Lacan
eBook - ePub

Lacan

La loi, le sujet et la jouissance

  1. 128 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub

Lacan

La loi, le sujet et la jouissance

À propos de ce livre

L'œuvre de Lacan (1901-1981) a exercé une influence profonde bien au-delà du champ de la clinique. En témoigne aujourd'hui la prise en compte du « sujet », sa confrontation à la « loi » dans l'espace du procès conçu comme espace « symbolique ». Une certaine confusion en découle quant à la place et à la fonction de chacun, le juge se faisant thérapeute et le psy revendiquant la vertu du jugement.

Foire aux questions

Oui, vous pouvez résilier à tout moment à partir de l'onglet Abonnement dans les paramètres de votre compte sur le site Web de Perlego. Votre abonnement restera actif jusqu'à la fin de votre période de facturation actuelle. Découvrez comment résilier votre abonnement.
Pour le moment, tous nos livres en format ePub adaptés aux mobiles peuvent être téléchargés via l'application. La plupart de nos PDF sont également disponibles en téléchargement et les autres seront téléchargeables très prochainement. Découvrez-en plus ici.
Perlego propose deux forfaits: Essentiel et Intégral
  • Essentiel est idéal pour les apprenants et professionnels qui aiment explorer un large éventail de sujets. Accédez à la Bibliothèque Essentielle avec plus de 800 000 titres fiables et best-sellers en business, développement personnel et sciences humaines. Comprend un temps de lecture illimité et une voix standard pour la fonction Écouter.
  • Intégral: Parfait pour les apprenants avancés et les chercheurs qui ont besoin d’un accès complet et sans restriction. Débloquez plus de 1,4 million de livres dans des centaines de sujets, y compris des titres académiques et spécialisés. Le forfait Intégral inclut également des fonctionnalités avancées comme la fonctionnalité Écouter Premium et Research Assistant.
Les deux forfaits sont disponibles avec des cycles de facturation mensuelle, de 4 mois ou annuelle.
Nous sommes un service d'abonnement à des ouvrages universitaires en ligne, où vous pouvez accéder à toute une bibliothèque pour un prix inférieur à celui d'un seul livre par mois. Avec plus d'un million de livres sur plus de 1 000 sujets, nous avons ce qu'il vous faut ! Découvrez-en plus ici.
Recherchez le symbole Écouter sur votre prochain livre pour voir si vous pouvez l'écouter. L'outil Écouter lit le texte à haute voix pour vous, en surlignant le passage qui est en cours de lecture. Vous pouvez le mettre sur pause, l'accélérer ou le ralentir. Découvrez-en plus ici.
Oui ! Vous pouvez utiliser l’application Perlego sur appareils iOS et Android pour lire à tout moment, n’importe où — même hors ligne. Parfait pour les trajets ou quand vous êtes en déplacement.
Veuillez noter que nous ne pouvons pas prendre en charge les appareils fonctionnant sous iOS 13 ou Android 7 ou versions antérieures. En savoir plus sur l’utilisation de l’application.
Oui, vous pouvez accéder à Lacan par Franck Chaumon en format PDF et/ou ePUB ainsi qu'à d'autres livres populaires dans Philosophy et Philosophy History & Theory. Nous disposons de plus d'un million d'ouvrages à découvrir dans notre catalogue.

