Saint Augustin
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Saint Augustin

L'Homme occidental

  1. 128 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Saint Augustin

L'Homme occidental

À propos de ce livre

Augustin, c'est nous: il est le premier moderne. L'expérience d'un homme qui dit Je dans les confessions et Nous dans la Cité de Dieu, il envisage la condition de l'individu comme de la société dans une perspective où la mémoire, l'histoire, le temps de ce monde, sont premiers, même quand ils sont interrogés par le divin, et introduit comme une faille dans le narcissisme du monde ancien.Augustin est un homme pour tous, un philosophe qui ne cesse d'interroger la condition humaine.

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I

Le philosophe selon Augustin
Un homme à la recherche
de la sagesse :
les trois conversions d’Augustin

Comment nous représenter l’itinéraire de cet homme qui, du début à la fin de sa vie, devenu chrétien, évêque, est resté un philosophe, le dernier philosophe romain, le premier philosophe chrétien ? Presque le seul parmi ces derniers, avec Pascal et Kierkegaard, a être lu par les modernes !
La légende caricature l’itinéraire d’Augustin, elle le télescope. On imagine sa conversion au christianisme comme si, après une période de frivolité et de débauche, elle avait été un miracle soudain, suivi du rejet de tout ce qui a précédé. Il n’en est rien. Au contraire, l’itinéraire d’Augustin consiste en une recherche de la sagesse, une conversion philosophique lente, progressive ; il aboutit à une métamorphose dont il faut pouvoir trouver le sens. Augustin a connu en réalité trois conversions. Les deux premières sont de nature philosophique, selon l’esprit de l’époque ; la troisième seule est une conversion au Dieu chrétien, identifié à la Vérité. Encore est-il très insuffisant de présenter les choses ainsi. La conversion, dans la pensée et dans la vie augustinienne, n’a pas seulement, ni même d’abord un sens religieux. La pensée d’Augustin est fondamentalement une « métaphysique de la conversion1 », d’abord au sens du retournement (épistrophé) platonicien, et plus précisément plotinien, puis au sens de la metanoia chrétienne à ce Maître intérieur « qui nous fait avertir par les hommes selon les signes extérieurs afin que nous nous instruisions en nous tournant (conversi) intérieurement vers lui2 ».
Les conversions ne sont pas seulement le moment initial de la philosophie, elles en sont l’exercice même. Réduire les conversions d’Augustin à une conversion, c’est méconnaître le contexte de l’époque où la différence est bien moindre qu’aujourd’hui entre une conversion à la philosophie, comme recherche de la sagesse et du vrai, et une conversion au christianisme, comme conversion à Dieu, Vérité et Sagesse. Au terme de sa jeunesse, Augustin identifie les deux sagesses philosophique et religieuse, tout en les distinguant. Il ne faut pas considérer dans son œuvre la sagesse hellénique et la sagesse évangélique comme deux pôles distincts3. Il importe de ne pas faire de lui à nos yeux un chrétien, a fortiori un évêque avant la lettre, ni non plus un païen brusquement converti, puisque ce fils d’un petit propriétaire africain, élevé dans la religion chrétienne par sa mère, rapporte que, dès son enfance, il a prié Dieu (Confessions, I, IX, 14).

