Le virage à droite des élites politiques québécoises
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Le virage à droite des élites politiques québécoises

  1. 286 pages
  2. French
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  4. Disponible sur iOS et Android
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Le virage à droite des élites politiques québécoises

À propos de ce livre

Ce livre est la chronique du basculement à droite de la classe politique québécoise. Avec clarté et rigueur, l'auteur explique comment et pourquoi nos politiciens, tous partis confondus, ont emprunté de facto la voie du néolibéralisme. En suivant le fil des événements qui ont conduit à cette situation, on sera frappé d'y voir se profiler un stupéfiant paradoxe: le parti qui a pris le leadership de ce virage à droite est celui-là même que l'on croyait le plus à gauche des trois formations qui siègent à l'Assemblée nationale. Le Parti québécois, en prenant fait et cause, dans les années 1980 pour le libre-échange à l'américaine, s'est coincé dans une logique néolibérale et a préparé par ses politiques la venue du vrai parti de droite qui l'a supplanté le 14 avril 2003. Le gouvernement Charest n'aura qu'à pousser plus loin dans la même direction pour réaliser son grand dessein de « réingénierie », mot passe-partout qui cache la volonté de limiter la capacité d'intervention et de régulation de l'État.Cet essai se veut une contribution aux efforts des acteurs sociaux et de tous ceux qui cherchent à comprendre ce qui se joue depuis deux décennies sur l'échiquier politique québécois. Il démontre qu'une autre démocratie est possible... pourvu que les bâtisseurs d'alternatives ne soient pas dupes. L'ouvrage dégage des clés pour démystifier le discours ambiant, discerner le discours de la réalité, distinguer les programmes électoraux des programmes de gouvernement et pour percevoir les grands enjeux qui interpellent notre génération.

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Informations

CHAPITRE PREMIER

Le virage libre-échangiste

Les Canadiens ne comprennent pas ce qu’ils ont signé. Dans 20 ans, l’économie canadienne aura été absorbée par l’économie américaine.
Clayton Yeutter, représentant des États-Unis
pour le commerce international (1987-1988)
EN 1988, le Parti québécois endosse résolument la politique de libre-échange du gouvernement canadien alors dirigé par Brian Mulroney. Ce choix crucial fait au prix d’un « virage à 180 degrés », selon l’expression de Jacques Parizeau qui vient d’assumer la présidence du PQ, permet non seulement la ratification de l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis (ALE), mais entraîne toute la classe politique québécoise sur une voie de droite, la voie du néolibéralisme. Ce chapitre retrace les origines et les étapes de ce virage « aux répercussions politiques immenses », comme l’écrira un de ses protagonistes.

Annonce surprise au « Sommet irlandais »

Québec, le 17 mars 1985. Le premier ministre canadien Brian Mulroney et le président étatsunien Ronald Reagan prennent par surprise tous les Canadiens — et même les élus du peuple — en annonçant à brûle-pourpoint qu’ils se sont mis d’accord pour engager un processus de négociation en vue de conclure un traité de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Cela survient lors d’une rencontre-spectacle baptisée « Sommet irlandais » (c’est la Saint-Patrick et les deux comparses sont d’origine irlandaise), conçue pour assurer un retentissement médiatique maximum à cette annonce inopinée. Dévoilée en terrain canadien par un Mulroney euphorique, la nouvelle donne à penser que l’initiative vient de ce côté-ci de la frontière.
La vérité, c’est qu’à cette époque à peu près tout le monde en ce pays s’oppose à un tel accord. Cet enjeu ne figure à l’ordre du jour d’aucun parti ni d’aucune organisation, si ce n’est celui des organisations patronales. Les historiens soulignent que le Parti conservateur, celui de Brian Mulroney, s’est particulièrement signalé tout au long du XXe siècle par son opposition à tout traité de libre-échange avec les États-Unis. Pour sa part, Pierre Elliott Trudeau, premier ministre libéral de 1968 à 1984, n’y voyait qu’une arnaque monumentale : « A monstrous swindle », martelait-il. Son gouvernement s’appliqua à mettre en œuvre des politiques qui allaient dans le sens contraire. Ainsi, il créa, en 1973, l’Agence d’examen des investissements étrangers, connue sous le sigle de FIRA (Foreign Investment Review Agency), dans le but d’endiguer le déferlement des capitaux étatsuniens sur le pays et de faire en sorte que tout investissement étranger se traduise par « un bénéfice net pour le Canada ». Il mit également sur pied le Programme national de l’énergie afin d’encourager et de protéger une industrie pétrolière embryonnaire dans l’Ouest canadien et en Ontario. Dans cette foulée naquit la société d’État Pétro-Canada. Ce nationalisme économique irritait au plus haut point les Étatsuniens qui rétorquaient par le renforcement de leurs lois protectionnistes. À Washington, on disait que discuter de libre-échange avec Herb Gray, alors ministre de l’Industrie et du commerce et parrain de la FIRA, c’était « parler à un mur de briques ».
Au grand soulagement des États-Unis, le nationaliste Trudeau quitte la scène politique en juin 1984. Il est remplacé par John Turner qui convoquera l’électorat aux urnes pour septembre de la même année. Bien que l’idée circule dans le monde des affaires depuis le début des années 1980, le thème du libre-échange n’apparaît pas comme tel dans les débats de la campagne électorale. Faisant écho à une rumeur diffuse, un journaliste interroge le candidat conservateur Brian Mulroney sur la question. Sa réponse est catégorique : « Le libre-échange avec les États-Unis, c’est comme dormir avec un éléphant. C’est fantastique tant que l’éléphant ne bouge pas, mais si l’éléphant se tourne de bord, t’es mort1. » Le lendemain, les journaux titrent : « Mulroney contre le libre-échange avec les États-Unis2. » La position de Brian Mulroney sur ce point n’a d’ailleurs pas varié depuis son entrée en politique. Pendant la course à la chefferie, en 1983, il déclare, catégorique : « Ne me parlez pas de libre-échange. […] Le libre-échange est une menace pour la souveraineté du Canada3. » Fraîchement élu chef du Parti conservateur, il explique au reporter du magazine Maclean’s : « Les Canadiens ont rejeté le libre-échange avec les États-Unis en 1911. Ils feraient la même chose en l9834. »
Ce disant, Mulroney fait sienne la position historique de son parti. Ses conseillers lui ont rappelé que son lointain prédécesseur à la tête du Parti conservateur, Sir Robert Borden, avait fait trébucher Wilfrid Laurier sur cette question en 1911. Le gouvernement libéral de Laurier s’était alors aventuré à entamer avec le gouvernement étatsunien des négociations en vue d’un accord commercial limité, dit « traité de réciprocité ». Les conservateurs firent de ce projet l’enjeu principal de l’élection générale de 1911 : « La question la plus importante jamais soumise à l’électorat canadien », clamait Borden. Et les électeurs dirent non avec lui, mettant fin abruptement au règne du grand Laurier.
Depuis la naissance de la Confédération canadienne, de John A. MacDonald à John Diefenbaker, en passant par Robert Borden, le Parti conservateur s’était toujours fait le défenseur d’un certain nationalisme économique qui rejetait toute idée de libre-échange avec l’ambitieux voisin du sud déjà redouté pour ses tendances hégémoniques. Comment expliquer alors que six mois seulement après son élection comme premier ministre, le 4 septembre 1984, Brian Mulroney, conservateur et ci-devant antilibre-échangiste avoué, fasse chœur avec le président des États-Unis pour annoncer, enthousiaste, le lancement officiel des négociations devant aboutir à un traité de libre-échange ? Un véritable revirement. Qui l’a convaincu de la nécessité d’un tel accord pour assurer le bien-être des Canadiens ?