Informations

I
Inconscient et signifiant

La psychanalyse n’est pas une psychologie des profondeurs

La portée novatrice d’une pensée peut se mesurer à l’effondrement des évidences qu’elle provoque. Ainsi Freud n’hésitait-il pas à comparer les séismes engendrés par Darwin et Copernic dans les savoirs de leur temps avec le bouleversement qu’il avait lui-même provoqué à l’orée du XXe siècle par l’invention du concept d’inconscient. L’homme avait dû renoncer d’abord à la croyance d’une terre placée au centre de l’univers, puis à celle d’un homme régnant au faîte de la création animale, et il avait fallu enfin qu’il admette que le privilège absolu accordé à la conscience était désormais révolu. La pensée de Lacan a ruiné à son tour bien des représentations qui avaient pour les contemporains ce même caractère d’évidence.
Considérons par exemple l’opinion répandue selon laquelle la cure psychanalytique consisterait en une exploration des tréfonds de l’âme. On parle volontiers de descente au plus intime, de plongée dans une intériorité enfouie comme si la méthode analytique était analogue à celle de l’archéologue dégageant peu à peu les vestiges ensevelis, s’avançant progressivement dans les couches les plus anciennes, les plus souterraines. Avec Lacan la psychanalyse a cessé d’être une psychologie des profondeurs, pour la simple raison qu’il n’y a pas de profondeurs : le plus intime est ce qui nous est le plus extérieur. En effet, ce qui fait le « noyau de notre être » c’est ce qui nous est venu du dehors, ce sont les signifiants1 qui nous ont parlé avant même que nous ne parlions. Les mots qui nous ont donné place dans le monde, à commencer par notre nom propre, étaient là bien avant nous et constituent cette altérité radicale à laquelle Lacan a donné le nom de grand Autre. Pourtant, ce sont eux qui disent le plus secret, le plus précieux de notre être. Le poète connaît ce paradoxe d’une langue vouée à dire le plus singulier, le plus inouï dans les mots qui ont pourtant déjà infiniment circulé entre les hommes, qui semblent parfois usés jusqu’à la corde. L’enfant qui apprend à parler et dit je pour situer sa parole comme venant de lui-même n’emploie-t-il pas un pronom personnel dont chacun use à son tour ? Le pronom personnel est le moins personnel qui soit.
S’il n’y a pas de profondeur, il est donc faux également de dire que la conscience est au-dessus et l’inconscient en dessous, le refoulement constituant un mouvement vers le bas, une poussée qui s’oppose à ce qui « monte » à la conscience2. Il faut donc avoir recours à une figure de topologie qui rende compte du modèle freudien de l’inconscient, la bande de Moebius.
Image 1
BANDE DE MOEBIUS
Cette surface présente en effet la propriété étrange d’avoir un seul bord et une seule face, de sorte que ce qui est le « dessous » peut être considéré comme le « dessus » en effectuant une simple translation à la surface. On peut imaginer une fourmi occupée à la parcourir sans discontinuer : à chaque instant, celle-ci a la preuve concrète qu’il y a bien un envers, un autre côté que celui sur lequel elle pose ses pattes. Et cependant poursuivant son chemin et faisant un tour complet, elle ne manquera pas de se retrouver de l’autre côté, sans avoir pourtant franchi le moindre bord. À cet instant, ce qui était précédemment l’endroit est devenu envers. Telle est la figure qui peut aider à penser ce que Freud a désigné du terme d’inconscient : l’envers du discours conscient n’est pas fait d’une autre étoffe et n’implique pas d’autre lieu, bien que la séparation soit constitutive. Il y a bien un envers et un endroit, mais ils sont faits du même tissu et en outre l’un peut venir à occuper la place de l’autre, ce qui un moment occupe la face consciente peut se retrouver au tour suivant situé dans l’inconscient. Le glissement d’un signifiant à l’autre (« l’association libre ») est comme une chaîne qui se déroule sur la bande, mais dont les divers accidents de parcours désignent l’envers : les lapsus, l’hésitation, l’équivoque sur laquelle l’analysant bute tout à coup sont autant de moments où l’autre face, inconsciente, se donne à entendre.
De la même façon, la figuration intuitive qui nous fait penser le sujet comme une sphère est trompeuse. Car si notre intimité semble « en dedans », où situer l’inconscient qui nous est en quelque sorte étranger ? L’expérience de la cure analytique démontre que ce qui échappe, ce qui surprend le sujet en séance, ces mots qui à peine prononcés font événement pour lui, ces signifiants premiers qui le marquent dans sa plus radicale singularité sont nécessairement les mots de l’Autre. Mots prononcés ou tus, mots liés aux avatars de la transmission, mots qui font cortège aux trous de l’existence. La langue, c’est ce qui saisit notre corps dès sa venue au monde et c’est notre corps même puisque, pour qu’il soit nôtre, il faut pouvoir le dire. La sphère avec son dedans et son dehors rigoureusement séparés ne convient donc pas3.
On donnera un troisième exemple d’une représentation qui, bien que se réclamant souvent explicitement de la psychanalyse, reconduit en fait les oppositions antérieures à la subversion opérée par Freud. Il s’agit de la fiction selon laquelle chacun serait affecté d’une sorte de double personnalité découlant de l’existence de l’inconscient. Il y aurait deux sujets en un, le premier celui de la conscience et l’autre caché dans son ombre, une sorte Mr Hyde pulsionnel, un « autre inconscient » qui menacerait à chaque instant de faire irruption. Cette version est quoiqu’on en pense tout sauf freudienne, car la représentation de deux sujets en un n’a rien de commun avec la thèse freudienne d’un sujet clivé, divisé en lui-même telle que Lacan l’a radicalisée. Qu’il y ait deux sujets, un qui reste celui de la maîtrise consciente et l’autre qui règne dans l’ombre, convient parfaitement à l’imaginaire romantique, mais certainement pas à la psychanalyse. L’apparente subversion que figure l’autre de la raison, l’anarchiste de la pensée, ou l’adepte de la surréalité, laisse inentamé le modèle auquel il prétend s’opposer.

