, et qui dépendent d’un seul geste, d’un seul regard, d’une seule parole qu’aucune université ne peut apprendre, sauf peut-être justement le désordre fertile d’Henri Langlois, ou la poésie secrète de Marcel Griaule.
Ou, si je m’aventure à continuer, là où aucune université ne peut apprendre, sauf peut-être la passion de Rouch, son humour, sa dérision, le respect, l’anarchie… tout était là pour défricher un chemin pavé de questionnements et inventer de nouveaux terrains comme Langlois nous invitait inlassablement à le faire, lors de ses cours du lundi à la Cinémathèque française. Au-delà du jeu et de la souplesse de ses idées, de ses connexions et associations, il nous transmettait un esprit, une curiosité, un enthousiasme. Jean Rouch l’évoque en ces termes « (…) Il fallait quelqu’un d’extraordinaire dimension, où l’imprévu était la règle générale. Comme disait Breton” on travaillait au vent de l’“éventuel” tout le temps, tout le temps, c’était purement fantastique » et de continuer : « Alors Langlois a été fait responsable d’une école de cinéma, sans table et sans pupitre, sans tableau noir, je ne sais pas s’il le savait lui-même, mais il nous disait “si vous voulez faire du cinéma, il faut manger deux à trois films par jour”…2«
Lors du colloque international organisé à Montpellier en octobre 2018, « Jean Rouch, passeur d’images et de mondes, quels cinémas pour quelles anthropologies ? », j’ai transmis un témoignage rédigé sous forme de poème en hommage à Rouch après son décès accidentel en 2004. Je voulais révéler d’une part la richesse de nos échanges, la confiance, mais aussi les défis qu’il avait lancés à ses étudiants. Il s’agissait de rendre compte des multiples remises en cause qui ont accompagné ma démarche et l’évolution même de la formulation de mes recherches au fil du temps. Transformation, évolution, intégration, détournement m’ont guidée durant toutes ces années qui maintenant peuvent avoisiner les quarante et finalement aborder la transmission d’un esprit, d’un enthousiasme, d’un souffle qui repousse toujours plus loin les limites. La révélation d’un témoignage à caractère poétique et affectif relevait déjà d’une certaine audace tant le milieu académique nous invite à théoriser et à conceptualiser nos démarches de recherche. Les organisateurs du colloque accueillirent avec une certaine bienveillance ce témoignage, ce qui m’incita à accepter la présente proposition de publication.
Je vais donc prendre la liberté d’assembler des éléments qui pourraient sembler disparates, à la manière dont Aby Warburg3 a conçu la « Mnémosyne », processus de création qui offre une mise en relation sans discrimination historique, stylistique, géographique et qui révolutionna l’histoire de l’art. Ou d’une manière plus actuelle, je vais m’inspirer des réflexions d’Isabelle Stengers : « C’est vrai qu’entre le souffle de l’air et le souffle de la vie, il y a tout un écheveau de relations… Le souffle est sans propriétaire, sans instance soufflante, c’est quelque chose qui ne cesse de circuler entre le dedans et les dehors et parfois de tourbillonner4 ». Souffle de la transmission, invisible lien qui demeure malgré les tourbillons de la vie. N’est-ce pas en 1988, à l’initiative de Jean Rouch, que j’ai déposé une demande de crédits exceptionnels auprès du département des Sciences humaines au CNRS pour tourner en 2027 le prochain Sigui. Lorsque je lui faisais remarquer que je n’étais pas sûre que « la corde de mon pantalon soit assez longue », comme disent les vieux Dogons il m’a ri au nez et m’a assurée de la nécessité de poursuivre des projets sur du long terme, et de soumettre les directions du CNRS à l’examen de projets hors des normes en sciences humaines : un souffle, un esprit, une volonté de briser l’ordre de l’institution. L’académisme ne gênait pas particulièrement Jean Rouch, sinon il n’aurait pas pris le temps de créer ce doctorat en Anthropologie Visuelle au sein de l’université Nanterre Paris X et de la Sorbonne5, et de consacrer tellement de temps à l’enseignement, de rarement rater les cours du samedi matin qu’il donnait à la Cinémathèque française en partenariat avec l’université de Nanterre, mais c’est l’immobilisme du professionnalisme qui y est rattaché : la position académique, le statut et la posture provoquaient chez lui un sentiment de dérision qui l’incitait à détourner, à rire et à déjouer les organes de pouvoir en place en nous exhortant d’être et de rester des amateurs. Cette notion d’amateur en opposition à celle de professionnel fut introduite très rapidement au sein de la formation des étudiants. Il s’agissait de nous insuffler une dynamique et un regard qui nous incitent à privilégier l’innovation et la liberté qui l’accompagne. Sans doute Rouch, grand admirateur des films de Maya Deren, s’est-il inspiré de ses propos lorsqu’elle déclarait en 1965 :
Le cinéaste amateur peut se vouer à capturer la poésie et la beauté des lieux et des événements et, comme il utilise une caméra cinématographique, il peut explorer le vaste monde de la beauté du mouvement. (…) Au lieu d’essayer d’inventer une intrigue qui bouge, utilisez le mouvement ou le vent, ou l’eau, les enfants, les gens, les ascenseurs, les ballons, etc. comme un poème pourrait les célébrer. Et utilisez votre liberté pour expérimenter avec des idées visuelles ; vos erreurs ne vous feront pas virer6.
