
- 128 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Le philosophe polonais Lezlek Kolakowski fut une figure de la gauche antitotalitaire européenne. Intellectuel humaniste, il avait enseigné à l'université de Varsovie avant de s'exiler au Royaume-Uni après 1968. Son ouvrage en trois volumes sur Les Principaux courants du marxisme est considéré comme l'un des plus importants livres politiques du XXe siècle. Après 1989, sa pensée s'est développée vers une critique fine de la modernité, et une interrogation de la pensée religieuse.
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Informations
Sujet
FilosofíaChapitre 1
Une étrange histoire
« Les gens se plaisent à dire : “La révolution est belle, le mal, c’est la terreur qu’elle engendre”. Mais ce n’est pas vrai. Le mal est déjà présent dans la beauté, l’enfer en germe dans le rêve de paradis, et si nous voulons comprendre l’essence de l’enfer, il faut commencer par examiner l’essence du paradis qui en est l’origine. Car si l’on n’a aucun mal à condamner les goulags, rejeter la poésie du totalitarisme qui mène au goulag via le paradis demeure aussi difficile aujourd’hui qu’hier. »
Milan Kundera12
Le XXe siècle nous a légué quelques questions taraudantes, issues de l’expérience des régimes totalitaires. Comment comprendre que l’une des nations européennes les plus civilisées ait été le berceau d’une tyrannie qui a décidé d’éliminer de l’humanité un peuple entier et planifié son extermination systématique ? Comment comprendre qu’une vision sociale et politique qui voulait réaliser l’émancipation humaine ultime, la libération de toute forme d’aliénation, ait pu conduire au régime le plus oppressif de toute l’Histoire ? Si la première question, portant sur le national-socialisme, continue à occuper le centre de l’attention, la seconde, portant sur le communisme, demeure encore périphérique ; elle est souvent occultée, à moins qu’elle ne soit tout simplement récusée. Leszek Kolakowski a développé une analyse proprement philosophique du marxisme qui est précisément sous-tendue par cette question.
Rappelons quelques repères chronologiques sur la place du marxisme dans l’itinéraire intellectuel et politique de Kolakowski. On peut la reconstituer comme suit. Dans sa jeunesse (entre 1945 et 1955), il fut un marxiste orthodoxe, membre du Parti communiste. À partir du milieu des années cinquante (1955-1956) il se fit remarquer comme l’un des principaux protagonistes du marxisme dit « révisionniste ». Les textes de cette période restent d’un grand intérêt13. À partir de 1968, il a rompu définitivement avec le marxisme puis, établi à Oxford, a entrepris un long travail d’analyse critique du marxisme en tant que doctrine philosophique qui a débouché sur la parution de son opus magnum, intitulé Les Courants Principaux du marxisme (traduit en français sous le titre Histoire du marxisme), dont les trois tomes ont paru à partir de 1977. C’est de cette troisième phase (comprenant l’opus magnum et quelques denses articles parallèles) qu’il sera question ici.
Dans l’introduction au premier tome, Kolakowski écrit : « Cet ouvrage n’est pas simplement une description historique, il est encore une tentative de réflexion sur l’étrange histoire d’une idée qui commença avec l’humanisme prométhéen pour finir avec les abominations de la tyrannie stalinienne. »14
« Étrange histoire » en effet, inquiétante étrangeté de ce conte qui débute par la vision d’un avenir radieux et se termine par une réalité abominable. Qu’est-ce qui a bien pu se passer entre les deux ? S’agit-il d’un simple lien extérieur, d’une succession fortuite, ou bien y a-t-il un enchaînement ? Et dans ce cas, comment l’expliquer ou le comprendre ? Comment tenir ensemble, en pensée, le terminus a quo et le terminus ad quem, la vision marxienne15 et la réalité stalinienne ?