1. La première conversion : l’intellectuel manichéen

À dix-neuf ans, Augustin, jeune étudiant, connaît à la lecture de l’Hortensius de Cicéron (ouvrage dont il ne nous reste que des fragments), une première conversion à la philosophie, à l’amour de la sagesse, tel qu’on le conçoit à l’époque de façon vivante et quasi religieuse, comme l’a montré récemment Pierre Hadot4. Il est dès le départ un amant de la sagesse. Elle le mène d’abord lors de ses études à Carthage, vers une Église de chrétiens « spirituels » et rationalistes, nommés les manichéens. Les manichéens (du nom de Mani, prophète né en Perse au début du IIIe siècle, vénéré par ses disciples presque comme un autre Christ), se considéraient comme des chrétiens intégraux, mais du point de vue de la grande Église, ils n’étaient qu’un groupe prétentieux et sectaire. Neuf ans durant, Augustin demeure « auditeur » chez les manichéens et parle abondamment de cette période dans les livres III à V des Confessions. Certes, ces intellectuels manichéens parlent du Christ, parlent de Vérité, mais ils proclament mettre de côté la contrainte de l’autorité, « l’autorité terrifiante », introduire auprès de Dieu par la pure raison, délivrer de toute erreur ceux qui veulent bien les écouter (De utilitate credendi). Un manichéen chrétien n’a nul besoin qu’on lui ordonne de croire, il est capable de saisir par lui-même l’essence de la religion. Les manichéens n’ont pas à « croire » au Christ, ils font mieux, ils le « comprennent ».
À ces subtils rhéteurs, l’autorité de la Bible paraît difficile à admettre. Comme eux, Augustin éprouve une grande difficulté à lire les livres bibliques dont on lui conseille la lecture. Les manichéens refusent l’Ancien Testament qui leur paraît incompréhensible, avec sa Loi venant de l’extérieur, ses anthropomorphismes, ses égarements, ses violences, l’image d’un Dieu qui punit. Chez eux, la raison interprète librement le corpus chrétien. Jeune philosophe manichéen, Augustin refuse la tradition et en particulier la tradition biblique, comme un joug indigne d’un philosophe.
Avec eux, il résout le problème du mal, de façon relativement simple. « Éveillé », le manichéen reconnaissait avec intensité qu’il n’était pas libre. Il ne pouvait s’identifier qu’à une partie de lui-même, son âme « bonne ». Augustin pouvait alors supporter le mal qu’il trouvait en lui, puisqu’il ne correspondait qu’à une partie de son âme. « Je croyais encore que ce n’est pas nous qui péchons, mais je ne sais quelle autre nature en nous qui pèche… J’aimais à m’excuser pour accuser je ne sais quoi d’autre qui eût été avec moi sans être moi. » (Confessions, V, X, 18.)
Puisque le mal ne saurait provenir de Dieu, les manichéens séparaient radicalement le Dieu-Lumière, principe du bien, du Prince des Ténèbres, principe du mal. Pour eux, la création n’est pas l’œuvre du Père mais celle d’un démiurge. « J’ai compris qu’il est des hommes à qui déplaisent tes œuvres. » (Confessions, XIII, XXX, 45.) Mais lui-même : « Ainsi je vis et il me fut évident que toutes tes œuvres sont bonnes. » (Confessions VII, XII, 18.) Au long de sa carrière future, Augustin ne cessera d’établir et défendre la bonté fondamentale de la « création » (bien qu’il emploie souvent, selon l’ancienne traduction latine de la Bible, l’expression « Dieu a fait » plutôt que « Dieu a créé ») contre les manichéens. Le concept de création qui est, souvenons-nous-en, une notion religieuse issue de la Bible, au Livre de la Genèse, et non pas un concept forgé par les philosophes, sera un des points fondamentaux de l’élaboration intellectuelle d’Augustin.
« Là (dans les doctrines manichéennes) conflue tout ce qui a de l’attrait pour lui : une pensée idéaliste, une tendance esthétique, un symbolisme richement développé et un mysticisme consciemment cultivé. À cela s’ajoute la séduction d’un savoir supérieur, de l’initiation. Et encore : dans le manichéisme, comme en n’importe quelle gnose, l’élément proprement moral se dissout dans les propriétés du cosmos, le mal dans un devenir du monde, et est ainsi éliminée la responsabilité personnelle », écrit Romano Guardini.