Inconscient, histoire et structure

Il est une autre façon de prendre acte du fait que la psychanalyse met en cause les postulats de la psychologie et du sens commun, qui concerne la distinction habituellement faite entre le sujet et ses semblables, entre l’individuel et le collectif. Là encore, il faut aller au-delà des évidences pour parvenir à une conception plus conforme à l’expérience de la cure.
On peut lire dans les textes de Freud la véritable passion avec laquelle, dans le mouvement même où il suit pas à pas le fil de chaque parole singulière, il s’attache à relever les indices de l’héritage, inscrit en chacun, de l’histoire de tous. Cette présence de l’histoire humaine et de la structure des sociétés au cœur de la singularité de chaque cure, Freud aurait pu la rapporter à l’hypothèse d’un « inconscient collectif »4, mais il s’y est refusé. Il lui fallait pourtant trouver une architecture théorique qui permette de faire tenir ensemble en les disjoignant singulier et universel, intime et extime5, individuel et collectif. La solution étonnante qu’il inventa, celle du « mythe scientifique » de Totem et tabou, a donné bien du fil à retordre à ses disciples. Par la forme d’un récit mythique, c’est-à-dire par l’hypothèse d’un moment originaire fondateur, d’un acte unique (le meurtre du père de la horde), il a noué singulier et collectif pour rendre compte du fait que l’inconscient n’est pas une affaire privée mais qu’il implique l’histoire des hommes.
L’œuvre de Lacan témoigne du même tracas théorique qui lui imposera également de nombreux détours par d’autres disciplines pour en écrire la formule. Depuis Les complexes familiaux jusqu’aux quatre discours, en passant par la théorie des nœuds, il n’a cessé de tenter d’énoncer ce qui articule le sujet et l’Autre dans d’autres termes que ceux transmis par la psychologie et la philosophie. De la formule de Freud, remarquable par son tranchant, « l’inconscient, c’est le social » à celle de Lacan « l’inconscient, c’est le discours de l’Autre » se donne à lire l’effort d’une pensée qui soutient la même question. Là où la tentative freudienne s’est appuyée sur le mythe d’une histoire comme transmission d’un événement originaire, la percée lacanienne s’est engagée sur la voie de la structure. Le symbolique comme champ a d’abord été le lieu du repérage des logiques structurales qui ont permis de penser autrement ce que Freud avait repéré comme des invariants transmis au fil des générations. Ce fut la voie privilégiée pour tenter de rendre raison d’une existence en tant qu’elle s’avère ex-sistence, résidence hors de soi : « Cette extériorité même du symbolique par rapport à l’homme est la notion même d’inconscient.6 »
Le pas de Lacan dans cette voie consista à prendre acte du fait même du langage. Deux formules témoignent, à deux époques différentes, du trajet parcouru avec la linguistique. La première, célèbre en son temps – « l’inconscient est structuré comme un langage »7 – affirme le programme du détour par la linguistique structurale. Si l’inconscient est structuré comme un langage, alors les psychanalystes doivent se mettre à l’étude des lois mises à jour par les linguistes pour simplement décrire les phénomènes inconscients. L’autre formule – « L’inconscient est la condition de la linguistique »8 – implique un changement de perspective, une incapacité déclarée de la linguistique à rendre compte de la prise du sujet dans la langue.
On a peine aujourd’hui à mesurer l’étendue de la méconnaissance de ce qui est pour nous devenu une évidence, à savoir que la cure psychanalytique est une cure de parole. Ce qui circule, dans le cadre méthodique extrêmement contraignant d’une analyse, ce sont des mots et des mots seulement. Que cette circulation de la parole produise des affects, qu’elle affecte celui qui s’entend les dire comme celui qui les écoute ne doit pas masquer ce qui est la matière même du travail, à savoir le langage9. De cela il fallait prendre acte, et Freud l’avait fait très sérieusement à ceci près que la linguistique était encore dans les limbes au moment où il décrivait avec minutie les rêves comme des rébus, les symptômes comme des jeux de mots. C’est le pas de Lacan, comme tel lié à l’histoire, que de s’être saisi des résultats à portée de main10 produits par cette jeune science pour relire la moisson freudienne, consignée scrupuleusement dans ses premiers travaux.