Une initiative signée USA

En clair, l’initiative vient des États-Unis, plus exactement de la Table ronde des affaires — ou Business Roundtable —, le plus puissant lobby du grand patronat étatsunien. Une poignée de transnationales mène l’offensive sous la direction d’American Express, alors leader mondial des services financiers, et de Pfizer, championne de ce qu’on appelle le Big Pharma. Le lobby s’exerce directement auprès de Bill Brock, commissaire de la Maison-Blanche en matière de commerce international5 ;. Celui-ci, sympathique à cette requête, invite les dirigeants de la Business Roundtable à former un Advisory Committee for Trade Negotiations afin de l’assister dans l’élaboration d’une politique globale de libre-échange incluant les services, les investissements, la propriété intellectuelle et l’agriculture. Le comité est placé sous la direction de James D. Robinson III, PDG d’American Express, président du Comité des relations internationales de la Business Roundtable comme aussi de l’American Coalition for Trade Expansion With Canada qui regroupe 600 firmes multinationales et associations de gens d’affaires intéressées par les échanges économiques transfrontaliers. Nous sommes en 1981. Bill Brock mènera le dossier avec une ténacité exemplaire et une diplomatie consommée jusqu’à l’annonce du 17 mars 1985. La petite histoire considère Brock comme le père du nouveau modèle de libre-échange inauguré par cet accord Canada-États-Unis.

ENCADRÉ 1.1

Quand le monde des affaires dicte les politiques gouvernementales

« Si vous demandez quand, depuis 1900, la communauté des affaires du Canada a eu le plus d’influence sur les politiques gouvernementales, je dirais que c’est dans ces 20 dernières années. Regardez les causes que nous défendons et, par ailleurs, ce que tous les gouvernements, tous les grands partis, y compris le Reform Party, ont fait ou veulent faire. Ils ont tous adopté le programme que nous proposons et défendons depuis deux décennies. »
Thomas d’Aquino, PDG du Conseil canadien des affaires sur les enjeux nationaux (BCNI), cité par Peter C. Newman, Titans, op. cit., p. 159.
Dans cette même période, les businessmen étatsuniens entreprennent de convaincre leurs homologues canadiens d’embarquer dans cet exaltant projet. Mais les divers regroupements d’affaires canadiens demeurent hésitants. Le Business Council on National Issues (BCNI) ou Conseil canadien des affaires sur les enjeux nationaux6, la Chambre de commerce, l’...

Table des matières

  1. Le virage à droite des élites politiques québécoises
  2. Remerciements
  3. GLOSSAIRE DES SIGLES
  4. INTRODUCTION
  5. CHAPITRE PREMIER
  6. Le virage libre-échangiste
  7. CHAPITRE II
  8. Du libre-échange au néolibéralisme
  9. CHAPITRE III
  10. Une classe politique désaxée
  11. CHAPITRE IV
  12. Une autre démocratie est possible
  13. ÉPILOGUE
  14. Ce qui est en jeu
  15. LEXIQUE
  16. RÉFÉRENCES
  17. BIBLIOGRAPHIE