Le pouvoir
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Le pouvoir

Puissance et sens

  1. 128 pages
  2. French
  3. ePUB (adapté aux mobiles)
  4. Disponible sur iOS et Android
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Le pouvoir

Puissance et sens

À propos de ce livre

Le pouvoir est une réalité dont on se méfie, que l'on craint et que l'on combat; il est aussi une réalité que l'on souhaite, pour le renforcer, le transformer ou l'inspirer. Aujourd'hui, dans le cadre de la communication mondialisée, la diversité, la mobilité et parfois la contradiction des attentes à l'égard du pouvoir rendent son interprétation difficile. La question pourrait se résumer ainsi: Quel est le statut du pouvoir dans le contexte de la mondialisation?

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I
Pouvoir et puissance.
L’intégration dans un ordre

Quand on attend du pouvoir qu’il soit l’émanation et le gardien d’un ordre immuable du monde, que met-on sous le mot « ordre » ?
Au sens éthique, un ordre est une hiérarchie de valeurs suprêmes à perpétuer. Nous conservons l’idée d’un ordre naturel lorsque nous estimons, par exemple, que la santé est absolument supérieure à la maladie, que la raison est incontestablement préférable à la folie, ou quand nous jugeons qu’il n’est pas « dans l’ordre » qu’un enfant meure avant ses parents. Nous identifions alors ces forces à des valeurs ou à des vertus qui désignent la pleine activité d’une puissance en conformité avec sa fonction : la santé est l’état de puissance des forces qui s’opposent à la maladie ; la raison, l’état de puissance des forces capables de vaincre l’obscurantisme ou l’aveuglement, et la vie est le bien qui s’identifie à la puissance d’être.
Au sens politique, un ordre est l’organisation qui unit les parties d’un tout, d’une même communauté s’il s’agit d’une totalité sociale. L’analogie avec l’organisme est parlante : de même que les différentes parties d’un être vivant sont tenues ensemble par la même unité de structure ou la même organisation, de même les membres d’un même peuple, c’est-à-dire les familles, les groupes, les métiers ou corporations qui le composent sont reliés par la même unité de collaboration. Le modèle organique s’associe à une conception « holiste » du groupe, qui donne la primauté au tout sur les parties1 : primauté de la famille, de l’ethnie, de la société entière sur les individus.
Pour un moderne, cette appréhension du pouvoir qu’il juge prémoderne appartient définitivement au passé. Ainsi, dans l’opposition entre les anciens et les modernes (selon Benjamin Constant), entre l’aristocratie et la démocratie (chez Tocqueville), entre le holisme et l’individualisme (d’après Louis Dumont), la modernité politique se donne pour mission de dépasser les régimes théocratiques, qui unissent la loi civile et la loi religieuse, qui identifient le règne de Dieu à celui de l’État, et de leur opposer le règne de la liberté dans des institutions faites par les hommes. Toutefois, cette perception diachronique, qui identifie la tradition à un passé dépassé, est aujourd’hui concurrencée par une perception synchronique, qui constate la cohabitation de conceptions hétérogènes du pouvoir : il redevient actuel de tenter de comprendre, de l’intérieur, le sentiment qui peut lier un individu à un pouvoir théocratique. Redécouvrir le présupposé qui met un individu en état de participer, par la médiation du pouvoir politique auquel il adhère, à l’organisation éternelle de l’univers, réclame d’un moderne qu’il fasse retour à une expérience oubliée ou refoulée pour retrouver, par une certaine forme d’empathie, le vécu d’un lien direct entre l’individu et l’absolu.
Pour refaire mentalement l’expérience d’une culture de l’ordre, trois repères significatifs sont à prendre en compte : la dimension cosmique de l’ordre transcende les jeux de pouvoir humains ; la hiérarchie organise l’unité politique selon des liens moraux ; la puissance n’agit pas par domination, mais par intégration.

1. La force du juste et la puissance du vrai

Lorsqu’il énonce : « Il n’est personne qui aime mieux gouverner qu’être gouverné ; personne ne cède volontairement le commandement à un autre »2, Spinoza parle comme un fondateur moderne de la pensée du pouvoir, dont l’effort est de reconstituer la genèse des raisons de la domination. Mais si l’on régresse en deçà du concept moderne de servitude, on peut redécouvrir que la disposition à « servir » peut se concevoir comme une participation et non comme une soumission au pouvoir. À la différence du calcul, qui accepte des raisons de le subir, l’adhésion ou la foi unissent dans le même acte d’obéissance tout à la fois la force et la raison d’exister du pouvoir. « Quelque soumis que fussent les hommes de l’Ancien Régime aux volontés du roi, explique Tocqueville, il y avait une sorte d’obéissance qui leur était inconnue : ils ne savaient pas ce que c’était de se plier sous un pouvoir illégitime et contesté, qu’on honore peu, que souvent on méprise, mais qu’on subit volontiers parce qu’il sert ou peut nuire. Cette forme dégradante de servitude leur fut toujours étrangère.3 »