Le début, la passe, ou le lancer de dés
1976, alors que j’étais tout juste diplômée d’une maîtrise dédiée à Antonin Artaud et à la place des excréments dans son œuvre, Jean Christophe Rosé, réalisateur et ami du comité du film ethnographique, me conseilla de rencontrer Rouch afin d’entamer ma thèse sous sa direction. Quelques mois plus tard, je partais seule en pays dogon avec pour tout bagage une caméra super 8mm et quarante bobines de film : un trésor pour moi, une misère pour d’autres.
À peine revenue de mon séjour au Mali, quelques semaines plus tard, je repartais filmer les premières élections démocratiques en Catalogne et Rouch jubilait et m’encourageait. Ses racines révolutionnaires catalanes prenaient le dessus : il était heureux.
L’année suivante, Jacques d’Arthuys, copain de Rouch, l’embarque dans un projet suffisamment utopique pour plaire au cinéaste qui œuvra pour la mise en place d’ateliers de formation à Maputo. L’armée révolutionnaire venait à peine de gagner l’indépendance de son pays, que Rouch me demanda de participer à l’aventure. Moi étant benjamine de l’équipe, mes collègues étaient tous des réalisateurs cameramen confirmés qui travaillaient déjà en 16 mm. Rouch me faisait confiance et me dotait d’une capacité de renouvellement et d’émerveillement dont il avait besoin. Je travaillais autant à la formation aux techniques cinématographiques qu’à la mise en place d’ateliers de formations aux techniques photographiques pour les fonctionnaires mozambicains ou pour de futurs responsables de musées. Enfin, j’entrepris de multiples projections des films réalisés par les nouveaux réalisateurs auprès d’institutions comme les hôpitaux ou les villages communautaires. Sans surprise pour certain[e]s, le travail réalisé au Mozambique durant plus de trois ans conduisit à l’élimination de Jacques d’Arthuys et à mon exclusion de la formation par la nouvelle équipe qui mettait en place à Paris une nouvelle organisation d’ateliers ouverts aux étudiants étrangers. Je m’éclipsai du comité… Rouch me rappela et me demanda expressément de ne pas me dérober aux engagements pris et de finir ma thèse.
Caméra et politique
Cette première expérience de formation aux techniques légères du cinéma a joué un rôle décisif quant à l’orientation de mes recherches. En effet, en étant confrontée à des registres singuliers de légitimité, à l’affirmation de postures théoriques et épistémologiques provoquées par l’utilisation d’outils scientifiques comme la caméra, j’ai été naturellement incitée à mener une réflexion sur la production des discours qui ont jalonné cette première utilisation des techniques. J’ai poursuivi ces réflexions dans le cadre de recherches, menées au sein du Labex HASTEC7 (Histoire et anthropologie des sciences et des techniques), dont l’objectif est de préciser tant les liens entre les techniques du voir et du (faire) croire que les modalités d’élaboration et de communication des savoirs et des croyances. Démarche réflexive s’il en est, où ma pratique d’anthropologue cinéaste et ma discipline, l’anthropologie visuelle, sont devenues mon terrain d’enquête. Le travail mené au Mozambique fut l’un de ces terrains, où l’usage des techniques audiovisuelles a révélé les liens implicites entre convictions idéologiques, discours esthétiques et pouvoir politique. Ce fut un tournant déterminant dans ma pratique, mais aussi dans ma compréhension des rapports de force suscités par l’utilisation d’un format spécifique d’équipement.
Armand Mattelart écrivait dès 1979, alors que notre travail était à peine terminé à Maputo : « Si l’on veut échapper à l’emprise tenace de la mythologie de la “guérilla des technologies légères”, il faut s’intéresser davantage à la guérilla quotidienne que constitue la lutte pour la création d’une indépendance et d’une nouvelle vie nationale8. »
L’analyse proposée par Armand Mattelart laissait sous-entendre que l’équipe qui portait le projet ne pouvait avoir une conscience politique claire des enjeux soulevés par cette coopération financée par le ministère des Affaires étrangères. Une guerre idéologique se mettait en place à notre insu. En reprenant les termes utilisés dans les différents rapports produits par le Centro de Estudos de Communicacão ou l’Instituto de Investigacão Cientifica de Moçambique, le Mozambique formait des techniciens-opérateurs et nous formions des réalisateurs9.
Cette différence de qualification révélait de fait les visions politiques et idéologiques du programme hébergé à l’université. La relecture des différents rapports décrivant le déroulement...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Remerciements
  6. Sommaire
  7. INTRODUCTION par Gilles Remillet, Julie Savelli, Maxime Scheinfeigel
  8. I. CINÉMAS, ANTHROPOLOGIES
  9. II. TRACES DE VIE ET DE TRAVAIL
  10. III. L’APRÈS-ROUCH : CINÉMA, THÉÂTRE ET AUTRES ARTS
  11. POSTFACE
  12. FILMOGRAPHIE. Par Andrea Paganini
  13. LES AUTEURS