
- 128 pages
- French
- ePUB (adapté aux mobiles)
- Disponible sur iOS et Android
eBook - ePub
À propos de ce livre
Grand écrivain catholique du XXe siècle, Bernanos est célèbre pour ses romans. On connait moins son oeuvre de combat: on le prend pour un pamphlétaire d'extrême droite, alors qu'il a dénoncé sans relâche, les totalitarismes, l'hypocrisie bourgeoise des dévots bien-pensants au nom des valeurs évangéliques. Il fallait restituer l'itinéraire cohérent, chrétien inflexible mais ouvert, de ce styliste qui d'une plume véhémente et vivante s'engage dans les grands combats de l'histoire récente.
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Informations
Sujet
PhilosophieIII
L’identité française :
patriotisme contre nationalisme
1. Une certaine idée de la France
La France vue du Brésil
Comme souvent chez Bernanos, l’essai le Scandale de la vérité s’ancre d’abord dans une méditation personnelle sur l’honneur, née de sa confrontation désespérée avec ce qu’il juge être le déshonneur de la France. Bernanos s’interroge : « La vie vaut-elle plus que l’honneur ? L’honneur plus que la vie ? » et il commente sans vraiment choisir : « Qui ne s’est pas posé une fois la question, ne sait pas ce que c’est que l’honneur, ni la vie1. » Cette question hantera Bernanos presque sur son lit de mort puisqu’il écrit, début 1948, Dialogues des carmélites et meurt en juillet 1948. Or, le manuscrit de ces dialogues écrits pour un scénario et devenus, grâce à Albert Béguin, une pièce de théâtre, révèle à quel point ce « mystère de l’honneur » comme il le désigne dans l’essai de 1939, sans être totalement éclairci bien sûr, ouvre très progressivement la voie d’un dépassement mystique2. Mais en 1939, l’honneur de Bernanos lui-même semble se confondre avec celui de son pays incarné jadis par Jeanne d’Arc, sous l’égide de laquelle est placé le texte. L’écrivain est convaincu que les accords de Munich, le 30 septembre 1938, ont consommé le déshonneur de la France. Bernanos est parti au Brésil pour « cuver sa honte », dira-t-il. Il tient l’honneur pour une valeur insurpassable sans laquelle on ne saurait avoir de légitime estime de soi. Tel est bien ce que la France a sans doute perdu car, pour Bernanos, comme pour De Gaulle, celle-ci est une personne dont chaque Français est solidaire. L’interrogation qui l’anime est celle-ci : comment la France peut-elle recouvrer sa « vocation surnaturelle » ? Car, pour l’écrivain, celle-ci est définie par ce que Dieu attend d’elle. La réponse est contenue dans une formule paradoxale parce qu’elle peut sembler tautologique, alors qu’elle relève d’une vision mystique du lien social et de la patrie : il en appelle aux « survivants dégénérés de la chrétienté chevaleresque » pour que « cette seconde chevalerie commence par sauver l’honneur » et comme l’écrivain sait le poids des mots et les désordres suscités par leur dévoiement, il conclut : « Et puisque le mot lui-même a perdu son sens, qu’elle sauve l’honneur de l’Honneur. »
Nationalisme et patriotisme
C’est à partir de cette posture qu’il fait parcourir les étapes de son interprétation des événements du XXe siècle, des hommes qui l’ont dominé et qui sont à ses yeux ce qu’on nommerait aujourd’hui des leaders d’opinion : intellectuels, journalistes ou politiques comme Maurras, au premier chef, mais aussi Barrès et Jaurès. Sa réflexion se porte sur le nationalisme, la place du peuple dans la nation et l’identité française, mais aussi sur la nature des totalitarismes. Il s’en prend de nouveau à Maurras, qu’il accuse de cynisme et de machiavélisme, car il fait de la patrie un absolu, au-dessus de tout donc, et même de l’honneur. Mais, rétorque-t-il, « qui n’est pas sur le plan de l’honneur est au-dessous »3. En outre, Maurras méconnaît la tradition nationale française qui est, selon Bernanos, chrétienne et toujours hostile à toutes les formes de tyrannie alors que les maurassiens soutiennent les totalitarismes. Leur chef est donc un « homme de 1793 », tandis que Péguy incarne la noble tradition nationale en étant un « homme de 1789 ». Le royalisme de Bernanos s’ancre dans cette vision d’un roi, réconciliateur du peuple – ouvriers et paysans – et de la nation, unis dans la ferveur de 1789. Le texte s’envole alors dans la figuration d’une scène fantasmée satirique et dérisoire, dans laquelle les huissiers pressent