Le marxisme, entend-on fréquemment, n’a « rien à voir » avec le « stalinisme ». Kolakowski ne conteste pas que le socialisme réel soit en contradiction avec ce que Marx avait souhaité : « Il est facile de voir que Marx n’a jamais écrit une ligne tendant à dire que le royaume socialiste de liberté consisterait en un régime despotique à parti unique ; qu’il ne rejetait pas les formes démocratiques de la vie sociale ; qu’il attendait du socialisme l’abolition de la contrainte économique en plus de la contrainte politique, et non par opposition à celle-ci. »16
Mais ce constat ne nous dispense pas de nous interroger sur l’incidence de sa doctrine dans son usage ultérieur : « Il est impossible de considérer le socialisme qui s’est réalisé historiquement, c’est-à-dire le socialisme despotique, comme l’incarnation des intentions marxiennes. Le problème demeure cependant de savoir si un tel socialisme ne serait pas quand même l’incarnation de la logique interne de la doctrine, et si oui, dans quelle mesure. (…) »17
Distinguer entre les intentions explicites de Marx et la logique interne de sa doctrine conduit à récuser l’idée d’un lien purement fortuit et extérieur, tout en écartant également la conception selon laquelle il y aurait, entre les deux termes, une pure et simple continuité ou même une quasi-identité. Pour Kolakowski, au contraire, le léninisme et le stalinisme ont bel et bien « quelque chose à voir » avec le marxisme ou vice versa ; il ne peut être question de placer une paroi étanche entre la doctrine et son destin historique ultérieur afin de la protéger de toute contamination. Mais une telle attitude suppose une confrontation au Mal et une disposition à apercevoir le Mal en germe dans ce qui apparaissait comme le Bien.
Certes, déceler chez Marx quelque chose comme une « logique totalitaire » n’a rien d’original. Dès le début de la réception de son œuvre, dans la littérature anarchiste, on a cherché à montrer que ses écrits favorisaient une subordination des individus aux impératifs de la vie collective. Mais Kolakowski rejette ce point de vue : « On peut saisir le défaut qu’accusent les interprétations totalitaires (…) lorsqu’elles imputent à Marx l’idéal communiste suivant : construire une société qui, en faisant disparaître toutes les qualités qui différencient les individus entre eux, en réduisant les initiatives créatrices qui sont les foyers de manifestation individuelle, parvienne à réaliser l’identité entre l’individu et l’espèce. »18
Quelle est alors la différence entre ces mauvaises « interprétations totalitaires » et celle qu’il va mettre lui-même en avant ? Il ne cherche pas à montrer que Marx serait potentiellement « totalitaire » parce qu’il aurait visé un état social où l’homme serait privé de sa liberté et de sa créativité alors que, notoirement, il aspirait exactement au contraire. Ni même parce qu’il aurait eu la « visée d’un savoir global sur la société recelant un pouvoir global »19. Il montre que l’esclavage du socialisme réel entretient un lien étroit avec l’idéal exaltant d’une abolition ultime de toute aliénation.
C’est là un principe général. Si l’on veut développer une argumentation critique contre une pensée quelle qu’elle soit, il ne faut pas l’attaquer sur ses points faibles. On doit commencer au contraire par la restituer dans toute sa force et sa grandeur, aller au cœur de son inspiration, saisir ce qu’elle avait de plus original et de plus fécond. Dans le cas de Marx, on ne doit pas chercher à rabaisser sa pensée ni sa personne, mais s’employer à souligner honnêtement et généreusement ce qu’elles avaient toutes deux de grand, car – intervient ici le point de vue critique – c’est dans sa grandeur même que le marxisme a pu se révéler monstrueux. Les potentialités totalitaires de la pensée de Marx ne sont pas à chercher ailleurs que dans ce qu’elle avait d’exaltant et qui peut encore nous faire vibrer aujourd’hui.
L’analyse de Kolakowski se laisse articuler en trois points. 1. Mettre en évidence un noyau métaphysique fondamental présent dès les écrits de jeunesse. 2. Souligner la permanence de ce noyau à travers toute l’œuvre de Marx. 3. Montrer comment ce noyau a continué à gouverner le destin ultérieur de cette pensée, lors de sa mise en application pratique dans une révolution communiste.
Cette analyse critique, qui restitue une genèse idéelle, diffère pourtant d’une conception idéaliste dans laquelle on supposerait que l’histoire empirique ne serait rien d’autre que le déploiement de certaines idées dans le champ temporel – comme si n’existaient pas aussi l’histoire politique, les problèmes sociaux et économiques. La conception de Kolakowski consiste à prendre au sérieux la consistance propre des idées et la genèse idéelle tout en prenant en compte l’indétermination du devenir historique.