Remettre ses pas dans ceux de Freud, faire « retour à Freud » selon son mot d’ordre d’alors, consista d’abord à reprendre l’étude d’ouvrages méconnus, oubliés, ou considérés comme secondaires, en comparaison des grands textes cliniques ou métapsychologiques. Dans ces écrits11, Freud s’était précisément affronté à la matière même de l’inconscient, démontrant le travail concret de la langue dont l’élucidation seule permettait de dénouer les effets symptomatiques. Les lapsus, les actes manqués, les mots d’esprit, les rêves étaient les objets concrets de l’enquête, le matériau du travail, et le levier efficace de la thérapeutique. Freud démontait, avec le souci de la rigueur et l’importance donnée au moindre détail, les curieuses opérations par lesquelles l’inessentiel – qu’était-ce avant lui qu’un lapsus ? – devenait porte d’accès au cœur du sujet, c’est-à-dire à son désir. Qu’on relise aujourd’hui n’importe lequel de ces textes et l’on verra qu’il s’agit très précisément d’un travail sur le langage, avec et par le langage. Avec Lacan, les principaux mécanismes identifiés par Freud comme régissant ces transformations trouvèrent leur nomination linguistique : métaphore et métonymie. Dès lors le fait même de l’inconscient perdait son aura de mystère et son parfum de magie et se révélait travail des mots, précis et rigoureux dont les enchaînements s’avéraient strictement contraignants mais descriptibles. Le fameux « travail du rêve » pouvait se décrire comme travail de la langue elle-même c’est-à-dire comme ce qui peut opérer, du fait de la structure même du langage et compte tenu des contraintes formelles qui le régissent.
Le terme de structure, au-delà du « mouvement structuraliste » qui tint dans les années 70 le haut du pavé de l’idéologie, renvoyait d’abord pour Lacan à l’exigence d’une méthode scientifique dans un champ qui ne cessait à l’époque de flirter soit avec la psychologie, soit avec la magie et son ineffable efficacité « préverbale ». À partir du moment où le langage n’est plus conçu comme véhicule, comme expression d’une réalité au-delà de lui-même, mais où il est abordé dans sa structure, un grand nombre de faits de l’expérience freudienne deviennent intelligibles, et prennent une tout autre portée. Les mots ne peuvent plus être entendus comme vecteurs de sentiments de nature essentiellement corporelle, ils doivent être considérés dans leur matière même c’est-à-dire dans leur distinction et dans leur organisation d’ensemble.
Divisé par l’acte inaugural de Saussure, le signe présente une double face, celle du signifiant et celle du signifié, et le signifiant n’existe pas séparément mais se précise du rapport qu’il entretient avec la structure d’ensemble. La valeur du signifiant n’est pas intrinsèque – le mot désignant la chose – mais différentielle, ce qui signifie qu’elle tient à la place et au rapport aux autres signifiants. L’accent mis par Lacan sur le signifiant était conforme à l’expérience de la cure, et induite par la règle fondamentale : si un mot « fait penser » c’est-à-dire s’il renvoie à un autre, si un fragment de rêve se lie à tel souvenir – c’est-à-dire à tel signifiant qui le porte, telle la madeleine de Proust – la parole dans la cure apparaît comme déroulant une sorte de réseau d’où émergent des nœuds, des trous, des connexions répétitives qui sont les balises du travail de l’analyste.
À la même époque se situe le renouvellement de l’anthropologie opéré par Claude Lévi-Strauss. C’est explicitement par le recours à la méthode structurale empruntée à la linguistique saussurienne que celui-ci avait entrepris de réinterpréter l’ensemble des faits collectés par les anthropologues. En témoigne la dédicace à Ferdinand de Saussure de son article fondamental « L’efficacité symbolique », publié en 194912. Comme Marcel Mauss qui visait à produire l’analyse du « fait social total » avec sa théorie du don, Lévi-Strauss élargit le champ de ses investigations aux dimensions d’une théorie de la culture, conçue comme système symbolique. « Toute culture peut être considérée comme un ensemble de systèmes symboliques au premier rang desquels se place le langage, les règles matrimoniales, les rapports économiques, l’art, la science, la religion.13 » La découverte ...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Introduction
  6. I. Inconscient et signifiant
  7. II. Symbolique et nœud borroméen
  8. III. L’imaginaire
  9. IV. L’objet
  10. V. L’objet, la jouissance, le réel
  11. VI. Le sujet
  12. VII. Loi, éthique, politique
  13. Conclusion
  14. Table des matières