2. La deuxième conversion : un itinéraire vers Dieu

Dix ans passent. Augustin a rompu avec les manichéens. Il passe par un moment de scepticisme et de relativisme. Cette fois, à trente-quatre ans, à la suite de la lecture de textes néo-platoniciens, ceux de Plotin en particulier, il fait le choix d’une vie vraiment philosophique. Il renonce à la carrière brillante de rhéteur, et même au mariage si besoin est, pour se consacrer à l’entretien et à l’amitié philosophique. En 386, il réunit autour de lui un groupe d’amis décidés à quitter les ennuis de la vie publique dans une belle propriété mise à leur disposition près de Milan, à Cassiciacum. Ils veulent mener une vie philosophique. Une vie philosophique colorée d’une discrète teinte chrétienne (quelques-uns d’entre eux ne tarderont pas à se faire baptiser), mais leur conversion est d’abord philosophique.
Nous voyons ici qu’Augustin ne vit jamais seul et ne réfléchit jamais seul. L’amitié et la compagnie sont une dimension permanente de son existence, du début à la fin. Le style des entretiens de Cassiciacum en témoigne de façon frappante. Il évoque les détours de la conversation, le caractère des uns et des autres, les particularités de l’humeur, l’heure du jour ou de la nuit. « Une nuit j’étais éveillé, comme souvent et je remuais en silence les pensées qui me venaient à l’esprit, je ne sais d’où. Mon amour pour la recherche du vrai en avait déjà fait une habitude : chaque fois que de telles préoccupations survenaient, je restais éveillé pour penser… » (De ordine, I, 6.)
Parmi d’autres ouvrages rédigés à ce moment, aucun ne rend mieux compte que le De ordine de l’ambiance de Cassiciacum, de ces dialogues lumineux dont on voudrait pouvoir retrouver l’inspiration. La recherche philosophique y est éclairée par la foi, elle n’est pas dominée par elle. Ces dialogues philosophiques rédigés quelques jours après que les entretiens aient eu lieu nous donnent une idée lumineuse de ce type de philosophie, de l’agrément philosophique. Nous sommes aux bains et la discussion peut jaillir d’un rien, des feuilles qui bouchent la canalisation, d’une insomnie…
Augustin déploie une dialectique ascendante de la ratio qui, à partir du sensible, mène jusqu’au divin. C’est une erreur de croire que le sensible soit méprisé dans cette perspective. Le sensible le plus concret a au contraire une place très grande. Toutes nos activités sensibles peuvent nous mener vers Dieu. Chez Augustin la ratio est une ratio de beauté, comme chez Platon. Une raison bien moins rationaliste et calculatrice que la nôtre. La ratio est vue comme une force et un mouvement qui traverse les sphères sensibles et intellectuelles de l’existence humaine pour atteindre si possible le divin. La beauté de « la raison qui organise toutes choses » (pulcritudo rationis) selon un rythme et une mesure, selon un ordre et une harmonie. Augustin décrit un programme de guérison de l’aveuglement humain par la pratique des arts libéraux. Ou plutôt il décrit une invention des arts libéraux par la raison, qui, au fur et à mesure de son ascension et de son mouvement, établit un ordre des arts. Tout le programme d’une théorie inventant le rythme et la musique sensible pour approcher de Dieu. La poésie y a sa place comme l’architecture, la musique, pour terminer avec la philosophie. Il s’agit de s’ordonner (ordinatio), de s’ajuster, de trouver la bonne mesure comme on le voit aussi dans le De musica qui date des mêmes années5. Tout cela comme une démarche de sagesse, et non pas une démarche seulement technique.
À notre époque, cet itinéraire ascendant vers Dieu par les arts libéraux est profondément dévalué, non seulement parce qu’aucune évidence de Dieu ne paraît le plus souvent à nos yeux au long de ce parcours platonicien, mais aussi parce qu’après Pascal et Kierkegaard, nous ne sommes pas sûrs que cette voie ascendante soit, du point de vue de la tradition biblique, légitime pour trouver Dieu. Il faut s’interroger sur cette récente dévaluation. Car on n’en a jamais terminé avec Platon. Celui-là même qui veut ne prendre appui que sur la Bible le retrouve de façon imprévue à plus d’un carrefour. N’oublions pas que cet aspect premier de l’augustinisme sous influence néo-platonicienne a connu une efflorescence inattendue au XVe siècle et au XVIe siècle et a donné une impulsion à tout l’art de la Renaissance. Les humanistes de cette époque, de Marsile Ficin à Michel Ange, se réclamaient de lui pour soutenir cette voie, tout comme Luther le faisait de son côté pour la récuser. Dévaluer a priori l’itinéraire ascendant vers Dieu me paraît contestable. On ne comprendra pas Augustin si on ne commence pas par rendre justice à toute cette beauté saisie par l’homme platonicien, à cette montée vers Dieu à partir de la beauté, jamais abandonnée, démarche qu’on trouve plus tard encore une fois esquissée dans le premier mouvement du livre X des Confessions. Jusqu’à la fin de sa vie, la beauté va tout envelopper.
Qu’est-ce qui caractérise cet itinéraire vers la sagesse ?
Une disposition qui se manifeste au hasard d’une discussion (le bruit de l’eau qui coule, un combat de coqs…). N’importe quel détail, n’importe quelle circonstance peut y donner occasion.
Une exercitatio, un exercice d’assouplissement, pour se rendre apte à de plus hautes découvertes, avec beaucoup de détours et de digressions, sans jamais oublier le but. Michel Foucault a décrit ces itinéraires, platoniciens, stoïciens, chrétiens6.
Un exercice en commun : les interventions des disciples, ou des amis, de la mère d’Augustin qui, à l’occasion, participe au groupe et peut être philosophe elle aussi. Conversation où les disciples parlent, le maître reprend. Mais la vérité est au-delà du discours du maître et des disciples. En profondeur, nous sommes tous, maîtres et disciples, condisciples (cond...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. L’Acte d’Augustin
  6. I. Le philosophe selon Augustin. Un homme à la recherche de la sagesse : les trois conversions d’Augustin
  7. II. L’homme et la condition humaine
  8. III. La Cité de Dieu et la société
  9. IV. Postérité de La Cité de Dieu
  10. Augustin et nous
  11. Table des matières
  12. Titres parus dans la même collection