Repenser la prison
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Repenser la prison

  1. 192 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Repenser la prison

À propos de ce livre

On le sait: la prison est devenue une école de la criminalité. Incarcérés pour des délits mineurs, nombreux sont les détenus à récidiver, alors que la prison devrait, au contraire, donner à des individus coupables envers la société les moyens de se réhabiliter et de trouver leur place dans la collectivité. Or, une prison qui enferme, surveille et infantilise peut-elle préparer à la sortie? Loïk Le Floch-Prigent plonge aux racines du problème pénitentiaire français pour en délinéer les causes – des prisons surpeuplées, soumises au diktat du tout sécuritaire, fermées à tout contact extérieur – et trouver la voie de sa résolution dans les exemples étrangers et les initiatives locales déjà existantes. Le double regard de l'industriel et de l'ancien détenu sur l'urgente refonte du système carcéral français, analysé et commenté par plusieurs acteurs de terrain: directeurs de prison et de centres de réinsertion, éducateurs, aumôniers et magistrats.

Foire aux questions

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Informations

1.
Bref aperçu législatif

Comment en est-on arrivés à banaliser l’enfermement dans l’ensemble du Code pénal ?
Pour tracer à gros traits les évolutions majeures de notre système pénal et carcéral, je partirai de 1791, année marquée par la suppression de la torture. L’année suivante, quant à elle, a été marquée par le maintien de la peine de mort et la généralisation abusive de la guillotine. Les « cachots royaux » sont remplacés par les « prisons républicaines », mais la primauté de l’idée de « châtiment », l’existence des pénitenciers et des bagnes persistent.
Deux sujets majeurs vont faire évoluer les verdicts des tribunaux : l’abolition de la peine de mort – demandée et non obtenue en 1848 par Victor Hugo et en 1908 par le président de la République Fallières, et finalement votée le 9 octobre 1981 à l’instigation de Robert Badinter – et l’humanisation des prisons. Sur ce dernier point, la première évolution a eu lieu en 1945 grâce aux hommes politiques qui avaient connu l’incarcération lors du régime de Vichy. Ils se sont mobilisés pour faire évoluer l’institution, relayés tout au long des années suivantes par des militants des droits de l’Homme. Mai 1968 a conduit à l’accélération du mouvement avec le Groupe d’information sur les prisons, créé par Jean-Marie Domenach, Michel Foucault et Pierre Vidal-Naquet, qui réclame l’ouverture des établissements à la presse et une meilleure information sur le milieu carcéral. Le livre de Michel Foucault Surveiller et Punir a été le point d’orgue de cette évolution des mentalités et a grandement pesé sur tout ce qui a suivi.
La « nationalisation » du châtiment n’allait pas de soi. À l’origine, dans l’espace républicain, la Justice était en grande partie rendue par les instances locales, les petits litiges étaient réglés par les « juges de Paix », institués en 1790 et supprimés en 1958. À cette date, on a décidé que la loi devrait être uniforme sur tout le territoire, en dépit des différences culturelles et des traditions diverses.
À partir de ce moment-là, des errements dans la gestion des prisons ont été régulièrement dénoncés, on s’est mis à parler de la misère, de la promiscuité, de la corruption de la vie carcérale et à présenter la prison comme une « école de la délinquance » en s’appuyant sur des statistiques montrant l’explosion de la récidive à la sortie des établissements carcéraux. Deux mouvements contradictoires, recoupant en grande partie l’opposition droite-gauche, vont dès lors s’affronter dans des joutes politiques : le mouvement répressif-sécuritaire qui demande l’application stricte des lois et présente au Parlement des barèmes de délits de plus en plus sévères, prônant la discipline et la contrainte, et le mouvement humaniste qui s’appuie sur le manque évident d’humanité de l’institution carcérale et sur ses faibles résultats, et demande des peines alternatives.
Les ministres de la Justice sensibles au maintien d’un appareil répressif sont vite arrivés à une impasse budgétaire, on peut l’observer dans tous les pays du monde et en particulier aux États-Unis. Or, les alternances politiques ont permis à leurs successeurs de dénoncer l’inefficacité de la politique précédente. Chaque cas de récidive est alors utilisé de manière « politicienne » pour dénoncer le laxisme carcéral et réclamer la construction de nouvelles prisons tout en exigeant, bien sûr, une diminution des impôts et la maîtrise de la dépense publique. Nous sommes dans l’impasse depuis des dizaines d’années à cause de cet affrontement politicien qui de part et d’autre ne tient aucunement compte des réalités et utilise les émotions du peuple en flattant les instincts et non la raison. On se sert donc de la loi pour faire avancer des positions idéologiques sans vraiment prendre le temps d’éduquer la population et de lui expliquer les véritables enjeux.
Ce travail de communication est essentiel mais il n’est pas aisé. Combien de fois ai-je entendu dire que ce sujet n’était pas « vendeur », qu’il n’intéressait personne ? Pourtant ce sont les mentalités et non la loi qu’il faut d’abord changer. La loi constate l’évolution des mentalités et de la société à un moment donné, elle se plie à la volonté de la population, elle ne peut pas à elle seule modifier les comportements, elle ne fait que légaliser ce qui est devenu effectif. Il en est ainsi des relations homosexuelles, de l’avortement, des punitions corporelles, de la PMA demain… Ce qui était auparavant interdit devient légal lorsqu’une minorité « déviante » finit par démontrer que cette interdiction n’a pas lieu d’être. Tant que la minorité représentée par les associations humanistes et leurs quelques milliers de bénévoles n’arriveront pas à se faire entendre, toute tentative de changement sera considérée comme « laxiste » et une partie de la population rêvera d’un retour aux anciennes mesures, on refusera en bloc toute proposition d’évolution. En d’autres termes, dans un « État de droit », une loi ne peut fonctionner que si elle s’appuie sur des faits, des expérimentations, des exemples nationaux et étrangers, des sommités intellectuelles, et qu’elle perce le rideau défensif de tous ceux qui ne veulent pas voir la société évoluer.
Pour illustrer ce point, je vais analyser les deux lois les plus récentes de réforme pénitentiaire, celle présentée par Madame Taubira en 2011 et celle votée à l’initiative de Madame Belloubet en 2017. 
 