Le noyau fondamental
D’un bout à l’autre de son commentaire, Kolakowski parvient à maintenir de front deux exigences. D’une part, la mise en évidence du caractère unitaire ou continu de la doctrine : « Je me range du côté de ceux qui ne perçoivent aucune “interruption” ni aucune discontinuité dans le développement de la pensée marxienne, de ceux qui inclinent plutôt à penser que dans ce développement, on peut se rendre compte de la présence perpétuelle d’une seule et même intuition philosophique dont l’armature provient principalement de l’héritage hégélien. »20
D’autre part, sans la moindre contradiction, la prise en considération de son caractère conflictuel : La pensée de Marx, « comme il est de règle chez tous les grands penseurs, trahit une tension entre divers thèmes hétérogènes qui traversent tous ses développements. Cette tension se situe entre les diverses sources auxquelles s’alimenta le marxisme, diversité que Marx tâcha de conduire à une synthèse cohérente. »21
Le noyau théorique qui sous-tend toute la pensée marxienne est philosophique et, plus précisément, il doit être situé dans une vision anthropologique22. Dans la condition actuelle de l’homme, Karl Marx, à la différence des socialistes utopiques, ne déplorait pas la misère mais bien la déshumanisation. Son projet fondamental n’était pas celui d’une émancipation politique, mais bien d’une « émancipation humaine », c’est-à-dire d’une récupération par l’homme des produits aliénés de son activité. Cette vision repose sur l’idée centrale d’« aliénation » (Entfremdung). Originairement, l’homme a perdu son « identité à soi » ou son « unité », mais l’histoire sociale et politique ultérieure est à comprendre comme un processus de récupération de celle-ci. Non pas, comme dans la conception romantique, sous la forme d’un retour au passé, à quelque âge d’or, mais en un retour à soi qui s’effectuera dans le futur.
Cette vision anthropologique, présente dès les écrits des années 1843-1844, ressort clairement d’une grande envolée de La Question juive, que Kolakowski a citée plusieurs fois : « C’est seulement lorsque l’homme individuel réel aura repris en lui le citoyen abstrait et, en tant qu’homme individuel, dans sa vie empirique, dans son travail, dans ses relations individuelles, sera devenu être générique, seulement lorsque l’homme aura reconnu et organisé ses “forces propres” comme forces sociales et ne séparera donc plus de lui la forme sociale sous la forme de la force politique, c’est seulement alors que sera accomplie l’émancipation humaine. »23
Cette vision n’est pas statique mais dynamique : elle ne propose pas le retour à une origine conçue comme un état de repos, mais à une source de vie et de créativité, et à un jaillissement créateur qui aura lieu désormais sans que ses produits ne se détachent de l’acte même de la production. Est donc visée non seulement une unité, ou une coïncidence, mais bien une immédiateté, une pure « transparence » dirait Starobinski, ou une « présence à soi » pour emprunter le langage de Derrida.
Dans cette vision, toute division est considérée comme inessentielle, car venant entamer l’authenticité originaire. Ceci a pour conséquence que les médiations de toute sorte, notamment institutionnelles, n’y ont aucune place ni aucun statut, ne pouvant être envisagées que comme autant de formes d’aliénation.
Les écrits ultérieurs
Ayant mis en évidence ce noyau anthropologique fondamental, Kolakowski montre qu’il se retrouve à chacune des étapes ultérieures de la pensée de Marx. « C’est cette même vision de l’homme retournant à l’unité parfaite, éprouvant directement sa vie personnelle comme une force sociale qui constitue l’arrière-plan du socialisme marxien. Dans tous les écrits ultérieurs (…), le même concept eschatologique de l’homme unifié demeure présent. »24
Ces étapes ultérieures furent successivement la découverte de la division du travail et de la lutte des classes (L’Idéologie allemande), puis de la logique du capitalisme (Le Capital). Faudrait-il admettre alors que le thème spécifiquement philosophique de l’aliénation aurait été abandonné et remplacé par des thèmes plus spécifiquement sociaux ou économiques ? Il n’en est rien, montre Kolakowski, car il s’agissait à chaque fois d’un nouvel approfondissement du même thème.
Cette persistance se rencontre en particulier à propos du « fétichisme de la marchandise » : « La théorie de l’aliénation – même si le mot lui-même n’apparaît que rarement – est présente jusqu’à la fin dans la philosophie sociale de Marx ; de quoi s’agit-il donc dans le Capital, lorsqu’il décrit le fétichisme de la marchandise, sinon de préciser cette théorie ? Lorsque Marx déclare que (…) les produits humains apparaissent à ceux qui les ont produits comme issus de circonstances indépendantes d’eux (…) et que la forme suprême de cette fétichisation est l’argent (…), il reproduit la théori...
Table des matières
- Couverture
- 4e de Couverture
- Titre
- Copyright
- Citation
- Dédicace
- Introduction. La fonction des intellectuels
- Chapitre 1. Une étrange histoire
- Chapitre 2. La doctrine n’est pas innocente
- Chapitre 3. Un christianisme gris
- Chapitre 4. Des corps politiques séparés
- Conclusion. Avancer vers l’arrière
- Bibliographie en langue française
- Table
- Le bien commun