Puissance

À la différence entre une soumission calculée à une contrainte et le sentiment de participer à l’unité du monde répond la distinction entre le concept de pouvoir et celui de puissance. Alors que le terme « pouvoir » désigne assez clairement la domination d’un groupe sur un autre (pouvoir sur), celui de « puissance » évoque la plénitude d’une réalité qui accomplit dans son être tout ce qu’elle peut être (pouvoir de). Elle est à comprendre comme un pouvoir-être qui ne tire son intelligibilité d’aucune comparaison, d’aucune relation ni relativisation, mais de soi-même en tant que réalité en état d’accomplir sa potentialité propre. Le langage ordinaire en garde la trace. La qualification de « grande puissance » peut s’appliquer à un État selon une évaluation comparative (si un tel État entrait en guerre, il ferait la preuve d’une supériorité matérielle militaire incontestable), mais aussi à une réalité qui unit tout ce qu’elle peut être à tout ce qu’elle est, parce que son devenir est un développement réussi de ses potentialités et que cette « puissance » s’impose comme un cas exemplaire d’une union politique réussie entre le souhaitable et le réalisable.
Historiquement, c’est avec l’Empire romain, qui unit la potestas et l’auctoritas, la force et la légitimité, que naît l’idée de grande puissance, dont, après sa chute, l’Église catholique a recueilli l’héritage. Cette puissance peut, bien sûr, être regardée comme un pouvoir et être qualifiée de pouvoir théologico-politique ; mais cette manière de juger reste à l’extérieur du phénomène si elle ne regarde la foi des croyants que comme un simple instrument du pouvoir dans le but de ramener, en définitive, toute politique au même dénominateur commun de la domination d’un groupe sur un autre. Ce faisant, on se borne à enraciner toute puissance dans l’appétit de pouvoir, à réduire le pouvoir à la simple maîtrise de la force et à préjuger que l’intelligibilité unique du pouvoir est instrumentale et sanctifie toujours, ultimement, l’utilité.
Une autre supposition est possible, qui incite à regarder la puissance comme une réalité qui se légitime elle-même de manière ontologique : ce qui compte alors n’est pas ce qu’elle fait mais ce qu’elle est. Si elle est identique à l’Un, au Tout, à la Justice ou à la Vérité, alors elle dépasse les jeux de pouvoir des hommes pour leur imposer la hauteur, la grandeur et la majesté de l’incontestable. Dans le registre de la théologie, la transcendance de la Puissance suprême est hors d’atteinte des appétits de pouvoir, elle est puissance divine au-delà des pouvoirs humains. Ainsi, dire que Dieu est « tout-puissant » donne une idée ontologique de la puissance divine : la nature divine de la puissance fait coïncider son être et sa raison d’être ; en revanche, affirmer platement que Dieu a « tous les pouvoirs » l’assimile à un tyran simplement humain. La puissance de Dieu se place au-delà de la volonté de pouvoir, au-delà des brigues, des luttes personnelles pour la domination d’un groupe sur un autre. Bossuet, théoricien de la monarchie absolue, donne ainsi une dimension spirituelle chrétienne à l’image platonicienne du Roi-philosophe, à la fois puissant et sage : leur puissance venant d’en haut, les Rois « ne doivent pas croire qu’ils en soient les maîtres pour en user à leur gré : mais ils doivent s’en servir avec crainte et retenue, comme d’une chose qui leur vient de Dieu et dont Dieu leur demandera des comptes »4. Dans le contexte culturel islamique, cette attribution de la puissance à un ordre du monde et à une organisation des rapports humains, qui dépasse toute mesure humaine, se présente également comme une manière de soustraire les individus à un pouvoir simplement humain, aux intérêts trop humains : « La reconnaissance de Dieu-unique est ce qui produit une liberté individuelle et sociale, puisque cette reconnaissance de Dieu-unique implique l’obéissance exclusive de l’homme à Dieu, c’est-à-dire le rejet de toute servitude à l’homme divinisé, qu’il soit colonisateur ou gouverneur autoritaire.5 » On ne saurait résumer plus clairement cette transcendance de la puissance divine sur le pouvoir humain, transcendance de l’éternel sur l’universel, de l’absolu sur le relatif : contre le pouvoir de l’Homme qui se prend pour un dieu, la puissance de Dieu se conforme à la sagesse véritable : « Parlant du souverain suprême, Al-Farâbî insiste d’emblée sur la fonction commune au souverain-philosophe et au souverain-prophète qui présentent tous deux le lien entre les êtres divins et les citoyens qui n’ont pas un accès direct à la connaissance de ces êtres.6 »
Une telle vision participe de l’envergure cosmique d’une puissance qui réintègre la vie des États dans l’organisation globale de l’Univers. On ne peut la comprendre, de l’intérieur, qu’en renouant avec la conception métaphysique de l’unité qui la sous-tend et dans laquelle l’unité s’identifie à la réalité. De même que l’unité d’un corps fait la réalité de ce corps, de même l’unité de la Cité constitue toute la réalité politique de la Cité ; il ne s’agit pas d’une unité qui résulte d’une recomposition, mais d’une unité qui précède toute division possible, une unité ontologiquement première7, plus réelle que toute partition, laquelle n’est que le produit de l’esprit humain, des intérêts humains qui divisent pour comprendre. L’envergure cosmique de la puissance d’unir dépasse le registre de la politique pour l’inclure dans l’unité plus vaste du monde, elle révèle une organisation du monde qui nous précède, nous dépasse et nous inclut.