Ces deux lois sont parfaitement cohérentes, elles constatent la surpopulation carcérale et comprennent que cette situation est indécente et onéreuse et qu’il faut diminuer l’effectif des prisons. Les alternatives à la prison sécurisée : travaux d’intérêt général, bracelets électroniques, semi-liberté, probation en milieu ouvert, permettraient de se rapprocher de ce but. La dernière loi, considérant que les peines de travaux d’intérêt général ne sont pas suffisamment honorées faute de places disponibles, a créé une Agence de travail d’intérêt général et de travail pénitentiaire pour favoriser l’offre. Ce texte comme celui qui l’a précédé a été bien accueilli par les praticiens, les bénévoles et les criminologues, mais les organisations syndicales de l’administration pénitentiaire se sont montrées plus réservées, comme à leur habitude, soucieuses de la sécurité et de la charge de travail du personnel.
Ce dernier texte a également initié un travail de distinction entre les délinquants, conduisant à la spécialisation des établissements et donc à la graduation des conditions de sécurité. Cela peut aussi conduire à considérer que certains profils ne doivent pas connaître l’incarcération, inutile et inefficace pour eux. Nous nous approchons de cette avancée majeure, mais nous n’y sommes pas encore. 

2.
Qui incarcère-t-on ?

On évalue généralement dans notre pays de 65 000 à 70 000 – 71 000 en 2019 selon les rapports – le nombre des personnes incarcérées à un jour donné. Ces chiffres recouvrent des réalités très diverses : 70 % d’entre eux se trouvent dans des « maisons d’arrêt », qui contiennent à la fois des condamnés et des « prévenus » (c’est-à-dire des personnes qui n’ont pas encore été jugées et dont les dossiers sont en cours d’instruction), alors que d’autres établissements se concentrent sur les condamnés, comme les centres de détention et les centrales, ces dernières recevant les personnes jugées les plus dangereuses et possédant donc des dispositifs plus contraignants en termes de discipline. Quelques centres ont plusieurs régimes bien séparés géographiquement. Il y a aussi des centres de semi-liberté et des établissements pour mineurs. Tout cela conduit à un chiffre de quelque 188 établissements sous la juridiction de la direction de l’administration pénitentiaire du ministère de la Justice. Parmi eux, on compte deux énormes maisons d’arrêt, Fleury-Mérogis (2885 places) et Fresnes (1651) dont il est, en conséquence, beaucoup question. Le plus souvent, prévenus comme condamnés sont placés près de leurs lieux de résidence pour permettre aux familles de maintenir un contact physique avec les détenus et pour ne pas éloigner les prévenus du lieu de leur procès.
S’il existe des différences parmi les établissements pénitentiaires (certains préparent particulièrement à la réinsertion comme les centres de détention ou les centres de semi-liberté, d’autres instaurent une discipline punitive à l’égard d’individus jugés dangereux, comme les maisons centrales), il faut néanmoins noter que la grande masse des détenus se trouvent dans le « melting-pot » indifférencié de la maison d’arrêt.
La maison d’arrêt constitue le premier souvenir du détenu, et donc le plus important. C’est là que commence l’enfermement et c’est son fonctionnement qui va conditionner toute la vie ultérieure du détenu, qu’il aille ensuite dans un centre plus doux ou plus violent. C’est là, à mon sens, qu’il faut concentrer nos analyses et que les progrès restent à faire, même s’il faut aussi prendre en considération les autres formules existantes et que celles-ci participent également à l’avenir de la protection globale du citoyen. La totalité des incarcérés passe par une maison d’arrêt, ce qui veut dire que ces établissements accueillent de manière indifférenciée une population d’une extrême diversité, qui n’a de commun que d’avoir des problèmes avec la société.
Qui incarcère-t-on ? Tout d’abord une imposante majorité d’hommes, les prisons pour femmes sont peu nombreuses et peu remplies. Ensuite, des hommes majeurs – sauf établissements spécialisés –, de tous âges, ayant commis des délits très variés, allant de la conduite sans permis au crime de sang, en passant par l’absence de permis de séjour. Il y a un quartier réservé, l’isolement, pour les personnes jugées les plus dangereuses, les « bandits » comme les appellent les surveillants de prison.