avec condescendance les anciens combattants désarçonnés de rentrer sagement chez eux : « Attention, mes enfants ! prenez garde ! enlevez vos godillots ! notre chère France est bien fatiguée. Ne lui demandez rien. Vous avez soif d’idéal, nous vous fournirons d’idéal. Aux poilus de gauche, la mystique pacifiste. Aux poilus de droite, la mystique nationaliste4. » Le terme de mystique, on l’aura compris, revêt l’acception que lui donne Péguy comme l’idéal fondateur d’une politique. Bernanos rejoint celui-ci pour dénoncer Jaurès et Maurras comme deux intellectuels, fourvoyés dans la politique politicienne, auxquels il oppose aussi Drumont et Lyautey. Il met en avant la patrie contre le nationalisme qu’il avait déjà fustigé dans Les Grands Cimetières, en se défendant d’avoir été jamais « national ». Et il s’en prend alors, à la suite de Péguy, à ce monde moderne qui a désaffecté l’idée de patrie et démonétisé le travail. Il accuse les capitalistes et les bourgeois d’avoir organisé « cette désaffection générale du travail qui est la tare la plus profonde, la tare centrale du monde moderne »5.
Bernanos est ramené à sa réflexion sur l’identité française, à la lumière de l’histoire de France et de celle du christianisme, au moment où il réside loin de son cher pays et où il est d’une certaine manière un « déraciné ». L’essai intitulé Nous autres Français est constitué de plusieurs séquences et alterne entre une réflexion philosophique moderne, phénoménologique, serions-nous tenté d’écrire, un lyrisme élégiaque et celui d’un pamphlet tantôt humoristique et tantôt franchement satirique, où il prend à partie de nouveau Maurras et les nationalistes, le fascisme et ses chefs : Franco, Hitler, Mussolini. Le texte est d’une extraordinaire richesse et il sera difficile de faire droit à tout ce qui y est analysé et défendu.
Identité individuelle et identité nationale
Ce titre de Nous autres Français fait appel au sentiment d’une commune appartenance mais il exprime moins une sommation qu’une interrogation qu’il convie ses lecteurs à faire leur. Bernanos ne se pose pas en porte-parole d’une communauté mais en partenaire d’un dialogue qu’il poursuit avec lui-même dans sa solitude autant qu’avec son lointain et fraternel congénère. Il ne livre pas une vérité préalablement établie qu’il lui appartiendrait de formuler. Si l’on admet avec Paul Ricœur6 que l’identité se dit toujours par un récit ou plutôt par une série de récits progressivement rectifiés, Bernanos cherche ses repères et l’identité française à travers de minuscules fictions, soit des métaphores déployées en récits par lesquels sa pensée s’élabore pour lui-même autant que pour son lecteur. Celui-ci est invité à imaginer avec lui, à partager avec lui son expérience, alors que l’angoisse croît dans ce monde crépusculaire régi par des forces obscures. Celles-ci menacent de prendre le dessus et de livrer l’Europe, sinon l’humanité, à une inquiétante et malsaine revanche d’instincts quasi biologiques sur la raison, la volonté libre et la conscience. Visionnaire avant tout, Bernanos ressent, d’abord intuitivement, ces forces négatives qui travaillent la nation française, à l’instar de celles qui sont à l’œuvre dans la nation allemande, au moins depuis 1933, date de l’accession de Hitler au pouvoir.
Ce pays, il ne le définit plus comme une nature mais comme une terre chargée d’histoire et de culture, et plus encore comme un peuple, une nation porteuse de valeurs universelles dont témoignent quelques grandes figures historiques : Jeanne d’Arc, saint Louis. Selon lui, un peuple n’est pas une confuse totalité d’individus amalgamés, selon une tradition allemande que Louis Dumont qualifie d’« holiste »7, mais une communauté d’individualités fortes, forgée par la suite des générations, et non point fondée sur une composante ethnique ou raciale. Bernanos a lu Barrès avec ferveur dans sa jeunesse, comme du reste une grande partie de sa génération. Il lui garde un certain respect, même si désormais il voit en lui le maître du narcissisme et d’une analyse dissolvante pour l’esprit, le héraut d’un nationalisme religieux8 qui se substitue au christianisme. Il n’est donc pas surprenant qu’il revienne à Barrès au moment où il s’est volontairement exilé, loin de ses racines et de ses origines. C’est en vertu d’une fidélité à soi-même qu’il est parti.