Ordre

La puissance est gardienne de la perpétuation d’un ordre. La République de Platon dessine la figure emblématique de l’ordre en tant qu’unité politique hiérarchiquement constituée. Il est dans l’ordre naturel de la justice, selon Platon, que les activités de l’âme soient hiérarchiquement organisées tout comme les activités sociales se rangent naturellement dans un ordre de subordination : « Ne diras-tu pas que la calamité la plus grande à l’égard de sa propre cité est l’injustice ? – Bien sûr – […] Le contraire de cette injustice serait donc la justice qui consisterait pour chaque classe, celle des hommes d’affaires, celle du militaire, celle du gardien, à exercer ses propres activités.8 » Étant posée, dans ce contexte que l’on peut dire idéal ou utopique (La République étant la construction intellectuelle d’une cité parfaitement juste), comme la raison d’être du pouvoir, la justice doit être la force qui est l’âme de la Cité tout entière, à l’instar d’une force vitale qui tient ensemble les parties qui composent un organisme, selon une démarche prémoderne qui veut que le Juste soit fort par lui-même au lieu que la justice ne soit que l’acceptation consensuelle de la force. C’est dans la mesure où la totalité politique forme une unité absolue et parfaite que l’ordre s’y impose comme une puissance originaire, créatrice de l’être de la Cité ; l’être du tout n’est matérialisé que dans son unité, une unité que sa parenté avec son modèle éternel contribue à immobiliser9, la tradition jouant le rôle d’image mobile de cette éternité.
Karl Popper regarde – et condamne – en moderne cette identification de la justice à un ordre hiérarchique figé et recelant, à ses yeux, la dangerosité d’un modèle qui fait dériver le pouvoir politique d’un Bien absolu, ultime, incontestable. Il y voit une conception « holiste » du pouvoir au sens qu’il donne lui-même à ce mot pour qualifier un pouvoir mis au service d’une « Justice totalitaire » qui sacrifie l’individu à la totalité de la communauté. L’individu doit contribuer de toutes ses forces, physiques, intellectuelles et morales, et cela, jusqu’à l’anéantissement de soi, à la puissance de l’unité communautaire, à son indépendance et à son rayonnement dans le monde ; or, ce sacrifice de l’individualité personnelle est jugé archaïque, rétrograde et potentiellement totalitaire10.
Assurément, si l’on se mettait en tête de fabriquer, à l’époque moderne, un corps politique sur le modèle platonicien, on aurait affaire à un pouvoir total qui absorbe la société dans l’État. Mais la notion prémoderne d’ordre est pourvue d’une signification qui se veut, non pas instrumentale, mais métaphysique. L’ordre, au sens métaphysique, n’est pas un ordre moral au sens qui lui été donné par le XIXe sièc...

Table des matières

  1. Couverture
  2. 4e de couverture
  3. Titre
  4. Copyright
  5. Introduction
  6. I. Pouvoir et puissance. L’intégration dans un ordre
  7. II. Pouvoir et domination. Le commandement de la loi
  8. III. Pouvoir et processus. La mobilité des influences
  9. Conclusion
  10. Appendice
  11. Bibliographie
  12. Table des matières
  13. « Le bien commun »
  14. Titres parus dans la même collection