L’objectif quotidien du dispositif de surveillance est d’éviter les troubles à l’intérieur de l’établissement – que ce soit des altercations entre détenus ou des confrontations avec le personnel pénitentiaire – et bien sûr de combattre les tentatives d’évasion. L’évasion, c’est le cauchemar. Cela apparaît comme le sommet du dysfonctionnement et c’est donc le fantasme de l’ensemble de la population. On enferme les coupables pour protéger les citoyens, s’ils s’échappent, c’est la négation même du processus, et par le biais des médias actuels le drame semble encore plus important. Une épidémie de suicides est également un mauvais point, tout comme la multiplication de rixes. Le personnel de surveillance, face à une population qui varie tous les jours et à laquelle il n’a pas toujours le temps de s’habituer, passe ainsi son temps à suivre strictement la procédure pour éviter les ennuis. Les surveillants non gradés refusent généralement de prendre sur eux la moindre responsabilité et préfèrent se cantonner à une stricte et littérale lecture de la règle. Les profils sont si divers et les renseignements sur les détenus si parcellaires que la majorité du personnel vit dans la crainte perpétuelle d’un accroc qui mettrait en péril la tranquillité requise par les autorités. Les surveillants surveillent et évaluent bien les différences entre les détenus, mais toute baisse de vigilance peut se payer cher, le mouton d’hier pouvant se révéler un loup demain, car l’enfermement a sur les personnes des effets que l’on ne peut guère prévoir.
Ces individus, séparés de leur environnement habituel par un juge, sont mis dans une cellule avec le baluchon d’affaires fourni par le centre et désormais tout ce qui rentre ou sort sera contrôlé. Ils ne retrouveront leurs effets d’origine que lors de leur sortie définitive. Une autre vie commence : elle était hier solitaire le plus souvent, elle sera désormais partagée avec un ou deux codétenus inconnus. Le collège en pension que certains d’entre nous ont connu, et peuvent encore connaître, représente un changement d’univers pas toujours volontaire, mais il y a un objectif et une fin définis. Le service militaire est du même ordre. Mais ici, il n’y a rien de tel et il va falloir tout apprendre de ce nouveau milieu social dont on ignore tout. Pour des individus dont la présence en ces lieux montre qu’ils ont, au minimum, quelques difficultés à mener une vie paisible en société, cette plongée dans cet univers glaçant est une épreuve dont ils ne se remettront jamais tout à fait.
Si la société a l’espoir de réinsérer un jour ces individus, de les resocialiser et d’en faire des citoyens respectueux des autres et des lois, on peut dire, sans trahir de secrets, que c’est le plus mauvais départ que l’on puisse imaginer. Cette punition aveugle, sans préparation ni explication, a été le sujet d’une grande partie de la littérature au cours des siècles car les écrivains sont certainement ceux qui ont approché de plus près le désarroi et la souffrance de ces premiers instants.
Bien sûr, pour ceux qui considèrent que les criminels jetés en prison ne méritent pas d’égards particuliers, ce que je viens d’écrire est insupportable, et c’est pourquoi il serait bon d’avoir des statistiques sur la population carcérale et de mesurer combien parmi les 71 000 individus détenus en France représentent un véritable danger. On peut considérer que les maisons centrales contiennent la majorité des cas difficiles – elles représentent environ 3 % des places en détention – mais il faut rajouter les quartiers sécurisés des maisons d’arrêt, on parle donc d’environ 3000 personnes. La prison telle qu’elle existe, en particu...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Copyright
  4. Titre
  5. Préambule
  6. 1. Bref aperçu législatif
  7. 2. Qui incarcère-t-on ?
  8. 3. La prison, nouvel hôpital psychiatrique
  9. 4. La prison, une fabrique de délinquants
  10. 5. De la « radicalisation »
  11. 6. Neutralisation, dissuasion, réhabilitation : l’échec français
  12. 7. À l’étranger
  13. 8. Les acteurs du changement
  14. 9. La prison de demain
  15. Le problème pénitentiaire français, par Étienne Madranges
  16. Lieux et acteurs du système pénitentiaire, par Henri Masse
  17. Pour une réforme de la politique pénitentiaire, par Patrice Molle
  18. Prendre le risque de voir le meilleur en chacun, par Bruno Lachnitt
  19. Contre une justice de la souffrance, par Brice Deymié
  20. Voir la lumière dans les ténèbres, par Alain Senior
  21. Un système qui abîme les êtres, par Judith Le Mauff
  22. Un travail de réinsertion au jour le jour, par Véronique Molinaro
  23. Avoir le courage du changement, par François Marty
  24. La prison, maillon de la chaîne des injustices, par Charlotte Prando
  25. Conclusion
  26. Table des matières