Dans une courte nouvelle insérée dans Journal 1940, il se projette en effet sous les traits d’une vieille bonne qui se sent obligée de quitter le château de ses maîtres tombé aux mains d’héritiers débauchés et sans scrupule. La vieille domestique part, non sans emporter un paquet de chaussettes à repriser. Ce bref récit fonctionne comme un autoportrait9. Bernanos voit donc et entend faire voir dans son écriture une entreprise de ravaudage du monde, et plus particulièrement de l’identité française, au nom de laquelle il est constamment interpellé au Brésil. En écrivant, il parvient à préciser la raison pour laquelle il a quitté son pays. Ce serait un moyen de se libérer du sentiment d’un étau dans lequel la France est prise et de mesurer plus justement ce qui se joue alors à l’échelle de l’Europe. C’est au seuil du troisième essai qu’il est conduit à s’interroger sur son propre rapport à la terre brésilienne, tentant ainsi de régler son compte à la conception barrésienne du déracinement :
Je n’ai point perdu mon pays, je ne pourrais le perdre à demi, je le perdrais s’il ne m’était plus nécessaire. Certaine nostalgie des déracinés m’inspire plus de dégoût que de compassion. Ils pleurent les habitudes perdues, ils geignent sur des moignons d’habitudes encore vifs et sanguinolents. Rien ne fera jamais de moi un déraciné, je ne vivrais pas cinq minutes les racines en l’air. Je ne serai déraciné que de la vie10.
Par-delà cette fière proclamation, on peut déchiffrer une justification plus révélatrice lorsqu’il analyse la nature de son attachement à la terre de France. Il n’invoque pas alors une image organiciste qui donnerait à son enracinement une dimension biologique et darwinienne, comme le montre Dominique Schnapper11 dans son analyse de l’identité française. Il a recours à l’image végétale de l’arbre qui figurait aussi dans le texte de Barrès : « Tant que je vivrai, je tiendrai à l’enfance et lorsque la sève ne montera plus, toutes les feuilles tomberont d’un coup. »
La découverte sur laquelle se clôt ce fragment est bien celle d’une identité, d’une fusion si essentielle qu’elle n’a besoin d’être ni géographique ni matérielle. Elle ne confère aucune supériorité objective à sa terre sur celle des autres : « Il n’y a pas d’orgueil à être français. » La phrase ponctue le texte comme un leitmotiv. Le lieu natal constitue notre identité et cela seulement lui confère un privilège subjectif.
En revanche, où qu’on soit, la terre est notre support commun ; elle nous relie mystérieusement à la communauté humaine, même lorsqu’elle paraît exclure l’homme. C’est l’expérience que vit l’écrivain dans ce sertão brésilien, « terre âpre et nue, terriblement nue sous son linceul de sable ». Les romans font état d’une expérience fondamentale, d’un rapport originaire et structurant à la terre, en dehors de toute référence à un pays12. Elle dépasse celui de l’attachement à une « mère patrie », terre natale où sont enterrés les morts, dont nous héritons et qui nous ont constitués. La terre des pères n’est pas pour Bernanos un lieu de dissolution organique, mais celui d’une mystérieuse et invisible communauté. L’identité française ne s’inscrit donc ni dans un paysage, ni dans un terroir, ni dans le sentiment organiciste de l’appartenance à une terre commune, ni non plus dans une communauté ethnique, mais dans la référence partagée à une histoire porteuse de valeurs. La France n’est pas pour Bernanos une entité morte dont l’histoire nous dévoile la vie. De multiples images et métaphores la représentent comme une personne. Elle meurt et renaît dans toute sa singularité avec la naissance et la mort de chaque citoyen. Elle est une totalité constituée de la personnalité de chaque petit Français : vision vitaliste et stéréoscopique, sans dimension totalitaire : « Car mon pays est ...
Table des matières
- Couverture
- 4e de Couverture
- Titre
- Copyright
- Introduction
- I. L’homme de tradition et l’insurgé
- II. Les insurrections d’une conscience libre
- III. L’identité française : patriotisme contre nationalisme
- IV. L’angoisse face à l’histoire
- Conclusion
- Table des matières
- Titres parus dans la même collection